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Septembre
2012
L’APPRENTISSAGE DU BONHEUR
Principes, préceptes et
rituels pour être heureux - La pensée- bonheur
Tal
BEN-SAHAR, 2007
2008
pour la traduction française parue aux Editions Belfond, 1247 pages
Extraits
par Henri Charcosset
Introduction
Tal
Ben-Sahar enseigne la psychologie positive à l’Université de Harvard aux Etats-Unis.
Dans
la conclusion à son ouvrage intitulé « Ici et maintenant », il
indique en final : « On mène une
existence heureuse quand on tire du sens et du plaisir dans le temps passé avec
ses proches, dans l’acquisition de connaissances nouvelles, ou dans la mise en
œuvre de tel projet professionnel qui nous intéresse. Plus nos journées sont
pleines de ce vécu là, plus nous serons heureux : il n’y a rien d’autre. »
L’ouvrage
est en trois parties : 1/ Nature du bonheur 2/ Mise en pratique de ces
théories 3/ Self « Méditations », où sont proposées quelques idées
sur la nature du bonheur et sa place dans la vie.
Nous reproduisons ici, la
Septième de ces Méditations, intitulée : La révolution du bonheur (par la
pensée-bonheur).
Ce
texte très clair, se lit agréablement.
Texte de Tal
Ben-Sahar
Les
bienfaits de la révolution scientifique sont innombrables. En agriculture, les
paysans ont cessé de prier le dieu de la Pluie pour investir leur énergie dans
le travail de la terre ; aujourd’hui, quoiqu’elle demeure irréalisée, nous
avons la capacité de nourrir tous les habitants de la Terre. En médecine, on
est passé du breuvage de sorcière à la pénicilline ; l’espérance de vie,
d’environ vingt-cinq ans au Moyen Âge, a atteint une moyenne de soixante-dix
ans aujourd’hui. En astronomie, la notion de Terre plate reposant sur des
tortues a cédé la place à celle de globe tournant autour du Soleil ; des hommes
se sont posés sur la Lune, et nous poussons toujours plus loin l’exploration
spatiale.
Face
à ces progrès imposants, on a naturellement tendance à croire en la science ;
celle-ci est devenue la religion de la modernité. Mais la science n’est pas en
elle-même la solution à tous nos problèmes, individuels ou sociaux, et on peut
même dire qu’en la percevant comme toute-puissante, on risque de se voir
confronté à une nouvelle série de défis à relever, parmi lesquels ce
sous-produit de la révolution scientifique qu’est la prédominance de la pensée
matérialiste, ou conviction que l’ordre du matériel occupe le sommet
de la pyramide des valeurs.
En
se répandant sur presque toute la surface de la planète, la révolution
scientifique a balayé l’ordre du mystique (croire en un dieu de la Pluie, au
pouvoir des rebouteux ou aux tortues géantes) ; mais le problème est que tout
ce qui était non matériel, non quantifiable a été balayé, mis au rebut par la
même occasion. C’est, comme on dit, « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Le
bonheur et la spiritualité, qui sont étroitement liés, se sont retrouvés
dévalorisés puisque immatériels. La pensée matérialiste est en partie
responsable de notre obsession vis-à-vis de l’enrichissement matériel et du
malheur qu’elle entraîne.
Ne
nous méprenons pas : si je critique la pensée matérialiste, je ne remets pas
pour autant en cause, loin de là, le système capitaliste, dont le fondement
même est la liberté. Winston Churchill a déclaré un jour : « Le vice inhérent
au capitalisme est le partage non équitable des richesses. Le vice inhérent au
socialisme est le partage équitable de la misère. » Tant l’histoire que la
recherche en sciences sociales ont prouvé qu’il avait vu juste; on est
généralement plus heureux dans les pays libres que dans ceux où l’économie est
sous le contrôle de l’État. Le problème apparaît lorsqu’ à la liberté de
rechercher la prospérité matérielle se substitue le besoin compulsif d’amasser
toujours plus de richesses.
La
solution de rechange, face à la pensée matérialiste, est la pensée-bonheur, qui consiste, dans notre quête majeure, à nous écarter de la
vision du matériel comme but suprême.
