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Janvier 2011
LA RELIGION A
L’HOPITAL. Hospitalisation et soins médicaux
Isabelle LEVY
Ouvrage paru en 2004 aux
éditions Presses de la Renaissance, en 330 pages
(Extraits du Chapitre V, par Henri Charcosset)
Introduction
« L’hôpital renforce les
solidarités entre les personnes car c’est un lieu d’entraide et celle-ci ne
peut être amplifiée que par une meilleure compréhension de l’autre, sans
renoncer pour autant à la neutralité laïque de toute structure publique dans
notre pays » Professeur Israël Nisand.
L’auteur de l’ouvrage est
écrivain, conférencière et formatrice en milieu hospitalier et en institution.
L’ouvrage est divisé en 6
chapitres. I : Le culte. II : De la virginité à l’enfantement.
III : L’enfant. IV : L’alimentation. V : Hospitalisation et soins médicaux (pages 185 à 218). VI : Fin
de vie et rites funéraires.
Pourquoi
les trois religions monothéistes exigent-elles la transgression de tout
interdit lorsque la fin de la vie d’un fidèle est en danger ?
...Pour la culture
judéo-chrétienne, la maladie a fait son entrée dans le monde terrestre après la
désobéissance d’Adam et Eve à l’ordre divin de ne pas manger du fruit de
l’Arbre de la Connaissance...
Quant au prophète Mahomet,
il nous assure par ses hadiths que « Dieu n’a pas fait descendre sur terre
une maladie sans avoir, en même temps, fait descendre son remède »...
Pour diverses raisons, dans
chacune des trois religions monothéistes, le croyant a l’obligation de prendre
soin de son corps sain ou malade...
Le patient évitera consultation,
examen médical ou intervention chirurgicale (et préparatifs) les vendredis pour
les musulmans, les samedis pour les israélites, les dimanches pour les
chrétiens, jours consacrés à Dieu...
L’homme, dépositaire du
souffle divin, ne peut disposer de sa vie en aucune manière et se doit de se
maintenir en pleine santé physique et mentale. Euthanasie et suicide étant
strictement illicites, les soins palliatifs seront sollicités lorsque toute
thérapie s’avérera vaine et la fin de vie prochaine.
Peut-on
exercer la médecine en prenant en considération les différentes convictions
religieuses ?
...Si la question de la
confession du patient est posée en secteur hospitalier, ou du moins devrait
être posée par le personnel infirmier à l’admission, elle n’est qu’accessoire
en secteur libéral...
Le
patient est-il tenu d’accepter d’être pris en charge par les personnels de
garde indépendamment de leur sexe et de leur religion ?
...Depuis toujours, on retrouve
au sein de l’hôpital public des praticiens des deux sexes et de toutes
religions...
Nous pouvons conclure sans
hésitation qu’une femme musulmane peut être prise en charge par un praticien de
sexe masculin et d’une autre confession lorsqu’elle se trouve en situation
médicale d’extrême urgence. Il en est de même des fidèles appartenant à
d’autres religions, qu’ils soient de sexe masculin ou féminin.
Le
personnel est-il tenu de respecter la pudeur des patients ?
Le judaïsme et le
christianisme ne se retrouvent pas dans la mode vestimentaire occidentale
actuelle, parfois impudique, souvent sans tabous... Tous deux exigent que
l’ensemble du corps, excepté le visage et les mains, soit couvert avec décence
en toute saison (tenues amples, évitant les transparences et les couleurs
vives). Il en est de même de la tête...
« Chaque religion a sa propre morale et la morale de l’islam, c’est la
pudeur ! » a proclamé le prophète Mahomet. Chez l’homme, elle
concerne la partie située entre le nombril et les genoux ; chez la femme,
le corps tout entier, exception faite du visage et des mains... Le voile est
tenu pour obligatoire pour la femme...Quant à l’homme, il peut voir dévoilées
les femmes avec lesquelles le mariage lui est strictement interdit (mère, sœur,
belle-mère, belle-fille, fille, etc.) ainsi que son épouse...
