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                                       NOVEMBRE 2007

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REVANCHE SUR LE DESTIN. L’INTERNET EN PLUS, J’ESPERE !

 

Lysiane LECLERE, la cinquantaine, handicapée, vit en centre gériatrique.

 

Mot du webmestre.

S’il est un parcours dans la vie qui appelle attention, réflexion, c’est bien celui de Lysiane Leclère. Le bonheur de vivre, quelles que soient «les contraintes extérieures», il est déjà et avant tout en soi, est-on amené à se dire. Comment mieux mettre en partage une telle expérience? Grâce à l’Internet. Voir le commentaire en fin de texte. HC.

 

Présentation de Lysiane Leclère.

Lysiane est née en 1953. Atteinte par la polio en 1958, elle est alors entrée au Centre de Rééducation de Garches, pour y rester jusqu’en 1976. Rechute de polio en 1992, elle est trachéotomisée pour la deuxième fois, passe en assistance respiratoire 20 h/24. Se déplace en fauteuil roulant. Après que sa mère n’ait plus pu s’occuper d’elle, Lysiane a un mal extrême pour se trouver un point de chute. Depuis 2001, elle vit en Centre gériatrique dans les Landes, où elle a de nombreuses activités. Elle fait beaucoup de travaux manuels, réalise deux expositions-vente par an, écrit beaucoup.

 

Textes de Lysiane Leclère.

1/ La vie au Lanot, dans un Centre de gériatrie. 2/ Vivre au quotidien la dépendance et le handicap . 3/ Tentative d’évasion! 4/ /Le dépassement de soi!

5/Le handicap dans le regard des autres! 6/Le temps des vacances

 

La vie au Lanot, centre de gériatrie!

 

La plupart des résidants sont très âgés, ils ont bien mérité de pouvoir vivre leurs dernières années avec les meilleurs soins possibles, avant d’aller rejoindre les étoiles, pour voguer vers d’autres horizons! Pour moi, c’est différent, j’ai 53 ans, je suis atteinte de séquelles de Polio, depuis l’âge de 5 ans!

En 1992, mon état de santé s’est aggravé, j’ai dû subir une trachéotomie, pour la deuxième fois!

C’est ma mère, qui s’occupait de moi, avec dévouement et amour.

En 2001, elle a dû être opérée, elle ne pouvait plus assurer cette lourde tâche, cela n’a pas été facile de trouver une structure, qui accepte mon handicap physique et ma dépendance respiratoire, je n’ai eu que des refus.

En dernier recours, je me suis adressée au Dr Chenu, qui m’a soignée, lors de ma rechute de Polio, (de 1990 à 1998), il a été le seul à m’aider. J’ai pu rester au Lanot, cela fera cinq ans, le 12 octobre!

J’ai passé toute mon enfance et mon adolescence à l’hôpital de Garches (92), où j’ai suivi ma scolarité, en primaire, puis en secondaire!

Aujourd’hui, ma vie au Lanot est rythmée, par les soins et mes activités manuelles, j’écris sur la vie, en particulier sur la mienne, j’ai des amies fidèles avec lesquelles je passe de bons moments!

Je n’ai pas beaucoup de contact avec les autres résidants, car beaucoup ne parlent pas, et sont alités!

Nous avons une animatrice très sympa, qui organise des activités: des sorties pour ceux qui peuvent, des jeux, des ateliers décoration et des ateliers cuisine, notre service est assez vivant!

Je vois Maman le week end, elle vient avec notre chien Paddy, (elle conduit encore), je suis consciente de la chance que j’ai, encore! Le 6 juin 2006

 

Vivre au quotidien la dépendance et le handicap

 

Etre prisonnière dans son lit. Se réveiller à cinq heures du matin, devoir attendre pour que l’on me fasse la toilette, et que l’on me lève (mon dos me fait terriblement mal), je boue d’impatience, je n’ai plus de temps à perdre, car deux tiers de ma vie sont passés.

 

J’ai refusé que ce soit un homme qui me lave, car je suis une femme assez jeune pour avoir des désirs, je n’ai pas envie qu’il se produise des dérapages (comme c’est arrivé dans un centre de la région parisienne), et, pour moi, la toilette est un acte très humiliant, où aucune zone du corps ne reste secrète; c’est déjà pénible par une femme (pour l’instant, les aides soignantes sont «sympa», cela aide à oublier ce mauvais moment en blaguant (paradoxalement je déteste être sale).

 

Un autre problème: dans la journée, lorsque j’ai besoin de satisfaire des exigences naturelles (je dois boire beaucoup), il m’est arrivé d’attendre plus d’une heure. Il faut garder son self control à tout prix!

