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Septembre
2012
LE SERVICE CIVIQUE
LES JEUNES
REPRENNENT DU SERVICE
Le magazine du Monde, Supplément 31/03/2012
Passive et individualiste, la jeunesse
d’aujourd’hui ? C’est un tout autre portrait qui se dessine au travers de
ceux et celles qui ont choisi d’effectuer leur service civique. Celui d’une
génération désireuse de servir la société. A défaut, parfois, d’y trouver sa
place.
CENT MILLE JEUNES inscrits sur le site Web du
service civique. Cent mille jeunes prêts à consacrer quelques mois de leur vie
aux autres. Tous n’iront pas jusqu’au bout de la démarche, mais ce chiffre
montre que la société française, vieillissante, porte un regard biaisé sur ses
jeunes. Dans un sondage Ipsos publié par Le
Monde le 24 novembre 2011, les Français jugeaient la jeunesse
« égoïste » (63 %) et paresseuse (53 %). Bref, passive.
Le succès du service civique leur prouve le
contraire. Plus de 20000 jeunes l’ont déjà effectué. La demande excède
largement l’offre, malgré une notoriété qui demeure faible aux dires mêmes de
Martin Hirsch, président de l’Agence du service
civique : « On sature toute
notre offre. Et comme 89 % des participants sont satisfaits, il y a un effet de
diffusion ».
Qu’est-ce que ce service créé il y a tout juste deux
ans, par la loi du 10 mars 2010, cet ersatz civil de service militaire que les
parents ne voient pas forcément d’un bon œil car il interrompt parfois la
scolarité ?
Il permet aux 16-25 ans de mener, pendant six ou douze mois, dans une
association ou une collectivité publique agréées, une
mission d’intérêt général (pour laquelle ils recevront une indemnité versée par
l’Etat) dans des domaines variés. Lutte contre l’exclusion, accompagnement des
seniors, santé, environnement, éducation, culture et loisirs…
Depuis 2010, le dispositif monte
régulièrement en puissance. Dix mille jeunes concernés en 2010, 14000 en 2011,
25000 prévus en 2012. Et 75000 au moins en 2014. Soit quelque 10 % d’une classe
d’âge. Les seules limites sont budgétaires. Il en a coûté 98 millions en 2011,
essentiellement pour les indemnités versées. Compter 134 millions d’euros en
2012. « En vitesse croisière, ce
sera dans les 500 millions d’euros » selon Martin Hirsch,
qui note qu’à gauche comme à droite les candidats à la présidentielle se
gardent d’envisager la suppression de ce service. François Hollande a même
évoqué « 100000 jeunes ».
Un unanimisme que Martin Hirsch
explique par « l’alchimie de deux
courants » : « Il
plaît aux nostalgiques du service militaire comme à ceux de l’objection de
conscience, à ceux qui sont du côté de la Nation, de l’ordre, comme à ceux qui
sont du côté de l’engagement subversif, émancipateur. Les
« engagés » volontaires sont plus souvent des filles que des garçons,
âgés de 18 à 23 ans en majorité, venant plutôt de zones urbaines, diplômés du
supérieur dans 40 % des cas. …Mais le quart n’a pas le bac. Dans tous les
milieux sociaux, on se saisit du dispositif.
Pour le président de l’agence qui le
gère, c’est simple, il correspond à un désir universel de la jeunesse :
« La France mène une politique
nataliste mais elle ne se décarcasse pas ensuite pour faire une place aux
jeunes. Plutôt que tenter de se justifier, il est plus facile de dire que c’est
de leur faute, qu’ils sont individualistes ! C’est un discours de
légitimation de l’inaction ! Il n’y a pas un moindre désir d’engagement,
une moindre appétence pour l’action collective dans cette génération que dans
la précédente. La plupart des jeunes ont envie de sauver le monde. Même si
notre système les décourage. C’est « Fais plutôt ta classe prépa »
Valérie Becquet, maître de conférences
en sociologie de Cergy-Pontoise, travaille depuis 2006, date de la création
d’un premier « service civil », sur le sujet, questionnant, au début
puis en fin de service, les intéressés dont elle a distingué trois
profils : les jeunes précaires, garçons pour l’essentiel, peu ou pas
diplômés, que la mission locale a orientés vers le service civique. Les futures
professionnelles du social, jeunes femmes dans une logique d’acquisition de
compétences. Et les diplômés du supérieur, doutant du métier qu’ils souhaitent
exercer. Pour tous, qui ont alors l’occasion de se côtoyer, elle a constaté
combien le service jouait de rôle de « bulle », permettant « de réfléchir, se poser, prendre du temps
pour soi hors de la pression scolaire, de se réorienter éventuellement ».
