Biennale Internationale HANDI-INSERTION "Les Entretiens Européens de l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées" Les 17 et 18 novembre 1993 Lyon, Espace Tête d'Or |
Organisation |
MECENENTREPRISE Association
d'Intérêt Général 60,
avenue Jean Mermoz 69384 LYON CEDEX 08 Tél. 78 77 07 06 Fax. 78 77 07 00 |
TEMOIGNAGES
D'ANCIENS POLIOS A PROPOS DE LEUR VIE PROFESSIONNELLE„ AVEC
ESSAIS DE, PROJECTION SUR L'AVENIR DE
L' INSER'l'ION
Henri
CHARCOSSET. Denise BIEHLER. Cathcrine COUSERGUE. Bernard GAUDON.
Raymond MOREL.. Gérard RICHIER. Paul SICHE 1-2
RESUME
Les
co-auteurs sont assez représentatifs de la fraction fortement handicapée des
polios, à fort taux d'insertion professionnelle. On constate: une énorme motivation pour la profession. une très bonne intégration en
milieu professionnel de travail... et une difficulté à
suivre le rythme
jusqu'à l'âge de la retraite de la population standard. Les moyens d'améliorer la situation
tournent autour des pôles :... meilleure communication avec les
professionnels de l'insertion (Médecins, Psychologues,
Travailleurs sociaux...) travail à temps partiel ... abaissement de l'âge de droit à la retraite... Une
attention particulière parait être à porter aux situations de travail en mode
libéral, à priori pourtant très séduisant pour des handicapés (voir témoignages de C.C. et P.S.).
L'extrapolabilité de nos considérations à des
populations de handicapés autres que polios est certaine, lorsque
l'âge dépasse la quarantaine. En effet, des études scientifiques
récentes montrent la plus grande vitesse de vieillissement des travailleurs
handicapés par rapport à la population standard, surtout à partir de la cinquantaine.
Par contre, l'extrapolabilité de nos
expériences à des populations jeunes de handicapés est
plus difficile, des travaux récents tendant à indiquer par exemple une
aspiration à non-travailler plutôt qu'à
travailler, chez les paraplégiques par accident.
Au total
et sans ambiguïté, nous pensons nécessaire d'adopter parmi les méthodologies de base
en Recherche Insertion, la proposition aux intéressés de participer à des
Colloques. et à des publications co-signées. Toute personne handicapée chronique étant à
voir à tout le moins comme technicien, et le plus souvent comme
chercheur, en vécu de la forme de handicap dont elle est atteinte.
1 Il existe une correspondance
directe de nos prénoms et noms. avec leurs initiales adoptées
pour le texte. La plupart d'entre nous, sommes adhérents à l'APF ou/et GIHP.
2 Etude conduite en relation avec :"Club
des Loisirs et d'Entraide" de l'Hôpital Raymond Poincaré,
92380 GARCHES
Introduction
La population des anciens polios
(ou post-polios ou polios pour
simplifier), de l'ordre de 50 000 personnes en France,
se caractérise par un très fort taux d'intégration professionnelle. L'âge le plus fréquent doit être de l'ordre de 45 ans,
à 15 ans donc de l’age habituel de
la retraite.
Cet article est la résultante des
témoignages de sept polios classés selon l'ordre alphabétique.
Schéma auquel il a été suggéré d'adhérer
1 Votre
nom et prénom, année de naissance
2 Année de votre polio. Type d'atteinte, handicap après votre
récupération maximale: qui a été atteinte après combien de
temps ? en
Centre de Rééducation ? lequel
Centre ? avec
scolarité associée ?
Avez-vous observé par la suite des dégradations
significatives de vos possibilités fonctionnelles ? Ressentez-vous
(ou non) un mieux-être depuis votre cessation d'activité ?
3 Carrière
professionnelle : en quel(s) milieu(x), débutée à quel âge, avec quel âge prévu de
départ à la retraite, et à quel âge vous avez mis un terme à
votre activité ?
Analyse par vous-même, à posteriori, de votre vécu
professionnel... pensez-vous, par exemple, que ce vécu aurait été facilité
par davantage de suivi médical spécialisé ?... suivi à caractère physique, ou bien physique et
psychologique associé ?
Pensez-vous par ailleurs que votre état physique
post-polio relevait, ou non, de conditions de travail
particulières (facilités pour un travail à temps partiel : abaissement
de l'âge de droit à la retraite à temps plein) ?.