En institution, lorsque
faire se peut, il conviendra de privilégier lors des soins d’hygiène ou
médicaux, le recours à un personnel de même sexe que le patient. Quand cela ne
pourra pas être observé, le patient pourra solliciter la présence d’une
personne supplémentaire appartenant au personnel soignant ou au cercle de ses
proches (s’il s’agit d’un soin non stérile ou non traumatisant à la vue) de
même sexe que lui. La présence d’un autre patient dans la chambre lève la
demande de cet impératif...
Les membres de la famille
n’appartenant pas au personnel de l’établissement où leur proche est
hospitalisé, n’ont strictement pas le droit de délivrer eux-mêmes des soins
médicaux...
Il n’en est pas de même pour
les soins d’hygiène (bain, douche, toilette intime, coiffure, etc.), qui
peuvent être effectués par la famille (en partie ou au complet), avec accord
préalable du patient et de l’équipe soignante, si aucun dispositif médical
(sonde urinaire, perfusion, attelle, pansement, etc.) ne s’y oppose.
Le
patient peut-il placer son lit à sa guise dans sa chambre ?
Il
n’est pas rare que la famille désire placer le lit du patient différemment de
la façon dont l’infrastructure hospitalière en a décidé préalablement. Cela
n’est aucunement une affaire de décoration intérieure mais de croyances : le
judaïsme prône la direction vers Jérusalem (Israél :
sud-est en France), le christianisme affirme
qu’il faut orienter son lit comme une église, la tête du coté où le soleil
se lève (est), les pieds vers le soleil couchant (ouest) ; l’islam leur préfère
celle de La Mecque (Arabie Saoudite : sud-est en France). Ces préceptes sont
davantage mis en avant dans le cas d’une santé précaire, d’une naissance ou
d’une fin de vie...
On
pourrait se demander à bon escient si le personnel soignant ne devrait pas se
prémunir - outre d’un stéthoscope,
d’une montre avec trotteuse et d’un garrot - d’une boussole. Je réponds par la
négative. Il revient au patient ou à sa famille de discerner l’est de l’ouest,
le nord du sud. Je préconise à chacun de ne pas s’engager dans les vifs débats
qui s’ensuivront.
Quant
au changement de position du lit, il peut être accepté dans les établissements
de santé sous certaines conditions : maintenance de la totale ouverture de la
porte de la chambre, libre accès à l’oxygène et au vide, etc. De cette
modification d’aménagement des lieux ne devra jamais résulter aucune difficulté
d’accès au lit du patient pour la réalisation des soins et la mise en place de matériels médicaux (pied de perfusion, seringue
électrique, etc.)
Indépendamment
de toutes croyances religieuses, dans de nombreuses cultures - y compris
occidentales - on évite de dormir les
pieds face à la porte de la chambre. Il en est de même dans les hôpitaux
français. « On risquerait d’en sortir les pieds devant ! » s’empresserait
de répondre la sagesse populaire.
Côté droit ou côté gauche?
Le judaïsme,
le christianisme et l’islam accordent au côté droit préséance sur le côté gauche.
Pourquoi ce principe ? Depuis que nos sociétés
sont devenues patriarcales - la gauche se rapportant au côté féminin, la droite
au côté masculin -, nos moindres gestes
quotidiens reflètent cette étrange évolution.
Un musulman
débute tout acte d’hygiène et de pureté par le côté droit (ablutions rituelles,
entrée dans la salle de prière de la mosquée, prise de nourriture, etc.) et
tout acte d’impureté par le côté gauche (lavement des zones excrétrices, entrée
dans les toilettes, etc.). Lorsqu’il s’habille, il enfile d’abord (comme le
juif) la manche droite, la chaussette droite, etc.
Si ces
diverses attitudes ne sont plus suivies par le christianisme (pourtant, comme
dans les deux autres religions, il annonce que les élus siégeront à la droite
du trône de Dieu au lendemain du jugement dernier), elles ne doivent pas être
observées par le malade, l’handicapé ou le « maladroit » juif ou
musulman, en raison de son inaptitude physique (temporaire ou définitive). Il
en est de même pour le respect des temps et des modes de prière.
Cette dispense
n’est pas toujours connue des malades...
Visite aux malades
Le judaïsme
prescrit la visite aux malades (comme aux incurables) avec une réserve relative
au temps. Les proches les honoreront de leur présence les trois premiers jours
de leur immobilisation (intervention chirurgicale ou hospitalisation), les amis
se présenteront à partir du quatrième jour...
