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Octobre  2014

 

                                                                                                                              LA SCIENCE FACE A L’INEXPLICABLE

 

                                                                                                                                       Mélanie  DECHALOTTE

 

                                                                                                                 Le Monde des Religions, Novembre-Décembre 2013

 

                                                                                                                                                                      DOSSIER ׀ LES MIRACLES

 

 


 

 « Je ne crois pas à cause des miracles, mais malgré eux ! » La boutade reste en vogue parmi les scientifiques croyants.

D’abord hostile, puis circonspect, le propos scientifique se situe sur un tout autre plan.

 

Q

ue l’on parle encore de miracle au XXIe siècle, n’est-ce pas en soi un miracle ?                         Là où la science triomphante promettait l’éradication du surnaturel et du superstitieux, force est de constater que le miracle n’a pas cessé d’exister. Il continue d’impressionner, d’émerveiller un nombre important d’hommes et de femmes d’aujourd’hui, comme il le fit pour celles et ceux du temps de Jésus ou du Moyen Âge, car c’est sa caractéristique même. Traduit-il notre méconnaissance et notre relative incompréhension des lois naturelles, ou bien manifeste-t-il la réalité d’un ordre transcendant à la nature ? La question reste pleinement ouverte. Et si un certain « retour du religieux », de même qu’un développement non moins spectaculaire de la « spiritualité » dans une acception large, procèdent sans doute des incertitudes et des menaces de chaos qui pèsent sur l’époque, la persistance de l’« inexpliqué » y joue aussi un grand rôle. La science ce n’a pas tout élucidé, mais les scientifiques qui prétendent qu’elle est proche de le faire ne sont même plus pris au sérieux.

 

MIRACLE, MERVEILLE, PRODIGE

Tel était pourtant bien le projet scientifique, puisque, « déjà, au temps des Grecs, la science moderne est née d’un refus de la sacralisation du monde », souligne Jean-Michel Maldamé, théologien dominicain membre de l’Académie internationale des Sciences religieuses. Il rappelle également que les définitions du miracle ont évolué avec l’histoire de la pensée. Pour saint Augustin, le miracle est « ce qui retient l’attention par son aspect merveilleux. Dans le domaine du merveilleux, c’est la frontière entre ce qui relève de la nature et du surnaturel qui va devenir la question essentielle. Alors que, dans l’Ancien Testament, la création elle-même est un miracle, l’influence d’Aristode s’impose à la société médiévale autour de la notion de causalité. Dieu est la « cause première » des « causes secondes », qui définissent elles-mêmes un « ordre naturel ». Le démarquage s’opère donc peu à peu entre « les miracles, qui ont un caractère surnaturel révélé, et les merveilles aux caractéristiques limitées à la sphère du naturel (1). Thomas d’Aquin propose ainsi : « Un fait est miraculeux quand il dépasse l’ordre de toute la nature crée. Seul Dieu peut agir ainsi. » Si le miracle est divin, la merveille peut relever du magique, et donc du diabolique. On distingue alors le surnaturel, qui échappe à l’ordre des causes naturelles, et le préternaturel, qui est au-delà du cours de la nature et concerne le merveilleux. Puis l’opposition entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel va se radicaliser, faisant du miracle non plus une simple exception aux lois de la nature, mais « ce qui va à l’encontre de ces lois ». Selon Jean-Michel Maldamé, cette notion a conduit « au conflit entre christianisme et culture scientifique, qui demeure encore aujourd’hui ». Ainsi, pour le naturaliste du XVIIIe siècle Buffon, puisque « rien ne caractérise mieux le miracle que l’impossibilité d’en expliquer l’effet par des causes naturelles », alors « si les lois de la nature sont nécessaires, le miracle est impossible ».

 

Le miracle est-il une subversion des lois de la nature ou un phénomène naturel que la science peine encore à expliquer ?

 

LA FIN DES CERTITUDES

En tant que catégorie théologique, le miracle ne peut donc être reconnu que par une autorité religieuse, sans quoi il reste un prodige. En dépit des progrès scientifiques, les miracles continuent d’être acceptés par de nombreux croyants comme autant de preuves, ou de signes, de l’existence de Dieu.

