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Janvier 2011
S’EPANOUIR
AVEC LA POESIE THERAPIE
Flavia MAZELIN SALVI
Psychologies magazine - février 2010
Mettez
de la poésie dans votre vie
Elle
peut nous transformer en profondeur et devenir un véritable outil de
développement personnel, assure le philosophe
Jacques de Coulon
dans ses derniers livres, preuve en quatre séances... poétiques.
« Par ses sonorités, ses
rythmes, ses images, la poésie exprime l’état le plus achevé de la “maison de
l’être”, affirme Jacques de Coulon. L’homme se
construit et se reconstruit aussi par la poésie. Les mots bien choisis
guérissent les maux.» Pour autant, le philosophe ne fait pas de la poésie le
substitut « magique » de la thérapie, il l’appréhende plutôt comme un
outil de développement personnel. Poète, chacun l’est en puissance,
assure-t-il, rappelant que le mot poésie vient du grec poiêsis, « création »: « Pour en
faire l’expérience il suffit de choisir un poème, de le réciter à voix haute et
de se laisser porter. Aussitôt, notre imaginaire compose une mélodie et un
paysage singuliers. »
En faisant de nous des
créateurs, la poésie nous connecte à nos ressources intérieures et modifie
notre regard. Et si elle n’est pas un voile d’or et d’argent destiné à
camoufler les laideurs du monde, elle peut les transcender et nous rendre plus conscients. En février 2009,
alors que la grève paralysait la Martinique et la Guadeloupe, neuf
intellectuels antillais, dont Patrick Chamoiseau et
Edouard Glissant, évoquaient non une crise économique, mais une « crise
poétique ».Dans ce manifeste politique écrit comme un poème, ils appelaient à
« mettre en oeuvre un épanouissement humain qui s’inscrit dans
l’horizontale plénitude du vivant... » C’est
dans cet esprit que nous vous proposons, avec Jacques Coulon,
quatre séances poétiques de développement personnel.
POUR VOUS RECENTRER
Si
la psychanalyse et la poésie ont un point commun, c’est de proposer un
voyage dont nul ne peut connaître les étapes à l’avance. Quelles émotions en
jailliront ? Quelles associations d’images ? Pour l’entreprendre, vous pouvez
vous replonger dans un poème de votre enfance (Jacques Prévert, PauI Éluard, Jules Supervielle...). En le relisant à haute
voix, en laissant ses images prendre forme et sa musicalité vous envahir,
sensations et souvenirs vont remonter à la surface. À la manière d’un détective
ou d’un analyste, vous pouvez alors les noter, les compléter, les interroger...
L’exercice:
« Château de cartes, château de
Bohème, château en Espagne. telles sont les premières
stations à parcourir pour tout poète », écrit Gérard de Nerval. La métaphore du
château - ses dédales, ses pièces fastueuses, comme ses pièces obscures et
secrètes - est souvent utilisée pour décrire le cheminement, à tâtons, de celui
qui décide de remonter à la source. Pour prendre conscience de certaines de nos
prisons intérieures édifiées dans le passé, et vous en évader, imaginez-vous
dans la peau d’un pèlerin arrivant au pied d’un château, au sommet d’une
montagne. Sur la plus haute tour, à la fenêtre, une femme (ou un homme) vous
demande de la (le) délivrer. Visualisez précisément cette manifestation de
votre être profond : ses traits, son expression, ses vêtements... Et l’ayant
libérée, rédigez un dialogue entre elle et vous.
POUR SORTIR DES SENTIERS BATTUS
Parce qu’elle propose d’autres voies que
celle de la rationalité et procède par ellipses, métaphores, associations, la
poésie a le pouvoir de faire de l’espace on soi pour
que puisse se déployer une façon d’être au monde plus singulière. Mais pour
s’ouvrir à une dimension nouvelle et se mettre on marche, agir sur le mental ne
suffit pas.
« Demain, dès l’aube, à l’heure où
blanchit la campagne, je partirai », « Je m’en allais, les poings dans mes
poches crevées ». Hugo, Rimbaud... Par essence, le poète est en mouvement. Pour
lui - et à l’instar des philosophes antiques qui enseignaient en marchant - la mobilité de l’esprit est indissociable de
celle du corps.
