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POUVOIR BIEN VIEILLIR AVEC
UN HANDICAP »,trimestriel GIPHV,APF69. N°7, 01.2006
Editeur :Henri Charcosset,
E-Mail : charcohe@club-internet.fr
MON P’TIT
BOUT DE CHEMIN. Fin…à mes 52 ans
Mot de Henri Charcosset. Dans une première partie, Anne nous a fait
partager avec une grande élégance de style, son histoire de vie accompagnée
d’un handicap acquis lors de sa naissance. Ce qui m’a peut-être le plus frappé
est l’hyper investissement de ses parents depuis le stade de bébé jusqu’à son
entrée à l’Université de Brest. Un investissement parental qui vire même un peu
à l’excès, là où c’est sa mère davantage qu’elle même, qui choisit pour elle
des études de droit ! On en est là, pour la suite attendue de l’histoire
d’Anne,
Mes
parents me conduisent deux fois par semaine à l’Université de Brest, pour les
Travaux Dirigés. Je travaillais donc beaucoup, seule dans ma chambre, au sein
de ma famille, devant souvent refaire les cours à partir de notes envoyées par
Commença
donc à 23 ans une vie de « retraitée » ;
Ma sœur et moi, nous nous mîmes en quête d’un
hébergement, et avons finalement trouvé un foyer de jeunes travailleuses, où je
logeais pendant trois ans (La directrice me demandant simplement une
inscription dans une Faculté). Ce furent des années d’apprentissage, dures
(solitude et absence de perspective) et enrichissantes à la fois par les
contacts avec les autres, et le fait d’être devenue enfin maîtresse de mes
activités : je passais le plus clair de mon temps à essayer d’acquérir une
formation théologique et philosophique. D’ailleurs je faisais plusieurs fois
par an des aller-retours
entre Brest et Lyon pour m’instruire auprès des Dominicains de
Parallèlement j’essayais de me
préparer à toujours plus d’autonomie, en allant faire mes courses, en préparant
mes repas (j’avais alors dans ce Foyer un studio équipé d’une kitchenette). Si
bien que le jour où je devrais aller vivre en appartement, je serais moins
démunie. Néanmoins après une année seulement dans cet appartement
, une trop grande solitude eut raison une fois de plus de ma santé, et
une nouvelle dépression nerveuse s’abattit sur moi. Il faut dire aussi qu’à
l’époque ma sœur cadette était enceinte et je savais que je ne le serais
jamais !
Mais je finis par encore une fois,
reprendre le dessus grâce aux bons soins des uns et des autres et après bien
des péripéties, ma vie lyonnaise a démarré le 25 février 1983. « Ce
coup-ci je ne ramasserai pas les pots cassés » m’annonce ma mère. Je lui
rétorque : « rassure-toi maman, il n’y en aura plus ». En huit
jours en pleine année universitaire, j’avais trouvé une chambre en ville à Lyon
et fait mes valises. Trois jours après mon arrivée, je pris le métro et allais
m’inscrire à
J’étais cependant de plus
en plus préoccupée par la santé de ma mère et retournais à son chevet dès que
je le pouvais. Son décès en février 1986 m’occasionna une troisième dépression.
S’y rajoutait le fait qu’il était maintenant question pour moi d’aller vivre en
appartement, toujours un gros souci à cette époque. Après avoir résolu la
dépression, je regagnais Lyon, encore chancelante. Et ce furent des
appartements thérapeutiques qui m’accueillirent, ce mode de vie me laissant un
certain temps pour me préparer à vivre à mon domicile propre. L’évolution fut
plus rapide que prévu : j’étais totalement inapte à la vie en collectivité !
Je me décidai donc, sans changer de quartier, à affronter la solitude dans un
nouvel appartement. Les premières années furent très dures, mais grâce au suivi
attentif de la doctoresse et à l’aide du Service d’Accompagnement et de Soutien
de l’ ARIMC, je
tenais le coup. Trois ans après mon arrivée dans ce logis, je fis connaissance
d’une personne toujours chère à mon cœur. Elle me comprit très bien et ma vie
changea du tout au tout lorsqu’elle m’offrit pour compagnon un chat.
02 octobre 2005…. Depuis la
famille s’est bien agrandie puisque ce sont cinq chats (4 garçons, 1
fille !) qui viennent sur ma table inspecter de très près ce que je
mange ! Un peu trop près parfois ! Je me suis acheté une table pour
huit, sachant très bien que cet achat me révélait à moi-même mon désir profond
d’une vie en famille. Maintenant je suis de moins en moins nostalgique de cette
vie que je n’ai jamais pu créer moi-même. Les bons côtés du célibat ne sont en
effet pas négligeables : indépendance, sentiment de pouvoir faire ce que l’on
veut aux heures préférées sans gêner quelqu’un, goûts personnels que je peux
affirmer ou partager avec des ami(e)s, des voisin(e)s. Ainsi d’une vie assez
repliée sur moi-même pendant de longues années, j’ai opté peu à peu, au gré des
circonstances, et surtout grâce à une psychothérapie qui m’a parfaitement
convenu, pour une existence plus ouverte aux autres. Cela est pour moi, et
j’espère aussi pour tous, un enrichissement certain. Ce qui est sûr en tout
cas : longtemps après une rencontre je pense aux personnes côtoyées et aux
propos que nous avons échangés.
