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Mai 2013

LES SENIORS SONT LA CIBLE  FAVORITE DES SECTES. Rapport annuel  2011-2012 de la  Miviludes

Miviludes :  Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires:

http://www.miviludes.gouv.fr/sites/default/files/publications/francais/rapport_annuel_2011_miviludes.pdf

 

LES PERSONNES VULNERABLES: DES VICTIMES PARTICULIEREMENT EXPOSEES AUX DERIVES SECTAIRES

 

Il n’existe aucune étude spécifque  sur l’action des mouvements sectaires auprès des personnes âgées. Aucun chiffre n’est donc disponible.

De même, les condamnations pour abus de faiblesse ne permettent pas, selon les statistiques délivrées par le ministère de la Justice, d’identifier les situations dans lesquelles les personnes âgées ont été les victimes principales.

Les difficultés qui ont pour effet un manque de connaissances sur l’action des mouvements sectaires auprès des personnes âgées résultent des facteurs suivants :

difficultés de pénétrer dans la sphère privée pour s’assurer de l’absence de sollicitations de nature sectaire ; en l’absence d’un proche vigilant, les abus dont peuvent être victimes les personnes âgées isolées risquent de passer totalement inaperçus ;

– réticence des victimes à déposer plainte ou à signaler les faits par honte de s’être fait « berner » ;

– la détection des dérives sectaires dont sont victimes les mineurs, malgré un consensus social fort et un arsenal législatif et réglementaire complet

pour assurer une protection des personnes considérées comme les plus vulnérables de la population, est déjà délicate ; elle l’est plus encore pour les personnes âgées, qui ne bénéficient pas de la même attention des pouvoirs publics.

Les personnes âgées, fragilisées par l’âge, l’isolement, le deuil, la maladie, la perte des repères, l’altération des capacités physiques et intellectuelles, sont des victimes idéales des mouvements sectaires, pas autant comme cibles à recruter que comme sources potentielles de revenus et de capitaux.

Interrogé par la Miviludes, Bernard Ennuyer, docteur en sociologie,enseignant-chercheur à l’université Paris-Descartes, ancien directeur d’un service d’aide et de soins à domicile, évoque dans les termes suivants les caractéristiques des personnes âgées qui sont les plus exposées aux risques de dérives sectaires :

 « Il y a une fraction des populations vieillissantes qui est beaucoup plus à

risques que d’autres au regard des risques de dérives thérapeutiques et de dérives sectaires.

C’est de toute évidence la fraction de la population âgée à partir de 80-85 ans

qui est beaucoup plus à risque que les autres.

La grande vieillesse concerne aujourd’hui les femmes : la fragilité, en termes

d’insuffisances de ressources, d’isolement social et de santé, touche  essentiellement des femmes âgées. Cette situation justifie  une attention particulière à leur égard.

Pensons par exemple à des personnes pour qui les euros n’existent pas. Aujourd’hui : une dame de 95 ans, qui a eu déjà un peu de mal avec les nouveaux francs, n’est pas armée face aux arnaques qui jouent sur la confusion entre euros et francs.

Les personnes âgées sont le plus souvent a priori extrêmement méfiantes.Donc, par exemple, elles ne vont pas ouvrir leur porte à n’importe qui, d’autant

qu’on leur recommande instamment de ne pas le faire.

 Mais en même temps, une fois que cette première barrière a pu être franchie, toutes les résistances tombent et les personnes vont se trouver très démunies face à des démarches malveillantes. »

 

Mme Catherine Picard est à l’origine, avec Nicolas About, de la loi  2001-504 du 12 juin 2001, qui tend « à renforcer la prévention et la répression des  mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ». Cette loi a notamment introduit l’application de la lutte contre l’abus de l’état d’ignorance ou de faiblesse à des personnes « en état de sujétion psychologique ou physique » (voir au sujet de la loi dite « About-Picard » le chapitre 1 de la partie 2 du présent rapport).