4
Toutes autres remarques de votre part se
rapportant au vécu professionnel de l'actuelle population post-polio
ou/et à partir de votre expérience propre, à l'insertion des actuelles jeunes
personnes paralysées (handicaps neurologiques).
D. B.
Née en 1922. J'ai donc 71
ans. J'ai contracté la poliomyélite à l’age de 21
ans, alors que je faisais mes études
d'assistante sociale à Lyon : forme
tétraplégique totale, avec atteinte bulbaire sévère.
Après trois ans de Rééducation
intensive, qui a mobilisé toute mon énergie j'ai retrouvé une
relative autonomie, tant pour la marche avec appareillage et cannes, que pour
les gestes essentiels de la vie .
J'ai donc décidé de reprendre
mes études d'Assistante Sociale. Ce fut une autre bataille : la Direction
de l'École n'y étant pas du tout favorable...et faisant tout pour me
décourager. Pendant ces deux années de lutte pour suivre le rythme de
ma promotion, mon tissu adipeux a fondu mais mes muscles
surentraînés par l'effort permanent ont continué à récupérer.
Malgré des séquelles
encore sévères. j'ai pu néanmoins, m'insérer professionnellement… il a fallu à nouveau beaucoup batailler pour
décrocher un poste... n'importe quel
poste. Au début, il faut faire ses preuves.
J'ai travaillé une petite
décennie dans une Administration, sans beaucoup d'enthousiasme, mon
travail social y était limité et sans avenir. Mais je m'assumais physiquement,
matériellement. Compte-tenu de mon handicap c'était bien ! Cela aurait pu me suffire...
Mais j'ai préféré m'embarquer
dans une autre voie...souhaitant depuis longtemps m'occuper
d'enfants polios, j'ai préparé mon diplôme d'État de Kinésithérapeute. Nouveau défi,
difficultés pour me faire accepter, car pour la plupart des Professeurs de
l'École, je dévalorisais la Profession ; mais
aide précieuse, moralement, de personnes influentes connaissant
parfaitement mon passé, mes motivations, et ne doutant pas de mes possibilités.
Diplôme en poche, j'ai pu, en partie, réaliser mon Rêve : rééduquer
des enfants handicapés, les remettre sur pieds dans la mesure du possible, leur
donner confiance en eux-mêmes par mon seul exemple, bien concret, et les
"mettre sur les rails" de la vie. J'ai fait ce que j'ai pu avec amour
et sans réserves.
La cinquantaine sonnée, j'ai
commencé à flancher physiquement : fatigue de plus en plus
intense, et difficultés de plus en plus grandes pour récupérer. Mais. au début, sans dégradation significative de mon
potentiel fonctionnel, ni effritement de ma précieuse autonomie.
A la même époque, les enfants
polios disparaissant peu â peu des services grâce à la vaccination, et étant
remplacés progressivement par des enfants que je ne pouvais plus assumer physiquement
(IMC sévères ou pire comas vigiles et profonds), j'ai décidé de reprendre mon premier
métier d'Assistante Sociale, puisque je pouvais l'assumer en milieu hospitalier
et m'occuper de jeunes polios à un autre stade de leur existence : l'orientation.
Ce furent de nouvelles années bien remplies, efficaces, moins
fatigantes physiquement, certes. mais le
redevenant progressivement au fil des ans... Vers l'âge de 57/58
ans, j'ai pu constater, parallèlement à une intense fatigabilité une diminution
de mes possibilités fonctionnelles, focalisée dans certains muscles, qui,
jusque-là n'avaient pas flanché. Et, simultanément, des épisodes arthrosiques
douloureux et invalidants sont venus majorer mon handicap. Bravement, j’ai
continué ma Route, comme si de rien n'était, ne m'en ouvrant à quiconque... et
commençant à espérer la Retraite. Quelle ironie !
A 6 mois de
ma mise à la retraite ( prévue légalement à l'âge de
60 ans), le Destin à décidé pour moi : une méchante fracture m'a clouée au lit
pour de longs mois
et
j'ai connu une "fin de carrière éblouissante" 6 mois à me battre
contre ma carcasse dans le but de récupérer mon autonomie. Illusions...
En 1993. faisant le bilan de ma
vie (à 71 ans, c'est honnête), je ne regrette rien.
