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MAI 2008
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LES PROBLEMES
DU MILIEU DE LA VIE.
Cet article
est fait d’extraits de cet ouvrage par Henri Charcosset
A la suite de Sigmund Freud
(1856-1939), la psychologie s’est concentrée presque exclusivement sur la phase
enfantine du développement humain.Les différentes étapes de l’enfance et de la
jeunesse ont été étudiées avec grand soin. Lorsqu’un adulte est affecté par des crises ou par des phénomènes
névrotiques, on remonte à son enfance pour expliquer et guérir son état présent.
L’intérêt de la psychologie classique pour le développement humain prend fin
avec la traversée de la puberté dans l’adolescence, vers dix-sept ou dix-huit
ans.
C’est
seulement avec Carl Gustav Jung (1875-1961) que la psychologie change de
perspective. Si Freud est le psychologue de la première moitié de la vie, on
peut à juste titre qualifier Jung de psychologue de la deuxième moitié. Il ne
s’agit pas pour lui de remonter jusqu’à l’enfance pour comprendre les problèmes
de l’adulte, mais de trouver des voies pour l’aider ici et maintenant. Ce
changement de perspective ne concerne cependant pas que le temps : les
problèmes envisagés changent également de nature. Pour Freud, les conflits
névrotiques de l’être humain sont uniquement des problèmes relatifs aux
pulsions, et ceux-ci se sont généralement développés dans l’enfance. Au cours
de ses consultations, Jung découvre au
contraire qu’au-delà de trente-cinq ans, la plupart des problèmes sont de
nature spirituelle.
1. Le processus d’individuation
Si nous voulons comprendre les observations de
Jung relatives aux problèmes du milieu de la vie, il nous faut revenir
brièvement sur sa conception du développement de la personne humaine, sur le
processus d’individuation. Jung appelle individuation le processus remarquable
qui « crée un individu psychologique, c’est-à-dire une unité autonome et
indivisible, une totalité ». Ce processus comporte deux grandes phases,
celle de l’expansion, au cours de la
première moitié de la vie, et celle de l’introversion,
dans la deuxième moitié.
L’enfant vit au départ entièrement dans
l’inconscient ; l’enjeu de la première partie de la vie est de s’en
arracher progressivement et de se constituer un Moi conscient. Par le terme de
Moi, Jung désigne le noyau personnel conscient, le centre de l’activité et du
jugement. Au cours de cette phase, il faut que l’être humain fortifie
progressivement son Moi, il faut qu’il se fasse une place au soleil et qu’il
puisse s’y maintenir. Dans ce but, il développe une persona, figure adaptée
aux attentes de l’entourage, masque qui lui évite d’être livré aux autres sans
défense, avec tous ses sentiments et états d’âme. C’est à la persona qu’incombe la gestion des
relations entre le Moi et le monde environnant. Puisque, au cours de cette
période, l’être humain applique tout son soin à fortifier son Moi et à édifier
une persona solide, il néglige par la
force des choses beaucoup d’autres de ses aspects. La conséquence en est la
formation de l’ombre, en quelque sorte image spéculaire du Moi, composée
« des aspects psychiques de l’être humain qui ont été en partie refoulés,
en partie non vécus ou très peu vécus, qui avaient été dès le départ exclus de
l’existence courante pour des raisons morales, sociales, éducatives ou autres
encore et qui avaient été livrés de ce fait au refoulement ou à la
censure ».
L’ombre ne se réduit donc pas au versant négatif obscur
mais comporte aussi des aspects positifs. La nature humaine est faite de
couples de pôles ; à chaque pôle correspond un pôle opposé. L’un d’eux est
admis dans le conscient, l’autre reste confiné dans l’inconscient. En face de
toute qualité se dresse son opposé. Plus l’être humain développe une qualité
particulière, plus se renforcent dans l’inconscient les répercussions de la
qualité opposée. Ceci ne vaut par seulement pour les vertus, mais aussi pour
les quatre fonctions psychiques de la conscience distinguées par Jung :
pensée, sentiment, intuition, sensation. Si un être humain développe
unilatéralement ses fonctions rationnelles, il sera submergé dans son
inconscient par les manifestations infantiles et pulsionnelles de sa
sensibilité (par exemple, une sentimentalité exacerbée). Les qualités et les
modèles de comportement relégués dans l’ombre sont généralement projetés sur
d’autres personnes, de préférence de type psychologique opposé. Empêchant
l’ombre d’émerger à la conscience, cette projection est souvent à l’origine de
tensions interpersonnelles.