« Les jeunes se prennent des coups de partout, poursuit la sociologue.
Ils disent que la société ne leur fait
pas confiance. Ils sont dans une problématique d’estime d’eux-mêmes, de
reconnaissance sociale. Le regard des adultes est dur, l’énorme pression pour
la réussite scolaire n’est pas toujours rentable, ils doutent beaucoup. «
L’intérêt pour le service civique dit alors beaucoup, selon elle, de la place, de l’utilité sociale
qu’ils se cherchent. « Tous ont une
démarche altruiste d’engagement. A défaut de trouver leur place, ils aident
autrui à en trouver une, ils se créent une utilité ponctuelle à travers un
dispositif institutionnel. C’est une forme de compensation symbolique. »
ET A CES
JEUNES EUX-MEMES, qu’apporte le
service civique ? L’alpha
et l’oméga, à entendre le député PS de l’Allier, Bernard Lesterlin,
coauteur d’un rapport récent sur l’application de la loi du 10 mars 2010 :
« Cette expérience individuelle et
collective, ce parcours de vie entre école et vie active est le seul moyen pour
le jeune de se sortir les tripes, se révéler, se découvrir lui-même et les
autres. Les tuteurs sur le terrain nous disent l’impact positif sur le jeune,
son approche de la vie active, la façon dont il va se sentir inséré dans la
société.»
Valérie Becquet est un peu moins
exaltée : « Attention aux
discours magiques sur le service civique… » Qui parfois vire, lui
aussi, à l’échec. Certains jeunes arrêtent en cours de route. Mais « dans 82 % des cas, les jeunes disent à la
fin avoir une idée plus claire de leur projet professionnel, poursuit
l’universitaire. Nouvelles études ou
recherche d’emploi, leur parcours est repositionné. Ils ont une meilleure
connaissance des institutions, mais pas une meilleure confiance en ces
institutions. En revanche, ils ressortent souvent avec la volonté d’adhérer à
une association, ayant découvert qu’agir ensemble peut avoir du sens ». Ils
ont acquis des compétences organisationnelles, sociales, relationnelles, gagné
en autonomie. Leur rapport aux autres a changé, ils se sont ouverts, ont pris
confiance en eux, ont moins de préjugés… Valérie Becquet, qui s’élevait contre
les discours trop laudateurs, ne s’arrête plus : « J’ai vu des jeunes devenir d’autres
personnes. »
Dans les quelque 3000 structures
agréées par l’Agence du service civique pour accueillir des jeunes,
on apprécie d’autant plus cet apport de sang neuf que les financements
manquent. Qu’ils renforcent des activités existantes ou développent de nouveaux
projets, ces jeunes pleins d’idées, d’envie et de compétences auxquels ils ne
versent que 100 euros par mois, -le reste de la rémunération est payée par
l’Etat- leur permettent de faire plus et mieux. Risque de travail
dissimulé ? Tendance au « recrutement » de volontaires diplômés,
susceptibles de créer un site Web, plutôt que de jeunes en difficulté
nécessitant une grosse prise en charge avant de devenir productifs ? Il y a
bien sûr toutes ces tentations, chez les associations. A l’agence du service
civique, on « retravaille souvent
les annonces passées sur le site, on tente de convaincre les associations de la
satisfaction qu’elles auront, au bout d’un an, d’avoir sorti un môme de la
galère ».
Le
rapport parlementaire paru en novembre 2011 pointe d’autres imperfections du service civique dans sa forme
actuelle. Qui ne pousse pas assez les jeunes à la mobilité géographique.