Faut-il y voir une forme de superstition ou la résistance à un certain « désenchantement» du monde ? C’est que les frontières du savoir ne cessent de bouger, et les progrès de la connaissance, au XXe siècle notamment, ont finalement conduit à une « fin des certitudes », comme l’a théorisé le chimiste Ilya Prigogine, prix Nobel en 1977.

 

Au Moyen Ȃge, la théologie considère que, si le miracle est divin, la merveille peut relever du magique, et donc du diabolique.

 

Plus la science étend sa connaissance du monde, plus elle constate le vaste champ de savoirs qu’il lui reste à connaître, à l’instar des conceptions récentes en cosmologie qui nous expliquent, sans trop s’en vanter, que la matière visible ne constitue que 4% de l’univers, quand le reste serait constitué à 24% d’une mystérieuse « matière noire », et d’une non moins étrange « énergie sombre » pour 72%. La physique quantique, de son côté, donne raison à Emmanuel Kant avançant que le « réel en soi » nous échappe et que nous n’accédons qu’à l’information que nous pouvons extraire de notre relation aux objets quantiques. La notion de conscience elle-même est essentielle à cette relation et constitue pour les neurosciences contemporaines le « problème difficile », selon le philosophe David Chalmers. Ainsi, plus nous en savons, moins nous en savons, et le miraculeux peut continuer d’exister dans cet espace. On peut tout aussi bien, comme le fait le « matérialisme de promesse» (2), estimer que les progrès scientifiques finiront par l’évacuer pour de bon, reléguant le « surnaturel » à notre ignorance de la veille. Ou alors ces progrès donneront-ils raison à Jésus qui affirmait que la foi au Père autorisait tout un chacun à faire des miracles, guérisons et autres déplacements de montagne (Matthieu 17, 19-20). Comme Einstein ou Voltaire, on verrait alors que le miracle est partout ou nulle part.

Jocelin Morisson

Journaliste de formation

scientifique, il a publié

récemment Intuition et Sixième Sens. Une enquête

aux frontière s de la psychologie,

dans la collection

« Expériences extraordinaires »

(La Martinière, 2013).

 

LA SCIENCE TENACE ET MODESTE

Après la période de « psychiatrisation » des miracles(3) au XIXe siècle, sous l’influence du professeur Charcot et de l’école de la Salpêtrière, la notion de signe est revenue en grâce. Le philosophe Maurice Blondel « retrouve le sens littéral de la Bible qui présente le miracle comme le signe d’une action gratuite de Dieu », explique Jean-Michel Maldamé. Un acte de puissance et d’amour qui remplit une fonction et relève du discernement. Bien que le matérialisme reste la conception dominante, la rupture de la science avec le paradigme déterministe l’amène aujourd’hui à plus d’humilité La science est tenace et modeste, affirmait le prix Nobel de médecine Luc Montagnier lors d’un colloque à Lourdes en juin 2012. Modeste  car nous n’avons pas la vérité,mais nous progressons de façon asymptotique vers sa connaissance ». Ses recherches potentiellement révolutionnaires sur la nature de l’eau l’ont amené à proposer que celle-ci puisse jouer un rôle primordial dans les guérisons de Lourdes. L’eau garde en effet la trace, « sous forme de monostructures capables d’émettre un signal électromagnétique », de substances dont il ne subsiste plus la moindre molécule. Pour l’immunologiste nord-américaine Esther Sternberg, c’est le lieu lui-même qui serait guérisseur. « Les études montrent qu’une simple vue sur les arbres depuis une chambre d’hôpital active la guérison, explique-t-elle lors du même colloque. Alors imaginez ce que peut faire un endroit comme Lourdes… »

 

L’ÉPREUVE DES FAITS

Reconnaissant que les tableaux cliniques sont aujourd’hui « plus subtils (que les miracles évangéliques), plus proches des signes en effet », la professeure Marie-Christine Mouren (pédopsychiatre) estime que « ces faits nous mettent à l’épreuve ». Pour le professeur François-Bernard Michel(4), aujourd’hui président de l’Académie de médecine, « les guérisons sont des signes du Verbe, de la parole de Dieu ». Lors du colloque de Lourdes, il a proposé la création d’une université réunissant une fois par an les scientifiques intéressés pour réfléchir à la guérison et au miracle. « Une perspective ambitieuse mais pas irréalisable », selon lui.

