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Juillet
2013
LE GOÛT DE L’AUTRE. LA
CRISE, UNE CHANCE POUR REINVENTER LE MONDE
Élena LASIDA
Editions Albin
Michel, 2011
Introduction par Henri Charcosset
Cet article est constitué d’une sélection d’extraits selon
mes intérêts personnels de cet excellent ouvrage.
L’auteure enseigne l’économie solidaire et le développement
durable à l’Institut Catholique de Paris. Elle nous présente l’économie comme
un véritable projet de vie en commun.
P 29 |
On peut choisir la vie et
mourir. Nous sommes des éternels voyageurs, en errance à travers nos morts
multiples. Chaque arrivée devient très vite un nouveau départ, chaque acquis,
une nouvelle perte. Le contraire de la vie n’est pas la mort, mais l’arrêt définitif de ce voyage à travers
la mort. La vie ainsi
conçue peut s’appliquer tant au niveau individuel que collectif, tant au
niveau personnel qu’institutionnel. La vie d’une personne se construit à
travers les morts qu’elle traverse : les projets échoués, les relations
brisées, les proches disparus… Chaque perte met en chemin vers quelque chose
d’autre, chaque désillusion ouvre l’espace pour imaginer un nouveau possible,
chaque rupture fait place au tissage d’une nouvelle relation. |
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P58-61
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La « vie bonne » est souvent associée à la
« qualité de vie », notion qui à son tour est habituellement réduite au degré
de satisfaction des besoins. Nous retrouvons ainsi la
question de la création : le développement durable, à travers son
interrogation sur la vie bonne, nous invite à penser l’activité économique
non seulement en termes de fabrication mais également en termes de création.
Car la fabrication est orientée vers l’accès et la satisfaction de besoins,
tandis que la création se situe plutôt au niveau de la contribution et de la
participation de chaque personne à cette activité. Dès lors, rendre le
développement « durable » ne consiste pas tellement à faire durer nos acquis,
mais plutôt à faire
durer notre capacité créatrice. Rendre le développement durable
suppose donc d’assurer à chaque personne, présente et future, non pas
les biens nécessaires pour vivre, mais plutôt la possibilité de participer à
leur production. Rendre le développement durable ne consiste pas à prolonger
la durée du modèle actuel, mais plutôt à inventer un autre modèle de
développement, un développement pensé à partir de la place que chaque personne
y occupe plutôt que de sa capacité à accéder aux biens nécessaires. Du moment qu’il n’est pas
abordé comme un problème uniquement technique, le développement durable
permet de reconsidérer d’une manière nouvelle la notion de création dans le
domaine économique. Cette nouvelle acceptation de la création, définie en
fonction d’une « vie bonne » qui reste à préciser, mais qui sera en tout cas
une vie où chaque personne aura une place et une contribution à faire,
résonne fortement avec l’idée de création conçue comme l’acte de livrer
passage. En effet, une vie bonne, non déterminée uniquement par des besoins à
satisfaire mais par la capacité créatrice de l’humain, est une vie dont le
contenu n’est pas prédéfini. C’est une vie qui fait place à l’imprévisible car
elle cherche à libérer plutôt qu’à combler. |
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P 74 |
Nous sommes
tous des passagers dans la vie, même si nous n’avons jamais quitté notre
pays. La vie même est un perpétuel voyage, voyage entre nos différents lieux
d’appartenance, voyage entre les différents âges et étapes de notre vie,
voyage entre nos illusions et la vie concrète au quotidien. Et pour tous ces
passages, nous bénéficions de l’aide de passeurs. Le passeur n’est pas un guide
qui indique le chemin à suivre. Non, le passeur est quelqu’un qui met en lien, qui ouvre
le chemin, qui dit que la traversée est possible, qu’on peut y
aller. Quelqu’un qui accompagne à partir de sa propre traversée, non pour
qu’on l’imite, mais pour nous donner l’envie et la force de faire notre
propre traversée. |
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P 92-93
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En fait, l’économie solidaire
déplace la notion habituelle de « social », souvent liée aux besoins de base
de la personne (santé, alimentation, éducation, logement, etc.) vers une
discussion plus existentielle et intégrale : celle de la qualité de
relation réelle de la vie. Dans toutes les pratiques de l’économie solidaire,
la proximité et le type de lien tissé à travers l’activité économique sont
les premières dimensions à prendre en compte. De ce fait, le social
n’apparaît pas comme une contrainte supplémentaire à ajouter à l’économie,
mais plutôt comme une manière différente de penser la place et la finalité de
l’économie dans la société. L’économie apparaît ainsi comme un facteur de
médiation sociale et un facteur de construction de société plutôt que comme
un moyen de satisfaction de besoins et d’enrichissement personnel. La
dimension sociale de l’économie solidaire est d’ordre « sociétal » :
elle relève surtout de la manière de vivre ensemble et de faire société.