Dans la
première partie de sa vie, l’être humain est tellement accaparé par
l’affirmation de soi, qu’il s’identifie avec son Moi conscient. L’ombre, l’anima (ou
l’animus), l’inconscient sont refoulés, sans qu’il en résulte de grands
dommages. Mais voici que tout change dans la deuxième moitié. Il s’agit à
présent d’intégrer l’ombre, l’anima (ou l’animus), de retirer en conséquence
les projections qu’on faisait vers l’extérieur, de s’ouvrir à son propre
inconscient et de rendre conscientes les dispositions et les qualités qu’il
contient. Il faut que le Moi se retourne vers son origine, vers le Soi, pour
recevoir de lui une nouvelle force vitale. L’individuation
a pour but l’épanouissement du Soi, concept que Jung définit comme
« la totalité psychique de l’être humain ». Alors que le Moi est
uniquement conscient et l’ombre au contraire inconsciente, le Soi englobe à la
fois conscient et inconscient. L’être humain doit se redéployer du Moi vers le
Soi. Ceci se fait par le transfert dans le champ conscient et par l’intégration
d’une part toujours plus grande d’inconscient.
1. Problèmes du milieu de la vie
Le milieu de la vie, situé entre trente-cinq
et quarante-cinq ans environ, désigne ce tournant au cours duquel
l’épanouissement du Moi doit se muter en mûrissement du Soi. Le problème
essentiel posé par ce tournant est que l’être humain croit pouvoir maîtriser
les tâches de la deuxième moitié de la vie en conservant les méthodes et les
principes de la première moitié. Pour l’être humain, reconnaître et admettre la
courbe de sa vie consiste à s’adapter, à partir de son midi, à la réalité
intérieure et non plus à la réalité extérieure. Ce n’est plus l’expansion qui
est exigée de lui, mais la réduction à l’essentiel, le cheminement vers
l’intériorité, l’introversion. « Ce que la jeunesse a trouvé et devait
trouver à l’extérieur, l’homme de l’après-midi doit le trouver en lui ».
Les problèmes devant lesquels l’homme se
retrouve au midi de sa vie sont liés aux tâches dont la réalisation lui est
imposée par la deuxième moitié de la vie et par rapport auxquelles il doit
apprendre à se situer :
-
la relativisation de sa persona ;
-
l’acceptation de son ombre ;
-
l’intégration de son anima ou de son animus ;
-
l’épanouissement du Soi dans l’acceptation de la mort et la rencontre
avec Dieu.
La relativisation de sa persona
Il a
fallu beaucoup d’énergie à l’adolescent et au jeune adulte pour conquérir sa
place dans la vie. Cette lutte exigeait une forte persona qui lui permettait de
s’affirmer dans l’existence. Mais le renforcement de la persona passait par le
refoulement de l’inconscient. Celui-ci faisant à présent irruption au milieu de
la vie, l’être humain est déstabilisé, son assurance consciemment assumée
s’effondre ; désorienté, il perd son équilibre. Pour Jung, cette perte
d’équilibre est tout à fait opportune, car elle oblige à la recherche d’un
nouvel équilibre dans lequel l’inconscient aussi reçoit à présent sa juste
place.
Bien
sûr, l’effondrement de ces repères peut aussi tourner à la catastrophe. Une
réaction de protection contre la déstabilisation, assez fréquente, consiste à
se cramponner à sa persona, à s’identifier, sans aucune prise de distance, à
son poste, à son emploi, à son titre. Jung estime que beaucoup de représentants
du sexe masculin se réduisent au rang qui leur est accordé par la société.
