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Mai 2012
LE TAI-CHI CHUAN, PRATIQUE
DE LONGUE VIE
Dominique ALISE
Prise de contact au travers de : bienvieillir@sfr.fr
Il
est aisé aujourd’hui de trouver un lieu pour « faire » du
tai-chi chuan ! Mais de quel tai-chi s’agit-il ? Cette pratique
venue de Chine tout comme le chi gong, ou le yoga venu de l’Inde, recèlent des
trésors beaucoup plus imprévisibles que l’on pourrait imaginer. C’est avec le
temps que ces trésors se révèlent. Le corps y est en jeu, oui ! Mais c’est
notre être entier qui y est impliqué dans le silence. A notre insu, s’ouvre un
chemin que nul ne connaît à l’avance.
Alors
qu’est-ce que le tai-chi chuan ? Qui peut le pratiquer ? Loin des
modes, cette discipline du corps peut être simple travail de mieux être ou
découverte spirituelle. A chacun, dans son intimité, de voir où cela le
mène !
MAIS
QU’EST-CE QUE LE TAI-CHI CHUAN ?
Origine
du tai-chi chuan
Comme toute origine lointaine, elle est
incertaine ! Mythe probablement, on fait remonter la naissance du tai-chi
chuan à un certain Chang San Feng, moine taoïste sur le Mont Wudang sous la dynastie des Song du sud (1127-1279). Un
jour observant la nature, il vit un combat entre un serpent et une pie ;
le serpent tout en souplesse et en mouvements curvilignes vainquit la pie.
Chang San Feng tira leçon de cet événement car il comprit la suprématie de la souplesse sur la rigidité.
De là naquit l’art de la boxe du tai-chi. C’est ainsi que les principes du
tai-chi de la technique interne (taoïste) utilisèrent les ressources de la
souplesse par alternance des forces yin et yang pour faire face à la force et à
la puissance des techniques externes.
Historique en revanche, vers les 16ème
– 17ème siècles, c’est au sein de la famille Chen que le tai-chi
chuan prit naissance, dans le village de Chenjiagou,
près des berges du Fleuve Jaune, dans le Henan. Les paysans avaient monté une
milice pour assurer la protection du village et une « société d’études
martiales » se créa pour transmettre l’art du combat au sein du clan Chen.
Les milices s’entraînaient de manière intensive par des mouvements isolés, puis
par des mouvements de boxe pour finir par des mouvements avec armes diverses.
Les secrets de ces techniques familiales étaient jalousement gardés, car ils
représentaient « un avantage concurrentiel » comme on le dit
aujourd’hui, en termes de réputation et en termes financiers. L’origine
martiale du tai-chi chuan est donc bien établie. Mais l’histoire continue avec
Yang Lu Chan qui inspira un courant nommé style yang. Serviteur dans la famille
Chen, il épiait les entraînements et s’auto-formait en secret. Découvert par
ses maîtres, les qualités de pratique du serviteur émurent la famille Chen qui
l’intégra aux entraînements et partagea avec lui les secrets de sa pratique.
Plus tard, il rentra à Pékin, apprit le tai-chi chuan à ses trois fils et ce
fut l’un deux, Yan Chan Fu qui propagea par ses voyages dans toute la Chine,
cet art du combat.[1]
Et
aujourd’hui… le tai-chi chuan est-il toujours un art martial ?
Quelles que soient les écoles et malgré
leurs différences propres, le tai-chi chuan se pratique selon le schéma
suivant :
-
des exercices de
base, qui outre la préparation du corps, servent à prendre la posture
juste car ces exercices concentrent tous les principes du tai-chi ;
-
un enchaînement de
mouvements (80 à 108 selon les écoles), qui s’exécute très lentement,
faisant penser à une danse ;
-
un travail à deux (appelé
tuishou ou poussée des mains), plus ou moins
développé là encore selon les écoles, qui entraîne à la pratique martiale[2]
du tai-chi chuan.
Dans chaque mouvement de l’enchaînement
on peut y trouver une application martiale (par exemple tirer le bras de
« l’adversaire » pour le mettre à terre et lui donner un coup sur la
nuque). Cela permet dans la pratique de mieux comprendre le mouvement à
réaliser sans velléité de violence ni de
gain.
Dans le travail à deux, selon les
écoles, il s’agit d’être à l’écoute de l’énergie de l’autre dans la douceur et
la détente. « La difficulté c’est que cette douceur est une qualité de notre soi véritable, celui qui existe
en-dessous de nos myriades de défenses. » [3]
Bien
au-delà de l’aspect martial… un art de vivre
La citation de Cheng Man-Ch’ing montre bien que le tai-chi chuan n’a pas pour
vocation de bousculer avec hargne notre prochain. Tout au contraire. C’est un
art de vivre et de bienfaits sur le plan de la santé. A la question
« Quelle est la raison la plus importante d’étudier le tai-chi
chuan » ce même maître répondait « La raison la plus importante
c’est que, lorsque vous aurez atteint le lieu d’où vous pourrez comprendre ce
qu’est la vie, vous ayez encore assez de santé pour en profiter ».
