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«POUVOIR BIEN VIEILLIR AVEC UN HANDICAP »,trimestriel GIPHV,APF69.N°6;10.2005 Editeur :Henri Charcosset, E-Mail : charcohe@club-internet.fr  

 

             OSER PARLER DE LA MORT ?

                                        

Christian BIOT, responsable de L’autre Rive

 

Cet article est une reproduction de l’article original paru dans La Lettre aux Adhérents OVPAR, N°145, 2005

 

« Un laboureur sentant sa mort prochaine … » De tout temps les mois et les jours qui précèdent la mort d’un proche ou la nôtre sont considérés comme des moments précieux de la vie. Ils suscitent une attention particulière. Même si bien des usages sont tombés en désuétude aujourd’hui, on sait l’importance de ces moments. Des rites scandent ces moments comme des « rites de passage » pour aider le franchissement individuel et social de cette étape.

 

I. L’APPROCHE DE LA MORT

 

Souvent se manifestent, alors, trois besoins : le besoin de relire son histoire et d’y découvrir une certaine fécondité qui ne sera pas nécessairement détruite par la mort ; le besoin de confirmer des liens et des ruptures qui ont été constitutifs de la vie et qui rendent celle-ci « sainte », c’est à dire échappant à la banalité, même si elle a été modeste ou tourmentée ; le besoin alterné de solitude et de présence qui reflète, sans doute, une recherche d’intériorité personnelle et de partage avec d’autres.

 

Pour faire face à ces besoins, les traditions religieuses et humanistes vont proposer des actes rituels. Il y a, dans toutes les traditions, le geste de la visite. Se rendre disponible à quelqu’un pour lui permettre de parler, de se raconter, de s’interroger et aussi d’entendre des paroles véhiculées par ces traditions.

 Souvent les personnes trop proches de celui qui songe à sa mort ou trop liées à lui par l’intimité ou les années vécues ensemble ne peuvent pas avoir cette disponibilité et cette écoute qui demandent un peu de ‘distance’. Il est, alors, possible de faire appel à un représentant d’une de ces traditions. Celui qui fait cette visite peut, en respectant les souhaits exprimés, y joindre des gestes rituels. Il y a des rites religieux ou humains dans toutes les traditions : exhortations, prières, confession de foi, imposition des mains, onction d’huile, sacrements … Parfois, quand l’univers traditionnel manque, se composent autour du malade ou de la personne en fin de vie des gestes qui font rites : les soins palliatifs sont coutumiers maintenant de la demande d’un patient de réunir autour d’un dernier verre leur famille et les soignants ou de laisser un temps à une expression poétique ou musicale.

 

 

 

II. AU MOMENT DE LA MORT

 

Même si la personne confrontée à la mort a gardé, aussi longtemps que possible, la maîtrise de soi et de son avenir, vient un moment qui échappe à cette maîtrise. Alors les traditions religieuses assurent une sorte de relais avec des gestes qui ont beaucoup de beauté et de sens.

Par exemple, dans la tradition juive où le fils aîné vient de fermer les yeux de son père, le visage du défunt est recouvert d’un voile. Pour ce père comme pour tout défunt, il ne conviendra plus de s’approcher du corps, de vouloir le toucher ou l’enserrer dans ses bras. Un rabbin commente ainsi cette mise à distance : « Tout regard sur un cadavre sans défense est jugé indécent ».

Dans les traditions juive et musulmane, la toilette -celle qui vient souvent s’ajouter à celle déjà faite par les soignants-, la vêture du corps ou son enveloppement dans un ou trois linceuls vont manifester le respect. Respect délicat du corps de celui qui vient de mourir et nécessité de purification : il s’agit d’être présentable devant Dieu.

 Chez les chrétiens, il y a plus de proximité au corps avec des soins auxquels s’ajoutent des manifestations de tendresse et de respect que sont des baisers, des caresses ou des objets déposés près du corps. Alors le mot « con-doléances » peut retrouver une signification juste : les proches, les amis … entrent dans un partage fait de souffrance et de peine mais fait aussi des moments qui ont été vécus dans la joie. Le mot dit encore qu’est attendue une fécondité nouvelle et mystérieuse de celui qui a été séparé des vivants.