L’exercice:
choisissez un poème qui, pour vous,
représente la liberté, l’invitation au changement ou au voyage, et récitez-le à
haute voix on marchant. À chaque syllabe correspond un pas. Pendant l’exercice,
il s’agit de relâcher les épaules, d’inspirer et d’expirer de manière
confortable, et de répéter le texte plusieurs fois jusqu’à se sentir bercé, presque
hypnotisé par les mots.
POUR TRAVERSER LES DIFFICULTES
La poésie parvient à dire les états
d’âme les plus noirs. que l’on peine à formuler, et
cette mise en mots de l’angoisse apaise les émotions. Lire des vers comme s’il
s’agissait de méditation peut être salvateur : vers de Baudelaire - « Sois
sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille » - ou d’Apollinaire - « Faut-il
qu’il m’en souvienne / La joie venait toujours après ta peine »... Parce
qu’elle connecte au monde des symboles et rend cocréateur
d’images et de sons, la poésie pousse à redevenir pleinement acteur de sa vie.
L’exercice:
dans sa présentation de L’Art du haïku, la journaliste Pascale Senk rappelle la recommandation du Japonais Sôseki : «Transformer sa colère ou ses larmes en dix-sept
syllabes. » Si vous n’en écrivez
pas vous-même, vous pouvez toujours réciter un haïku, tel un mantra, l’un du
poète Hosai par exemple « Ce cœur / qui réclame
ceci ou cela / dans ta mer je relâche ». Magie incantatoire des mots qui,
répétés en conscience, modèlent nos pensées comme de la glaise.
POUR ENRICHIR VOTRE QUOTIDIEN
Dans l’une des lettres qu’il adressait
au jeune Franz Xaver Kappus,
Rainer Maria Rilke écrivait : « Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne
l’accusez pas. Accusez-vous vous-même de ne pas être assez poète pour appeler à
vous ses richesses. » Le monde parle à celui qui fait halte pour t’écouter,
tous sens déployés. On peut lire René Char pour se sentir moins à l’étroit dans
le monde de la logique comptable, Emily Brontë pour vibrer à l’unisson des
grands romantiques. Il est aussi possible de s’offrir des occasions de vivre en
poète au quotidien : faire l’expérience de la solitude, rêver. traîner au lieu d’agir et de produire...
L’exercice:
vous pouvez créer votre poème en
suivant les cinq conseils de Rilke - rentrer en soi, observer son environnement
comme si on le découvrait, faire silence, laisser émerger les images et les
suivre, et se laisser porter par son propre rythme pour s’exprimer. La poésie
s’adresse au coeur de l’être, à sa singularité, elle peut le révéler et le
libérer. C’est en cela qu’elle est revitalisante et... subversive !
«
J’écris depuis toujours des poèmes que je ne montrerai jamais »
Fabien,
46 ans, menuisier
« J’ai commencé à écrire de la
poésie en seconde, suite à une rupture amoureuse très douloureuse. Pendant des
nuits et des nuits, j’ai ciselé mon texte pour en faire une sorte de boîte qui
contiendrait mon histoire, mes sentiments, mon désespoir. Quand j’y suis
arrivé, au bout d’une quinzaine de jours, j’allais déjà mieux, c’est comme si
le poème était devenu vivant, qu’il portait la douleur à ma place. J’ai
vraiment eu l’impression de faire de la magie ! Depuis, je n’ai plus
arrêté d’écrire. C’est irrégulier, mais je reprend
toujours la plume. Sur un carnet qui ne me quitte pas, j’écris quelques mots,
un texte plus long, c’est très variable. Ces poèmes, c’est ce que j’ai de plus
intime, je ne les ai jamais montrés à personne, c’est une part de moi que je
garde secrète, c’est ma force. »
« C’est ma pratique spirituelle »
Sabine,
32
ans, décoratrice
« Une dizaine de poèmes, découverts
à l’école, me reviennent dans des situations précises. Si je marche en montagne
ou sur une plage, Baudelaire (« La Nature est un temple ou de vivants
piliers... ») vient nourrir mon sentiment de
plénitude ; quand je me sens fragile, Nietzsche me redonne confiance
(« Car je suis flamme assurément ! ») ; et
dans les moments difficiles, réciter Aragon en boucle (« Donne-moi tes
mains pour l’inquiétude... ») m’apaise : par
l’effort de mémoire que cela exige, par le rythme qui peu à peu me berce et me
fait entrevoir autre chose que ce que je suis en train d’affronter. Je vie la
poésie comme une pratique spirituelle - la seule qui me touche.