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Janvier 2014

L’ATTACHEMENT, UN INSTINCT OUBLIE

 

Yvane WIART

 

Préface de Bernard GOLSE, Éditions Albin Michel, 2011

 

« L’attachement est un instinct, qui a cependant besoin de conditions favorables pour se développer de manière saine. L’oublier est ouvrir la porte à l’indifférence et à la violence, en particulier relationnelle, et ce dès le plus jeune âge. Le lien à autrui est le garant d’un épanouissement et d’une bonne santé tant physique que psychique. C’est là la grande leçon que nous a léguée Bowlby, sans doute il serait judicieux de s’en souvenir. » Bowlby John (‘1907-1990)

 

De « Voyage au cœur du cerveau » PP 177-240

Une telle conception du cerveau, et des conditions particulières d’adaptation qu’il met en place par rapport à l’environnement, ainsi que de ses incroyables capacités de flexibilité intrinsèque, rend caduque l’idée que le développement serait arrêté une fois pour toutes à un certain âge, et que l’on serait à jamais marqué par ses expériences précoces. Si ces dernières participent grandement à l’évolution, comme on l’a vu,un mécanisme est prévu chez l’homme pour qu’il puisse les dépasser et s’en servir pour s’enrichir plutôt que d’en être affligé. Une bonne circulation de l’information au cœur du cerveau, qui intègre toutes les données disponibles sans en négliger ni en mépriser aucune, permet un bon équilibre, un fonctionnement harmonieux en soi-même et avec autrui, dans une envie de compréhension et de souci de l’autre, égal à celui que l’on se porte. Si ce n’est pas ce qui nous a été donné pendant notre enfance, il n’est jamais trop tard pour y parvenir, l’extraordinaire adaptabilité de notre cerveau est là pour ça.

 

De « Et si Bowlby était encore parmi nous…» PP 241-285

Bowlby nous a quittés  il y a tout juste vingt ans, alors que la vérification par d’autres de ses intuitions théoriques en était à ses prémices. Il n’a pas été témoin de l’ampleur actuelle du champ de recherche sur l’attachement chez l’adulte qui a fourni une importante somme de connaissances, de même qu’il n’a assisté qu’aux débuts de ce que les neurosciences ont aujourd’hui permis de découvrir sur le fonctionnement du cerveau.ur conclure cet ouvrage, on peut se demander comment il réagirait à toutes ces informations.

 

Ce que Bowlby pourrait dire…

Bowlby est parti de son expérience clinique et de son vécu personnel par ailleurs pour mettre au point une approche théorique innovante de la relation de l’enfant aux personnes qui s’occupent de lui de manière privilégiée. S’éloignant des conceptions courantes de l’époque selon lesquelles le bébé ne s’intéresse à sa mère que parce qu’elle le nourrit, il propose l’idée d’un instinct relationnel qui motive l’enfant à entrer en contact avec autrui, et qui le conduit à être pleinement acteur du rapprochement dans la mesure de ses moyens, et non simple spectateur recevant passivement des soins.

Il décide d’appeler cet instinct l’instinct d’attachement, et la personne vis-à-vis de laquelle l ‘enfant l’active préférentiellement la figure d’attachement. Il définit celle-ci comme toute personne qui s’occupe de l’enfant sur une base stable et régulière,rôle classiquement dévolu à la mère biologique. Il est cependant abusif d’établir une équation stricte entre figure d’attachement et mère biologique, même s’il est souvent commode et plus court d’utiliser le terme de mère au lieu de figure d’attachement. Lorsque cette définition d’origine est respectée, il s’ensuit que l’enfant a généralement plusieurs figures d’attachement au début de sa vie, c’est-à-dire plusieurs personnes sur lesquelles il sait, par expérience, pouvoir compter pour prendre soin de lui, comprendre ses besoins et y pouvoir au mieux.

Bowlby serait sans doute très heureux d’apprendre que toutes les études menées ces trente dernières années sur les relations mère/bébé en psychologie du développement ont confirmé ses idées, qui commençaient déjà à être étayées par la recherche de son vivant.

