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Mai 2011
SE
RECONCILIER AVEC LA MORT.
Le message
de la psychologie. Notre deuil doit être différent
Anselm GRÜN
Editons Albin Michel, 2008 (en allemand), 2009
(traduction)
Introduction
Moine bénédictin né en 1945, Anselm Grün est l’auteur de très nombreux ouvrages
d’accompagnement spirituel.
Ici, il traite successivement du
Message de la psychologie / Apport de la philosophie / Images bibliques de la
mort et de la vie éternelle / Message de la théologie / Vivre d’espérance /
Mourir dans l’espérance / Conclusion : Notre deuil doit être différent.
Nous reproduisons successivement :
- Message de la psychologie
- Conclusion : Notre deuil doit
être différent
Message de la psychologie
En 1934, le psychanalyste Carl Gustav
Jung (1875-1961) s’intéressa dans son essai intitulé Ame et mort, à la question de la vie après la mort. Ceux-là mêmes
qui, selon Jung, avaient peur de la vie lorsqu’ils étaient jeunes redoutent la
mort en vieillissant ; ce que la vie attend naturellement d’eux les effraie.
S’il s’agit dans la première moitié de l’existence, de lutter et de développer
son ego, la seconde moitié de la vie a
pour mission le détachement de soi. S’en remettant à Dieu, l’homme affronte
alors l’idée de la mort. Jung compare l’existence humaine à un demi-cercle. Au
commencement, celui-ci progresse vers le haut. Mais d’aucun, trop attachés à
leur enfance, n’évoluent pas intérieurement. Une fois dépassée la première moitié
de l’existence, le demi-cercle se met à décliner. Dès lors ne demeure vivant
que celui qui voit dans la mort un but vers lequel tendre et qui est prêt à
s’acheminer vers celui-ci. « À compter du midi de la vie, seul celui qui veut
mourir en même temps que sa vie demeure vivant. » Nombreux sont ceux qui, pourtant, s’insurgent contre la nécessité
de la mort et se cramponnent à la vie. Jung écrit à leur propos : « Comme
pétrifiés en statues de sel, ils gardent de leur jeunesse un souvenir vivace
mais ne parviennent à établir une relation vivante avec le présent. »
C.G. Jung exhorte l’homme à se
réconcilier avec sa mort. Ce faisant, il ne l’invite pas à croire que la mort est une seconde naissance, mais
il rappelle la manière dont les différentes religions la conçoivent : « On peut
même affirmer que la plupart de ces religions sont des systèmes compliqués
préparant à la mort. » Selon Jung,
les symboles religieux n’émanent pas de l’esprit mais « du coeur, ou du moins
des profondeurs de l’inconscient, lesquelles en sont très éloignées ».
S’il ne cherche pas à
démontrer qu’il existe une vie après la mort, Jung souligne qu’il correspond à
la nature même de l’âme humaine de « considérer
la mort comme l’accomplissement de la vie et comme le véritable but de celle-ci
plutôt que de voir en elle une simple fin dénuée de sens. Qui, partant,
professe à ce sujet une conception éclairée s’isole psychologiquement et
contredit l’essence même de sa nature humaine ». Lorsqu’il s'éloigne
des strates profondes de son âme, l’homme, selon C.G. Jung, s’expose à toutes
sortes de névroses. L’âme, observe le psychanalyste, se prépare à mourir, ce que révèlent tout particulièrement
les rêves où s’exprime, sous la forme de symboles, l’approche de la mort. Ces
rêves invitent l’âme à accepter celle-ci et à corriger ce qui doit l’être.
Si Jung sait que nul ne peut affirmer quoi
que ce soit de définitif à propos de la mort et de la vie après la mort, il prend au sérieux les vérités que lui soumet
son âme. Il part de phénomènes télépathiques, où il puise la certitude que
l’âme n’est pas liée à des catégories spatio-temporelles,
mais « appartient à ce que l’on nomme approximativement et symboliquement
‘’éternité’’ ».
Les vérités de l’âme « sont-elles des
vérités absolues ? Jamais nous ne pourrons le prouver ». Une
chose est néanmoins certaine : qui s’oppose aux jugements de son âme se voit
privé de ses racines et de ses repères ; son incapacité à saisir le sens de
son existence le plonge dans un désarroi névrotique. Jung conclut son essai par
ces mots : « Du désarroi découle l’absurdité, et l’absurdité de la vie engendre
une souffrance psychique dont notre époque n’a pas encore saisi toute l’ampleur
et toute la portée. »
Ayant atteint un âge avancé, C.G. Jung
s’exprima une nouvelle fois, lors d’un entretien avec celle qui fut sa
collaboratrice durant de longues années, Aniela
Jaffé, au sujet de la vie après la mort. Évoquant les pensées et les images qui
n’avaient cessé de le hanter tout au long de sa vie, sans qu’il fût à même d’en
fournir les preuves ultimes, il déclara ne pouvoir parler de la vie après la
mort qu’en racontant des histoires — une attitude qu’il désigna par le terme
grec mythologein. « S’il n’est pour la raison qu’une
vaine spéculation, le mythologein est pour le coeur une activité
salvatrice, laquelle confère à l’existence un éclat dont on ne voudrait être
privé. Il n’est d’ailleurs de raison suffisante de devoir s’en passer. » Selon Jung, le mythe nous offre « des
images salutaires et enrichissantes de la vie au royaume des morts ». Nous
pouvons, certes, douter de ces images. Celui qui s’y fie a néanmoins tout
autant raison que celui qui les conteste. « Mais tandis que celui qui les
conteste s’achemine vers le néant, celui qui s’y tient emprunte le chemin de la
vie jusque dans la mort. Si tous deux sont dans l’incertitude, le premier l’est
à l’encontre de son instinct, le second en accord avec lui, ce qui le distingue
considérablement et avantageusement du premier. »
C.G.
