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Novembre 2009
VIVRE
EN ETANT VIEUX, COMMENT ?
Par Alain HOUZIAUX, pasteur de l'Eglise réformée de
l'Etoile (Paris)
http://www.acep.asso.fr/Vivre-en-etant-vieux,-comment-_a1428.html
Ce
texte nous a été transmis par Anne S., visiteuse de ce site, que nous
remercions.
Je le dis tout net, la vieillesse a des avantages
considérables sur l'adolescence, la jeunesse et l'âge mûr. Ainsi, à mon avis,
lorsque l'on a trente-cinq ans, le plus dur est derrière soi. Et à plus forte
raison lorsque l'on en a soixante ou quatre-vingt.
On peut éprouver des souffrances physiques
considérables à 30 ans, et aussi et surtout des souffrances psychologiques et
relationnelles intenses, d'abord avec ses parents, puis à l'intérieur du
couple, puis avec les enfants-adolescents, et aussi avec les collègues, les
concurrents, les supérieurs hiérarchiques. Contrairement à ce que l'on pense,
quand on est jeune, on n'a pas "tout pour soi". On peut être très
malade, très malheureux et se sentir très exclu. Et lorsqu'on est jeune, on a
un inconvénient supplémentaire : on n'a pas le droit d'être malheureux et
surtout pas le droit de se plaindre.
En revanche, lorsqu'on est vieux, on a le droit non
seulement d'être plaint mais aussi d'être à plaindre. On n'a plus besoin de
"porter beau". On n'a plus besoin de "faire semblant" ni de
jouer un rôle. Alors que les jeunes ont presque le devoir d'être ambitieux et
de réussir, les vieux peuvent enfin, être sans prétentions et sans ambition. On a enfin le
droit d'être ce que l'on est. La vieillesse autorise une certaine
liberté.
Cicéron disait : Seuls les sots se lamentent de
vieillir. Victor-Hugo, toujours jeune et vieillard heureux, disait : L'avantage de
la vieillesse, c'est d'avoir, outre son âge, tous les âges. C'est
vrai que l'on peut trouver un certain plaisir, en étant vieux, à retrouver la
situation de dépendance qui était celle de l'enfance. Il y a dans la vieillesse
une forme de régression qui peut être vécue avec une certaine jouissance.
Mon père, à qui j'avais demandé "Vieillir,
est-ce difficile ? ", m'avait répondu "Non, on devient indifférent". De
fait, cette perte d'énergie et de désir n'a pas que des inconvénients. Certains
l’appellent la sagesse.
Et pourtant, la vieillesse fait peur. Parfois
synonyme de décrépitude, elle provoque angoisse et crainte. En effet, vieillir,
c'est supporter le poids des ans et apprendre à vivre avec. Maïs alors, cette
vie diminuée, étriquée vaut-elle encore la peine d'être vécue ? Et comment
supporter ce dégoût de la vieillesse dans une société qui fait l'éloge de
l'éternelle jeunesse ? Comment dépasser ce sentiment d'ennui et d'inutilité
qu'expriment souvent les personnes âgées?
Oui, comment accepter de vieillir ? Je répondrai : en s'y
prenant très tôt De
façon générale, il vaut mieux "faire son deuil" avant d'être
effectivement en deuil. Ainsi, pour se préparer à perdre son père et sa mère,
il faut s'y prendre bien avant leur mort et faire le deuil de leur mort à venir
pendant qu'ils sont encore vivants.
Et, me semble-t-il, c'est la même chose pour ce qui
est du deuil de sa jeunesse. Il faut "travailler à vieillir" avant d'être
vieux, c'est-à-dire dès l'âge de trente ou quarante ans. Il faut
vivre en sachant que l'on vieillit et en l'assumant pleinement dans sa tête et
dans son genre de vie.
Je sais bien que ce que je dis là s'oppose à toute
l'idéologie actuelle. On dit "II faut rester jeune le plus longtemps
possible, il faut se sentir jeune le plus longtemps possible, il faut prendre
du Viagra, retarder le vieillissement, apprendre les mille et une façons de
préserver son capital jeunesse, porter des jeans après cinquante ans
passés".
Eh bien non ! Au lieu de prolonger sa jeunesse après
sa jeunesse en restant rivé à ce qui est déjà du passé et dépassé, il vaut
mieux se tourner vers l'avenir et se dire : Aujourd'hui c'est le premier jour de la vie
qui me reste ! Cette formule n'a rien de morose, bien au contraire.
Aujourd'hui, je commence la vie qu'il m'est donné de vivre. Et je peux et je
veux la vivre vraiment.
