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Novembre 2012

 

HISTOIRE DE VIE D’UNE « RESCAPEE » DE LA POLIO, NEE EN 1946, ANCIENNE DU CENTRE DE GARCHES (1952-1956). IV. SOUVENIRS D’ENFANCE, ADOLESCENCE

 

Christiane MAYBEL, christiane.maybel@sfr.fr

 

Ce témoignage se rattache aux sections Digest post-polio,  Histoires de vie, Donner sens à sa vie , sur ce site

 

Introduction, par Henri Charcosset

 

Dans une première partie, CLIC,  Christiane avait traité de son enfance, adolescence, très marquée par son atteinte par le virus de la polio, à l’âge de 6 ans, avec un handicap moteur résiduel important.

 

Le handicap marque de manière tout aussi importante sa vie d’adulte. C’est la deuxième partie de son témoignage, CLIC .

 

Dans une troisième partie, Christiane traite de son engagement associatif, et de ses convictions,  CLIC .

 

Ici, en quatrième partie, Christiane évoque le souvenir de rencontres ayant jalonné de manière très positive pour elle, son enfance et son adolescence.

 

Chaque détail de son récit a son importance et permet notamment de suivre l’évolution des conditions d’aide médico-sociale aux personnes handicapées. A Christiane, il aura fallu attendre la cinquantaine pour pouvoir accéder à une vie autonome.

 

Pour moi, il est clair que des personnes naissent plus douées que d’autres pour se construire une vie somme toute agréable, dans des conditions sévères de handicap. Christiane a bénéficié de ce don particulier… en plus de quelques autres !

 

Ses articles à venir seront appréciés !

 

TEXTE , de Christiane Maybel

 

66 ans de vie dont 60 de handicap moteur sévère : cela en fait des souvenirs ! En voici quelques-uns.

Dans mon témoignage précédent, j’ai eu l’occasion de souligner que rien n’aurait été possible dans mon parcours de vie sans l’amour et l’amitié que j’ai rencontrés au fil des années et qui se sont manifestés de mille et une manières.

La dynamique de ma vie s’est créée, en premier lieu, dans ma famille. L’affection, le dévouement, le soutien sans faille et la foi de ma mère ont été décisifs pour m’orienter dans l’existence, m’accompagner et me soutenir. Mon père, bien que plus en retrait, m’a marquée, entre autres, par son sens de la justice. Je leur dois les bases de mes attachements, de mes choix d’engagement, de ma foi en Dieu.

Les cinq longues années de mon hospitalisation n’ont pas permis de tisser des liens durables. D’une part, j’étais trop timide et perturbée par l’éloignement de ma famille, d’autre part, nous étions toutes originaires de régions différentes : les grandes vacances, en nous ramenant chez nous, nous séparaient, à plus forte raison la sortie définitive de l’hôpital.

C’est à la maison que je retrouvais, en dehors de mes sœurs, les deux copains d’enfance qui étaient en fait des voisins. Michèle, ma « jumelle », passait ses jeudis chez sa grand-mère, une des trois locataires de la longue maison où nous habitions. Elle prenait toujours son goûter assise sur le rebord de la fenêtre, très basse, de notre logement tout en bavardant avec ma mère et moi. J’ai eu beaucoup de peine à sa mort survenue, à l’âge de vingt ans, dans des circonstances restées pour nous obscures.

Jean-Marc, d’un an mon cadet, vivait dans le logement contigu au nôtre. Atteint de la polio trois ans après moi, il n’allait pas à l’école ( alors qu’il pouvait marcher ) et il restait seul lorsque ses parents étaient au travail. Nous étions donc très souvent ensemble sans pour autant être de véritables amis.

I  M   G

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au cours de l’un de mes nombreux pèlerinages à Lourdes, j’ai fait la connaissance d’une personne malade qui venait de Belgique. Elle m’a en quelque sorte adoptée et je suis devenue sa filleule de cœur. Je l’appelais d’ailleurs Marraine Denise. Nous échangions une correspondance suivie et affectueuse et elle me couvrait de cadeaux, contrairement à mes parrain et marraine de baptême qui m’avaient depuis longtemps oubliée. Je me rappelle le superbe missel et la magnifique poupée ( qui ressemblait à une mariée dans ses vêtements de communiante ) qu’elle m’a offerts pour ma communion solennelle.