 

De “Conclusion” PP 287-307

…Documentaire de Pierre Caule, Kami productions, diffusé par France 3le 16 janvier 2011. Le documentaire s’intitulait L’empire des sans, et, selon le programme, il était question d’une nouvelle tendance au sein des couples japonais de vivre des relations durables à deux dénuées de sexualité. Ayant auparavant vu une autre émission qui montrait que la société nippone évoluait vers une grande libération des mœurs, voire une sexualisation à outrance, cet apparent contraste m’a intriguée et m’a évoqué
une éventuelle réaction par un retour à une certaine modération zen.

Ma surprise fut grande, car ce n’était pas du tout de cela qu’il s’agissait, bien au contraire. Ce qu’il fallait comprendre, c’est que les Japonais en couple n’avaient plus de relations sexuelles à deux, ce qui ne voulait nullement dire qu’ils avaient renoncé à toute pratique sexuelle, mais préféraient grandement y livrer tout seuls. Un homme d’une quarantaine d’années, cadre nippon par excellence, qui partageait sa vie avec une amie, après avoir divorcé d’une première relation, racontait ainsi qu’il se rendait très régulièrement des sex boxes, sabines hi-tech sobres et aseptisées, où, face à des films porno qu’il venait de choisir dans le magasin attenant, il faisait ce qu’il avait à faire avec un instrument adéquat. Le reportage filmait toute la séquence, ou presque, et comportait par ailleurs un spot publicitaire vantant ouvertement les avantages de l’instrument en question, avec démonstration à l’appui, sur un ton professionnel et décontracté comme s’il s’était agi de présenter une nouveauté technologique des plus banales.

Interrogé sur les raisons de cette pratique à laquelle il n’était d’ailleurs absolument pas le seul à recourir, bien qu’heureux en couple disait-il, il expliquait qu’entre la pression des attentes pesant sur ses épaules au travail, celles de sa compagne à la maison, il n’avait pas une minute à lui pour être tranquille, et que les sex boxes étaient le lieu idéal pour décompresser, joindre l’utile à l’agréable, et pouvoir assurer sur le reste.Même les prostituées étaient trop pour lui, car il anticipait des attentes de leur part que seul un film porno ne pouvait avoir.

D’autres messieurs étaient filmés dans un minuscule bar très sélect, où ils payaient une fortune pour regarder évoluer une jolie hôtesse élégamment vêtue, qui leur chantait des chansons romantiques avec accompagnement au piano. Là encore ils payaient pour le calme et un univers où on n’exigeait rien d’eux, en particulier pas qu’ils aient n comportement sexuel vis-à-vis de la dame. D’autres bars à hôtesses étaient présentés, où cette fois ce que l’on appelle habituellement des entraîneuses avaient davantage la tenue de l’emploi, si ce n’était qu’elles n’étaient là entre deux verres que pour se livrer
à un simulacre de charme et de drague bon enfant, d’où toute considération réellement sexuelle était à nouveau exclue.

Le reportage racontait encore que ce phénomène qui touchait les hommes concernait de la même façon les femmes qui, lasses d’entendre leurs maris rentrer et se dire
« trop fatigués » pour la bagatelle, avaient aussi pris leur sexualité en main, si je puis me permettre, disposant elles aussi de leurs propres magasins d’accessoires avec pignon sur rue, comme n’importe quelle autre commerce. Et le commentateur de conclure que malgré cette apparence de disfonctionnement dans les couples, le taux de divorce était toujours aussi bas au Japon, et que chacun semblait trouver un certain confort dans cette nouvelle manière de vivre, entrée en vigueur depuis la crise où le modèle macho et paternaliste s’était brusquement effondré.

Le reportage se terminait sur la nouvelle tendance chez les jeunes Japonais d’une vingtaine d’années, donc de la génération suivante, d’avoir cette fois totalement abandonné, et la sexualité, et la relation à deux, et toute envie de consommation au pays des biens d’équipement. Rassemblant 50 %, voire 75 % de cette classe d’âge selon les sources, leur attitude est devenue une préoccupation du gouvernement japonais, par la menace qu’ils font peser à la fois sur le taux de natalité et sur la consommation nippone qui n’en finit pas de tenter de s’extraire de la crise. Ceux-là ne sont pas davantage zen : leur seul centre d’intérêt est leur personne, leur apparence physique et vestimentaire qu’ils soignent dans le moindre détail,  et leurs loisirs les placent des heures devant leur écran de télévision ou leur console de jeux, qui les délassent des interactions forcées qu’ils ont au travail.