LA
PENSÉE-BONHEUR
La
pensée-bonheur, c’est la reconnaissance que le bonheur est le capital suprême,
la fin vers laquelle mènent tous les autres objectifs. Ce qu’elle n’est pas, en
revanche, c’est le rejet global des choses matérielles : il s’agit plutôt
de les détrôner, de les faire rétrograder de plusieurs crans dans la pyramide
de nos valeurs. Aristote l’avait déjà compris, qui disait : « Le
bonheur est le principe et la raison d’être de la vie, le but et la finalité
suprêmes de l’existence humaine ». Et, de même, le dalaï-lama lorsqu’il
affirme : « Que l’on ait foi dans une religion ou non, tous nous cherchons une
vie meilleure. Aussi je pense que le véritable mouvement dans notre vie est
orienté vers le bonheur. » Le critère en fonction duquel nous faisons le bilan
de notre existence (à savoir notre perception de ce qui compte vraiment) a des
conséquences incalculables, pour notre vie personnelle comme pour la société
dans son ensemble. Quand on se rend compte que le capital suprême, c’est bel et
bien le bonheur, et quand on intériorise cette conviction, on améliore
considérablement son bien-être.
Lorsque
les questions qui orientent notre existence concernent le moyen de trouver plus
de sens et de plaisir (c’est la pensée-bonheur) et non plus d’argent et de
biens matériels (la pensée matérialiste), on est beaucoup mieux placé pour
tirer bénéfice du voyage autant que de sa destination. De nos jours, alors que
prédomine la pensée matérialiste, il y a trop de gens pour se poser les mauvaises
questions. Les étudiants se demandent essentiellement comment leurs études
supérieures pourront leur servir à gagner plus d’argent ; quand ils s’orientent
vers une profession, leurs interrogations tournent principalement autour du
prestige et des possibilités d’évolution de carrière. Pas étonnant que les
chiffres de la dépression augmentent.
La
pensée-bonheur revient au contraire à se demander : « Qu’est-ce qui me rendra
le plus heureux ? », à cerner la zone de recoupement entre les trois
questions: « Où est-ce que je trouve du sens ? », « Qu’est-ce qui me procure du
plaisir ? » et « Quels sont mes atouts ? » Il s’agit ici de s’interroger
sur sa vocation et préciser pour soi-même ce qu’on a vraiment envie de faire
comme études, comme métier, ainsi que dans la vie en général. On augmentera par
là de manière significative ses chances de trouver le capital suprême.
UNE RÉVOLUTION
TRANQUILLE
J’ai
la certitude que, si elle s’étendait, la pensée-bonheur pourrait provoquer, à
l’échelle de la société entière, une révolution aussi considérable que celle
dont a rêvé Marx. La révolution marxiste a finalement échoué, et en fauchant au
passage des millions de vies, sans compter les multitudes de malheureux qu’elle
a laissés derrière elle. Les moyens qu’elle a employés dès le départ (priver
l’individu de sa liberté) étant immoraux, elle était vouée à n’entraîner que
malheur et destruction. Mais la révolution du bonheur, elle, quand elle se
produira aura une issue tout autre, car elle usera de moyens radicalement différents.
Contrairement à
celle que proposait Marx, et qui devait être conduite de l’extérieur, la révolution du bonheur doit venir de l’intérieur. Marx était un
matérialiste ; pour lui, l’histoire était mue par les conditions
matérielles d’existence ; le changement devait donc venir du dehors, et par le
biais des moyens matériels. La révolution du bonheur, qui dépend du passage de
la pensée matérialiste à la pensée-bonheur, est d’ordre mental, donc intérieur.
Nulle intervention extérieure n’est requise pour susciter ce changement. Nulle
force de ce type, d’ailleurs, n’en serait capable. Le choix opéré en toute
conscience (celui de se focaliser sur le bonheur comme capital suprême) est
l’unique changement visible.
Une révolution du bonheur aura lieu lorsque les gens accepteront, en
théorie comme en pratique, que le bonheur est bel et bien le capital suprême.
Bien des gens sont d’ores et déjà prêts à l’admettre en théorie, mais si l’on y
regarde de plus près, leur mode de vie révèle qu’ils sont fondamentalement poussés
par d’autres facteurs que le bonheur en lui-même. La pensée-bonheur peut nous
faire émerger, en tant que communauté, de la « grande dépression » où nous nous
trouvons actuellement. Cependant, les conséquences pour la société vont bien
au-delà de l’élévation de notre niveau collectif de bien-être.