N’offre pas toujours des missions de la qualité voulue, pilotées par des
instances locales susceptibles de vérifier leur pertinence. Des tuteurs
suffisamment présents et expérimentés… Une marge d’amélioration existe, mais
ces jeunes, qui ont pris goût à la vie associative, assureront sans doute sa pérennité.
Futurs présidents, trésoriers, secrétaires et autres membres actifs… Du sang
neuf là où la génération des 35-50 ans qui les critique tant peinait à
s’engager.
UN NOUVEAU
DEPART
1994 : création d’Unis-Cité, association qui promeut le
développement de programmes de services volontaires pour les jeunes.
1996 : suppression du service militaire obligatoire.
31 mars 2006 : la loi pour l’égalité des chances, consécutive aux
émeutes de 2005 en banlieue, crée un service civil volontaire. Son pilotage est
confié à une nouvelle Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité
des chances. Le dispositif ne fonctionne pas : manque de moyens, de
communication, lourdeur des procédures…
10 mars 2010 : la loi crée un service civique volontaire, dont le
but est de « renforcer le lien
social et transmettre les valeurs de citoyenneté ». Votée par la
gauche et la droite réunies, elle prévoit une
indemnisation pour les jeunes (entre 500 et 600 euros), et les droits sociaux
afférents. Une Agence du service civique est mise en place le 12 mai par Martin
Hirsch, alors haut-commissaire aux solidarités
actives contre la pauvreté et à la jeunesse, qui en prend la présidence.
Bénédicte (23 ans), Anthony (19 ans) et Jérémy (21 ans).
Les
pompiers de Paris accueillent des jeunes en service civique depuis juillet
2011. Des majeurs qui ne travaillent pas la nuit, ne combattent pas le feu mais
embarquent, après une brève formation au secourisme, dans les camions de SAV
(secours à victimes), l’ambulance des pompiers. L’adjudant-chef Gaignard, chef du centre de secours de la rue Blanche,
apprécie ces renforts « pour aller
garer l’engin au bon endroit après
l’arrivée d’urgence, pour calmer l’entourage de la personne en détresse, pour
brancarder »… D’ailleurs, ajoute-t-il, « ici, ils sont « consommés ». Comprenez : constamment
mobilisés sur le terrain. Le SAV quitte la caserne vingt fois par jour.
Anthony,
quoique prédestiné (déjà pompier volontaire en Seine-et-Marne, et fils, frère,
neveu de pompiers), s’interrogeait, son bac électronique en poche. Allait-il
choisir la version militaire du métier, en devenant pompier de Paris ?
Désormais, il a « vu de près », il est « fait pour
ça » : J’aime que les choses
soient carrées, presque chronométrées. On est à la caserne, l’alarme sonne, on
ne sait pas où on va mais on y va, on aide les gens, on revient, on recommence.
Il y a des interventions, par exemple quand on sauve une personne en arrêt
cardiaque, on rentre en se disant qu’on a fait quelque chose de bien ».
Son
camarade de service, Jérémy, veut lui aussi passer le concours. « J’ai fait un BEP génie chimique, ça ne m’a
pas plu, un CAP électricité, ce n’était pas pour moi, puis plein de petits
boulots en intérim. Depuis que je suis ici, je n’ai plus envie de
partir ». Parce que chaque jour, cela change. Pas de monotonie,
« comme quand on branche des prises
électriques ». Un peu d’adrénaline. « Et un métier au service des personnes, c’est mon truc. J’ai déjà le
BAFA pour encadrer les jeunes, et je suis éducateur de rugby ».
Bénédicte,
qui fait son service dans une caserne de Boulogne, dans les Hauts-de-Seine,
avait « du temps à mettre à profit ».
Le service civique dont elle avait entendu parler à la radio lui semblait la
meilleure façon d’utiliser cet intermède entre master-II de droit et concours
de sous-officier de gendarmerie, dont elle attend les résultats. « J’apprécie la mixité sociale, ici :
pouvoir faire connaissance avec des gens que je n’aurais jamais eu l’occasion
de rencontrer. » Elle qui veut exercer un « métier au service de la population, où être utile, s’investir » est
déjà servie : « Je ne pensais
pas que les pompiers faisaient autant de social. Les gens en détresse
psychologique composent le 18 sous le coup de la panique, parfois on est
davantage là pour discuter, les rassurer, que pour réellement pratiquer des
gestes de secours.