Sans doute ai-je exercé des métiers qui exigeaient plus que je ne pouvais
donner, tout au moins dans la durée ? Mais, à ma
décharge. je pensais, comme tous les polios que mes paralysies étaient stabilisées, et que seule une
carence d'activité physique pouvait m'être préjudiciable ! J'ai donc foncé, et le Monde dit Travail m'a
absorbée sans problèmes. J'ai aimé mon
travail, mes responsabilités, la richesse de mes échanges avec les enfants qui
étaient un peu les miens ...J'en faisais trop, certes... En fait, je rencontrais plus d'encouragements et
de sympathie que de mises en garde,
si ce n'est de la part de ceux qui, peu motivés pour leur compte personnel, m'accusaient plus ou moins
ouvertement de "faire du zèle". Ils ne m'ont jamais influencée.
Dorénavant, compte-tenu des connaissances actuellement basées sur tant
d'expériences vécues, je pense que la carrière
professionnelle des handicapés doit être surveillée médicalement, et organisée °au cas par cas" selon l'importance du handicap et en fonction des efforts exigés par la profession. Il est bien évident qu'il n'est pas
question de mettre obligatoirement tout handicapé à
la retraite à 55 ans, voire à 50 ans : mais de pouvoir la solliciter légalement au moment opportun, serait un progrès considérable. D'autre
part, pour beaucoup d'entre nous, le travail à temps
partiel permettrait d'aller le plus loin possible, au mieux jusqu'à 60 ans. sans épuiser la précieuse machine. Et
lorsque je dis "épuiser" je pèse le terme !
Quoi qu'il en soit, je pense à ce jour et plus que jamais, que tout être
humain a droit au travail, et le handicapé (qui a déjà tellement tendance à se
sentir dévalorisé, marginalisé) plus que tout
autre. Belles paroles que voilà,. alors
que la conjoncture actuelle jette à pleines brassées notre belle
jeunesse dans le désœuvrement, la "débrouille", et l'angoisse du
lendemain sans Avenir !
C. C.
Il m'est plus facile de
répondre à la machine, j'écris ainsi bien plus vie qu’à la main.
J’ai eu la polio en février 1957 ,
j’avais 4 ans. Niveau d'atteinte : bulbaire. forme tétraplégique avec atteinte respiratoire grave
(poumon d'acier). La récupération maximale a été atteinte en 2 ans
à Garches avec scolarisation la deuxième année en CP. Ensuite,
j'ai fait des aller-retours
entre ma famille et l'hôpital de Garches.
Il n'est pas juste de parler
pour moi de
dégradations fonctionnelles mais de l'apparition d'une fatigabilité nouvelle jusque Ià
inconnue, survenue assez brusquement à 33 ans (29 ans de polio).
Jusqu'à l'âge de 29 ans, j'ai conduit mes
études et mon activité hospitalière à un rythme soutenu. A partir de 27
ans, parallèlement à ma spécialisation, j'ai recherché un travail dans l'industrie
pharmaceutique. J'ai découvert alors le frein que constituait mon handicap pour que mes
éventuels employeurs envisagent de m'embaucher. Après
des contacts et des
conseils de professionnels de ce secteur, j’ai donc décidé de
m'installer en indépendant dans ce secteur en étant basée à Toulouse,
puisque ce type de service n'existait pas dans le Sud.
A 29 ans, j'ai donc débuté mon activité en
profession libérale (travailleur indépendant) : 50% de
mon activité se faisait avec des laboratoires basés à Paris, et 50% avec
des labos situés dans le Sud de la France (Bordeaux, Midi-Pyrénées,
Montpellier, Nice et Monaco). Pendant 4 ans, j'ai donc dû faire de très
nombreux déplacements (2 à 3 semaines par mois) hors de Toulouse.
L'apparition de cette fatigabilité à 33 ans m'a cloue conduite à modifier ma
pratique, moins de déplacements, et développement progressif
de mon activité vers la presse et l'édition médicale.
J'ai dès lors pris soin de me ménager des plages de
repos (presque des vacances), mais sans cessation totale
d'activités (2 heures de travail par jour en moyenne) à raison d'au moins une à deux
semaines par trimestre. J'ai l'avantage de travailler beaucoup
sur dossiers, et donc de pouvoir emporter mon travail où je veux.