A l’image de
Jésus, les Evangiles prônent la visite aux malades...
Le prophète Mohamet a préconisé : « Quiconque rend visite à
un malade ne cesse de cueillir des fruits du paradis jusqu'à ce qu’il le
quitte »...
Les visites ne
peuvent être interdites par les soignants (sauf sur contre-indication médicale
ou à la demande expresse du patient) si elles se conforment aux règles édictées
par les services d’hospitalisation (nombre de visiteurs, horaires, etc.)...
Un médecin doit-il accorder une autorisation de sortie
pour convenances religieuses à un patient hospitalisé ?
... Chaque
demande sera envisagée avec circonspection par l’équipe (médecins,
paramédicaux, travailleurs sociaux, etc.)...
Si la demande
de sortie est refusée, on permettra au patient de célébrer ses rites culturels
au plus près de sa tradition... L’organisation des soins, le respect des règles
de sécurité, le repas des résidents et l’état de santé du patient nuanceront
les souhaits du malade et de sa famille si besoin est.
A propos de la transfusion sanguine
…..En
conclusion, la législation française se place au-dessus
des religions lorsqu’il s’agit de porter assistance à une personne en danger,
quels que soient son statut (majeur, mineur, incapable majeur) et ses croyances
spirituelles. Ce n’est pas violer la volonté du malade (ou du détenteur de
l’autorité parentale pour un mineur, ou du représentant légal pour un incapable
majeur) lorsqu’une équipe médicale entreprend le maximum pour sauver la vie ou
l’intégrité corporelle d’un patient. De nombreuses personnes pourront
s’indigner devant une telle disposition. Pourtant,
n’agit-on pas de la même façon avec une personne qui a tenté de se suicider et
qu’on pratique sur elle les soins d’urgences sans s’enquérir au préalable de
son consentement ou de celui de ses proches?
Pourquoi et comment donner son sang ?
Aucun produit
artificiel ne peut se substituer complètement au sang humain. Le don de sang
est donc irremplaçable et indispensable pour sauver des vies. Chaque année, 500
000 patients atteints de diverses pathologies (leucémies, hémophilies,
brûlures, maladies infectieuses, hémorragies importantes, etc.) bénéficient
d’une transfusion sanguine. (Voir : www.dondusang.net
)
Pour
des raisons médicales et ethniques, le don dirigé est interdit en France,
c’est-à-dire qu’il est impossible de donner son sang à l’intention d’une
personne précisément nommée. L’anonymat est un principe fondamental du don du
sang, donneur et receveur ne se connaîtront jamais. Aussi, nul patient ne peut
réclamer le droit de donner la préférence à un donneur appartenant à sa
confession...
Les religions en pharmacie
Pendant
de longs siècles, « les religions furent souvent les médecines des pauvres,
opérant la guérison par des simples, ces plantes des jardins des curés, et des
jouvences des abbés ».
De nos
jours, les médicaments vendus en pharmacie sont d’origine végétale, minérale,
animale ou synthétique. Quant aux nombreux remèdes traditionnels, ils sont
dérivés des plantes (aspirine, digitaline, opium, quinine...) ou de minéraux
(magnésium, iode, fer...). Ils se présentent sous différentes formes galéniques
(aérosols, crèmes, gélules, gouttes, comprimés, lotions, ovules, pommades,
poudres, sirops, suppositoires, solutions injectables...). Certains sont
appréciés par les religions, d’autres pas.......
Quant
aux traditions populaires, elles accordent aux couleurs des comprimés une
valeur symbolique dans la guérison des malades : les blancs et les verts sont
estimés des musulmans ; les blancs et les bleus, des juifs et des chrétiens ; les bleus et les verts, des Asiatiques
; les bleus, des Indiens, des
Orientaux et des Méditerranéens. Les roses et les rouges sont considérés
favorables par tous : ils sont les symboles de la vie, de la bonne santé et de
la fertilité. Le jaune, couleur annonçant les maladies contagieuses
en Europe, sera évité par ses ressortissants mais très prisé des Asiatiques
pour qui il représente le pouvoir et la connaissance. Le blanc, symbole de
pureté, évoque une peau saine et sera apprécié par les Européens mais dénoncé
par les Indiens, les Orientaux et les Africains, étant pour eux la couleur du
deuil. Imaginez la réaction d’Occidentaux amenés à ingérer des comprimés de
couleur noire ? Cette approche n’est pas celle de tous les fidèles, plus
attachés à la foi qu’aux superstitions.
