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«POUVOIR BIEN VIEILLIR AVEC UN HANDICAP », trimestriel GIPHV,  N°10.10. 2006                                Editeur  : Henri Charcosset, E-Mail : charcohe@club-internet.fr                                                                                 Site web : http://bien.vieillir.club.fr/index.htm

 

DES  NOCES  DE  DIAMANT

 

SOIXANTE  ANS  DE  VIE  DE  COUPLE, pour le meilleur et pour le pire.

                                                                                             

                              

                              Muriel FLORIN, Le Progrès du mardi 14 février 2006

 

 

Un coq et une poule qui se regardent, quatre poussins qui picorent, et un énorme cœur rose vif au milieu. Ce tableau a été réalisé par Lucas, six ans, avec l’aide de « mémé Rose ».

Le gamin l’a offert à Eugénie et Adrien Louis, ses arrières grands-parents pour leurs noces de diamant. Une vision enfantine de l’amour, toute simple, comme la fin espérée des contes de fée.

 

A l’occasion de la Saint-Valentin, à Caluire, ils seront encore main dans la main

A la manière des contes, l’histoire d’Eugénie et Adrien débute dans la tourmente. En l’occurrence, la guerre.

« On s’est rencontrés dans la même usine, à côté de Leipzig. On y travaillait douze heures de suite, de jour ou de nuit ».

Adrien était parti au STO en Allemagne. Eugénie, native de Stalingrad, avait atterri là après maintes péripéties.

« C’était un sacré coureur. Il chantait la sérénade derrière chaque machine » lance la dame. J’avais 23 ans. A cet âge là, on cherche à se placer, on fait la cour à toutes sortes de filles.

« Je chantais, c’est vrai, du Tino Rossi ou du Charles Trenet, et tu m’as un peu répondu » affirme le monsieur.

Version aussitôt démentie par Eugénie : « on était copain-copain. Adrien avait des cartes d’alimentation et nous apportait des gâteaux. Pour le remercier, je lui raccommodais ses chaussettes ».

 

Bloqués chez la logeuse

De fil en aiguille, les jeunes gens se retrouvent un jour bloqués par les bombardements chez la logeuse d’Adrien.

« Ce soir-là, il m’a un peu saoulée avec du vin. Je suis restée dormir. Et, du premier coup, je suis tombée enceinte de ma première fille ». Ils se marient vite fait, avec deux témoins de hasard, puis attrapent le dernier train des rapatriés, qui les emmène à Lyon.

 

« On  a la joie d’avoir quatre enfants, six petits enfants, dix arrière petits enfants »

Un départ encore lourd dans le souvenir d’Eugénie : « Je ne savais pas où étaient les miens, mes parents, ma sœur. Je suis allée avec lui. Notre destin est fait comme çà ».

A l’arrivée, le jeune marié file chez ses parents, dans le septième arrondissement lyonnais. « Je leur ai annoncé que je n’étais pas revenu seul, mais avec une étrangère… ». Son épouse est restée dans un camp, installé dans le troisième arrondissement. « Je l’ai attendu toute la nuit, incapable d’avaler une bouchée, en pensant que je ne le verrai plus ».

 

Quatre enfants

Mais Adrien tient parole, et revient la chercher, non pas dans un carrosse, mais avec une carriole d’un charbonnier. « Mon beau-père faisait la grimace et sa mère a mis longtemps à m’accepter » commente Eugénie.
Installé dans un grenier à Bellecour, puis dans un deux pièces à Caluire, avec bientôt quatre enfants, le jeune couple a du mal à joindre les deux bouts.

Eugénie fait des ménages et de la couture pour des particuliers. En sus de son travail dans l’imprimerie, Adrien vend des journaux ou fabrique des soldats de plomb le soir. Mais un jour, sa vue déjà mauvaise, faiblit encore. Il doit cesser son activité. Eugénie reprend alors une place d’infirmière, son métier d’origine. Aujourd’hui, c’est son mari, presque aveugle, qu’elle soigne dans une jolie maison, acquise il y a une trentaine d’années.

 

Pour la vie

Ont-ils des regrets ? « On ne peut pas dire que tout va toujours bien, et d’ailleurs ce serait mauvais signe dans un couple. Il y a eu des obstacles. « Un jour, j’ai su par hasard qu’il jouait aux courses, alors que j’avais du mal à faire tourner le ménage. Il y a eu aussi des soirs où il rentrait saoul avec son père, là j’ai tapé du poing sur la table » gronde encore Eugénie.

« J’ai plus souvent patienté. J’ai parfois fermé les yeux. Du moment que j’étais Madame Louis, je n’ai pas fait de drame. On sait ce qu’on perd mais on ne sait pas ce qu’on trouve ». La conclusion d’Adrien commence comme celle d’un conte de fées. « On a la joie d’avoir quatre enfants, six petits enfants, dix arrière-petits enfants ».

Et elle s’achève d’une voix douce et tranquille. « L’amour c’est au début. Et puis ça s’émousse. Mais à l’époque, on ne raisonnait pas comme aujourd’hui. On s’engageait pour la vie ».