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Avril 2015
LE
HIGHT – TECH , C'EST LA
SANTÉ
Corine
LESNES
Le magazine du Monde – 22 Novembre 2014
Un patient tout-puissant qui choisira
son praticien en ligne, un diagnostic rendu en quelques minutes par une machine
… Cet avenir n'est pas si lointain pour les tenants de la " Médecine
exponentielle ", réunis en Californie.
Médecin
? Sur la scène , le docteur Kraft a plutôt des allures
de prestidigitateur. De ses poches , il tire toutes sortes d'instruments. Capteurs,
boîtiers, senseurs, serre-tête électronique. Tout son être
est quantifié :
température, fréquence cardiaque, pouls, oxymétrie, glucose, ondes alpha du
cerveau. Deux électrodes sont implantées dans l'étui de son téléphone portable.
Son électrocardiogramme s'affiche
sur l'écran : 150 pulsations
par minute, le docteur est manifestement très excité par son sujet … Bienvenue à la troisième conférence sur la «
médecine exponentielle », organisée à San Diego (
Californie
NASA installée sur le campus de l'agence
spatiale, dans la Silicon Valley.
Toutes les idées sont les bienvenues, même « les plus bizarres », sourit
Alice Rathjen, une spécialiste du génome. Les
450 participants
– médecins, inventeurs, investisseurs,
architectes des hôpitaux du futur – sont installés dans des fauteuils en cuir
blanc, profonds comme en première classe. Un drone se charge de la photo de
groupe.
Les organisateurs sont des
adeptes de la disruption ( déstabilisation
), le concept en vogue dans la Silicon Valley. Après avoir révolutionné l'industrie musicale ( i Tunes ), les transports ( Uber
),
l'hôtellerie ( Airbnb ), etc...,
les « techies » entendent perturber le secteur de la
santé, ses conventions et ses rentes de situation. « Aucun domaine ne va être autant réinventé que la médecine dans la
décennie
qui
vient, assure Peter Diamandis, cofondateur de Singularity University. Le
patient va devenir le patron de sa propre santé.» Diplômé de la faculté
de médecine Harvard et du MIT de Boston, où il a étudié
l'ingénierie
aérospatiale, Diamandis est le fondateur du XPRIZE,
un prix doté de multimillions de dollars, qui
récompense les inventeurs qui s'attaquent «
aux plus grands problèmes de la planète ».
Les visionnaires californiens
pensent que le docteur tout-puissant a vécu. «
Dans trente ans, on n'aura plus besoin de médecin pour les diagnostics », prédit
Vinod Khosla, le
cofondateur de
Sun Microsystems, l'un des
investisseurs les plus connus de la « vallée ». L'intelligence artificielle
permettra de saisir des situations beaucoup plus complexes, de considérer
l'entier profil génomique d'un
patient
avant de faire un diagnostic.
« Ce qui ne veut pas dire qu'il faut éliminer les médecins, rassure-t-il.
On aura besoin d'eux pour d'autres
fonctions », la compassion, l'empathie. On
choisira les individus
Grâce aux Big Data, la médecine sera personnalisée à l'extrême. « Il n'est pas possible que la même aspirine
ait la même efficacité pour les 7 milliards d'habitants de la planète, critique
l'homme d'affaires. Les
Indiens ont besoin d'une double dose de statines ( anticholestérol
) par rapport aux Américains.» Chaque tumeur sera séquencée. « On veut pouvoir détecter le cancer dès la
première cellule, pas à la
centième comme actuellement », dit la professeure Cigall Kadoch , spécialiste d'oncologie pédiatrique à Harvard. Au lieu de
« passer sa vie à lire de vieux magazines dans les salles d'attente,
le patient sera
traité immédiatement : ses résultats d'analyse
seront arrivés aux urgences avant lui », assure Robin Farmanfarmaian, de la Singularity
University.