Clémence (19 ans), Maylis (21), Damien
(21ans), Jack (18 ans) et Marc (21 ans).
C’est
déjà la troisième équipe du service civique qui vient prêter main-forte au
centre social du Gros Saule, à Aulnay-sous-Bois. Sa directrice, Nathalie Croce,
n’y voit que du bon : « C’est
super ! Ils impulsent une dynamique. On leur apprend à monter un projet,
une animation, à en faire le bilan, et c’est aussi valorisant pour nous de transmettre ce
savoir-faire ». Les jeunes ont été recrutés par l’association
pionnière du service civique, Unis-Cité. Leur présence permet de mener des
actions autour du développement durable : transmettre aux habitants du
quartier des écogestes susceptibles de réduire leurs
factures, créer et animer un jardin partagé. Durant la seconde moitié de leur
semaine, ces jeunes sensibilisent les enfants d’une école élémentaire de
Montreuil à l’écocitoyenneté.
« Ils apprennent la vie, les
frustrations, à ne pas se mettre en pétard, ni commettre d’impairs, on les
positionne en tant qu’adultes, acteurs, employés, ils en sortent
grandis », assure Sarah
Grosse, leur tutrice, animatrice vie de quartier. A son époque, on préférait à
cet âge partir s’amuser une année en Angleterre plutôt que jouer le Bon
Samaritain en banlieue. « Ils sont
généreux, dynamiques, humbles, encore épargnés par les préjugés sur les
habitants de ces quartiers. Ils nous apportent un souffle. Dans notre société
de consommation, qu’ils soient là avec cette envie de donner, c’est
exceptionnel ! »
Les
six jeunes ont baptisé leur équipe Alliance et l’ont transformée en réseau amical,
s’apportant les uns aux autres soutien, savoir-faire
et savoir-être. Les filles s’imaginaient déjà dans le social. Elles sont venues
acquérir une première expérience. Clémence se voit éducatrice spécialisée et Maylis, après un DUT carrières sociales, veut devenir
assistante sociale. « C’est
vachement bien, selon cette dernière, d’être
porteur d’un projet du début à la fin, de voir son impact. Et puis de
comprendre que le groupe est une force, qu’on se tire vers le haut ». Marc,
à la fac, a fait de l’économie sociale, des ressources humaines, de la
médiation culturelle… Sans trop savoir ce qui lui plaisait. Plutôt que « s’enfermer dans une grosse boîte où tout le
monde tire la tronche devant la machine à café », il a désormais
compris qu’il veut « donner aux
autres et recevoir beaucoup de sourires. Agir localement. En
percevoir les effets. « Ici, on
touche du monde avec des trucs concrets. Le gouvernement ne fait rien pour les
gens alors que nous, on leur propose des activités qui les sortent de leur vie pas
toujours facile ». Au début, ses parents ont eu un peu peur qu’il ne
reprenne plus jamais ses études. « Mais
ils voient que je m’éclate, que contrairement à la fac, je suis content de me
lever le matin, que j’ai plein de choses à leur raconter le soir. Ils sont
contents.» D’autant que Marc, grâce à une rencontre faite dans le cadre de
son service, sait désormais qu’il veut être chargé de public dans un théâtre.
Il va reprendre un master.
Damien,
malgré les Beaux-Arts de Saint-Etienne et une licence
de communication, n’osait pas se lancer dans l’artistique. Le service lui a
permis de « réfléchir en gagnant un peu de sous, au lieu de chercher n’importe quel
travail dans le stress ». Il a le sentiment d’avoir gagné en esprit
d’équipe et en confiance en lui. « Je
me rends compte que je sais faire des choses. Le groupe pousse les timides
comme moi à s’exprimer, je n’aurais jamais pensé pouvoir être aussi culotté.