Je n’incrimine pas les aides soignantes, peu nombreuses, qui font ce qu’elles peuvent, pour contenter tout le monde.

De plus je ne suis ni malade, ni incontinente! je suis juste atteinte de séquelles de Polio.

Tout cela me donne souvent envie de hurler de frustration; mais à quoi bon se lamenter, car je ne peux rien y changer.

Je hais cette dépendance, qui m’empêche de vivre totalement; je me sens pourtant pleinement femme, par les expériences que j’ai vécues; elles ont toutes été enrichissantes, même si certaines ont blessé mon orgueil.

 

Je me sens pleinement vivante, même avec ce corps que je déteste, et mon corset inesthétique n’arrange pas mon look. L’image que je donne, j’avais rêvé mieux, mais il faut faire avec ce que l’on a! Le 22 novembre 2003

 

Tentative d’évasion!

 

Vivre, ou survivre,

C’est la question que je me pose!

 

Peut-on prétendre vivre vraiment,

Lorsque l’on est relié à une machine pour respirer,

A laquelle je dois ma survie?

 

Parfois,

Mon esprit s’échappe et s’évade,

De ce corps, qui me retient prisonnière!

Ma pensée est libre,

Elle vole vers des îles bordées de sable blanc!

Je me promène, les cheveux flottants, dans le vent des alizés!

Je me baigne, dans l’eau turquoise, cristalline,

Je joue avec les poissons multicolores!

J’explore les fonds rocheux,

Je découvre les coraux aux formes étranges,

Des algues me caressent!

Je me sens pleinement vivante!

 

Mais mon évasion est éphémère,

Je suis déjà de retour, dans ma chambre d’hôpital,

Reliée à mon biniou respiratoire,

Mon handicap me happe, et m’enchaîne à nouveau!

 

Ma tentative d’évasion a échoué!

Tant pis, je recommencerai !

 

Aujourd’hui, 5 mai 2006, cela fait 48 ans que j’ai eu la polio!

Le combat pour ma survie a commencé, pas facile tous les jours!

 

Le dépassement de soi!

 

Avancer, pas à pas,

Livrer un combat chaque jour,

Pour remporter de petites victoires!

 

Parfois, sombrer dans le désespoir,

Etre gagné par le cafard,

Ne plus avoir la force d’y croire,

Sombrer dans le noir!

 

Avoir l’impression de couler,

Puis, apercevoir une petite lueur qui brille,

Comme une étoile,

Donner un grand coup de pied à la lune!

 

Sortir des profondeurs des brumes,

Hurler pour évacuer le stress,

Et toutes les détresses,

Se sentir assez forte, pour ne plus que l’on me blesse!

 

Prendre la route avec rage,

Et une bonne dose de courage,

Gravir à mains nues, les parois de la vie,

Comme on relève un défi!

Verser beaucoup de larmes et de sueur,

Comme une quête vers l’impossible,

Tendre la main pour caresser l’inaccessible,

Cueillir quelques moments de bonheur,

Les conserver comme un trésor, dans le fond de son cœur!

 

Survivre, encore et encore,

Pour faire un pied de nez à la mort!

 

J’étais emprisonnée dans ma chrysalide,

Je me suis métamorphosée en papillon,

J’ai pris mon envol pour d’autres horizons! Le 7 novembre 2005

 

Le handicap dans le regard des autres!

 

Une chose me hérisse profondément, découvrir de la pitié dans le regard de certaines personnes!

 

Un regard ne trompe pas, car il reflète l’âme!

Dans ce regard, nous y puisons les expressions sûrement plus que les autres, peut être sommes nous plus sensibles, à cause ou grâce à nos années d’épreuves et de galères (cela rend différent)!

 

Les paroles blessent très souvent, on s’adresse à nous de façon affligée, et on entend des phrases de ce genre:

« pauvre petite, comme vous êtes courageuse, je vous admire », « tu parles » !

Beaucoup d’entre nous, avons seulement « la rage de vivre, avec la volonté de s’en sortir à tout prix, et ainsi prouver que notre vie n’est pas complètement inutile » !

 

Mais pourquoi donc, certaines personnes, nous considèrent-elles comme des êtres inférieurs, des demeurés, incapables de gérer notre vie, parce que nous sommes en fauteuil roulant ?

 

Le QI n’a pourtant rien à voir avec quelqu’un sur des roulettes, pas plus qu’avec une personne sur ses deux jambes !

Pourquoi assimiler tous les handicapés à une seule catégorie : handicap mental ?

 

Heureusement, toutes les personnes que nous rencontrons ne réagissent pas de façon négative !