Présidente de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi ), Catherine Picard, interrogée par la Miviludes, décrit ci-dessous les situations au sujet desquelles l’Unadfi et les Adfi sont le plus fréquemment sollicitées pour ce qui concerne des personnes  âgées :

« Les Adfi sont souvent contactées par des familles qui s’inquiètent des démarches auprès de leurs proches de certaines associations reconnues comme sectaires. Par le biais  de démarchages à domicile, de propositions de discussions, d’aide à rompre la solitude, de distribution ou de vente de documents pseudo religieux, ces mouvements, notamment les Témoins de Jéhovah, font un “ forcing” pour pénétrer chez les personnes âgées, s’insinuer dans leur intimité et, à terme, se substituer à la famille qui devient encombrante et se voit rejetée.

Lorsque les personnes sont plus vulnérables parce qu’isolées dans des établissements spécialisés, elles sont aussi exposées à ce type de démarchage. Du fait de leur état de santé souvent précaire, elles deviennent des proies sans défense.

La notion d’abus de faiblesse prend alors tout son sens. À la clef, il y a souvent des tentatives de captations financières, des dons soutirés ou des legs de sommes plus ou moins importantes. Les familles lorsqu’elles s’en aperçoivent peuvent se trouver en difficulté devant ces emprunts consentis par pression.

Les personnels des établissements ne reconnaissent pas toujours les objectifs de ces associations qui se présentent comme étant religieuses, usurpant ainsi une fonction et abusant de la situation de confiance que l’on pourrait leur accorder.

Certaines vont même jusqu’à éplucher les pages de la rubrique nécrologie pour repérer les personnes en deuil d’un proche et s’insinuer dans leur vie  quotidienne : “Nousvenons d’apprendre le décès de votre mari, devant les difficultés que vous pouvez rencontrer, nous venons vous apporter de l’aide ainsi que le réconfort de la Bible.”

D’autres mouvements se cachent derrière des pratiques de voyance, de guérisseurs , pour proposer leurs services. Les pratiques ayant recours à l’irrationnel sont très appropriées à la mise en place d’une emprise sur les personnes vulnérables. Elles sont aussi très rentables. Cela peut passer par exemple, par voie téléphonique, par du soutien, du “coaching”, des conseils de soins, autant d’appels surtaxés qui grèvent lourdement un budget.

Une autre technique, comme les chaînes par courrier, est souvent employée. La cible est encore une fois les personnes âgées à qui on propose des médailles miraculeuses afin d’entrer en contact avec elles, et qui ensuite sont submergées par des incitations à donner de l’argent.

L’Unadfi centre une partie de son activité sur un axe de prévention pour informer des dérives possibles de tels abus de confiance liés à toute forme de prosélytisme. »

À titre d’exemple, la Miviludes a eu à connaître de la situation d’un homme de 75 ans, M. S., veuf depuis peu de temps, qui lui a été exposée par  les enfants de ce dernier. M. S. est soumis, tout en ayant accepté quelques jours  après l’avoir rencontrée, de lui accorder gîte, couvert et rémunération, à l’envahissement de son domicile et de sa vie par une femme de 50 ans, Mme B., ouvertement adepte du mouvement Ramtha et se présentant comme une  « envoyée de Dieu ».

Au fi l des jours, M. S. se laisse gagner par les idées et les pratiques, édictées par le mouvement Ramtha, que lui inculque son hôte : alimentation  végétarienne, annonce de la fin du monde pour décembre 2012 et incitation à « l’éveil spirituel », démarche pour amener M. S. à interrompre ses traitements médicaux, pourtant indispensables, mais qualifiés de nocifs pour sa santé par  Mme B.

M. S. reconnaît et déplore, auprès de ses enfants, que Mme B. devient de plus en plus autoritaire et colérique, mais, en dépit de leurs recommandations, il ne se résout pas à s’en séparer de peur, dit-il, d’être à nouveau confronté à sa solitude et à son désarroi à la suite du décès de son épouse.

Après avoir obtenu informations et conseils auprès de l’Unadfi , du CCMM et de la Miviludes au regard de leur crainte d’une réelle situation  d’emprise sectaire, les enfants de M. S. ont engagé auprès du procureur de la République une procédure au titre de la loi About-Picard relative à l’abus de faiblesse.

