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Juillet 2014
Catherine ROLLOT
Le Monde, mardi 23 avril 2014
À Tours comme ailleurs,
des logements pour personnes âgées dans des copropriétés aux services coûteux
se révèlent inlouables et invendables
Depuis deux ans, les Chesneau
n'arrivent ni à louer ni à vendre leur studio de 30 m2, situé au 3e
étage de la résidence du Bel Age. CYRIL CHIGO/DIVERGENCE
POUR
« LE MONDE »
Envoyée spéciale
|
Dans la rotonde vitrée qui abrite le restaurant, les
tables ont été dressées, serviettes damassées en éventail dans les verres et
centres de table fleuris. Le regard glisse peu après sur le jardin privé
parfaitement entretenu et les cèdres centenaires du parc public de la Source
tout proche. Bienvenue à la résidence Le Bel Age, à Tours, havre de paix pour
certaines personnes âgées, source de soucis pour bien d’autres.
Construit en 1980, Le Bel Age fait
partie de ces résidences services conçues sur
le modèle des « tout en un » très en vogue dans les années 1970 et 1980.
Réservées aux plus de 55 ans autonomes, ces copropriétés proposent à leurs
résidents, locataires ou propriétaires, des prestations comme la restauration,
la permanence d’accueil de jour, une surveillance de nuit et une assistance
paramédicale. Des services facturés aux copropriétaires, en plus des charges
classiques, même si l’appartement est vacant, et les prestations non utilisées.
Un système qui fait
monter la facture vite, trop vite (1 000 euros mensuels en moyenne) pour nombre
de propriétaires ou leurs ayants droit, qui n’arrivent plus à payer. Selon les
estimations, une centaine de copropriétés
sur les 380 résidences services (qui représentent 32 000 logements au
total) seraient fragilisées en raison des défauts de paiement de
copropriétaires étranglés par les dettes.
Les services,
comme
l’assistance paramédicale ou la surveillance de nuit, sont facturés même si l’appartement est vacant |
Le projet de loi sur
l’adaptation de la société au vieillissement, qui devait être présenté le 9
avril mais a été reporté en raison du remaniement, prévoit un certain nombre de
dispositions pour garantir les droits des copropriétaires ou des locataires des
nouvelles résidences. La séparation des charges de services et de copropriété
ou encore le non-paiement de celles-ci en cas de vacance devraient devenir
obligatoires. En revanche,
le texte ne dit pas comment ce nouveau cadre juridique pourrait s’appliquer aux
établissements existants.
Une lacune qui inquiète Danielle Chesneau et son mari, qui font partie de ces acquéreurs
piégés par un bien devenu fardeau. Depuis deux ans et demi, les Chesneau n’arrivent ni à louer ni à vendre leur studio de
30 m2 situé au 3e étage de la résidence du Bel Age.
L’appartement est en parfait état, mais les quelques 1 000 euros de charges
mensuelles pour un bien loué moins de 300 euros font fuir les clients
potentiels et creusent la dette de ces jeunes retraités. « Nous avons acheté
cet appartement loué en 2008, raconte Mme Chesneau,
64 ans. Nous pensions que nos parents viendraient y habiter plus tard, ou au
moins que nous ferions un bon investissement. »
Le couple a déchanté. Aucun des
locataires qui s’y sont succédé n’est resté plus d’un an. Les parents
nonagénaires de Mme et M. Chesneau encore
en bonne santé, n’ont quant à eux jamais voulu quitter leurs maisons
respectives. Un seul aïeul devenu dépendant est parti, mais en maison de
retraite. « Personne ne veut plus de cette formule, c’est complètement
obsolète, poursuit M. Chesneau, 65 ans, militaire
à la retraite. Aujourd’hui, les plus âgés peuvent bénéficier de déductions
fiscales pour des aides à domicile qui leur permettent de rester plus longtemps chez eux. »
Incapable de s’acquitter des frais
avec leur retraite de 1 800 euros par mois à deux,la
totalité des charges et le remboursement de leur prêt immobilier, le couple a
accumulé 16 000 euros d’arriérés.
Dans la résidence, M. et Mme
Chesneau ne sont pas les seuls à être en difficulté.
Un petit collectif d’une douzaine de copropriétaires non-occupants s’est
organisé depuis novembre 2013, à l’initiative d’Odile Rousseau. Conseil en
ressources humaines, Mme Rousseau a découvert l’ampleur de la «
catastrophe » il y a quelques mois. « Mes parents ont perdu 45 000
euros, entre les loyers non perçus en raison de la vacance, les charges et les
travaux qu’ils ont faits, espérant que cela leur permettrait de mieux louer ou
de vendre leur appartement », explique Mme Rousseau.
Propriétaires d’un deux-pièces
acheté en 1991 au Bel Age, ces anciens agriculteurs octogénaires puisent depuis
des mois dans leurs économies pour s’acquitter des charges de « services » d’un
appartement qui ne leur rapporte plus rien. « Mon père en a perdu la santé,
explique Mme Rousseau. Il culpabilise de ne pas s’être débarrassé
de ce logement à l’époque où il était encore vendable et il angoisse à l’idée
qu’il va nous transmettre un cadeau empoisonné. »
Selon ce collectif, sur les 75
appartements répartis sur six niveaux, une petite vingtaine seraient vacants,
un chiffre démenti par Evelyne Cantin, la directrice du Bel Age.« Actuellement, nous avons seulement neuf
appartements inoccupés, en vente, en attente de location ou en travaux. Cela
correspond à un taux de rotation normal », affirme Mme Cantin.
