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JANVIER 2008
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LE REFUGE DES VIEUX
GROGNARDS
Jean-Christophe MARTINEAU et
José NICOLAS (Photos)
A Puyloubier
(Bouches-du-Rhône), d’anciens légionnaires sans famille vivent leur retraite
entre hommes, dans le giron de
Entre les rangs de vigne, la petite équipe avance sous le soleil, arrachant les pampres au pied des ceps. Il a beaucoup plu ces derniers jours en Provence, la végétation pousse vite et il va falloir traiter. Au loin, la montagne Sainte-Victoire découpe ses crêtes sur l’azur.
Ils sont quatre, tous ex-légionnaires, menés par Guy
Girard, 64 ans, ancien adjudant-chef, désormais responsable des travaux
agricoles du domaine Capitaine-Danjou, l’Institution
des invalides de
« Après Vingt-cinq ans de Légion, on m’a proposé un poste ici. J’ai découvert la vigne et cela m’a plu. C’était il y a quinze ans ! explique-t-il. Le travail marche tout seul. On parle le même langage. »
Le premier vigneron interpellé poursuit sa tâche, lâchant
dans un français rocailleux et bourru qu’il n’a pas envie de parler et ne veut
pas être identifié. Rendu à la vie civile, il ne bénéficie plus de l’anonymat
que lui offrait
L’IILE est une structure unique en France :
ouvert aux légionnaires âgés, l’établissement est également un centre de
réinsertion sociale.
Il témoigne de
la solidarité de
Dans cette maison
de retraite pas comme les autres, les pensionnaires, exclusivement des hommes,
ne restent pas les bras croisés et se doivent, en fonction de leur état de
santé, de contribuer à la bonne marche de la communauté. Certains travaillent à
la vigne. Le domaine produit 280 tonnes de raisin, vinifié par la cave
coopérative de Puyloubier. L’IILE commercialise sous
ses propres étiquettes 165 000 bouteilles de rouge, rosé et blanc AOC
côtes-de-Provence.
D’autres oeuvrent dans l’atelier de reliure et celui de céramique ou
bien sont employés dans les services généraux (cuisine, standard…), à l’accueil
du public dans la boutique ou au musée de l’Uniforme de la légion étrangère,
installé au rez-de-chaussée du château massif planté au cœur du domaine.
Peter Kapai, 52 ans, une
carrure imposante et quinze ans et demi de service – le temps nécessaire pour
avoir droit à la retraite de l’armée – est le petit nouveau de Puyloubier. Cela fait trois semaines qu’il a posé son sac
dans sa chambrette de l’hémicycle. Ce bâtiment en arc de cercle d’un étage,
bâti par
Une solidarité
indéfectible qui fait partie du code d’honneur.
Dans les vignes, Peter Kapai
reprend goût à la vie, aux choses simples. « Je travaille la terre en
plein air ; on me dit ce que je dois faire… Je suis heureux »,
confie-t-il en souriant. A l’instar de bon nombre de pensionnaires du lieu, il
ne s’étend pas sur les raisons qui l’ont conduit ici. « C’est une longue
histoire compliquée. J’ai essayé l’aventure de la vie civile, cela n’a pas
marché, glisse-t-il. Ici c’est quand même
Tout comme les 95 autres résidents, qui ont trouvé
sous le soleil de Provence un cadre de vie propice à leurs vieux jours. Et bien
souvent un havre de tranquillité après des années généralement mouvementées
passées hors du giron de cette formation combattante mythique qu’est
Petit, fine moustache poivre et sel, Jean-Emile Cazabonne a roulé sa bosse à Madagascar, à Djibouti, au
Tchad, en Guyane… C’est le parcours classique de nombreux Képis blancs de sa
génération. « Des voyages que je n’aurais jamais pu faire ! »
s’exclame-t-il, les yeux brillants. A 69 ans, il s’occupe maintenant de la
production de sérigraphies destinées aux céramiques fabriquées par l’atelier de
Puyloubier, où il réside depuis vingt-quatre ans.
« J’ai quitté
Bien que l’ILLE ne soit pas une unité opérationnelle,
les relations entre les pensionnaires et l’encadrement, constitué d’officiers
et de sous officiers d’active, restent empreintes d’une certaine discipline
martiale. Au passage du lieutenant-colonel Hildebert,
les vieux soldats, imperceptiblement, rectifient leur position.
« Celui qui pose problème ou se comporte mal,
je le convoque au rapport, comme n’importe quel légionnaire, explique ce
dernier. Mais ils sont demandeurs de ces relations. Ils ont besoin de liens
hiérarchiques. C’est leur planche de salut, ils s’y accrochent. »
Brinquebalés par l’existence, cabossés
par les coups du sort, nombre de pensionnaires de Puyloubier
sont prématurément usés. On y compte 30% d’invalides. La moyenne d’âge des
résidents- dont une poignée a moins de 50 ans- n’est
que de 62 ans et demi. Rien à voir avec celle des maisons de retraite civiles,
où elle dépasse souvent 80 ans. L’IILE n’est pas médicalisée. Son équipe
soignante comprend cinq infirmiers et brancardiers-secouristes. Ne pouvant
prendre en charge les personnes trop lourdement dépendantes, elle travaille en
collaboration avec des médecins libéraux des environs et avec les hôpitaux
militaires et civils de la région.
Penché sur sa table de travail, concentré et méticuleux, Jean Malenfant, 58 ans, colle la mousseline sur le dos du livre dont il réalise la réfection. « Il faut de la minutie, ça me plaît. » Il a passé treize ans à la légion, précédés de cinq ans dans l’armée de terre, « la régulière », comme il dit. Son divorce l’a laissé KO, à la dérive. « J’étais scié, confie-t-il dans un souffle. J’avais tout perdu, j’ai tout retrouvé ici. Une famille. Je vais rester maintenant. J’ai coupé tous les ponts avec l’extérieur… » Silence. « Je suis en sécurité. »
« La Légion n’abandonne jamais les siens,
conclut le lieutenant-colonel Hildebert, ni au combat, ni dans la vie. »
Institution
des invalides de
Ouvert tous les jours de 10 h à 12 h et de 14h à
17h.
Fondée en 1831 par Louis-Philippe,