Dans le rapport de la Miviludes au Premier ministre pour l’année 2010, deux pages étaient consacrées aux méfaits du groupe Ramtha (p. 81 et 82).Les risques et les situations de maltraitance financière concernant les personnes âgées, d’une façon générale, dans les établissements sanitaires,sociaux et médico-sociaux, ont été l’objet, à la demande du médiateur de la République de l’époque, M. Jean-Paul Delevoye, d’une mission dont le rapport  a été rendu public en février 2011. La Miviludes a été auditionnée dans le cadre de cette mission ; elle y a  fait état, comme elle le fait dans le présent dossier, des risques spécifiques, en matière de maltraitance fi nancière, auxquelles sont ou peuvent être exposées des personnes âgées par des mouvements sectaires.

Le rapport de cette mission, conduite par M. Alain Koskas, gérontologue, Mme Véronique Desjardins, directrice d’hôpital à l’AP-HP, M. JeanPierre Médioni, directeur d’Ehpad, peut être consulté sur :  www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports – publics/114000089/index.shtml .

Aux diverses situations mentionnées ci-dessus s’ajoute celle des maltraitances infligées à des personnes âgées vivant en milieu sectaire, qu’elles y soient entrées jeunes ou à un âge avancé.

Le vieillissement de la population ne pourra qu’amplifier les risques susceptibles de peser sur des personnes âgées.

D’ici à 2040, la France comptera 7 millions d’octogénaires (2,5 millions  en 2011). Les mesures de protection judiciaire (tutelles, curatelles) sont quant à elles passées de 700 000 en 2007 à un million en 2010.

La Miviludes a alerté à de nombreuses reprises dans ses précédents  rapports sur le risque sectaire touchant les personnes âgées, soit en situation  d’isolement, soit hébergées dans des centres d’accueil médico-sociaux ou à l’hôpital.

En 2010, la Miviludes a mis en place un module de formation des avocats afi n de renforcer, dans le cadre de leur exercice professionnel, leur sensibilisation à la problématique des dérives sectaires et aux moyens existants pour tenter de les contrer.

Elle contribue à la formation des magistrats, des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie pour ce qui concerne la problématique sectaire, notamment quand celle-ci concerne des personnes âgées.

LES RISQUES DE DERIVES SECTAIRES AUXQUELS SONT OU PEUVENT ETRE  EXPOSEES DES PERSONNES AGEES HEBERGEES DANS LES ETABLISSEMENTS SANITAIRES, SOCIAUX ET MEDICO-SOCIAUX

Le risque provenant de l’établissement lui-même, tenu ou inspiré par un mouvement sectaire. La situation est extrêmement rare mais elle a été repérée au moins une fois, dans le cas d’une maison de retraite médicalisée dont le fonctionnement, la gestion et les pratiques d’accueil et de soins étaient inspirées des thèses du mouvement sectaire, et dans laquelle une forte suspicion de captation d’héritage a été mise à jour. Cet établissement a fait l’objet l’un signalement judiciaire.

● Le risque provenant de l’entourage de la personne, au sein de l’établissement d’accueil Le risque provient de l’entourage de la personne, dont l’accueil en établissement, loin de la famille, peut favoriser notamment des situations de sollicitations financières à dimension sectaire.

Le cas le plus courant relevé par la Miviludes est celui des auxiliaires bénévoles qui viennent visiter les personnes âgées placées en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), et qui peuvent profiter de l’absence de vigilance de la direction de l’établissement et/ou de la carence de la famille, pour instaurer une relation de confiance, voire affective, avec la personne et lui soutirer des dons, legs, remises en nature, avantages fi nanciers, etc., pour leur propre compte ou pour celui du mouvement auquel ils appartiennent.

Il ne faut bien sûr pas généraliser : ce n’est pas le cas de tous les bénévoles et de toutes les associations qui interviennent dans les établissements, souvent accueillis avec soulagement de la part de la direction, car ils contribuent à la prise en charge sociale des résidents, notamment quand ceux-ci sont coupés des liens avec leur famille.

Toutefois, les cas sont nombreux de situations d’infractions de nature fi nancière commises au sein d’établissements d’hébergement au préjudice des personnes âgées : loin de leurs proches, les personnes âgées s’attachent à ceux qui les entourent, et certains peuvent être amenés à en profiter

Le risque de prosélytisme au sein des établissements d’accueil

La Miviludes a été saisie par des établissements d’accueil s’interrogeant sur la question de savoir s’ils ont le droit de refuser l’accès de l’établissement à des groupes d’inspiration philosophique ou spirituelle, qui peuvent constituer un point d’entrée pour permettre des sollicitations ultérieures de nature  financière.