 

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Les nombreux gestes de solidarité qui ont jalonné les différentes périodes de ma vie m’ont aidée à traverser l’épreuve. Ils ont été aussi l’occasion de nouer des amitiés ou de me faire prendre conscience de ce que j’étais, dans mes appartenances diverses.

Des institutrices ou professeurs bénévoles se sont relayés auprès de moi pour m’apporter un soutien qui, pour être d’abord scolaire, n’en était pas moins moral. Mme B., tout en vérifiant mes connaissances, nous racontait sa vie de famille que nous suivions pas à pas, presque comme un feuilleton ! Melle G. m’a fait passer à domicile le B.E.P.C. et j’ai eu la possibilité d’aller la voir chez elle, en dehors de Troyes, équipée marquante à une époque où nous n’avions pas de voiture et où les véhicules et transports spécialisés n’existaient pas. J’ai toujours gardé la petite crèche offerte par Melle C. qui m’épaulait en anglais. Grâce aux cours de dessin bénévoles que me donnait Geneviève, mon quotidien s’éclairait par l’activité artistique que je pratiquais avec elle, d’où l’immense déception de ne pouvoir exercer mes « talents » dans l’illustration comme je le désirais.

Lorsque je suis passée en secondaire, des jeunes d’un lycée privé m’ont accompagnée jusqu’au Bac. En leur présence, amicale et désintéressée, je réalisais que nous n’étions pas du même côté de la barrière sociale. D’autre part, j’étais handicapée, eux, ils étaient valides. A mes yeux, ils étaient dans la « vraie » vie, moi j’étais recluse chez moi sans contact avec le monde extérieur. Qu’avions-nous en commun ? Je me sentais en décalage profond avec eux.

Ce sentiment, qui s’est développé pendant mon enfance et mon adolescence, ne m’a jamais quitté. Je le ressens toujours, plus ou moins fortement selon que les personnes côtoyées peuvent ou non, par leur comportement vis-à-vis de moi, me faire oublier pour un temps que je suis différente, pas comme les autres, en dehors de la vie « normale ».

L’un de ces jeunes, Claude, me plaisait bien ( je devais en être vaguement amoureuse ) et il a été probablement à l’origine de mon changement de look. Comme, en plus d’être handicapée, je me trouvais grosse et moche, j’ai décidé, sans attendre Cristina Cordula, qui était encore dans les langes, de suivre un régime, de changer vêtements, coiffure, lunettes, de me maquiller, etc. Le résultat fut assez spectaculaire mais je ne saurai jamais ce que Claude en avait pensé ! Tous ces efforts, s’ils n’effaçaient pas le handicap, contribuèrent à me donner une image plus positive de moi-même.

 

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Dans les années 50, pauvres et sans moyen de locomotion, nous avions un choix de loisirs pour le moins limité. Des amis nous avaient prêté un petit projecteur et nous pouvions visionner des films que nous louions. Nous invitions les voisins et ensemble nous regardions, en noir et blanc et en muet, Laurel et Hardy, Kit Carson, « Aux yeux du souvenir » et j’en passe bien sûr ! Quelle fête !

En 1960, des commerçants du quartier ont organisé une collecte pour nous offrir la télévision. L’événement était d’importance au point de mériter un reportage dans la presse locale ! Nous avons rendu le projecteur à nos amis et avons ouvert notre regard et notre horizon sur le vaste monde à travers la petite lucarne. J’ai ainsi voyagé aux quatre coins de la terre, découvert paysages, cultures et peuples différents, admiré les merveilles de la nature grâce au Commandant Cousteau ou à Nicolas Hulot, appris quelques rudiments scientifiques avec François de Closets. J’ai vibré aux exploits sportifs des skieurs, patineurs et autres rugbymen ou des athlètes paralympiques. Je ne manquais pas les recettes concoctées par Raymond Oliver et, maintenant, je suis avec intérêt les émissions de l’inévitable et dynamique Cyril Lignac.