Dès aujourd'hui, je commence ma vie et je vais enfin
décider de la vivre vraiment, en rattrapant le temps perdu et en profitant
pleinement du temps à venir. Je vais, enfin, choisir la vie et ce qui fait
vivre (Deutéronome 31,19) : les goûts simples, les vrais plaisirs et les petits
bonheurs. Et j'ai encore largement assez de temps et de force pour cela.
Se sentir inutile.
Chez les personnes âgées, le sentiment d'inutilité
et sans doute plus important et plus intense que l'impression d'ennui. En tout
cas, il est plus fréquemment exprimé.
A ce sujet, je voudrais dire ceci aux personnes
âgées : Si vous vous sentez inutiles, n'ayez crainte, les lys des champs le
sont aussi, ainsi que les oiseaux du ciel, et bien des nocifs coûtent plus cher
à la société que vous.
La vie est un cahier dont chaque jour tourne la
feuille. Le matin, vous écrirez au bas de la page encore blanche ce petit mot :
Amen. Et au-dessus de cette signature, laissez s'écrire les lignes de votre
journée avec leurs pleins et leurs déliés, leurs plaintes et leurs sourires. Et
votre consentement préalable ôtera à ce jour son poison d'amertume et
d'inutilité.
Mourir guéri.
A mon avis, vieillir ce n'est pas se préparer à mourir.
C'est d'abord profiter de la vie qu'il vous reste à vivre et ce d'autant plus
intensément que l'on sait que l'on va mourir. Comme le dit Gide : "c'est
une constante pensée de la mort qui donne du prix au plus petit instant de la
vie".
Ce qui importe, à mon avis, c'est de "mourir guéri'.
"Mourir guéri", l'expression peut
surprendre. Mais elle est parlante par sa forme paradoxale. Guéri de quoi ? Je
répondrai "guéri de la vie", de ses souffrances et de ses blessures. Mourir guéri,
c'est mourir réconcilié avec la vie et avec sa vie.
Mourir guéri, c'est mourir en ne gardant de la vie
que le parfum de bonté de quelques visages rencontrés. C'est mourir en ayant,
bien longtemps avant sa mort, remisé à jamais le bâton des rancunes, et vidé
ses poches des cailloux, des armes et des querelles qui les encombraient, pour
pouvoir aller ainsi vers une mort claire et limpide.
Dans la Bible (Proverbes 16,31), la vieillesse n'est
pas considérée comme une punition pour ce qui a été vécu pendant la vie, comme
s'il fallait tôt ou tard "payer" les fautes et les excès que l'on a
commis pendant sa vie. Bien an contraire, elle est considérée comme une
récompense, comme si, à la fin de sa vie, on "rattrapait", par le
bonheur d'une pacification et d'une sérénité, tous les malheurs et les
souffrances de la jeunesse et de l'âge mûr.
Sans doute faudrait-il concevoir la vieillesse non
comme la phase terminale d'une maladie, celle des souffrances de la vie, mais
plutôt comme une forme de convalescence, afin de mourir guéri des épreuves que
l'on a dû endurer pendant son existence.
Mourir gnéri,
c'est mourir "consolé" de sa vie et d'avoir
vécu sa vie. Cette "consolation", l'Evangile de Luc (Luc 2,25-28)
l'évoque à propos du vieillard Siméon. Celui-ci découvre qu'il ne mourra pas sans
avoir connu la "consolation", c'est-à-dire avant d'avoir trouvé le
Consolateur (le Messie).
Oui, mourir guéri, c'est mourir en ayant fait la
paix non seulement avec les autres et les misères qu'ils vous ont faites, mais
aussi avec son passé, ses erreurs et ses propres fautes. C'est mourir en ayant
fait la paix avec tout ce que l'on a fait d'inutile, avec tout le temps que
l'on a perdu à des querelles de pacotilles, à des ambitions bien vaines et à
des combats bien futiles.
Mourir guéri, c'est mourir en paix avec les autres et avec ce
que l'on a été. Et c'est peut-être cela l'ultime forme
de la sagesse, ou l'ultime forme de la foi en la grâce.
Mourir guéri, c'est découvrir ceci : tu as le droit
d'avoir eu la vie que tu as eue, même si tu la trouves peu reluisante. Et tu as
ce droit par grâce.
La vie est un cadeau. Tu as eu le droit de vivre de
tout son long le fleuve de la vie, même si tu ne sais pas pourquoi il t'a été
donné de vivre.
Alain HOUZIAUX