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Mars 2010
RECONCILIER
ALIMENTATION ET SANTE ?
Xavier LEVERVE
Entretien.
Pour
Xavier Leverve, médecin et spécialiste de nutrition
humaine à l’INRA, la lutte contre l’obésité implique moins de modifier notre
nourriture que la manière dont nous mangeons.
Le Monde des 15-16 juin 2008
Pour
lutte contre la « malbouffe » quels aliments faudra-t-il favoriser dans le
futur ? Lesquels faudra-t-il bannir ?
La réponse ne se
formule pas dans ces termes. L’essence même de l’alimentation est d’être
complexe. Au-delà du discours marketing des industriels, il n’est pas si facile
de manger moins gras, moins sucré ou moins salé. Comme tous les comportements
importants pour la survie des espèces, le comportement alimentaire présente des
contraintes très fortes. Nous sommes conditionnés depuis toujours à aimer le
sucré, le gras, le salé, parce que notre organisme en a biologiquement besoin.
Que
faire alors pour lutter contre l’obésité, dont on observe la progression
partout dans le monde ?
La vague
d’obésité à laquelle on assiste actuellement est sans doute un phénomène sans
précédent dans l’histoire de l’humanité, qui, pourtant, a déjà connu des phases
d’abondance alimentaire. Celle-ci n’explique donc pas tout. Les changements
globaux de nos modes de vie ont, eux aussi, un impact sur le surpoids, comme
ils en ont sur d’autres affections dégénératives (diabète, maladies
cardio-vasculaires, cancers) liées pour partie à notre environnement. Et ces
changements concernent aussi bien nos dépenses énergétiques (locomotion, chauffage)
que la manière dont nous prenons nos repas.
C’est donc notre comportement
qu’il faudra modifier, plutôt que les aliments eux-mêmes ?
Exactement. On ne
peut pas dissocier ce qui est dans
l’assiette et ce qui est en dehors de l’assiette. Un aliment comme le foie gras
passe pour être mauvais pour la santé, mais si vous en mangez trois ou quatre
fois par an, cela aura moins de conséquences que la consommation quotidienne
d’un aliment « sain » comme le pain qui devient vecteur d’autres aliments
(fromage, charcuterie, etc.)
De manière
générale, tout ce qui consiste à diaboliser tel ou tel aliment est une mauvaise
démarche. Il faut replacer la relation entre santé et alimentation dans un
contexte plus global. La meilleure manière de brûler des graisses, ce n’est pas
de se priver de gras, c’est d’avoir une contraction musculaire prolongée,
autrement dit une activité physique soutenue. D’autant qu’en faisant du sport,
vous changerez du même coup d’autres choses : vous ne mangerez plus de la
même façon, vous fumerez moins…Dans une société qui évolue vers le confort et
la facilité, ce sont les règles sociales elles-mêmes qu’il va nous falloir
reconsidérer pour évoluer vers le « bien-manger »
Par exemple ?
Dans notre vision
sociologique actuelle, qui va vers un temps de loisir augmenté et la
compression du temps de travail, le grand repas devient celui du soir.
Biologiquement, il serait préférable de revenir au régime espagnol : un
bon repas à midi, suivi d’une sieste. De même pour le petit déjeuner des enfants :
les parents qui travaillent y accordent une grande importance, alors qu’on sait
bien que, physiologiquement, les petits ont faim plus tard et qu’une collation
vers dix heures serait préférable.
Il faudrait
encore parler des infrastructures sportives dans la ville…Si nous voulons
réconcilier notre alimentation et notre santé, nous devrons changer notre
vision de la société. Et non pas seulement trouver de prétendus « alicaments »,
ou enlever un peu de graisse.
En matière de nourriture, la «
fracture sociale » ne cesse de s’aggraver. Comment, financièrement, offrir à
tous la possibilité de manger demain
cinq fruits et légumes par jour » ?
