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«POUVOIR BIEN VIEILLIR AVEC UN
HANDICAP »,trimestriel GIPHV. N°11; 01, 2007
Editeur :Henri Charcosset,
E-Mail : charcohe@club-internet.fr
Site
web : http://bien.vieillir.club.fr/index.htm
1. MES MAINS. 2.
Extraits de « Le corps
mal-entendu », par Marie- Hélène Boucand.
L’ouvrage : : « Le corps
mal-entendu. un médecin atteint d’une maladie rare temoigne », Collection Vie Chrétienne, N°502, 2005, 112
pages, a déjà été introduit par son auteur, Marie-Hélène Boucand, sur ce
site :
L’
information donnée pour se procurer ce livre reste valable.
Ici, je fais part de quelques réflexions et
remarques, avant de terminer par deux extraits du livre, qui donnent lieu au
titre de cet article.
°°°°°°°°°
Réflexions, remarques, de Henri Charcosset
Marie-Hélène a donc été
atteinte à l’orée d’une belle carrière de médecin-rééducateur, chef de service,
d’une maladie génétique sévèrement invalidante. Mais en utilisant l’entre guillemets
comme il se doit, Marie-Hélène porte aussi dans ses « gènes », deux
caractéristiques devenant plutôt rares : une véritable vocation pour la
médecine de rééducation, réadaptation des aphasiques, et, par ailleurs, une foi
absolue dans le message de Jésus Christ, comme Fils unique de Dieu.
La première partie de l’ouvrage couvre de sa
naissance à la « fin de sa vie active », comme on le dit souvent
d’une simple cessation de carrière professionnelle, ici pour cause de maladie.
A l’issue de cette partie et alors que vient de se
terminer le Tour de France 2005, Marie-Hélène me donne à penser à Lance
Armstrong venant de remporter sa 7ème victoire consécutive. Lance A.
s’est montré une fois encore un peu au-dessus de la mêlée dans ses
performances… sans susciter pourtant une sympathie débordante. Marie-Hélène se
montre en effet d’un niveau de pensée dans son action au-dessus de la mêlée, de
la mêlée dans laquelle je me situe en tout cas. Mais j’aurais aimé lire quelques lignes sur les questionnements
qu’elle a probablement eus sur d’autres aspects de la vie, comme celui de
fonder ou non une famille.
La seconde partie démarre bien sûr avec la maladie
invalidante, alors qu’elle atteint ses 40 ans. Elle y apparaît naturellement
plus « sympa », plus proche de nous autres personnes handicapées, qui
pour beaucoup d’entre nous en avons « bavé comme des braves » pour
expérimenter la dure réalité de rester de plus en plus difficilement à notre
poste de travail. Avant d’avoir à décrocher par des voies laborieuses, en final,
de manière définitive. Grade, fonction, statut social ne changent pas
grand’chose à ce niveau. Nous devenons progressivement dès lors autant de
frères, sœurs, en vécu du handicap. Tout simplement.
Au total, l’ouvrage de Marie-Hélène
Boucand est d’un grand intérêt, c’est clair, déjà de par la spécificité de la
combinaison des trois « caractéristiques génétiques » de son
expérience de vie. Nous lui souhaitons longue vie pour elle-même¸ et pour
nous-mêmes.
Nous serons heureux de
pouvoir la re-lire d’ici trois à cinq ans. Au travers d’un nouvel ouvrage
traitant de la « deuxième partie de sa vie ». Comment ses pensées,
sa recherche de sens à la souffrance, à la vie, vont-elles évoluer ?
Que ce nouvel ouvrage soit si possible davantage « tout public » que
l’actuel, qui est peut-être un peu trop « pour intellectuels ». On ne
saurait oublier en effet que si la maladie, l’accident, invalidant frappent en
tout un milieu, la fréquence en est plus élevée en milieu modeste… Et les
conséquences médico-sociales encore plus dures à assumer. Donner à toute
personne en général et handicapée en particulier, la possibilité concrète de s’exprimer à partir
de son expérience de vie, très individualisée, est essentiel .
H. C. le
26 Juillet 2005
°°°°°°°°°°
Elles ont servi, ces mains depuis
quarante-cinq années. Elles ont appris lentement au fil de l’expérience à
examiner, palper, ausculter, percuter, détecter où était et d’où venaient la
douleur et la maladie. Elles ont piqué, ponctionné, cathétérisé, sondé, intubé
en essayant de ne pas se faire remarquer… Elles ont appris à être discrètes,
devenues instruments indispensables pour mon exercice. Elles étaient au courant
de tout, au courant du corps de l’autre.