La douleur face aux religions
Dans
le christianisme, « l’Eternel (...) soutient [l’homme] sur son lit de
douleur. [Il le soulage] dans toutes ses maladies ».
Dans
le judaïsme, la souffrance n’est ni fortuite, ni dénuée de sens, même si ce
dernier reste caché au commun des mortels : « Dieu, ne me dis pas
pourquoi je souffre car je ne suis pas digne de le savoir, mais aide-moi à
croire que je souffre pour toi » (prière hassidique)...
Si
la souffrance devient un mode de punition, voire d’expiation, elle n’est pas un
moyen de rédemption. Aussi doit-elle être combattue, la mortification et le
dolorisme n’ayant aucune raison d’être dans le judaïsme.
Dès
son origine, christianisme a souvent rimé avec dolorisme. La souffrance physique
étant considérée comme rédemptrice par souci d’imiter la Passion du Christ, la
douleur se trouvait assimilée au pêché originel. Son acceptation était dévotion
envers Dieu, purification de l’âme et du corps.
Mais
l’attitude de l’Eglise catholique vis-à-vis de la douleur s’est modifiée depuis
quelques décennies... « Les souffrances aggravent l’état de faiblesse et
d’épuisement physique, entravent l’élan de l’âme et minent les forces morales
au lieu de les soutenir ». La foi peut devenir plus vive si la douleur est
soulagée.
Si l’Eglise
catholique préconise son soulagement depuis plus de quarante années, la
tradition populaire a du mal à se
défaire de sa recherche de la souffrance pour expier ses fautes et racheter son
salut. Il n’est pas rare que des fidèles (souvent âgés) refusent les
traitements antalgiques. Si les personnels de santé n’arrivent pas à les
convaincre du contraire, l’échange avec l’aumônier de l’établissement de soins
ou le curé de leur paroisse d’origine sera du meilleur aloi pour apaiser leur conscience si besoin est.
Quant aux
protestants et aux chrétiens orthodoxes, ils refusent toute valeur de salut ou
d’expiation à la douleur depuis les origines. Présente dans notre monde depuis
la faute originelle, elle est une épreuve imposée à l’homme, ni punition ni
mode de rédemption mais chemin permettant de révéler
la vigueur de sa foi dans le divin. Pendant cette épreuve, Dieu demeurera
toujours à ses côtés.
Pour ces deux
confessions, il reste légitime de combattre la
souffrance avec les moyens thérapeutiques mis à notre disposition par la
science médicale tout en apportant un soutien spirituel aux patients. D’ailleurs, les pays de confession à
majorité protestante sont à la point de la lutte
contre la douleur et de la création d’unités de soins palliatifs.
En ce qui
concerne l’islam, Dieu éprouve l’homme par la maladie et la souffrance pour lui
permettre d’affirmer sa foi. La douleur n’est pas la sanction d’une faute, elle
lui est prédestinée. Il doit accepter son destin sans révolte. Selon le Dr Dalil Boubakeur, recteur de la
mosquée de Paris : « Le coeur s’afflige, les yeux
versent des larmes, mais nous ne disons rien qui puisse irriter Dieu.»
Le
dolorisme n’est pas pour autant reconnu par cette religion, Dieu ayant mis à la
disposition de l’homme le moyens de guérir et de soulager. Tout croyant se doit de les rechercher afin de rendre hommage à la
grâce divine même s’ils entraînent la transgression de quelques interdits
(morphine et opiacés, prohibés en temps normal, par exemple).
En
cas d’échec de la médecine, le malade remettra son sort entre les mains de Dieu
en lui conservant sa confiance immuable (musulman,
de l’arabe, « celui qui s’en remet à Dieu »), fidèle à son mektoub (de l’arabe, « destin » ) décidé par le divin...