Le jeune homme du reportage choisi comme représentatif de ces « herbivores », car c’est ainsi qu’on les appelle, avait tout de même des activités extérieurs. Une à deux fois par semaine, il sortait le soir pour aller au kakaoké. Là encore, surprise, pas de bar empli d’un auditoire bruyant, mais une cabine, encore une, légèrement plus spacieuse que la sex box précédente puisqu’elle comportait une table basse et un canapé, dans laquelle le jeune homme, micro en main, passait plusieurs heures à chanter ses airs favoris. Il expliquait son plaisir à y venir exclusivement seul, car ainsi il pouvait chanter ce qui lui plaisait, comme il lui plaisait, sans craindre le regard et le jugement d’autrui.

Pour une spécialiste de l’attachement, ce qui frappait à travers ces portraits finalement assez variés en apparence, était leur même type de discours sur la relation à autrui. Tous et toutes s’accordent à dire qu’elle était devenue extrêmement difficile, que les gens n’arrivaient plus à se parler, à se connaître, et donc à partager suffisamment d’intimité sans contrainte pour avoir envie de relations authentiques, sexuelles ou pas. Au fil du reportage, semblaient se dérouler inexorablement les conséquences d’un attachement de plus en plus évitant au fur et à mesure des générations, passant d’une libération des mœurs avec émancipation totale des femmes devenues hypersexuéesà la mode manga, à un repli sur soi des hommes renonçant à satisfaire leur épouse au lit et préférant un autoérotisme compulsif, pour terminer sur un désintérêt de tout cela et une vie pseudo monacale en tête à tête chez soi avec des écrans d’où les présences humaines ont même été remplacées par des figures de dessins animés.

Je n’ai pu m’empêcher de relier cette évolution et le discours que les protagonistes eux-mêmes en tenaient au peu que je connais des conditions d’éducation récentesdes petits Nippons. Dans un univers où la concurrence fait rage plus que jamais, et où il faut s’assurer d’avoir la meilleure place pour espérer garder une situation correcte, aujourd’hui que le travail à vie pour la même entreprise a disparu et que l’intérim fleurit, les petits enfants entrent en compétition dès la maternelle. Fréquenter une bonne école dès cet âge est un gage important pour l’avenir, l’important est aussi d’y réussir et les mères ne ménagent pas leurs efforts en ce sens. Les petits ne sont pas là pour jouer, mais pour apprendre vite et bien, et s’endurcir pour la suite. Quoi d’étonnant que ces enfants aient ensuite de l’autre l’image de quelqu’un qui a des attentes démesurées vis-à-vis d’eux,et une fois adultes, à défaut de se suicider pour échapper à la pression, ce qu’ils font aussi beaucoup au point d’avoir des lieux « spécialisés » patrouillés régulièrement pour tenter d’enrayer l’épidémie, qu’ils se réfugient dans la solitude, véritablement seuls ou à deux, mais alors dans le refus de l’intimité des corps.

Quoi d’étonnant que soit les hommes que cela touche en priorité, ceux dont le modèle relationnel s’est totalement effondré avec la crise qui n’a manifestement pas eu qu’un impact économique. Pour évitant que ce modèle fût hier, il était encadré par des normes sociales qui le rendaient totalement intégré, et en cohérence avec ce que les femmes avaient appris à attendre de leur conjoint. Les femmes ont changé, elles se sont libérées ont encore accentué leur pression et leurs attentes, maintenant ouvertement exprimées. Elles sont devenues des « carnivores », grisées d’un nouveau pouvoir qui fait fuir
leurs partenaires devenus, eux, « herbivores » selon les expressions consacrées, c’est-à-dire n’ayant plus goût à grand chose, et surtout pas à la relation à deux, même homosexuelle.