                                                                                                                                   

(1) Stéphane Gumpper, Dictionnaire de psychologie et psychopathologie des religions (Bayard, 2013).

(2) Expression du philosophe des sciences Karl Popper pour qualifier la prétention de la science d’expliquer à l’avenir, grâce à ses progrès dans son propre domaine, tout phénomène dans un cadre strictement matérialiste.

(3) Conception en vogue à l’époque de Charcot qui voyait tout phénomène d’ordre mystique comme le fruit d’une maladie mentale (hystérie, hallucination, psychose, etc.)

(4) Voir son interview, page 53.

 

On peut tout aussi bien estimer que les progrès scientifiques finiront par évacuer le miraculeux pour de bon, reléguant le surnaturel à notre ignorance de la veille.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

Douze énigmes qui défient la science, Patrick Sbalchiero
(Salvador, 2013).

Dieu, les miracles de la science, Lucien Daly (Tatamis, 2012).

Dieu et la science en questions, Jean-Michel Maldamé
(Presses de la Renaissance, 2010).

 

 

FOCUS

 

 

 

LES MIRACLESL’hostie pour seule nourriture

 

Marthe Robin passa la majeure de sa vie sans bouger ni se nourrir et fonda de nombreux centres spirituels.

De sa vie ou de son héritage, quel est le plus miraculeux ?

 


 

M

arthe Robin est « l’être le plus étrange, le plus extraordinaire, le plus déconcertant du XXe siècle, affirme le philosophe Jean Guitton.

Sixième enfant de modestes paysans de la Drôme, Marthe Robin naît le 13 mars 1902 à Châteauneuf-de-Galaure. Dès l’âge de un an, elle survit à la typhoïde, une guérison qu’elle lira plus tard comme un miracle. Enfant, Marthe révèle déjà un goût prononcé pour la religion.

En décembre 1918, elle tombe dans le coma durant quatre jours. Il semble qu’elle était atteinte d’encéphalite. Entre rémissions et rechutes, la maladie progresse inexorablement. À partir de 1928, ses jambes se paralysent définitivement. Recluse, elle ne quittera plus jamais son lit. Durant cette épreuve, plusieurs phénomènes mystiques viennent transfigurer le quotidien de la jeune paralysée. En 1928, elle dit bénéficier d’apparitions nocturnes de la Vierge, et surtout du Christ.

 

Toute livrée à Dieu

Ces visions affermissent sa vocation spirituelle : elle décide de « se livrer totalement  Dieu » et « d’offrir ses souffrances » en s’unissant à lui par la prière et l’amour. Elle s’identifie au fils de Dieu. De 1930 à 1939, elle revit, chaque vendredi, la Passion du Christ et reçoit les stigmates.

Mais surtout, à partir de 1930 et durant plus de cinquante ans, la stigmatisée ne prend plus aucune nourriture. Sauf une hostie consacrée, une fois par semaine.

Néanmoins, Marthe Robin n’a pas souhaité se soumettre à des tests médicaux.Et d’expliquer que c’est tout simplement Jésus qui la nourrit : « J’ai envie de crier à ceux qui me demandent si je mange que je mange plus qu’eux, car je suis nourrie par l’eucharistie du sang et la chair de Jésus. »

Mais le Christ ne serait pas le seul à visiter la sainte : Marthe doit régulièrement lutter contre des « attaques diaboliques ».