Ces
chats m’ont beaucoup aidée, en particulier dans un moment très très difficile. Un an après la mort de mon père, en juillet
1999, ce père que j’allais voir plusieurs fois par an et à qui je téléphonais
longuement chaque dimanche, j’ai fait une grave dépression nerveuse. En juin
2000, une grosse panique de vivre seule a littéralement pris possession de
moi : je ne pouvais plus rien contrôler. J’ai eu le réflexe d’aller voir
la doctoresse qui a tout de suite compris ce qui m’arrivait et m’a donné les
médicaments appropriés. Mes frère et sœurs m’ont beaucoup aidé en m’ hébergeant chez eux. Mais un jour ou l’autre, il fallait
bien que je rentre chez moi, et que je reprenne l’habitude d’affronter cette
solitude désormais insupportable. Les chats ont alors été des repères
essentiels : eux avaient faim à heure à peu près fixe ; j’étais donc
obligée d’aller les nourrir et du même coup je parvenais à avaler mon repas.
Autre repère essentiel : les deux séances de kiné hebdomadaires, qui
depuis 2000 me sont une aide très précieuse. Si depuis cette époque, j’ignore
les lumbagos et les sciatiques, c’est au travail patient et attentif de ce
kinésithérapeute que je le dois.
Je me posais alors sans bien le savoir les questions
essentielles auxquelles nul n’a de réponse : qu’est-ce que je fais
là ? Je me trouvais comme entre deux chaises : plus d’ascendant, pas
non plus de descendant, rien que le Grand Vide. A quoi ou à qui puis-je être
utile, où est mon but ? Toutes ces questions m’assaillaient
sournoisement ; je ne savais pas les exprimer. Tout mon temps je le
passais dans l’avant, avant la mort de mon père. Je me rappelais que j’avais
l’impression de former avec lui une communauté d’idée, d’esprit. En fait bien sûr,
je l’ai découvert plus tard, j’idéalisais. Mais une communauté de pensée et
d’esprit me manquait toujours beaucoup (je n’avais plus non plus celle des
Dominicains de
Et
maintenant… voilà-t-il pas que cette communauté je commence à la retrouver,
d’une autre façon, avec d’autres personnes, dans d’autres lieux. C’est la
« communauté de la musique ». Je retrouvai intact, le bonheur intense
de l’écoute, que je n’avais plus depuis la mort de mon père. Depuis ma petite
enfance, grâce à mes parents, j’ai baigné dans un univers musical ;
pendant les périodes difficiles de ma
vie (les études, etc.), la musique m’a toujours beaucoup soutenu, beaucoup
apporté. Depuis mes 13 ans, où mon père m’a offert un appareil de radio, j’ai
été principalement une autodidacte. Mes goûts se sont affirmés, ont évolué.
Maintenant, je suis une adepte fervente de la musique de chambre. Bien sûr j’ai
mes compositeurs, mes œuvres préférés, mais je me suis ouverte aussi à la
différence : le jazz, le blues, à la fois mélancolique, langoureux et
caressants…. Certains chanteurs aussi du XXe siècle, et de notre époque très
contemporaine, m’ouvrent de nouveaux horizons. Mais toujours je reviens comme
par nécessité aux œuvres parmi les plus intimes : les suites pour
violoncelle seul de Bach, les grands quatuors de Beethoven ou de
Schubert ; des œuvres aussi bien sûr de Mozart, Debussy, Ravel… Toutes ces
musiques qui vous font rentrer en vous-même et vous font approcher l’indicible,
l’inconnu, l’ineffable peut-être, comme aurait pu dire Bergson. Bref, ces
musiques qui vous étreignent, qui vous appellent, qui vous parlent sans rien
vous dire… difficile à expliquer ! Mais par le biais de la musique, j’ai
rencontré des gens qui sont devenus pour moi des personnes qui comptent. Il y
aurait tant et tant à dire sur ce qui me touche au plus profond.
D’autres choses aussi me
passionnent, et j’ouvre avec précipitation mon transistor chaque matin :
l’actualité au sens très large m’intéresse. J’essaye de comprendre, de lire
aussi la presse, dans l’espoir de déchiffrer un petit peu mieux le monde dans
lequel nous évoluons. Malgré la morosité ambiante souvent décrite, il faut çà
et là attraper quelques pépites de lumière.
Bien
sûr il ne faudrait pas oublier le plaisir de réussir à aménager par étapes, un
appartement qui convienne le mieux possible à une personne IMC de plus en plus
fatigable (et à ses chats aussi !).
Voilà…
une vie à la fois simple et compliquée, mais pleine, bien remplie par des
centres d’intérêt très forts. Je ne donnerai pas la recette du bonheur, à
chacun de la trouver pour soi et de toute façon de faire du mieux possible avec
les possibilités que l’on a.
Le 15 décembre 2005, Anne CHASSAIN.
Contacts au travers de Henri Charcosset : charcohe@club-internet.fr