On pourrait se dire que cette situation est typique du pays du Soleil levant, qu’elle relève d’un certain exotisme et de conditions socioéconomiques et culturelles particulières. Sans doute, mais ne serait-ce pas le moment de s’emparer de cette illustration, toute extrême qu’elle puisse paraître, et de se demander si elle ne préfigure pas ce qui risque de nous arriver, à nous Occidentaux, à nous Français, petits et grands, qui passons de plus en plus de temps devant nos ordinateurs et nos télévisions,qui préférons surfer sur Internet et chatter sur des blogs en tête à tête avec les milliers d’inconnus des réseaux sociaux, alors que nous adressons même pas la parole à notre voisin de palier ?

En 2003, la France s’est émue des milliers de « vieux » qui se sont éteints, seuls chez eux, dans l’indifférence générale et dont un nombre effrayant n’a pas été « réclamé », livrant leurs corps au carré des indigents, lors de cérémonies communes où ils sont (enfin ?) sentis moins livrés à eux-mêmes. Nos petits-enfants, que nous passons de mode de garde en mode de garde, de nounou à baby-sitter, et dont nous sommes bien contents qu’ils aillent enfin à l’école, pour que ce soit enfin plus facile, sommes-nous certains qu’ils deviendront sécures en grandissant, qu’ils prendront davantage de plaisir à la relation à autrui qu’à celle avec leur écran qui les divertit sans contrainte depuis si longtemps ? Faisons-nous suffisamment attention à leur donner justement l’attention dont ils ont besoin, une présence suffisante dont la qualité est bien plus importante que la quantité, et ce tout au long de leur enfance et de leur adolescence ?

Est-ce si terriblement antiféministe ou encore excessivement traditionaliste et conservateur que de demander aux parents d’aimer leurs enfants, aux mères de faire
le choix d’accorder à leurs bébés un maximum d’attention dans les premières années,à un moment où leur cerveau est en pleine croissance et où les câblages se mettent en place dans une interaction qui se doit être la plus stable et la plus continue possible pour une évolution sans heurt ? Ces questions sont des choix de société, et le propre fils de Bowlby ne s’y est pas trompé, qui a décidé de consacrer sa retraite à la promotion des idées de son père, attirant en particulier l’attention sur l’usage grandissant des crèches et sur les études qui en ont montré à la nocivité à forte dose, sans grand succès semble-t-il pour l’instant.

Aujourd’hui, chacun réclame le droit au travail, aux loisirs, et à avoir des enfants, qui plus est en bonne santé et qui réussiront dans la vie. Et personne ne paraît vouloir envisager que ces souhaits, totalement légitimes par ailleurs, empiètent les uns sur les autres. Je ne crois pas qu’il existe une réponse toute faite à ce sujet, mais qu’il incombe à chacun et à chacune de faire ses choix et d’établir ses priorités. Il me paraît cependant indispensable que ces décisions soient prises en toute connaissance de cause, avec toutes les informations correspondant aux besoins d’un enfant et à ses conditions optimales d’éducation, lorsque l’on choit d’en avoir un.

On aurait pu croire que la législation de l’avortement et la large diffusion d’une contraception fiable, libérant la femme du fardeau d’enfants non désirés, auraient enfin permis de voir naître des bébés auxquels leurs parents consacreraient le meilleur de leur attention et de leur amour, et ce tout au long de leur croissance. Ce n’est pas exactement ce qui semble se produire actuellement. L’enfant est devenu un droit, hautement revendiqué, mais il semble avoir été relégué à l’arrière-plan des priorités, quand il n’est pas devenu un objet, gage de réussite. Les femmes qui souhaitaient aujourd’hui interrompre leur carrière pour s’occuper de leurs enfants, voire qui se projettent heureuses en tant que mères au foyer, font figure d’extraterrestres.

Les autres soutiens potentiels, susceptibles de s’occuper de l’enfant et de lui accorder l’attention dont il a besoin, sur la base d’un bénévolat stable et compréhensif, ont aussi beaucoup évolué. La famille élargie, et en particulier les grands-parents qui, à une époque pas si lointaine, accueillaient avec plaisir leurs petits-enfants, sont aujourd’hui bien trop occupés avec leur propre travail, lorsqu’‘ils sont en activité, avec leurs loisirs qu’ils estiment amplement mérités, ou ils sont tout simplement trop éloignés sur le plan géographique.