C’est donc bien dans un processus de longue durée dans lequel s’engage le pratiquant !
L’enchaînement des quelques 108
mouvements permet, dans le respect des
règles de base, de développer et faire advenir l’énergie interne. C’est alors une force intérieure qui naît. Elle
n’utilise pas la puissance musculaire, mais l’énergie qui s’est débloquée à
l’intérieur du corps et qui combinée avec la respiration créé une harmonie de
l’ensemble du corps.
Cette harmonie advient lors d’un processus où l’alternance du yin et du yang crée « une respiration »
du corps tout entier. Comment peut-on décrire cette
« respiration » ? Chaque mouvement permet une expansion des énergies par les méridiens
externes ou postérieurs (dits yang), qui tirent le corps en arrière ;
arrivées à leur apogée les énergies changent de sens et entament une
concentration via les méridiens internes ou antérieurs (dits yin) qui ramènent
le corps à l’avant jusqu’à leur apogée et ainsi de suite…
Comment s’y prend-on pour travailler
cette alternance ? Il s’agit en premier lieu de structurer le corps avec des règles à appliquer au corps
physique qui peu à peu vont s’intérioriser ; sous l’effet de la répétition
de ces règles, celles-ci vont progressivement s’appliquer au niveau énergétique
puis au niveau spirituel. « Il faut donc trouver son centre, son axe.
C’est à partir de ce centre-axe que les mouvements yin-yang vont être
révélés » expliquait Catherine Despeux à
Gregorio Manzur lors d’une interview sur France
Culture en 1992. Elle continue ainsi « Le tai-chi chuan est un moyen de reconsidérer la façon dont on est dans l’univers et dont
on vit sa vie, de sentir autrement
sa propre personne. C’est donc tout un art de vivre qui est remis en
question par la pratique du tai-chi chuan. »
Vaste programme ! Pour autant,
doit-on renoncer à se lancer dans le tai-chi chuan devant l’ampleur de la
tâche ?
QUI
PEUT PRATIQUER LE TAI-CHI CHUAN ?
Selon Catherine Despeux
« N’importe qui peut pratiquer le tai-chi chuan, car les mouvements sont
faciles à exécuter et se font lentement ». Le corps pour les Chinois,
n’est pas une musculature à développer. Il s’agit d’avoir un corps léger et parcouru d’énergie vitale.
Y a-t-il des limites (âge, handicap, maladies…) pour oser débuter la pratique du tai-chi chuan ?
A cette question, Gregorio Manzur [4]
répond en substance que le tai-chi est une pratique éminemment physique ;
on l’appelle « la danse des cercles » et on ne peut danser dans
l’immobilité. C’est de la dynamique, dûment orientée, qui prend comme base le chi
(énergie interne). Ceci est à la portée
de tout être humain et le concept de vieillesse est bien relatif.
Précisément il indique : « l’Homme, la Femme sans qualités particulières
sont au-delà de ce que nous appelons l’âge. »
Pour un corps souffrant de handicap
physique et sous condition d’adhérer aux fondements de cette discipline, notre
même auteur indique que « le travail sur le chi (énergie) peut aider,
voire dans certains cas porter remède. Il s’agit d’écouter la personne
concernée, la situer dans sa famille, son entourage, connaître son métier, ses
goûts, ses rêves et ses vocations ; alors le professeur pourra lui
proposer des exercices, des mouvements capables de lui procurer une
amélioration de sa santé, ainsi qu’une plus grande paix à son esprit. Sans
oublier que pour les créateurs du tai-chi, mental et corps sont inséparables,
ils sont une seule entité, une seule conscience ».