 Les religions parleront d’un au-delà ou d’une vie nouvelle, d’un statut évoqué par le mot ‘résurrection’, tandis que des traditions humanistes font leurs la phrase inscrite au crématorium de ‘La Guillotière’ : « Le vrai tombeau des morts est le cœur des vivants »

 

III. DE LA CHAMBRE FUNERAIRE…..AU CIMETIERE

 

Suivant les traditions, plusieurs étapes marquent ce parcours. Dans les traditions juives et musulmanes, ce parcours devrait être fait assez rapidement mais les exigences de la société occidentale obligent à respecter des délais.

 D’abord, temps intime autour de la chambre funéraire pour manifester les liens et pour prier.

 Ensuite, temps public d’une cérémonie ou d’une célébration : elle peut être religieuse et se dérouler dans une église, un temple, une salle aménagée au centre funéraire, au cimetière (rarement dans un mosquée, jamais dans une synagogue).

 Ce rassemblement permet de lier ensemble ce qui a constitué la vie du défunt et ses rapports si divers à d’autres humains avec les croyances dont les religions portent témoignage.

 

Des textes empruntés aux livres fondateurs des religions y seront utilisés ainsi que des gestes et des objets qui marquent l’appartenance religieuse.

Mais ce rassemblement peut aussi être ‘civil’, et il ne faut pas donner à cette expression un sens réducteur. Ce rassemblement permet de retracer la vie d’un être qui nous quitte comme une expérience où les échanges ont eu une grande importance. Cet être qui nous quitte a donné de lui-même, nous avons reçu de lui ; cet homme qui nous quitte, nous aussi, nous lui avons donné de nous-mêmes.

 Donner et recevoir sont des actes qui façonnent notre humanité. Ainsi se construit la mémoire qui permet de lutter contre l’oubli.

 

IV. EVOLUTION  ACTUELLE

 

Avec le développement des contrats-obsèques et des assurances-obsèques, un être humain a souvent organisé une partie des actes qui vont suivre son décès. Par exemple, il aura choisi l’inhumation ou la crémation, une cérémonie civile ou religieuse …

 Il importe que ces préparatifs ne décident pas de tout, notamment de la part d’expressions, de témoignages, de regrets ou de reconnaissances, d’espérances aussi que les sur-vivants veulent manifester. Le défunt peut avoir exprimer « ses » volontés et la loi exige qu’on satisfasse au mieux celles-ci ; mais il n’est pas « maître » de tout ce qui s’organise pour lui dans les rites funéraires.

Dans les pratiques funéraires actuelles, très diverses, reste une interrogation sur le devenir des restes d’un être humain quand il y a eu crémation. Les civilisations ont généralement construit, notamment avec les cimetières, un lieu des morts qui ne se confond pas avec le lieu des vivants : il est ni trop près ni trop loin du lieu des vivants. Cet ajustement des lieux est parfois difficile dans des pratiques qui consistent à garder les cendres au domicile ou, au contraire, à les disperser dans un lieu sans repère, sans signification.

 

V. CONCLUSION

 

« Oser parler de la mort ? » Le titre de cet article comportait un point d’interrogation. Doit-on maintenant le supprimer ? Quand cela est possible, oui. Parler de la mort, cela ne la fait pas venir plus vite.

Cela permet une préparation. Pour moi, d’abord : que je puisse me dire à moi-même que mon existence, à travers ses joies et ses difficultés, est bien la mienne. Je me reconnais dans mon histoire comme lorsque je signe une lettre, avant de l’envoyer, pour reconnaître que j’en suis l’auteur. Pour ceux qui m’entourent : qu’ils puissent manifester que mon chemin a croisé le leur, et que ces croisements ne sont pas insignifiants mais portent en eux du goût pour vivre.

 

Christian BIOT, responsable de « l’Autre Rive », 91 rue Mazenod, 69003 Lyon. Métro place Guichard . Permanence tous les jours ouvrables de 9h à 12h. Tel : 04 78 62 70 45