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                                                SEPTEMBRE 2007

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LE GOUT DE VIVRE. RETROUVER LA PAROLE PERDUE

 

Edouard ZARIFIAN, Editions Odile Jacob, 2005

 

Extraits par Henri Charcosset

 

 

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Notre psychisme ne peut se révéler que grâce à notre parole et il ne peut être « entendu », c’est-à-dire décrypté quant au sens qu’il contient, que par le psychisme d’un autre être humain… Il faut deux cerveaux humains vivants pour que l’échange se produise.

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La souffrance naît de notre capacité plus ou moins grande à accepter la déception, à composer avec le réel et à nous adapter à la situation que nous vivons, même si elle ne correspond pas à notre idéal.

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Le principe de réalité nous amène à accepter le réel grâce à un processus de cicatrisation qui demande du temps avant que la souffrance s’atténue.

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C’est la forme de souffrance psychique qui peut être atténuée par la présence et la parole de l’autre au sein d’un échange, qui sera envisagée ici parce qu’elle peut servir de modèle… Exprimer sa souffrance passe exclusivement par la parole.
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Toute perte d’un être avec qui les liens effectifs étaient très forts constitue symboliquement la mort d’une partie de soi-même. Nous existons aussi dans la vie psychique de l’autre et sa disparition entraîne aussi un peu la nôtre.

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Toute perte induisant un changement dans l’équilibre des composantes psychiques nécessite une adaptation au changement et impose d’aménager de nouveaux repères et de nouvelles relations d’objet.

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L’empathie est la capacité de percevoir les sentiments éprouvés par l’autre sans forcément les partager. La sympathie au contraire, « le souffrir avec », permet de communiquer avec l’autre en partageant ce qu’il éprouve. C’est une véritable attitude de solidarité qui traduit l’appartenance et l’existence d’un objet relationnel commun.

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La propension à confier sa souffrance à celui qui peut l’entendre dans le but de l’atténuer, connaît une exception : le secret… La délivrance de la souffrance liée au secret ne peut se faire qu’en parlant à un professionnel du psychisme, assujetti lui-même au secret, et qui garde une neutralité à l’égard de celui qui se livre ainsi.
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La mort est pour nous désormais un scandale. Indécente, la mort doit rester cachée.

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Autrefois, on mourrait chez soi… Aujourd’hui, on meurt seul, au petit matin, sur son lit d’hôpital… L’intense souffrance liée à la peur de la mort explique les dérobades fréquentes des proches face à celui qui meurt.

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La différence radicale de notre cerveau par rapport à celui de l’animal vient de notre capacité à nous façonner une vie psychique et pour y parvenir, il faut des ingrédients. Le premier est l’idée que le cerveau humain a la capacité de s’adapter aux nouvelles situations, de faire repousser ses cellules en cas de lésion, de suppléer la défaillance de certaines de ses fonctions. En un mot, le cerveau humain s’adapte de lui-même. C’est le concept de neuro-plasticité.

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Le cerveau permet l’apparition du deuxième ingrédient de la vie psychique : la parole. Cette parole, du reste, il faut l’entendre dans un sens très large qui ne se réduit pas au langage… C’est aussi la prosodie, les silences, la mimique, la gestuelle, le regard…. Alors l’échange s’instaure dans l’intersubjectivité. Voilà d’ailleurs le troisième ingrédient de la vie psychique : la nécessité de la présence de l’autre.
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Un cerveau en continuelle auto-adaptation par modifications tenant compte de l’acquis, une parole véhiculant du sens et du symbolique, et un autre être humain avec qui l’échange est possible : telles sont les conditions de la naissance du psychisme.

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Quand on arrive au monde, on possède un cerveau qui peut sembler exempt de toute influence de la parole de l’autre. Or ce n’est pas tout à fait vrai. Le fœtus pensait déjà beaucoup de stimulations venant de l’extérieur avant la naissance.

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Le psychisme lui-même évolue dans un espace délimité par le réel, l’imaginaire et le symbolique. A l’intérieur de cet espace coexistent de manière dynamique, c’est-à-dire en perpétuel mouvement, souvent contradictoires, les pulsions, les affects et les fantasmes.
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Il y a deux choses que personne ne peut faire à notre place : désirer et engager notre volonté. Ne laissez pas les autres désirer pour vous et n’attendez que de vous la mise en œuvre de votre volonté… Or, dans notre société, tout est fait pour dissuader de l’effort et de la volonté. La raison est simple : cela ne se vend pas dans la société marchande.

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La volonté, votre volonté, c’est de l’effort prolongé dans le temps. L’effort et le temps forment une alliance qui vous surprendra.

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La science décrit notre corps jusque dans son intimité moléculaire…. Cependant pourquoi vous et moi savons-nous, que nous sommes uniques au monde ? Où est la différence ? Elle s’appelle le psychisme…. Notre psychisme constitue notre identité pendant le temps de notre vie. Il est notre vie… Cette vie psychique ne nous est pas donnée en arrivant au monde. Elle s élabore petit à petit au cours de l’existence…. L’outil c’est la rencontre avec la parole de l’autre… La parole est le sculpteur de notre vie. On naît homme, mais on devient humain.

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L’aspect neurocognitif de la distinction entre nous même et les autres commence à être étudié scientifiquement. Un fil conducteur est représenté par le phénomène de l’empathie.
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Ainsi constitué dans nos dimensions biologiques et psychiques, nous pouvons entrer dans la troisième dimension, le social, en interagissant avec les autres.
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L’hyper individualisation, qui est la tendance actuelle, centre l’individu sur lui-même, distend les liens d’appartenance et favorise l’isolement et la solitude.