Plusieurs start-up
revendiquent déjà le titre de « Uber de la médecine »
( la compagnie de transport a elle-même tâté le
terrain en octobre en envoyant des infirmières avec des vaccins antigrippe à
domicile ).
L'équipe de Curely a mis au point une plate-forme où médecins et
patients entrent en relation. « Nous
avons voulu répondre à la frustration des médecins confrontés à la bureaucratie
du système de santé »,
explique
le cardiologue Christian Assad. Et frustrés par le
cloisonnement de plus en plus grand de leurs disciplines : dans les années
1970, on comptait une vingtaine de spécialités ; aujourd'hui
, la profession
seront « évalués par le marché » et récompensés
par des points. « On a travaillé avec un
expert des jeux vidéo, explique Paul Lee, le cofondateur de Curely. Les médecins
gagneront des points de réputation,
ce
qui leur donnera plus de visibilité auprès des consommateurs.»
Les adeptes de la médecine
exponentielle ne cachent pas leur ambition de mettre à bas les structures
existantes. « Mon but ,
c'est de mettre les laboratoires de troubles du sommeil sur la paille »,explique
Leslie
Oliver Karpas,
de Metamason, une start-up qui produit un masque
contre l'apnée, fait sur mesure pour chaque patient grâce à une imprimante 3D,
la technologie qui s'annonce comme un facteur majeur
d'innovation.
Diplômée de Stanford et d'Oxford, Jessica Richman entend, elle, faire
exploser le monopole des laboratoires de recherche. Porte-voix des « citoyens scientistes », elle fait
reproche aux chercheurs patentés
« Pourquoi se contenter d'échantillons de 200 personnes alors qu'il y a 3
milliards d'inscrits sur Facebook ? ». Ancienne
de Google, de Leman Brothers
et de la Grameen Bank, Jessica Richman a fondé
uBiome,
une société de séquençage des bactéries. Pour 89 dollars, les souscripteurs
peuvent obtenir une carte des microbes qu'ils transportent. Ils peuvent aussi
contribuer à la recherche. Avec les millions de
données
qu'elle conserve, uBiome se prépare à produire des
analyses beaucoup plus étoffées. C'est la science par le nombre, ou crowd science, s'enflamme Jessica Richman. « Sept milliards de
Cette démocratisation est l'un
des phénomènes actuels dans l'industrie de la santé, pense Dan Housman, du
cabinet de conseil Deloitte. En se regroupant, les
malades ont réussi à influencer la
recherche, à l'image
de Kathy Giusti, qui, en dix ans, a révolutionné l'étude du myélome et
rassemblé un consortium pour développer des traitements. « Un changement radical,dit le consultant
Normalement,
ce sont les laboratoires pharmaceutiques qui contactent les médecins, lesquels
trouvent les patients.» Certains s'inquiètent de voir émerger ces «
citoyens scientistes » qui mettent sur le marché
des équipements médicaux :
l'application Nightscout, par exemple, a été
développée directement par les parents d'enfants diabétiques sans attendre
l'approbation de la Food and Drug Administration ( l'agence
des produits alimentaires et
du médicament ).
Le docteur Eugene Chan ne
pense pas que le médecin va être remplacé par l'ordinateur, « ne serait-ce que parce que les patients
tiennent à la relation avec leur thérapeute ». Directeur du laboratoire DMI
spécialisé
dans l'étude de l'ADN, il vient de mettre au point un appareil qui va « révolutionner la pratique médicale » : il
permet 22 tests sanguins avec une simple goutte de sang, soit 1500 fois moins
que
pour un
prélèvement classique. Lauréat du Xprize de Singularity ( 525 000 dollars ),
il espère remporter aussi la compétition de la décennie : le Qualcomm Tricorder ( doté de 7
millions de dollars ), qui sera
décerné en
juin 2015. Tricorder : du nom du scanner de poche des
héros de « Star Trek ».
Corine Lesnes