Qu’arriverait-il
si la plupart des gens intériorisaient le passage de la pensée matérialiste à
la pensée-bonheur? Pour commencer, que ce soit entre
individus ou entre civilisations, la jalousie diminuerait considérablement.
Lors d’un séminaire de management que j’ai organisé un jour, certains
participants ont établi un parallèle entre les membres d’une entreprise et un
ensemble de crabes qu’on jette dans l’eau bouillante. Quand un crabe tente de
sortir de la casserole, les autres le retiennent — non pas parce que cela va
les aider eux-mêmes à s’en sortir, mais parce qu’ils refusent que lui s’en
sorte et pas eux. Le besoin de faire plonger les autres provient d’une vision
matérialiste du monde - un monde où les ressources sont un jeu à somme nulle et
où la réussite de l’un implique la faillite de l’autre, où ce qui profite à
l’un ne peut que nuire à l’autre.
Plus
généralement, si c’est un jour la pensée-bonheur qui prévaut, les conflits
interpersonnels et internationaux seront eux aussi réduits dans des proportions
drastiques. La plupart des guerres ont pour objet la terre, le pétrole, l’or et
les autres ressources matérielles. Les dirigeants coupables d’alimenter ces
conflits partent du principe erroné que pour leur pays - et pour eux-mêmes - le
capital suprême est la somme des biens matériels qu’ils possèdent.
Si
ce raisonnement conduit des pays et des individus au conflit, c’est que ces
ressources matérielles existent en quantité limitée. Pourtant, on pourrait
trouver une solution gagnant-gagnant à la plupart des rivalités si, de part et
d’autre, les gens se rendaient compte de la véritable nature du capital
suprême. Sachant que le bonheur dépend de facteurs davantage internes
qu’externes, il ne devrait pas y avoir de conflit d’intérêts pour ce qui est de
le répandre, car la quantité de bonheur n’est pas fixe, elle : qu’une personne
ou un pays en ait en abondance n’en prive pas une ou un autre. La poursuite du
bonheur n’instaure pas un jeu à somme nulle, mais un jeu à somme positive : tout le monde peut y gagner.
Comme dit Bouddha : « On peut allumer des milliers de bougies avec une seule
bougie sans que la vie de cette bougie s’en trouve abrégée. On ne réduit pas le
bonheur en le partageant. » À l’inverse des biens matériels, qui sont
généralement en quantité finie, le bonheur est infini.
Mon espoir de voir un jour l’humanité capable de recadrer les conflits
interpersonnels ou internationaux n’est pas une exhortation au pacifisme ; ce
n’est pas en nous concentrant sur le bénéfice à court terme de la conciliation,
tout en fermant les yeux sur les conséquences à long terme, que nous
instaurerons la paix ou le bonheur. La personne ou la nation agressée n’a pas
intérêt à inviter l’ennemi à la table des négociations pour lui expliquer que
le capital suprême est, en réalité, le bonheur. Dans les relations
internationales aussi bien qu’interpersonnelles, il faut en général être deux
pour danser le tango du bonheur.
PAUSE
En quoi votre vie changera-t-elle si vous vous orientez davantage, en
théorie et en pratique, vers la pensée-bonheur ?
La
révolution du bonheur ne surviendra pas non plus par la confiscation et la
redistribution des richesses aux masses laborieuses, mais par une révolution
interne de la pensée même. Elle ne s’accompagnera pas d’une révolte sanguinaire
qui débarrassera la société de millions de dissidents potentiels, mais d’une
révolte conceptuelle visant à nous libérer des entraves du matérialisme qui
compromet notre potentiel de capital suprême.
La
révolution du bonheur consiste à créer une réorientation paradigmatique à
l’échelle de la société tout entière, et cela vers un degré de conscience
supérieur, un mode d’existence plus évolué - la
pensée-bonheur.
Si
la majorité d’entre nous en venait à comprendre et à intérioriser les idées que
le bonheur n’est pas un jeu à somme nulle et que sa quête ne nous met pas en
position de concurrence avec autrui, une révolution tranquille pourrait se
déployer, au sein de laquelle la poursuite du bonheur et l’aide à nos
semblables dans ce même but formeraient deux objectifs complémentaires. Quand cette révolution interviendra, nous
constaterons, à l’échelle de la société entière, une abondance non seulement de
bonheur mais aussi de bonté.