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Aucun individualiste, sauf à être profondément pathologique ne peut prétendre se passer des liens d’appartenance à un groupe humain. En revanche, les milieux où l’appartenance est si forte qu’elle constitue le groupe par essence ne peuvent tolérer les signes d’individualisme.

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Le couple constitue une cellule sociale bien particulière qui oblige à des réaménagements des espaces de l’intime sans mettre en péril l’individualité de chacun…

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Les territoires de l’intime sont mis à l’épreuve et les concessions peuvent être très variables sans jamais aboutir à une occupation totale du territoire de l’autre qui mettrait en cause son individualité… Le partage de l’espace psychique connaît aussi des limites, même si une mise en commun est nécessaire à l’harmonie à propos des goûts et des idées.

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Ce que nous sommes résulte des perpétuels échanges avec les autres humains. Leur perte nous déshumanise… L’échange implique un double courant entre nous et les autres, et la pondération équitable permet d’atteindre un équilibre relationnel.

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On ne donne pas longtemps de l’amitié sans réciprocité. Peu importe les signes de cette réciprocité.

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L’amour de soi comporte différentes facettes. Le narcissisme est un concept psychanalytique complexe… Ce que j’évoque ici, c’est l’amour de soi, légitime, nécessaire en particulier pour pouvoir aimer les autres et être aimé par eux… L’amour de soi est un sentiment intime qui nous amène à penser qu’on est digne d’être aimé et qu’on peut aussi aimer les autres.

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Aider, c’est le plus souvent échanger de la parole. C’est le déficit de parole qui rend l’existence inhumaine… Appeler à l’aide, c’est souvent attendre la parole d’un autre.

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La souffrance psychique n’est pas une maladie. La soulager, ce n’est pas donner un traitement. Si la souffrance psychique est un symptôme, c’est celui des difficultés de l’existence. Il faut l’aider à se dire et non la faire taire.
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La souffrance psychique est un événement qui nous transforme et qui ne peut être soulagé que par un phénomène de mutation. Un état nouveau sera créé grâce à la parole, qui nomme la souffrance et par celui qui l’entend, permettant ainsi un échange de subjectivité. Pour soulager la souffrance, il faut être deux. Alors l’être souffrant se transforme en être apaisé, plus riche de l’expérience liée à la souffrance qu’il a connue. Il est clair que cette transformation n’est pas instantanée et demande du temps pour se réaliser.

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Soigner c’est aussi restaurer une responsabilité chez celui qui souffre. Aujourd’hui la déresponsabilisation est générale. Le responsable est toujours l’autre… ou l’Etat… Etre responsable de ce qui m’arrive de pénible n’implique ni culpabilité, ni remords. Cela doit me permettre de découvrir que si je le comprends et si je le veux, je peux changer quelque chose dans ma vie.

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Beaucoup de psychothérapies se situent entre deux situations extrêmes : l’éradication de symptômes ou la remise en question de son existence. Ces psychothérapies, dont les modalités sont diverses, visent simplement à apporter un soutien, une aide, une possibilité d’échange par la parole. Elles sont contemporaines d’un moment difficile de l’existence. Ces psychothérapies du « ici et maintenant », on les appelle parfois psychothérapies de soutien.

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La psychothérapie n’a pas pour but d’obtenir les moyens de se passer des autres ou de vivre en solitaire. C’est au contraire une possibilité de vivre avec les autres, sans en souffrir en comprenant mieux nos comportements et les leurs… On ne changera jamais les autres, mais on peut changer notre manière de les voir….

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L’indépendance remplace trop souvent de manière exclusive l’appartenance et conduit à l’isolement et à la solitude.

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Le postulat de base qui justifie le travail psychothérapique, c’est que l’homme peut évoluer. Il n’est pas le produit figé et stabilisé de ses gênes, de son histoire familiale, de ses conditionnements ou de son contexte… Entreprendre une psychothérapie c’est s’engager dans un effort de changement… Le changement est inscrit dans l’histoire de notre vie.

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Notre société a manifestement remplacé la parole par l’image… Les modalités de la vie amenuisent les échanges de parole dans la sphère privée comme dans l’espace public.

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Tant qu’il existera de l’humain, la parole pourra resurgir et donner envie d’échanger. Internet avec ses forums de discussion et l’explosion récente des « blogs »… montre que l’espoir n’est pas vain. Retrouvez le plaisir de la parole. Parlez pour exister, pour moins souffrir… Parler, c’est toujours s’adresser à un autre et l’on n’est pas humain quand il n’y a pas d’échange.

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La réalité de l’expérience vécue est dans le psychisme, et sa connaissance n’est accessible que par la parole, même si elle est concomitante d’un état particulier d’activité du cerveau.

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Le discours scientiste a des effets obscurantistes et leurre souvent l’opinion publique.
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Faut-il voir dans le centrage exclusif sur le cerveau une valorisation totalitaire du corps ? Après l’avoir ignoré, brimé, mortifié, on exalte le corps. Notre animalité est devenue triomphante.

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Mais qui peut contester le scientisme puisqu’il se réclame de la science ? La science quand elle produit des faits est inattaquable. Le scientisme ne produit pas des faits mais des promesses d’explications universelles qui sont la poésie d’aujourd’hui.
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Le psychisme est en danger. Ceux qui s’y intéressent et qui aident sa souffrance à s’exprimer sont malmenés. La parole est bâillonnée, mais l’espoir c’est que ce qui est humain en l’homme pourra par créativité, échapper à la naturalisation du psychisme. Il faut être capable, tous ensemble de retrouver la parole perdue.

Car nous avons encore tant de choses à nous dire…