Nos ami(e)s nous voient tels que nous sommes, c’est un grand bonheur de pouvoir échanger des idées, blaguer, faire de l’humour (même s’il est un peu noir), et de pouvoir nous tourner en dérision, c’est génial de pouvoir rire de tout, même de nous, c’est une vraie joie de vivre, ces instants !

 

Dans ma tête, je ne suis pas handicapée, même si mon corps a des limites, je crois que je ne suis pas la seule à raisonner ainsi; il faut seulement s’adapter et se faire une nouvelle vie ! Le 26 septembre 2004.

 

Le temps des vacances !

 

De juin à fin septembre, les gens ne parlent que de vacances!

 

Mais lorsque l’on vit dans une chambre d’hôpital, reliée à une machine pour respirer, 20 heures sur 24, on ne peut plus espérer partir en Vacances !

 

Alors, mon esprit et mes rêves m’emportent, vers des souvenirs de plages, au sable blanc.

Je me promène, le matin, au lever du soleil, avec mon chien Charly !

Le ciel devient rose, orange et mauve, tout est calme, je me laisse bercer par le bruit des vagues, je respire à pleins poumons l’air iodé, je me sens libre, bien dans mes baskets !

 

Un autre jour, je retourne en Italie, où j’ai visité Assises, Naples, Pompéi et Rome, où je fais escale.

Je suis dans le Colisée, je suis seule,  j’ai l’impression d’entendre la Plèbe en liesse, et le rugissement des lions.

 

Je poursuis mon périple, au Vatican : je suis dans la chapelle Sixtine, où je contemple les fresques et les superbes peintures de Michel Ange !

Puis, je me retrouve assise, sur le rebord de la fontaine de Trévise, où je jette une pièce de monnaie dans l’eau, par dessus mon épaule gauche, avec l’espoir de revenir à Rome, un jour !

 

Je revis ces merveilleux souvenirs, avec joie, mais on ne vit pas dans le passé, qui reste présent dans le cœur !

Il est temps de se tourner vers l’avenir !

Mais de quoi sera-t-il fait ?

Aurai-je droit, enfin, à quelques moments de bonheur ?

C’est un mystère, je n’ai pas envie d’ouvrir la boîte de Pandore, j’ai trop peur de ce que je pourrais y découvrir !

 

Le temps des vacances est pour moi impossible, je ne peux voyager que virtuellement!

 

J’ai souvent envie d’ailleurs, où mon cœur serait apaisé, je ne ressentirais plus ce vide qui est en moi, cela me fait si mal ! Le 3 septembre 2007.

 

Coordonnées : Mme Lysiane Leclère

Centre Hospitalier Le Lanot, Route de Tercis

 BP 323, 40107 DAX CEDEX

 

Commentaire du webmestre.

 

Né en 1936, je suis aussi un ancien du Centre de rééducation de Garches (1953-1955). J’ai remarqué les messages de Lysiane, dans la revue « Le Point Carré » ,faite par et pour des paralysés, avec leur entourage ; Lysiane, elle, dégage quelque chose, qui peut s’appeler simplement la soif de vivre.

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La question qui se pose est celle de la place dans la société de personnes lourdement handicapées telles Lysiane, ou/et très âgées. Un monde pris pour double zéro, plus souvent qu’à son tour. Et pourtant, une société ne saurait être en cohérence avec elle-même, sans la reconnaissance de tous ses membres, sans exceptions, comme participants. Or, le très récent Internet offre la potentialité de pouvoir s’exprimer sur la terre entière, quel que soit son état de santé, en tout cas physique, et depuis où que l’on ait à vivre.

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Rendre l’Internet accessible aux résidents des Centres pour handicapés et personnes âgées, ne doit pas poser de problème majeur ? Pour faire quoi ? Les applications de tout un chacun, à titre d’exemple, celles à quoi je vais m’employer sans tarder.

Se rendre sur les forums Santé de Doctissimo. Il s’ y présente, chez des personnes de tout âge, un mal-être disproportionné, par rapport à ses causes. Telle souffre, d’être trop petite, ou trop grosse ; le passage à la quarantaine donne lieu à crise, celui à la cinquantaine, bien plus encore, etc. Chez les hommes, c’est pareil, même si les causes différent ; la sexualité est plus souvent en cause, tandis que chez les femmes, c’est plutôt l’apparence, le look.

Une déconnexion par rapport au réel de la vie en est largement cause.

La présence en continu sur ces forums, et bien ailleurs comme déjà à la TV, de personnes âgées ou/et lourdement handicapées serait un facteur d’équilibre profitable à tous.

 

Bonne route Lysiane, en espérant te voir bientôt sur le Net.// H. Charcosset