Aujourd’hui nous voyons des médecins
faire entrer dans les hôpitaux des « thérapies » dites douces ou
alternatives (méditation, chi gong, tai-chi ,yoga, acupuncture…) pour aider leurs patients à mieux supporter
les traitements et les souffrances auxquels ils sont soumis. Nous pourrions
citer deux d’entre eux : Thierry Janssen, qui en 1998 a cessé son activité
de chirurgien pour se consacrer à la psychothérapie spécialisée pour les
personnes atteintes de maladies physiques. Dans son ouvrage « La solution
intérieure » (Fayard 2006) il présente l’effet des pratiques énergétiques
sur le corps. Du tai-chi il indique « Père de tous les arts martiaux, le
tai-chi est d’abord un travail intérieur, une prise de conscience des différentes
énergies qui animent le corps et l’esprit. »
Christophe André [5]
exerce à l’hôpital Sainte-Anne comme spécialiste des troubles émotionnels,
anxieux et dépressifs ; c’est la méditation qu’il met au service de ses
patients. En tant que « méditant » depuis 10 ans il précise
« Méditer, c’est s’arrêter. S’arrêter de faire, de remuer, de s’agiter. Se
mettre un peu en retrait, se tenir à l’écart du monde. ». On l’aura
compris il ne s’agit pas de s’extraire de la vie, de son entourage, mais de
faire un pas de côté, de changer ses habitudes. Il ajoute « Méditer en
pleine conscience, ce n’est pas analyser
l’instant présent […]. C’est l’éprouver, le ressentir, de tout son corps, sans
mots. »
Pour ceux qui en ont l’expérience, le
tai-chi chuan est une méditation en
mouvement.
Que
disent les pratiquants du tai-chi chuan ?
Si l’on peut débuter le tai-chi chuan
quand on le souhaite, il convient toutefois de bien tenir compte des affections
dont on souffre (genoux, dos, cervicales, hypertension, hypotension, problèmes
cardiaques…) et de les signaler à l’enseignant.
Car l’accompagnement du débutant par
l’enseignant est important. Celui-ci doit respecter les limites du
pratiquant et le chemin sera d’autant plus gratifiant que les exercices sont
accessibles à chacun.
L’apprentissage des mouvements de
l’enchaînement implique sa mémorisation.
Cela demande patience et volonté.
Avec l’âge nos capacités
physiques s’altèrent ; le tai-chi peut la plupart du temps améliorer très
sensiblement certaines d’entre elles :
-
l’amélioration de la latéralisation,
de l’équilibre (passer d’un
pied sur l’autre, tenir sur un pied) ;
-
la prise de conscience d’une sphère, d’un espace dans
laquelle le corps évolue et qui conduit à une conscience personnelle
d’identité ;
-
la recherche de la
détente de tout le corps (ah ! les tensions du cou, des épaules, du
bassin que la pratique révèle sans concession ...) ;
-
l’amélioration de la souplesse
globale ;
-
l’appréhension de la notion d’axe, l’idée de se redresser, la sensation d’un corps tenu dans la détente ;
-
le développement de la respiration
énergétique ; on s’ouvre grâce à l’expansion du corps au lieu de se
« ratatiner » peu à peu ;
-
la conscience de la respiration qui finit par s’intégrer au
rythme des mouvements ;
-
la manière de « poser » le regard : au sens propre, le regard doit être à hauteur de
l’horizon et au sens figuré c’est une vision différente de soi, des autres, de
notre environnement qui advient et évolue ;
-
le développement de la socialisation
grâce à la pratique en groupe ;
-
le fait d’avoir
toujours quelque chose à travailler, à perfectionner… donne un avenir !
Le
tai-chi est une énergie en mouvement qui donne un surcroît de vivant. Le corps est
au centre de la pratique, sans souci de
performance. Il suffit de se mettre à l’écoute de soi dans la lenteur d’un
mouvement.
Nous pourrions pour conclure, revenir
sur le titre donné à cet article, « Le tai-chi chuan, pratique de longue vie ». Longue vie au sens où les bienfaits
sur la santé peuvent permettre de vivre
plus longtemps et mieux ;
mais aussi -et peut-être surtout- longue vie dans une dimension spirituelle. Le tai-chi chuan pratiqué au long cours est
un des chemins pour retrouver « sa vraie nature ». Notre « vraie
nature », n’est-ce pas l’être éternel ?
[1] Il faut comprendre que le tai-chi chuan s’est développé dans de multiples écoles, chacune développant des spécificités propres au travers d’une lignée de maîtres.
[2] Il ne faut pas voir l’aspect martial comme d’autres disciplines le pratiquent (aïkido, karaté…), mais comme l’apprentissage de la douceur qui donne la suprématie sur le dur (l’eau par sa souplesse polit, creuse le rocher).
[3] « Cheng Man-Ch’ing – Un grand maître de tai-chi parle » de Wolfe Lowenthal – Edition Le courrier du livre. L’école de Cheng Man Ch’ing met largement l’accent sur le travail à deux.
[4] Professeur de tai-chi chuan, écrivain et auteur notamment de « Les mouvements du silence » (2008) et « L’art du combat avec son ombre » (2010) tous deux chez Albin Michel.
[5] Christophe André – Méditer jour après jour – 25 leçons pour vivre en pleine conscience (avec CD) – L’iconoclaste - 2011