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Septembre
2012
EMBAUMER LE CORPS DES
DÉFUNTS, UNE PRATIQUE EN PLEIN ESSOR. LA
THANATOPRAXIE
Pascale KREMER
Le
Monde samedi 28 juillet 2012
Portée par le succès de la
série « Six Feet Under », la thanatopraxie se développe en France . La qualité
des prestations n’est pas garantie.
C’est le secteur porteur du monde funéraire : la thanatopraxie , ces soins de conservation qui
permettent de préserver temporairement les défunts de la décomposition
naturelle -une sorte d’embaumement à durée limitée-attire . Elle est même
« victime d’un succès médiatique »,à
en croire Florence Fresse, déléguée générale
de la Fédération française des pompes funèbres
( 450 entreprises ,petites et moyennes ).
La série « Six Feet Under », lancée en France en 2001, y est pour beaucoup , qui dépeint avec un humour grinçant le quotidien
de Fisherant Sons, entreprise funéraire où se pratique la thanatopraxie .
« Les
Experts » et autres séries mettant
à l’honneur la médecine légale en ont rajouté , de
même que l’émission « Vis ma vie » avec un thanatopracteur , diffusée
à une heure de grande écoute.
« A mon époque,
poursuit Mme Fresse, toutes les copines voulaient devenir
assistantes sociales à cause de la série « pause café ». Désormais,
les jeunes veulent être thanatopracteurs. Dans notre centre de formation , L’Enamef, nous
recevons dix coup de fil par jour: « Bonjour je voudrais être
thanatopracteur ». Quand ils arrivent à le prononcer c’est déjà
bien! ». Ils ont 20 ans , un bac +2 en
lettres ou un début raté d’études de médecine , et disent qu’ils ont toujours
rêvé de ce métier. « Avec une grosse méconnaissance de ce qu’il est
vraiment. Ils pensent esthétique ou médecine légale, pas qu’ils seront amenés à
boucher des orifices …Même des esthéticiennes postulent!
Apparue dans les années 1960 en France,
la thanatopraxie est née aux
Etats-Unis pendant la guerre de sécession pour permettre le transport des corps ,on y pratique les premiers embaumements chimiques. En
France , seules les stars ( Edith Piaf, Jean Cocteau
Claude François …) et autres grandes fortunes ont d’abord droit à ce traitement
de pharaon avant qu’il ne se démocratise , à la fin des années 1990.
S’éloigner le plus possible des réalités du
processus post mortem, des rigidités , du changement
de couleur de peau . Des odeurs , du masque mortuaire
, voilà qui « rend le défunt plus proche de ce qu’il était de son
vivant, analyse Nelly Chevalier-Rossignol, déléguée générale de la Confédération des professions du
funéraire et de la marbrerie ( CPFM) . Cela va avec notre distanciation vis-à-vis de
la mort physique. On ne veille plus son proche, on ne met plus de tentures aux
portes des maisons. On change l’image de la mort ».
Le sociologue Tanguy Châtel
abonde dans son sens « Nous ne sommes plus comme jusque dans les années
1990. Avec le développement des soins palliatifs .
Elle a retrouvé droit de cité. »
Un
salon de la mort au Carrousel du Louvre peut attirer 14 000 personnes en un
week-end . L’expansion considérable des contrats
prouve qu’il est possible d’évoquer le sujet. « Mais si l’on
n’escamoté plus le cadavre , on ne le montre pas pour
autant dans sa crudité, dans son état naturel. On ne peut regarder en face qu’ une mort « civilisée » .
Selon l’Institut national de recherche et de sécurité ( INRS ), on compterait en France environ 1 000 thanatopracteurs ( Des
indépendants en sous-traitance ou des salariés de groupes de pompes funèbres)
effectuant environ 2 00 000 soins de conservation l’an . Des prestations en
augmentation de 7% à 10% chaque
année. L’ennui c’est que les nouvelles
vocations ont poussé plus vite que la demande.
Avant le numérus clausus
fixant, il y a trois ans, à une cinquantaine le nombre des nouveaux entrants
dans le métier , ils étaient 200 à se former chaque
année .
Secteur saturé . Donc guerre des tarifs . Donc la qualité des
prestations en chute libre. Claire Sarazin tente de relancer l’association des
thanatopracteurs de France pour briser
ce cercle vicieux , « informer, tirer vers le
haut la profession , mettre en place un label de qualité… ».
« Certains professionnels appellent
leurs collègues des
thanatos 5 minutes », Michel Kawnik, Association
Française d’Information Funéraire
La concurrence est telle , selon elle, que certains professionnels vendent leur
prestation 130 euros sans toutefois qu’en bénéficient les familles : les
entreprises de pompes funèbres continuent de les facturer entre 200 et 500
euros , réalisant une marge phénoménale sur ces soins sous-traités. Le scandale
récemment dénoncé par deux employés de pompes funèbres qui extrayaient des
pacemakers sans être habilités à le
faire lui semble « symptomatique d’une certaine façon de
travailler »: « Pour baisser les coûts , le
protocole n’est pas respecté . Les soins sont expéditifs. Les familles ne
savent pas dans le détail ce que sont « soins d’hygiène et présentation ,
ce qu’elles sont en doit d’attendre … »
A l’Association française
d’information funéraire ( AFIF), son président, Michel
Kawnik a remarqué les mêmes inquiétudes et dérives
.