Mes deux correspondantes, canadienne et burkinabé, m’ouvraient, elles aussi, sur le monde et me tiraient un tant soit peu hors de moi-même. En 1971, la venue de Diane pour un voyage de deux mois en Europe a été une très grande joie. Elle a passé plusieurs jours chez nous et nous nous régalions de sa gentillesse, de son sourire, de sa décontraction et de son merveilleux accent québécois. Malheureusement, après son départ, elle n’a plus répondu à aucune de mes lettres. J’ignore ce qu’il est  advenu d’elle et je pense encore à elle de temps en temps avec un mélange de joie et de tristesse.

 

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Pour contourner les multiples obstacles pratiques qu’entraîne le handicap et garder une certaine autonomie, il faut sans cesse faire preuve d’ingéniosité et d’inventivité : nous sommes amenés souvent à nous transformer en MacGyver ! J’ai ainsi appris, entre autres, à me servir d’un miroir portatif pour manger seule en position totalement allongée c’est-à-dire sans même un coussin sous la tête. Avec ce même système et un peu d’entraînement, je suis aussi devenue une fort bonne joueuse aux dames.

Je prenais un grand plaisir à suivre les répétitions des fêtes de fin d’année scolaire. L’école se trouvait de l’autre côté de notre jardin à l’abri de son préau. Je rêvais en imaginant, car je ne pouvais pas les voir, les élèves, dont mes sœurs, en train de danser. Il faut dire que, dans ma grande ignorance, j’ai cru longtemps que j’allais guérir de cette foutue maladie et que je pourrais devenir danseuse ?! En ai-je dessiné de ces jeunes filles aériennes en tutus légers, dressées sur leurs pointes, qui semblaient prêtes à s’envoler comme les cygnes du lac. La beauté des corps m’a toujours fascinée, sans doute parce que je n’acceptais pas le mien, petit, difforme et atrophié.

Une autre de mes grandes passions est le chant. La nature m’a dotée d’une belle voix de soprano. Au début de ma maladie, l’un des médecins qui me soignaient à Troyes avait dit à ma mère qu’il se cachait pour m’entendre chanter. Lors de mon hospitalisation de 1959-1960, j’ai découvert avec enthousiasme le chant choral. Un petit groupe avait été formé et nous avons présenté un spectacle dans la salle des fêtes de l’hôpital. Il n’a malheureusement plus été question de ce loisir à mon retour à la maison. Même maintenant il me serait difficile de concilier les horaires des répétitions des chorales avec mes contraintes physiques et pratiques. Alors à défaut de chanter dans ma salle de bains, je fais du karaoké dans mon séjour ! Cela n’enlève pas la frustration mais je me fais quand même plaisir tout en exerçant mes muscles respiratoires, ma capacité vitale n’étant que de 45 % de la normale. Le chant est d’ailleurs recommandé pour la santé physique et mentale.

Pendant longtemps, il a été impensable ne serait-ce que d’envisager partir en vacances. Mais, là encore, la Providence nous a réservé l’un de ces jolis tours dont elle a le secret. Il nous a été proposé de séjourner gracieusement, en l’absence de ses propriétaires, dans une grande maison bourgeoise afin qu’elle ne reste pas inoccupée et ne soit pas ainsi objet de tentation pour d’éventuels cambrioleurs. Nous n’allions pas refuser une telle opportunité. Pendant vingt ans, nous sommes donc devenus des châtelains l’espace de trois ou quatre semaines ( la maison était surnommée le « château » par les habitants de la commune située à six kilomètres de Troyes ) Pour nous, simples prolétaires, le dépaysement était total : nous pénétrions dans un autre univers. D’abord intimidés, voire effrayés par le fait d’être perdus dans un si grand espace - la maison et le parc qui l’entourait - nous avons fini par prendre nos marques et considérer cette demeure comme notre résidence secondaire !! Que de merveilleux moments passés là-bas que nous partagions avec famille et amis, ce qui redoublait notre plaisir !

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Copie de SG03-Maison

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A l’âge adulte, d’autres expériences et d’autres rencontres m’attendaient. Je les évoquerai dans ma prochaine contribution.