Et
puis elles sont devenues chaleureuses et humaines, réchauffées par tant
d’autres mains qu’elles ont serré, dans les chambres, les couloirs, mon bureau.
Mains
de tendresse, elles ont essayé de réconforter celui qui était malheureux :
main sur l’épaule, main dans la main ou main tendue vers l’autre pour l’aider à
être debout et continuer à avancer, malgré sa douleur, son chagrin, sa
souffrance.
Et
puis, ces mains sont devenues malades. Démantibulées au moindre mouvement,
devenues progressivement incapables d’effectuer de nombreux gestes de la vie
courante. La frappe sur l’ordinateur est douloureuse, l’écriture presque
impossible, la viande difficile à couper, et la cuillère pleine trop lourde à
porter…
Alors,
on les a soutenues. Bien maladroitement et à tâtons. Equilibre difficile entre
l’immobilisation souhaitée et un minimum de fonctions maintenues. On essaie
toutes les attelles possibles, en plastiques, en bagues, en argent.
Maintenant,
elles essaient de se trouver une nouvelle fonction, un nouveau chemin. Mains
douloureuses, elles sont venues faire corps avec toutes ces autres mains
tendues, cris de tempête vers un monde meilleur.
Elles
peuvent encore se fermer quand la colère est trop forte, ou s’ouvrir dans un
même geste, pour donner ou pour recevoir.
Mes
mains et moi ne font qu’un.
°°°°°°°°°°
Deux
crampons m’aident depuis très longtemps à marcher, grimper, crapahuter. Ils
n’ont jamais fini de se construire, s’articuler, s’ordonner l’un à l’autre. Ce
sont ma Foi et
Mon
second crampon est celui de la parole.
Elle
peut être facétieuse, drôle, humoristique, belle ou mémorable. Elle est donnée,
reprise, coupée, sacrée, échangée, symbolique, impossible ou interdite. Elle
peut arriver en flots, comme un moulin, hachée, bégayante, chaque mot prenant
le temps de se trouver et de se dire. Elle est le meilleur et le pire, elle
sait dire l’amour comme elle peut crier la haine, elle sait être tendre comme
elle peut blesser, elle est vérité ou mensonge, elle est émouvante ou froide
comme le marbre.
Mais
la parole est avant tout pour moi la porte ouverte sur le chemin de soi et des
autres. La parole, la vraie, permet de prendre le temps de naître à
soi-même et donc aux autres. C’est trouver la
capacité de mettre des mots sur la souffrance ou sur la joie, sur ce qui est
vécu, en vérité. La parole permet de nommer, et de sortir de la confusion.
C’est
découvrir que le présent se conjugue avec le passé, sans s’y enfermer ni s’y
réduire. Oser la parole c’est prendre le risque de ne pas savoir où elle nous
emmène, avec la certitude que c’est toujours vers un plus. Prendre la parole
c’est prendre cette part de responsabilité pour chercher la vie et la liberté
au cœur de l’événement qui m’accable et semble me tuer.
Je
suis probablement sensible à la parole, parce que ma mère l’a perdue voilà
trente ans.
« Prendre
la parole » est un risque. La parole est parfois impossible, et il faut
alors accepter de s’en tenir à « prendre le silence », à la condition
qu’il soit entendu, reconnu. Pour moi, la vraie parole ne peut être que celle
qui est entendue par un autre, un autre qui m’espère.
Oser
dire la maladie ou la souffrance n’est pas s’y enfermer, bien au contraire.
Dire, c’est ouvrir la porte au regard d’un autre, c’est savoir aussi que je ne
suis pas seule dans le combat et qu’un autre en est le témoin. Dire c’est
accepter la survenue d’un chemin imprévu, c’est croire en l’efficacité de la
parole confiée et échangée.
Dire
c’est le lien de la fraternité, de l’amitié, de la solidarité.
C’est
s’ouvrir à une Espérance qui me dépasse et que je ne connais pas encore…
Marie-Hélène
Boucaud. Décembre 2004.
°°°°°°°°°°
Contacts : m.h.boucand@wanadoo.fr