Enrichir la
ration alimentaire de fruits et de légumes est indiscutablement bénéfique, ne
serait ce que parce qu’on ne mange pas en contrepartie. Mais ces produits,
c’est vrai, sont de plus en plus chers. Pour s’affranchir de cette limite
économique, il faudrait revenir à des habitudes plus saisonnières. Avant la
mondialisation, on mangeait ce qu’il y avait autour de nous, des pommes et des
poires en hiver, d’autres fruits au printemps. Pour être bien portant, notre
organisme n’a pas besoin de consommer de tout à tout moment. : il sait stocker les éléments dont il a besoin. Par ailleurs,
les légumes ont les mêmes propriétés, qu’ils soient frais (donc chers),
surgelés ou en conserve. Si les industriels de l’agroalimentaire parviennent à
rendre leurs produits aussi goûteux que les frais, le tour sera joué.
Au siècle de la mondialisation,
les régimes alimentaires vont-ils s’uniformiser sur toute la planète ?
Probablement ;
Avec la rapidité des échanges, les problématiques locales sont déjà en train de
devenir internationales. Apparue d’abord aux Etats-Unis, puis en Europe, la
montée de l’obésité est ainsi en train de gagner l’Asie. A l’exception de la Corée du Sud et du Japon
(où la nourriture est restée très peu grasse) la plupart des pays sont en train
en effet de modifier leur alimentation. Cette évolution est stéréotypée :
lorsque le niveau de vie d’une civilisation augmente, elle commence toujours
par consommer plus de ce qu’elle consommait naturellement, puis elle évolue
vers des produits d’origine animale. Ainsi en Chine il n’y a pas plus chic
aujourd’hui que d’offrir un verre de lait à l’apéritif… Le problème c’est que
les Asiatiques ont pour tradition de manger tout le temps, ce qui, dans une
situation d’abondance, devient vite délétère. D’où la montée de l’obésité en
Chine.
Comment, selon vous, notre
rapport à la nourriture va-t-il évoluer ?
Si se nourrir
devient plus cher, nous consacrerons une partie plus importante de notre budget
à ce poste. Si le plaisir de manger se révèle trop néfaste à notre santé, nous
reviendrons progressivement à la raison, et déplacerons nos plaisirs ailleurs…Aujourd’hui
notre environnement sociologique et la médiocre qualité de certains aliments
contribuent à nous rendre malades.
Mais je prends le pari que nous nous
adapterons spontanément à un autre mode d’alimentation, plus équilibré. Comme
les peuples l’ont fait de tout temps ! Les Inuit ne mangent pratiquement
que des protéines animales, et du gras, et très peu de fruits et légumes. Alors
que dans les régions pauvres de l’Asie, d’autres ne mangent que du riz,
quelques légumes, et jamais de protéines animales ;… Et cela dure depuis
des millénaires ! Ce qui démontre la capacité de notre organisme à trouver
un compromis métabolique entre ses besoins et ce dont il dispose dans
l’environnement.
L’alimentation
est bien au centre de la santé, mais c’est une fonction trop vitale, trop
essentielle, pour me conduite au pessimisme : avec le temps, nos sociétés
rétabliront naturellement l’équilibre de leur comportement alimentaire.
Et la notion de plaisir, que
deviendra-t-elle ?
Manger sain et
équilibré n’empêchera pas de goûter de temps à autre un bon verre de cognac ou
un mets raffiné ! En ce sens, les recherches menées par l’INRA comme dans
l’industrie agroalimentaire, contribueront elles aussi à lutter contre
l’obésité. Et ces recherches pourraient nous réserver de surprises. Peut-être
nous permettront-elles de développer un apprentissage du goût différent ou de
modifier nos habitudes sensorielles. Pourquoi par exemple ne pas faire muter
k-le gène du sucre pour mieux s’en détourner. ?
(Propos
recueillis par LAETITIA CLAVREUL et CATHERINE VINCENT.)