Depuis que j'ai ralenti mon rythme d'activité
professionnelle de façon plus nette, vers 35 ans, pour des raisons
personnelles (cette fois) et non de santé, je me sens équilibrée sur le plan de la polio.
Cependant je dois préciser que des douleurs sont
apparues depuis cet âge-là en rapport vraisemblable avec de l'arthrose
cervicale. Jusqu'à présent, je refuse qu'elles retentissent sur mon
travail.
J'ai bien conscience que les polios ont besoin de pouvoir
arrêter plus tôt que les autres leur activité
professionnelle. Il nie semble que 50 ans pourrait être correct sous réserve de
pouvoir bénéficier alors de retraite à taux plein. Je soutiens entièrement
l'action de Lucette FEUVRIER et du Comité des travailleurs Handicapés
de Garches qui œuvrent dans ce sens.
Actuellement. les
systèmes d'allocations et pensions n'incitent pas les
jeunes handicapés à travailler. Il devrait
au moins leur être garanties une retraite à taux plein ( même en cas de retraite anticipée ), et des possibilités de compensation financière en cas
de nécessité de passer à une activité
à temps partiel.
H.C.
Né en 1936,. polio généralisée en 1953. Rééducation et études au
Centre de Garches. Après 2 ans : marche avec une canne,
affaiblissement résiduel général (en force ou/et en résistance)
sauf respiratoire.
Dégradations ultérieures progressives longtemps compensées
par davantage d'efforts. Accident de la circulation en 1985, fracture de la
colonne vertébrale avec tassement, d'où aggravation de handicap (hyperfatigabilité aux dos, épaules, bras).
Etudes supérieures à Lyon ( 1955-1960) puis entrée comme
chercheur au CNRS en 1960 (à DR1
Chimie). Arrêt forcé d'activité en 1989, après mise à profit d'aides techniques
en 1987-1989. pour passer en congé de maladie
de longue durée.
Les évolutions post-polio étaient non prévisibles
dès 1955-1960. Appréciant les études initiées aux USA, Canada vers
1980. j'ai contribué à les faire pénétrer en France à
partir de 1989 (activité associative depuis mon domicile. avec
périodes de repos fréquentes, en position allongée).
B.G .
Né en 19-45, polio en 1956, paralysie complète entre
le cou et la ceinture. Rééducation en Centre médico-solaire
AIT (St Fargeau) pendant 18 mois. Récupération de
l'usage de la main et du poignet gauches ainsi que de la fonction
respiratoire. Diminution constante de la capacité respiratoire malgré la
stabilisation de la scoliose par une greffe, 0,85 litre actuellement.
Mieux-être ressenti depuis ma cessation d'activité
grâce à une ventilation assistée par trachéotomie. Informaticien en
milieu ordinaire de 26 à 37 ans puis mise en invalidité.
Mon vécu professionnel n'aurait pas été facilité
par davantage de suivi médical spécialisé. Mon employeur m'a toujours facilité les
choses au niveau des horaires, des récupérations, voire même m'a
permis de travailler à domicile si nécessaire.
Pour s'insérer il faut avoir la volonté de
travailler et avoir un métier.
R. M.
Né en 1936 dans un petit canton de 5000 habitants :atteint
par l'épidémie de polio de l'automne
1938: membres inférieurs et bassin touchés. Récupération partielle
dans les hôpitaux de Lyon : marche possible avec 1-2 cannes, station debout
possible si brève. A 8 ans arthrodèse du
pied. A 19 ans : rectification chirurgicale en vue d'appareillage, ce
qui augmente mon autonomie de marche (qui n'a jamais cependant dépassé 300
mètres) et de temps de station debout.
Les conseils médicaux visant à éviter les déformations (avec les moyens
de l'époque) et à avoir une activité physique et sportive maximales,
soigneusement appliqués, m'ont permis de :
- suivre en externat le cycle secondaire,
envisager l'internat d'une préparation aux Grandes Ecoles puis la vie à l'Ecole
Centrale de Paris. Brièvement. trois points fondamentaux sans lesquels
cette formation aurait été impossible ( période la plus intense surtout physiquement ) :
- le "dopage" familial basé sur le thème insufflé par
le corps médical à mes parents d'origine modeste, dès l'enfance : "sa tête
lui permettra de gagner sa vie".