Maintenant, j’ai la volonté qu’il faut pour me lancer dans l’illustration.
Même gain de confiance pour Jack, au « parcours
scolaire assez difficile », selon ses propres dires. Je faisais un peu rien. Quand j’ai appris qu’on
pouvait se rendre utile à 18 ans, je me suis dit « ça, c’est pour
moi ». J’ai toujours voulu aider les autres mais je ne savais pas comment
faire ». Pour lui, le service civique est autrement motivant que le McDo : « Je
peux en parler autour de moi ! » Ici, il a l’impression d’avoir été
« récupéré à la petite cuillère », guidé, conseillé. « Je me suis rendu compte que j’avais des choses
à dire. » Ses préjugés de « perturbateur »
ont été bouleversés par sa mission en école élémentaire. Les profs, pense-t-il
maintenant, font le travail le plus dur au monde. A tel point que même si les
cours, d’habitude, ne le « bottent
pas », il en est venu à s’imaginer en bac pro menuiserie. Histoire
d’avoir une chance de partir un jour en mission humanitaire.
Charlotte, (23 ans).
Charlotte
est comme chez elle, au Palais du peuple, un centre d’hébergement de réinsertion
sociale de l’Armée du salut dans le 13e arrondissement. De la
signature du bail à l’installation, elle accompagne ceux des résidents pour
lesquels un vrai logement a été trouvé. Elle s’initie également au travail
d’assistante sociale, aux subtilités du RSA, de la CMU, aux interminables
démarches de régularisation des sans-papiers. « J’ai fait une première année de lettres modernes, ça ne m’a pas plu, raconte
la jeune fille. Je suis passée en histoire-géo, il m’a manqué 0,4 point en mai
dernier pour avoir ma licence, je ne pouvais m’inscrire dans aucun master
puisque ma licence n’était pas validée, j’étais bloquée jusqu’en juin
2012 ! Ca m’a dégoûtée de la fac. J’ai eu envie d’autre chose. La
solidarité, l’engagement, j’y ai toujours été sensible mais on me disait qu’il
fallait faire des études, et puis je ne voulais pas que mes copains me voient
comme Sœur Emmanuelle ! » Finalement, Charlotte a osé le service
civique. Qu’elle juge bien plus enrichissant que la fac. « Le matin, je sais pourquoi je me lève… Je suis sur le terrain,
j’ai des responsabilités. Quand j’avance ne serait-ce qu’un petit peu pour
débloquer une situation, c’est génial, ça me fait ma journée ! J’apprends
énormément avec ma tutrice ». Une chance qu’elle n’ait pas continué la
fac, sans se poser de question. « Je me serais retrouvée urbaniste et
j’aurais réalisé que ce n’était pas ce que je voulais faire ». Charlotte,
ici, est en admiration. Devant les membres de l’équipe « tellement altruistes, tellement investis ».
Devant les hommes hébergés, aussi. « Ca
remet les idées en place, quand on voit ces personnes au vécu incroyable, un
architecte, un autre monsieur qui parle cinq langues, on se dit que personne
n’est épargné. » Elle compte finir sa licence mais passe aussi les
concours d’écoles d’assistante sociale, pour une formation en alternance.
Vanking Kone passe une tête dans son bureau. Guinéen, sans papiers,
ce sexagénaire est un ancien journaliste qui vit là depuis un an. Interrogé sur
Charlotte, il se fait laudateur.
« Elle fait la même chose que les aînées, elle est aussi accueillante,
aussi serviable. Ce sont des gens qui aiment les hommes. Leur sourire nous aide
à remonter la pente.» Monique Desmenois, la chef
de service de la jeune fille, est ravie de cette première expérience de service
civique, au CHRS. « Charlotte nous
apporte sa fraîcheur, son envie de faire, de donner, que les résidents
ressentent. C’est un regard nouveau, qui nous remet en question. Les résidents
la demandent sans arrêt parce qu’elle est posée, calme, à l’écoute ». Qu’elle
prend volontiers le temps d’une partie de billard ou de baby-foot, quand les
travailleurs sociaux, eux, croulent sous les tâches administratives. Ils sont
six pour 100 résidents.