Selon la directrice, les propriétaires qui ont des appartements attractifs et
qui sont actifs dans leurs démarches les remplissent sans problème.
« Quand j’ai dit à mon
notaire que j’avais un appartement à vendre ou à louer dans une résidence
services, il m’a clairement dit que ce type de bien n’intéressait plus grand
monde et qu’il ne s’en occupe pas », raconte pourtant
Pierre Soutter, qui a « sur les bras » un
studio au Bel Age hérité de
sa belle-mère. Malgré des
annonces dans la presse et sur Internet, cet ingénieur EDF à la retraite
n’a eu depuis un an que « quatre contacts téléphoniques », restés sans
suite.
«
Personne ne veut plus
de cette formule. Les
plus âgés peuvent bénéficier
de déductions
fiscales pour
des aides à
domicile » Jean-Luc
Chesneau Propriétaire |
Pour Odile Rousseau, l’urgence est
déjà de faire diminuer les charges de services de la résidence. « Il y a
douze salariés dont deux chefs de rang pour servir seulement 58 repas,
s’insurge Mme Rousseau. Depuis 2013, une société d’extérieure
d’aide à la personne nous facture des frais obligatoires d’aide de vie, même
pour les appartements où il n’y a personne !
À la direction du Bel Age, Evelyne
Cantin admet que le modèle doit évoluer. « Les résidences services offrent
la possibilité aux seniors de vieillir sans être seuls et en toute sécurité.
Les services que nous proposons, qui sont pourtant des services à la personne,
ne peuvent pas être déduits fiscalement parce qu’ils sont collectifs. Il faut
que la loi permette aux copropriétaires de bénéficier de cet avantage, cela
permettra d’assurer l’avenir de nos établissements. »
« Si l’on ne fait rien, le nombre de
propriétaires en difficulté va augmenter et fragiliser l’équilibre financier de
la résidence, voire la mettre en faillite », anticipe Odile Rousseau. Un scénario « noir » qui, selon Bruno Audon, héritier d’un appartement dans une autre résidence
services pour seniors, elle aussi située à Tours, s’est déjà produit. M. Audon, aujourd’hui président de l’association des victimes
des résidences seniors, qui regroupe plus de 400 copropriétaires, se bat depuis
deux ans pour faire modifier la législation. « Les gens ne doivent plus être
obligés de payer les charges de services quand le logement n’est pas occupé et
qu’ils ne l’ utilise pas », défend M. Audon, qui, faute de pouvoir vendre son bien, a accumulé 30
000 euros de dettes.
Poursuivi en justice pour
non-paiement, cet employé de banque a gagné un premier procès. L’affaire doit
être jugée en appel d’ici quelques mois. « Jusqu’à présent
,les tribunaux donnaient raison aux résidences, les choses commencent à
bouger »,se réjouit M. Audon.
Pour les professionnels du secteur,
ces problèmes ne concerneraient qu’une poignée de résidences services « ancienne
génération » (les dernières ont été construites en 2000). « Nos résidences
plus récentes et a fortiori celles en construction ne fonctionnent déjà plus
sur ce modèle », assure François Georges, président du Syndicat national
des résidences avec services pour aînés (SNRA) et par ailleurs patron des
Jardins d’Arcadie, un des leaders du secteur. « Les appartements sont
achetés par des investisseurs, notamment pour bénéficier d’une défiscalisation,
et ensuite confiés à un exploitant, qui s’occupe de le louer. Les services sont
à la carte et tout est individualisé. Les résidents paient uniquement ce qu’ils
utilisent », poursuit-il.
Dans le hall un rien pompeux de la
résidence du Bel Age, certains redoutent les conséquences de la guerre larvée entre
ceux qui peuvent encore payer et ceux qui sont pris à la gorge. « Je suis
bien ici, affirme un fringant octogénaire, propriétaire occupant, qui a
souhaité rester anonyme. Si j’ai choisi de vivre ici, c’est justement pour avoirdes services que l’on ne trouve pas dans un immeuble
“classique”. » A la peur de devoir déménager, « d’avoir des ennuis »,
ou de voir supprimer certaines prestations, s’ajoute la crainte de voir le prix des services
s’envoler, car supportés par moins de copropriétaires. Le Bel Age pourrait alors
devenir celui des tourments. ■
Les associations inquiètes pour la loi
autonomie
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Préparé par Michèle
Delaunay, alors ministre déléguée aux per- sonnes âgées dans le gouverne- ment Ayrault, le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement devait être présen- té en conseil des ministres le 9 avril. Le remaniement a boule- versé ce calendrier. C’est désor- mais Laurence Rossignol, nom- mée
secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie auprès de la ministre des affaires socia- les et de la santé. Marisol Tourai- ne, qui sera chargée de le défen- dre.
Le texte n’ayant pas non plus été présenté le 16 avril, l’in- Quiétude monte dans les rangs |
des
associations qui ont noté l’absence de
mention du texte dans le
discours de politique générale de
Manuel Valls. France Alzheimer a
ainsi réaffirmé début avril «
la nécessité d’une réforme
adaptée aux besoins concrets des
familles ». ce projet de loi, dont
l’examen à l’Assem- blée nationale
était prévu du 17 au 19 juin,
avait été ficelé après plusieurs
rapports au gouverne- ment et une
large concertation avec les
associations de profes- sionels
et d'usagers. Il conte- nait notamment
une réforme garantissant
les droits des copro- priétaires
ou des locataires des nouvelles
résidences services. |