 

Une mission pour le monde

Vers 1933, au cours d’une stigmatisation, Marthe se sent investie par le Christ d’une mission. Elle doit réaliser une « œuvre splendide » pour « l’extension de son Règne et la régénération du monde par l’enseignement religieux ». Dans cette révélation, le Christ lui aurait annoncé qu’un prêtre l’aiderait à créer ce lieu où la prophétie se réalisera : trois ans plus tard, le père Georges Finet fonde avec elle le premier Foyer de la charité. On en compte 75 aujourd’hui, répartis dans 44 pays.

Malgré la claustration, Marthe connaît une vie sociale très intense : en cinquante ans, les prodiges de la mystique attireront plus de 100 000 personnes à son chevet (dont de hauts prélats et des hommes politiques).

Cette vie mystérieuse s’achève en 1981 par une mort tout aussi énigmatique. La cause de Marthe Robin est actuellement à l’étude en vue d’une éventuelle béatification.

Mélanie Déchalotte


FOCUS

 

 

LES MIRACLESUne prodigieuse reconnaissance

 

Le bouddhisme invite à ne pas se laisser subjuguer par le merveilleux. Pour pourtant, la désignation du dalaï-lama suit un processus ponctué d’événements extraordinaires.

 


 

C

Hef politique et religieux du Tibet, le dalaï-lama est une émanation du Chenzerig,le bodhisattva (« saint ») de la compassion : c’est un maître réincarné. Depuis le XVIIe siècle, après le décès du dalaï-lama, un comité de hiérarques parcourt le pays afin d’identifier la réincarnation de leur chef.

 

   L’actuel dalaï-lama, quatorzième     réincarnation d’un maître spirituel, a été reconnu dès l’âge de 2 ans au nord-est du Tibet.

 

Événements mystiques et surnaturels ont enveloppé de magie la reconnaissance de la quatorzième réincarnation du Chenzerig, l’actuel dalaï-lama. Dès la mort du treizième dalaï-lama, en décembre 1933, plusieurs signes indiquent l’orientation à suivre pour trouver sa réincarnation : d’étranges nuages stagnent au nord-est de Lhassa ; dans la chapelle ardente où est exposée la dépouille du dalaï-lama,un champignon géant apparaît sur le pilier nord-est de la pièce ; et, alors que son visage est traditionnellement orienté vers le sud, les moines découvrent un matin que sa tête s’est mystérieusement tournée vers le nord-est.

En décembre 1936, après consultation des oracles et interprétation des présages de la nature, une caravane d’émissaires arrive à Taktser, hameau juché à 3000 mètres d’altitude dans le nord-est du Tibet. Les dignitaires sont sur la bonne voie : le monastère voisin correspond à celui qui leur est apparu en vision sur la surface du lac sacré de Lhamo Latso. Déguisés en marchands, les voyageurs sont accueillis dans la famille du petit Lhamo Dondup, âgé de 2 ans. Le chef des émissaires, se faisant passer pour un domestique, s’installe dans la cuisine ; l’enfant saute sur les genoux et s’empare du rosaire que le moine porte autour du coup et qui avait appartenu au treizième dalaï-lama. « Je te le donne si tu me dis qui je suis », réplique l’enfant, usant du dialecte de Lhassa qu’il n’a pourtant jamais appris à parler.

 

Tests en série

Quelques mois plus tard, les émissaires reviennent pour soumettre l’enfant à des tests de mémoire antérieure. Parmi plusieurs objets, le candidat doit reconnaître ceux qui ont appartenu au treizième dalaï-lama, dont il est censé être la réincarnation. Pour Lhamo Dondup, une seule hésitation entre deux cannes : il choisit d’abord l’une, puis opte pour l’autre. Mais si la seconde appartenait bien au Grand XIIIe, la première était restée un temps en sa possession avant qu’il ne l’offrit à un proche. L’enfant fut intronisé quatorzième dalaï-lama en février 1940, sous le nom de Tenzin Gyatso. Selon Sofia Stril-Rever, proche du dalaï-lama, ce dernier souhaiterait se réincarner dans une femme, car elles ont plus d’influence sur la société.

Mélanie Déchalotte