- le "dopage" des enseignants : du primaire et du
secondaire (c'est le prof de maths du lycée de Roanne qui m'a propulsé en
"taupe").
- l'appui des "copains", réel, physique, permanent ( port du cartable. etc....) sans
eux, pas d'études "autonomes" possibles. A la réflexion, la présence de ces copains
tenait pour partie à ma 'non-agressivité" vis-à-vis du monde des
bien-portants, attitude dont je ne saurais définir l'origine : naturelle ? et d'éthique familiale ? - une grand-mère très affectueuse,
une famille : parents et deux frères plus âgés, unie pour me faire participer
le plus possible à des activités "normales". Par opposition j'ai
quelquefois constaté, chez d'autres handicapés, une amertume mêlée
d'agressivité vis-à-vis de l'attitude dite "injuste, indifférente" du
milieu bien-portant qui faisait peut-être barrière à l'existence de copains de
ce milieu "extérieur".
Puis,
carrière d'ingénieur a l’EDF, exercée à Lyon pendant trente ans (sans
absentéisme du tout). Responsabilité de 20 personnes. Nombreux déplacements :
voiture, trains, avions; souhaités durant longtemps, puis très pénibles dans
les cinq dernières années. Satisfaction très grande d'avoir participé à
l'évolution du milieu économique.
Dégradation progressive à partir de 40-45 ans, puis à 50 ans,
apparition d'arthrose douloureuse dans les bras, entravant l’usage des cannes,
plus fatigabilité.
Depuis l’arrêt d'activité (mise en longue maladie en 1990), mieux certain
résultant du
choix possible de l'instant ou faire des efforts est réalisable sans douleur
(N.B. : une affection
d'un autre ordre étant intervenue depuis (cancer à la
thyroïde) vient perturber l'observation du phénomène post-polio.
Suivi médical physique : sans doute insuffisant,
car je jugeais mes possibilités assez stables, ce qui devait être inexact. Un
entretien eût-il ralenti la dégradation ?
De toute manière, l'activité professionnelle en état-major
d'entreprise. n'est guère compatible avec des soins
pluri-hebdomadaires. Des conditions de travail adaptées ont été mises à ma
disposition dans un climat agréable et pratique: voiture, bureau près de
l'ascenseur, mobilier bas, souplesse d'horaires. Mais tout cela dans le cadre
juridique de l'entreprise, et j'ai vainement tenté d'obtenir le droit il la
retraite 5 ans plus tôt, auquel ont droit des catégories exerçant des activités
pénibles. Cette possibilité devrait être offerte aussi aux handicapés dont les
efforts pour "suivre" sont épuisants physiquement et psychiquement.
Remarques en final
- le travail à temps partiel, est certainement souhaitable pour
nombre de cas; mais délicat à mettre en œuvre dans l'état actuel de
l'organisation des Entreprises, et le contexte chômage. A manier avec prudence
car cet état peut facilement se transformer en piste "voie de
garage".
- l'insertion professionnelle d'un handicapé : si l'on peut oser
formuler des idées générales devant la diversité de situations à double
variable physique et psychologique, dépend à mon avis en premier lieu de son
désir d'adaptation au milieu où il exerce. Il doit évaluer, avec les conseils
des collègues et cadres l'entourant, le (ou les) secteur dans lequel son
handicap sera le moins minorant, dans lequel son travail ne sera pas trop
particularisé.
Il faut une certaine confiance en soi que la pratique de sport peut renforcer. Il
est clair aussi que la vie quotidienne en dehors d'un foyer protégé, donc en
appartement, concourt à donner cette confiance, même si l'on n'a pas pu
l'élargir par une vie conjugale.
Enfin, rappel d'une observation déjà évoquée : la
non-agressivité du handicapé vis-à-vis du milieu "normal" facilite
énormément l'insertion en ce milieu.
G.R.
Né en 1946, polio en 1959, membres inférieurs, tronc + atteinte
respiratoire (trachéo 3 semaines). Marche avec des
cannes anglaises, récupération maximale atteinte en 1964 ou 1965 (arthrodèse
vertébrale en 1962) . Rééducation à l'hôpital Poincaré
à Garches de 1959 à 1966 avec suivi scolaire de la 5ème jusqu'en lère au Lycée.
Polio à l'âge de 13 ans, les premières dégradations significatives ont
été constatées vers l'âge de 45 ans en 1991.