Jung assimile la mort à un mariage. «
L’âme rejoint pour ainsi dire la moitié qui lui faisait défaut, elle devient un
tout » une façon de penser qui
conditionne notre rapport aux choses. Nous arrachant à l’obsession de la
réussite et de la richesse, elle nous maintient ouverts à l’essentiel : « Plus
l’homme se cramponne aux fausses richesses et perd de vue l’essentiel, plus il
est insatisfait de sa vie. Poursuivant des desseins limités, il a le sentiment
d’être limité, ce qui fait naître en lui envie et jalousie. Celui qui, ici-bas,
se sent déjà lié à l’infini désire et pense différemment. Seul l’essentiel, au
bout du compte, constitue notre valeur ; s’il nous fait défaut, c’est notre
vie qui est gâchée. »
Si je ne les partage pas toutes, les pensées
que C.G. Jung consacre à la mort et à la vie après la mort, nous enseignent que
gît, au tréfonds de notre âme, l’intuition
d’une vie éternelle. La psychologie nous incite à nous fier aux
pressentiments de l’âme, laquelle sait, au plus profond d’elle-même, que tout
ne finit pas avec la mort et qu’il est une autre forme de vie, libérée des
catégorie de l’espace et du temps. L’âme devine qu’il existe une sorte d’«
éternité » : une vie dans l’instant, une vie où disparaissent les frontières
qui séparent le temps et l’éternité Dieu et l’homme, et les hommes les uns des
autres. La psychologie, enfin observe que la croyance et l’espoir d’une vie
après la mort habitent un très grand nombre d’hommes et de cultures.
Nous pouvons dire que tout ceci
n’est qu’une illusion dont se berce l’homme afin de supporter ici-bas la
souffrance qu’il endure et de mener, en dépit de ses échecs, une existence
guidée par l’espoir. Mais nous pouvons également nous fier au savoir universel
de l’âme humaine. Même si nous ne pouvons rien affirmer de définitif quant à la
mort et à la vie éternelle, notre instinct nous invite à espérer que la mort ne
nous anéantira pas à jamais.
Conclusion: Notre deuil
doit être différent
Dans sa première épître aux Thessaloniciens, Paul écrit à propos du deuil chrétien : «
Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez ignorants au sujet des morts ; il
ne faut pas que vous vous désoliez comme les autres, qui n’ont pas d’espérance.
Puisque nous croyons que Jésus est mort et qu’il est ressuscité, de même, ceux
qui se sont endormis en Jésus, Dieu les emmènera avec lui » (I Thessaloniciens 4, 13 sq.).
En évoquant ce qui les attend
dans la mort, Paul désire transformer le deuil des chrétiens. Si ces derniers
peuvent pleurer la perte d’un proche, leur affliction doit différer de celle
des hommes qui n’ont pas d’espérance. L’espoir de ce qui nous attend dans
l’au-delà conditionne notre façon d’appréhender notre propre mort et celle de
ceux qui nous sont proches.
Fidèles à la parole de Saint Paul, nous
avons évoqué, dans ce livre, les merveilleuses images d’espérance que la Bible
et la tradition spirituelle nous transmettent. En nous aidant à accepter notre
mort, elles nous permettent de vivre, ici-bas, sans la redouter. Ces images de
l’au-delà marquent de leur empreinte notre existence et sa fin. Aussi nous
est-il salutaire de nous en imprégner. Elles seules, en effet, nous libèrent
de la peur qui sommeille au plus profond de notre âme et que des arguments purement
rationnels ne sauraient dissiper ni transformer.
Les images de la Bible et de la
tradition religieuse consolent, mais ne bercent pas d’illusions. Plutôt que de
refouler les peurs menaçantes qui surgissent de notre inconscient, elles s’en
emparent afin de les transfigurer et de les pénétrer du message chrétien de la résurrection.
Je vous souhaite, chers lecteurs et chères
lectrices, de vous imprégner toujours davantage de ces images afin que l’espérance
dont parle Paul ne soit pas tant une vertu à laquelle nous accédons qu’un don
de Dieu qui transforme notre vie et notre mort. Dieu lui-même nous a offert
l’espérance en Jésus.
En Jésus-Christ, Dieu nous a accordé la
grâce de « vivre en ce siècle présent dans la réserve, la justice et la piété,
attendant la bienheureuse espérance et l’apparition de la gloire de notre grand
Dieu et Sauveur, le Christ Jésus » (Tite 2, 12 Sq.).
C’est une formidable espérance que Dieu
nous a offerte, un espoir qui fait d’ores et déjà de nous des bienheureux et
nous permet de vivre, face à la mort, en accord avec nous-mêmes et, de ce fait,
heureux.