« Certains
professionnels appellent leurs collègues des « thanatos 5
minutes ». Bien réalisé , explique-t-il ,
le processus dure au moins une heure trente . Lavage
, désinfection totale du corps ,aspiration des liquides corporels ,injection de produit
formolé ,couture des incisions, habillage , maquillage , coiffure …
« Or, en fait, du personnel d’ailleurs pas forcément qualifié, un peu
n’importe quoi ,pour faire croire. Cela dure dix minutes ,
on met du silicone dans le visage , on maquille , on sort de la pièce avec de
gros bidons et une mallette , les liquides aspirés ne sont pas traités. »
D’autant que depuis deux ans, il n’y a plus d’obligation de présence policière
au moment de l’injection de formol. « Donc plus aucun garde fou ».Rarement
demandés par les familles ,ces soins de présentation
sont souvent suggérés avec insistance par les sociétés de pompes funèbres . Par
« respect du défunt ». ou pour
alourdir la facture ? Selon l’AFIF, ils sont la plupart du temps inutiles. 80%
des décès ont lieu dans des centres de soins qui disposent de cases
réfrigérées. « Il n’y a donc pas besoin d’un recours à
la thanatopraxie comme technique de conservation des corps jusqu’à la mise en
bière. Et si le décès intervient au domicile, on peut toujours poser sur le
corps des pains
de glace carbonique. »
Produit extrêmement dangereux et polluant ,le
formol, dont huit à dix litres sont
injectés dans le cadavre ,passe à terme dans les nappes phréatiques s’il est
enterré ,se transforme en dioxine s’il est incinéré , menace de cancers
professionnels les thanatopracteurs qui travaillent dans les sous-sols peu
aérés des chambres mortuaires . Selon
l’INRS, « les thanatopracteurs semblent sous-estimer la gravité
des dangers auxquels ils sont exposés ». France et Grande- Bretagne exceptés , la thanatopraxie est partout interdite en
Europe ou restreinte à des cas
exceptionnels de transport de corps . Selon l’INRS, elle n’y concerne que 3%
des défunts.
Pascal
Krémer
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MARISOL
TOURAINE REFUSE DE LEVER L’INTERDIT POUR LES PORTEURS DU VIH
Gaëlle
DUPONT
La ministre de la santé Marisol Touraine a éconduit ,
mercredi 25 juillet , les associations Aides , Act up
et Elus locaux contre le sida ,qui réclament la levée de l’interdiction des
soins funéraires pour les corps des personnes porteuses du VIH. Ces
associations ont interpellé la ministre lors du congrès mondial sur le sida , qui se déroule à Washington du 22 au 27 juillet , en
lui proposant de signer une lettre levant cette interdiction . Mme Touraine s’ y est refusée , se retranchant derrière le caractère
interministériel du dossier ( les ministères du travail et de l’intérieur sont
également concernés) . Son prédécesseur , Xavier
Bertrand , avait promis de donner satisfaction aux associations en janvier
2012. Selon la réglementation , les cadavres des
personnes contaminées par leVIH ne peuvent pas
bénéficier des techniques de thanatopraxie en raison des risques de
contamination. Vu les actes effectués ( incisions ,
sutures, nettoyage des instruments , etc.), les thanatopracteurs peuvent se
piquer , se couper , subir des projections de sang et d’autres fluides . Or le
VIH survit en moyenne 16,5 jours dans un corps conservé à 2°C. D’autres
maladies donnent lieu au même type d’intervention (
tuberculose, hépatite ). « La prise de risque infectieux,
acceptable lors de soins à un malade dans des conditions bien définies , devient dans une perspective bénéfice/risque
moins acceptable quand il s’agit d’une personne décédée »,écrivait le
Haut Conseil de la santé publique dans un avis du 27 novembre 2009.
« Ultime
stigmatisation »
« Cette interdiction
est insupportable pour les familles ,répond Renaud Persiaux ,
chargé des questions thérapeutiques à Aides. C’est l’ultime stigmatisation . »Il est arrivé que des
professionnels refusent de simples soins
de présentations des corps , ou que le corps soit
présenté à la famille dans un cercueil plombé , ce qui n’est pas requis par la
réglementation . Selon les associations , cette
interdiction est « d’un autre âge ».
« Depuis qu’elle a
été prise ( en 1995), des multi thérapies extrêmement
efficaces sont apparues , elles ont fait considérablement baisser la charge
virale des séropositifs. poursuit M.Persiaux .
Les risques de transmission sont infimes. » De plus, cette
exclusion ferait régner une illusion de sécurité chez les thanatopracteurs
. Or beaucoup de personnes ne
connaissent pas leur statut sérologique ou hépatique .
C’est le raisonnement effectué aux Etats-Unis , où les
familles des porteurs du VIH peuvent faire appel à la thanatopraxie , quasi
systématiquement pratiquée . « Des procédures dérogatoires au droit
commun (…) ne semblent pas justifiées des lors que les précautions universelles
qui s’imposent lors de la manipulation
des corps sont respectées. » écrivait le Conseil national du
sida dans un avis du 12 mars 2009.
Les professionnels ne sont
pas hostiles à une évolution . « Nous nous
occupons de tout le monde , à condition que la santé
des salariés soit protégée ,affirme Nelly Chevallier-Rossignol, déléguée
générale de la confédération des professions du funéraire et de la marbrerie ….
Les thanatopracteurs sont soumis à une impressionnante liste de risques
biologiques et chimiques. Le port de
blouses et de gants s’est répandu, mais pas celui de masques jetables ou de
lunettes de protection.
Gaëlle Dupont