Il a été répondu que la direction de l’établissement est tout à fait fondée à interdire l’accès de l’établissement à toute forme de prosélytisme auprès des résidents (comme du personnel) dans le cadre de sa mission générale de protection d’un public vulnérable qui ne dispose pas de sa pleine capacité, compte tenu de sa vulnérabilité et du fait qu’il tient de l’établissement lui-même les conditions de son bien-être et de son existence.

En revanche, il convient de préciser que si l’un des résidents, déjà membre d’une communauté spirituelle, réclame de sa propre initiative la visite d’un autre membre de sa communauté, cette visite ne peut être refusée.

Le risque provenant du personnel de l’établissement. Au-delà de l’éventualité, à ne pas négliger, de l’appartenance d’un membre du personnel de l’établissement à un groupement sectaire, il existe aussi un risque d’exposition du personnel de l’établissement à des formations professionnelles délivrées par des mouvements sectaires.

Le secteur sanitaire et social est particulièrement exposé. Compte tenu du stress et des conditions de travail réputées difficiles, certains employés peuvent être sollicités et séduits par des actions de formation dans les domaines du « coaching », du « développement personnel », de la « gestion du stress », de la « confiance en soi », autant de mots qui doivent alerter, sinon appeler à la  vigilance les personnels eux-mêmes et la direction des établissements.

Lors du vote de la loi du 24 novembre 2009 relative à la formation professionnelle, le secrétaire d’État à l’Emploi avait estimé à 10 % la proportion de  formations professionnelles comportementales inspirées par des mouvements sectaires.Le risque est réel pour les personnes hébergées dans des établissements dont le personnel a pu bénéficier de ces formations : au risque évident de prosélytisme s’ajoute celui de captations financières pour faire vivre le mouvement, auxquelles certains groupes incitent leurs adeptes.

Il convient donc d’appeler à une particulière vigilance les responsables des ressources humaines et les directeurs des EHPAD face à ce réel risque d’entrisme.

En cas de doute sur une formation, il appartient à la direction de l’établissement d’interroger :

– la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi territorialement compétente ; (Direcctewww.dirrecte.gouv.fr ) ;

– la Miviludes ;

– le référent « dérives sectaires » de l’Agence régionale de santé.

Les moyens institutionnels de limiter les risques en établissements d’hébergement

M. Didier Charlanne, directeur de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux (ANESM), apporte les précisions suivantes sur les règles et procédures qui doivent avoir

pour effet de limiter les risques de dérives sectaires ou charlatanesques au sein des établissements couverts par l’Agence, qui sont gérés par l’article L.312-1 du Code de l’action sociale et des familles : « La loi no  2002-2 du 2 janvier 2002, dite  “loi rénovant l’action sociale et médicosociale”, qui a fixé l’ensemble des obligations auxquelles doivent se soumettre les établissements et les services, avait notamment pour objet de renforcer la protection et les droits de leurs usagers particulièrement vulnérables. Cette  loi, en particulier, prévoit une protection des salariés qui auront témoigné de mauvais traitements à l’encontre d’une personne accueillie.

Chaque établissement a l’obligation de produire un projet d’établissement qu’il doit adresser à l’autorité de laquelle il relève et qui doit décrire les activités, les techniques et les méthodes mises en œuvre et, dans ses évaluations internes et externes, il doit rendre compte des résultats obtenus.

Il y a aussi, dans le Code de l’action sociale et des familles, des dispositions qui, au même titre que l’article 40 du Code de procédure pénale pour les fonctionnaires, obligent tout un chacun à saisir la justice quand il y a connaissance de faits de maltraitance à l’encontre de personnes vulnérables Quand des familles ont des doutes sur le fonctionnement et/ou les pratiques d’un  établissement, elles doivent s’adresser à l’agence régionale de santé ou au conseil général dont relève l’établissement en question, si elles estiment ne pas avoir reçu de celui-ci des réponses et des informations de nature à dissiper leurs doutes.

Dès lors qu’ils estiment qu’une infraction pénale a été commise, les proches

peuvent saisir le procureur de la République territorialement compétent. »