C’est en vain qu’on chercherait une personne sous cette enveloppe. Derrière les
somptueuses apparences, on ne trouverait qu’un pitoyable petit bonhomme. Si la
fonction exerce une telle séduction, c’est qu’elle compense l’insuffisance
personnelle. Au lieu d’être à l’écoute des attentes du monde et de se
retrancher derrière sa persona, l’homme du milieu de la vie devrait être plus
attentif à la voix intérieure et s’employer à développer sa personnalité
profonde.
L’acceptation de l’ombre, ou le problème des opposés
Jung
voit toute la vie humaine sous forme de couples d’opposés : ainsi
conscient et inconscient, lumière et ombre, animus et anima. La notion
d’antagonisme est essentielle pour l’être humain. Il ne se constitue en
totalité, il ne se déploie jusqu’au Soi que s’il ne refuse pas les opposés mais
s’il les englobe en soi. La première moitié de la vie, par le renforcement du
Moi, mettait unilatéralement l’accent sur le conscient. La raison se forgeait
des idéaux que le Moi suivait. Mais à tous ces idéaux correspondent dans
l’inconscient des prises de position opposées. Plus grand est l’effort pour
exclure celles-ci, plus fréquent est leur retour dans les rêves. De même, les
modèles de comportement vécus consciemment suscitent des attitudes contraires
dans l’inconscient. Le milieu de la vie exige à présent de se tourner aussi
vers les pôles opposés, d’accepter l’ombre auparavant non vécue, et d’entrer en
débat avec eux.
Nous
rencontrons alors deux erreurs de comportement typiques : l’une consiste à
ne pas voir le contraire de l’attitude consciente. On se cramponne aux
anciennes valeurs, on se fait champion des principes, le laudator temporis acti (le panégyriste du temps passé). On se
raidit, on se pétrifie, on se met des œillères. L’autre réaction erronée au
problème des opposés consiste à jeter par-dessus bord toutes les valeurs
auxquelles on adhérait… On succombe à l’erreur de croire qu’une valeur donnée
est abolie par la valeur opposée. On ne saisit pas qu’aucune valeur, aucune
vérité de notre vie n’est niée par son contraire, mais que les deux sont en
relation de réciprocité.
L’intégration de l’anima et de l’animus
Le
problème des opposés se manifeste entre autres, au tournant de la vie, par
l’apparition chez l’homme et la femme de caractéristiques de l’autre sexe…
Selon Jung, tout se passe comme si chaque personne avait une certaine provision
de masculinité et de féminité… Jung utilise les termes d’anima et d’animus pour
désigner les traits, qualités et principes féminins et masculins. Tout être
humain porte en lui les deux potentialités.
Jung
propose différentes voies pour le début avec l’anima… Il faut que je donne à
mon inconscient l’occasion de s’exprimer et d’accéder à la conscience… D’autres
voies sont l’épanouissement conscient des forces de la sensibilité, des
capacités musicales et artistiques que chacun porte en soi…
Comme
l’homme avec son anima, la femme doit apprendre à fréquenter son animus…
L’animus joue ainsi le rôle de pont vers l’inconscient où reposent des forces
fécondes et créatives, nécessaires à son devenir… L’intégration de l’anima et
de l’animus trouve par ailleurs un soutien dans la communauté qui peut offrir
un havre, mais aussi des exigences et des structurations. Celui qui se ferme à
la communauté se coupe du fleuve de la vie.
L’épanouissement du Soi dans l’acceptation de la
mort et dans la rencontre avec Dieu
Selon Jung : « A partir
du milieu de la vie, ne reste vivant que celui qui veut bien mourir avec la
vie ». La peur de mourir est liée pour lui à la peur de vivre. Car ne peut
vivre, rester vivant, mûrir, seulement celui qui accepte la loi de la vie qui
est mouvement vers la mort, son but.
La
fixation sur le temps de la jeunesse est un signe typique de la peur devant la
perspective du vieillissement… Au lieu de se préparer à vieillir, on se veut
éternellement jeune, ce qui est, d’après Jung, un « substitut bien minable
à l’illumination par le Soi », exigée de l’être humain dans la deuxième
moitié de la vie.