Des petits problèmes de fatigabilité sont tout de même apparus progressivement
durant la période de 1972 à aujourd'hui (en 1971 j'ai changé d'emploi pour
travailler dans l'industrie : comptable à temps plein (4 x 12 km de trajet par
jour au début, ramenés à 2 x 12 km).
Je n'ai pas cessé mon activité mais j'effectue un temps partiel
(actuellement 100 heures mensuelles en moyenne) à compter du ler avril 1993.
Février 1968 (22 ans) : comptable secteur
sanitaire et social à Paris (temps plein)
Février 1971 : comptable Industrie pétrolière
à Fos sur Mer (13)(à temps plein )
Septembre 1982 : comptable secteur sanitaire
et social a Aurillac (à temps plein) puis à
mi-temps
jusqu'à ce jour (depuis le l..04.1993).
Je ne prévois pas d'âge pour le départ à la
retraite mais souhaite qu'elle soit le plus tôt possible : 55 ans sera
sûrement ma limite.
En sortant de Garches j'ai été lâché dans la vie active et les embûches
que cela représente avec une volonté
exacerbée pour trouver et garder un emploi. Or- il aurait
(peut-être) été préférable de trouver tout de suite un travail à mi-temps et
d'être suivi de plus près en rééducation. Mais psychologiquement la volonté de
dépasser son handicap est plus forte.
Quand on recherche un emploi et quand on l'obtient on évite de poser
des conditions particulières à son employeur. Pour ma part j'ai toujours voulu
me prouver et prouver aussi à mes employeurs que j'étais capable d'assumer mon
travail normalement. Le travail, quel qu'il soit est toujours valorisant : on
peut réduire le temps de travail et/ou éventuellement l'adapter niais il faut
laisser à chaque individu handicapé sa force psychologique pour dépasser à sa
façon son handicap.
P.S.
Né en 1933 :
60 ans. Polio en 1951 : 18 ans , polio
quadraplégique, marche difficile avec deux cannes après 3 ans de rééducation
dont 1 an à Saint Fargeau (Seine et Marne). Reprise
d'études non possible à l'époque. Structure d'accueil primaire (axé seulement
sur bac classique).
Des dégradations bien sûr : orthopédies défaillantes (jambe cassée). Aujourd'hui
fauteuil roulant. Escaliers interdits, ascenseurs déplorables, etc....
Je n'ai pas cessé mon activité (reconnu à 100 % ) sans pension (profession libérale) . Mes années de maladie ne sont
pas prises en compte pour le calcul de ma retraite donc 100 trimestres au lieu
de 150 (égale à 60 ans : 25 % de la retraite : 900 F/mois).
D'abord publicitaire autodidacte : je sais tout faire, puis artiste
peintre (7 murs peints en France. etc... )
Droit à la
retraite :65 ans : je prendrai “l'aumône" à 65
ans .. mais ne m'arrêterai de peindre que quand je ne "pourrai plus".
Je suis heureux de travailler et fier de n'avoir pas été assisté. Par
contre ce qui m'aurait aidé est matériel : fauteuil léger, dispositif' pour mettre fauteuil sur le toit de sa voiture, accessibilité
de toute sorte. Tout cela trop cher. Psychologiquement démarrer seul dans une
profession : c'est la galère pour s'étalonner (tarifs).
Il aurait fallu :
- prise en compte de mes années de maladie :
(étant malade à 18 ans je n'avais pas eu le temps d'avoir de patron et ensuite
impossible "d'aller au bureau”)
- j'aurais dû avoir une allocation de compensation en regard de mes
difficultés à me déplacer.
En ce temps de chômage, le jeune handicapé se trouve devant un choix
cornélien : être pensionné = assurance de revenus, ou travailler : mais quelle
sécurité dans une économie décadente... de moins en moins fraternelle ! Je crois
que le temps de chômage doit être accompagné d'études et de
remise à niveau . Notre Société,
l’Etat doivent créer des
emplois pour tous. L'emploi crée
l'impôt ; "les petits boulots" , l'état de mendicité. Depuis 2 ans mes revenus
ont chuté. J'ai toutes les peines du monde à "faire des mois". La
COTOREP m’a tout reconnu . Invalidité à 100 % , Tierce personne, Allocation Adulte Handicapé, mais en concret je n'ai
rien eu car avec mon épouse nous dépassons- tous les plafonds. Donc
aucune "récompense" parce
que j'ai voulu travailler ( donc économiser des frais de pension à l'État ), je suis un "c..." de n'avoir pas vécu célibataire ou en
concubinage. Ayant été forcé par la législation d'être en profession
libérale et par mon grand handicap et mon "bon
esprit" de travailleur, je ne peux
ce jour ni m'arrêter de travailler ni être chômeur, ni espérer de mon pays une conscience de
solidarité avant de nombreuses décennies. Le régime de Sécurité sociale étant
dégradé je suis obligé d'avoir mon carnet d'entretien pour mes remboursements.