L’économie solidaire déplace ainsi la représentation classique de l’économie,
du social, et de leur articulation. |
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P
125 |
L’investissement solidaire
vise à financer des activités utiles à la cohésion sociale, à la lutte contre
l’exclusion et au développement durable. L’utilité sociale du projet est donc
essentielle, mais il est également important que ce soit une activité à la
fois viable économiquement et comportant un risque financier ne lui
permettant pas d’accéder au crédit bancaire classique. Cette première
caractéristique situe déjà l’investissement solidaire plus près de l’alliance
que du contrat : il vise l’utilité sociale plutôt qu’individuelle, ce
qui sollicite d’autres formes d’évaluation que le seul calcul. Par ailleurs,
le financeur solidaire est prêt à courir un risque que le financeur classique
n’accepte pas, car ce risque n’est pas couvert par des garanties matérielles
mais par une garantie qu’on pourrait qualifier de « relationnelle ». |
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P
141-143 |
Quand le manque fait communion Je conçois l’enseignement comme un lieu où circule la vie
plutôt qu’un moyen pour transmettre des connaissances ; un
lieu qui met en route plutôt qu’un arrêt pour remplir le réservoir ; une
préparation au pèlerinage plutôt qu’un entraînement à la course.
L’enseignement ainsi conçu dépasse les limites des institutions qui lui sont
réservées. Il passe par les filières académiques qui attribuent des
reconnaissances officielles et par tous les espaces et rencontres qui aident
à se prendre en main et à faire projet avec autrui : cela se fait pour
l’enseignant comme pour l’étudiant, car on apprend de la vie autant que l’on
en transmet. On apprend la vie et la lutte pour la vie, celle d’hommes et de
femmes, de tous âges, qui cherchent à transformer leur errance en itinérance.
Ce qu’il y a de plus passionnant dans le métier d’enseignant, c’est la
possibilité d’observer comment la vie de chacun se cherche et se construit. L’enseignement
est comme un observatoire de la vie, un lieu de contemplation et d’émerveillement.
On contemple les marcheurs qui tracent leur chemin au fur et à mesure qu’ils
avancent à travers les plaines et les déserts. On s’émerveille devant la vie
qui jaillit là où on l’attend le moins. |
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J’ai façonné
mon métier d’enseignante grâce à une formation académique, mais
également par de multiples rencontres informelles qui m’ont révélé, d’une
manière particulière, sa fonction de passeur. |
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P 145-146
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….Ces religieuses en maison de retraite
qui, par la manière de vivre leur dépendance physique et psychique, font de
la fragilité un lieu de rencontre et de fête. Au lieu de se
plaindre d’avoir à être aidées dans les gestes quotidiens les plus banals,
elles transforment cette dépendance en occasion pour mettre en valeur le
personnel qui les aide. La dépendance
chez les personnes âgées provient aussi de leur manque de mémoire qui leur
fait perdre des repères et des objets. Ces religieuses nous révèlent
ainsi le plus précieux de la vie : qu’elle est relation et don. Elles
font de ces lieux sans utilité et sans projet vers l’extérieur de nouveaux
lieux de missions, qui nous rappellent que la vie a besoin de maîtrise, mais
aussi de surprise ; qu’elle doit être planifiée mais aussi célébrée ;
qu’elle a besoin de connaissance mais aussi, et surtout, de reconnaissance. |
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P 152
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La liberté, ce n’est pas ne rien devoir à personne, c’est se
reconnaître en dette, une dette positive qui ne culpabilise pas mais qui
invite à devenir à son tour donateur. C’est se sentir inscrit dans un
mouvement de débordement de la vie, dans son abondance. L’existence, ce n’est
pas la satisfaction des besoins, c’est le fait de se sentir relié à autrui.
Le collectif qui se construit à partir de cette circulation est plus de
l’ordre de la communauté que de l’organisation. Il répond à la logique de
l’alliance plutôt qu’à celle du contrat. |
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P 169
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La communauté se construit grâce, et non pas malgré,
ce qui lui manque : La fonction de l’économie ne serait donc pas de
supprimer le manque, mais de le mettre en mouvement. Sa finalité ne serait
pas de rendre les personnes auto suffisantes mais interdépendantes. La valeur
qu’elle crée ne serait pas seulement mesurée par l’usage ou l’échange des
biens mais surtout par le lien que leur circulation produit. |
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P 181
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Si la lutte contre la pauvreté
vise à combler les manques dont souffrent certaines personnes, elle risque de
se situer uniquement au niveau des effets plutôt que des causes. La réalité
de la pauvreté devrait interroger d’abord la mécanique sociale qui, au niveau
local, national ou international, crée de l’exclusion. C’est la manière dont
on « fait société ensemble » qui est mise en cause avec la pauvreté, et pas
seulement la distribution de ses bénéfices. Cette approche de la pauvreté
sollicite ainsi une autre conception de la solidarité : une solidarité «
par le plus » plutôt qu’une solidarité « par le moins », c’est-à-dire une
solidarité qui cherche quelle est la richesse potentielle de la personne
plutôt que son manque à combler. |
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P 203-205
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L’expérience
de ce « goût de l’autre » montre bien que l’identité est toujours une
histoire de rencontre. Rencontre du même et de l’autre. Rencontre du
similaire et du différent. Rencontre qui révèle à chacun ses propres racines
et qui donne des ailes pour s’envoler ailleurs. Le passé
composé, c’est le temps verbal qu’on utilise pour « marquer une action passée
ayant quelque rapport avec le moment présent »… Et l’identité est aussi futur
imparfait… Le futur imparfait serait ainsi une action future qui serait
imparfaite et inachevée, toujours en train de se poursuivre, de se
renouveler, de se perfectionner. L’identité est futur imparfait car elle est
définie par le futur qui nous met en marche vers quelque chose que l’on espère
atteindre mais que l’on ne connaît pas encore. Elle est futur imparfait car
elle est construction d’avenir, inachevée mais en mouvement… |
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