L’enfant est alors confié aux soins d’inconnus, le plus souvent des femmes dont on trouve ormal qu’elles s’occupent des enfants des autres. Mais pour compétentes et professionnelles qu’elles soient, elles constituent en elles-mêmes une multiplication des figures d’attachement. Une telle situation est très complexe à gérer pour le petit enfant, qui a besoin d’un maximum de stabilité et de continuité relationnelle pour développer un lien sécure à autrui. Ainsi, les modes de garde actuels tendent à engendrer des enfants insécures, en particulier évitants, qui ont désactivé leurs modes d’attachement à autrui, face à la surcharge affective liée aux changements incessants.

Mais les expériences en bas-âge ne suffisent pas, on l’a vu, à ancrer substantiellement les représentations d’attachement. Les relations familiales ultérieures vécues dans l’enfance et l’adolescence sont tout autant, voire davantage déterminantes à long terme. Or, on dit aujourd’hui que l’enfant est roi, qu’il est au centre des préoccupations,et que ses parents ont à cœur qu’il ne manque de rien. Les publicitaires l’ont bien compris. Sauf qu’inonder un enfant de biens matériels et d’argent de poche ne remplace pas l’attention qu’on lui porte par ailleurs et le temps que l’on consacre simplement à l’écouter, à discuter et à partager avec lui des activités. Cela n’empêche pas non plus de faire pression sur lui pour qu’il réussisse à tout prix ses études, faisant peser sur ses épaules la crainte d’un échec qui est avant celle des parents. Vouloir élever seule un enfant lui fait encore courir le risque d’une situation d’inversion de rôles.

Toutes ces situations étaient relativement inédites au moment où Bowlby a rédigé  son rapport pour l’OMS, et pourtant il y attirait déjà l’attention sur les conséquences graves de la violence psychologique à enfants, par abus et/ou par négligence affective.Les mauvais traitements physiques, très courants à l’époque, ont aujourd’hui davantage été remplacés par des mauvais traitements psychiques ou encore par l’absence de bons traitements, par des parents débordés qui ne savent pas forcément mieux s’y prendre pour apporter à leurs enfants ce dont ils ont besoin sur le plan affectif et relationnel
pour s’épanouir. Les enfants de nos sociétés occidentales sont trop souvent actuellement livrés à eux-même, dans un abandon qui n’apparaît pas comme tel, au sein de familles préférant laisser à d’autres le soin de veiller sur eux et de faire leur éducation.

Ainsi la famille et le lien à autrui ne semblent aujourd’hui menacés en France, quoi qu’on veuille bien en dire. J’en veux pour preuve des faits qui, pour futiles qu’ils puissent paraître, pourraient bien s’avérer significatifs à cet égard. Par exemple, on entend couramment présenter Noël, symbole de la fête de la famille, ou les anniversaires censés célébrer une personne, comme des corvées dont on serait ravi de passer. Revendre les cadeaux, oublier les dates, signent de plus en plus une absence de notion de l’importance de la relation à autrui, et de ce qu’il est bon de faire pour la préserver et l’entretenir, oubliant que le cadeau, plus qu’une marchandise, témoigne du lien et de l’attention portée à celui auquel il est destiné. Ceux qui s’affichent hostiles à ces manifestations disent souvent qu’ils n’aiment pas faire la fête sur commande. Sauf qu’ils n’ont pas l’air de prendre davantage l’initiative d’organiser des fêtes à d’autres moments, et qu’il semblerait bien que ce soit le rappel du lien à autrui qui les dérange. Ne serait-ce pas là un des signes, parmi d’autres, que notre société devient de plus en plus évitante, et que ceux qui se replient sur eux-mêmes aujourd’hui ne sauront pas davantage établir de liens demain, et préféreront s’éteindre seuls chez eux, avec ou sans canicule ?

L’attachement est un instinct, qui a cependant besoin de conditions favorables pour se développer de manière saine. L’oublier est ouvrir la porte à l’indifférence et à la violence, en particulier relationnelle, et ce dès le plus jeune âge. Le lien à autrui est le garant d’un épanouissement et d’une bonne santé tant physique que psychique. C’est là la grande leçon que nous a léguée Bowlby, sans doute il serait judicieux de s’en souvenir.