Pourtant outre ma polio j'ai de l'hypertension, du diabète, mais
l'Administration reste très floue quant à mes droits pour toutes ces maladies.
Donc je paye en outre une adhésion à la Mutuelle des H.C.L pour un
remboursement à 100%. Cette adhésion
ne pouvant être retirée des impôts.
D'autre part Ie bénévolat fait pour l'APF
(Centre de Vacances) ne donne aucun point de retraite. Pour une Association qui
défend nos droits ? c'est assez frustrant.
ELEMENTS DE SYNTHESE
I°) Les co-auteurs ne sont
pas représentatifs de la totalité des polios en situation de travail, mais
assez bien de ceux à très fort taux de paralysie initiale et a fort degré
d'insertion professionnelle ultérieure.
2°) Il ressort en premier des témoignages. que
les dégradations faisant suite à l'état de récupération
maximum, se sont faites de manière largement insidieuse. Afin d'atténuer la
portée de tels effets, nous
avons développé une action de concertation avec la Médecine de Rééducation et
Réadaptation. Cela s'est traduit par deux thèses (Réf. 1 et 2), l'actualisation
d'une liste de Services et Médecins spécialisés, l'édition d'un ouvrage
spécifique (Réf. 3), la publication d'un article sur la Rééducation des
"vieilles" polios (Réf. 4). La concertation Patients/Soignants se
faisant en continu au travers d'une rubrique polio dans la
Revue
trimestrielle Le Point Carré, éditée par
le "Club des Loisirs et d'Entraide" de l'Hôpital R.P.de Garches.
3°) Chacun des co-auteurs ou presque, évoque pour son milieu
de travail (salarié ou libéral) les questions de travail à temps partiel et de
retraite anticipée. Cela va au-delà de la polio, car des études récentes (Réf.
5), montrent chez les travailleurs handicapés des indices de vieillissement
supérieurs à ceux observés pour la population standard.
4°) Tous handicaps confondus, il est important de renforcer
la communication avec les Professionnels de l'insertion (Médecins. Travailleurs
sociaux). A ce niveau, une personne handicapée peut être considérée comme
technicien ou chercheur, en vécu de la forme de handicap dont elle est
atteinte.
REMERCIEMENTS
Nous remercions mesdames
Jacqueline GONNET et Noëlle LAPIERRE pour leur aide à la préparation de ce
texte.
REFERENCES
1 J.P. MARTIN
Le syndrome post-polio,
Revue de la littérature à propos de onze observations. Thèse de Médecine, UER
Claude Bernard Lyon 1. 1990.
2 C. DIARD
Enquête
épidémiologique médicale et psycho-sociale des effets à long terme de la
poliomyélite antérieure aiguë, Mémoire pour le DEA de Sciences et Techniques
Appliquées au Handicap et à la Réadaptation, Université de Bourgogne, Faculté
de Médecine de Dijon, 1992.
3 Effets à long terme de la poliomyélite. Manuel pour les
Médecins et les Post-polios. Traduit de l'anglais, G. Laurie. F.M. Maynard,
D.A. Fisher. J. Raymond (avec compléments d'actualisation par des auteurs
français), édité par APF, 1991.
4 J.
LION et J.L. LEGUIET
Rééducation des manifestations tardives de la poliomyélite
antérieure aiguë Le Point Carré. Juin 1992 n° 102. 32-34.
5 L. HUGONOT-DIENER et R. HUGONOT
Etude longitudinale du vieillissement de travailleurs
handicapés, exposé par Mle Alice VACHET au cours du
Colloque organisé par la Fondation de France et le CREAI Rhône-Alpes, Lyon, 13-14 mai 1993.