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MAI 2008
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Daniel COHEN
Propos recueillis par
Catherine VINCENT,
Le Monde des 02 et 03
décembre 2007
Entretien. Daniel Cohen,
professeur de génétique et président de Pharnext, évoque les molécules qui
permettront demain de soigner la plupart des maladies complexes. Selon lui,
elles existent déjà.
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Cancers,
hypertension, dépression, maladie d’Alzheimer ou de Parkinson, schizophrénie,
sclérose en plaques : saurons-nous guérir ces maladies dans vingt
ans ? Avec quels types de médicaments ?
On commence à faire l’inventaire
des gènes impliqués dans toutes ces affections complexes. On peut donc espérer,
d’ici vingt ou trente ans, avoir mis au point une pharmacopée efficace pour les
traiter. Mais ces médicaments ne seront sans doute rien d’autre… que ceux que
nous connaissons déjà. Simplement, ils seront utilisés autrement. Comme la
nature, on fera du neuf avec de l’ancien.
Malgré
les efforts de la recherche pharmaceutique, le nombre de molécules nouvelles
mises sur le marché diminue dramatiquement depuis une quinzaine d’années.
Pourquoi ?
Parce que la biologie se révèle bien plus complexe qu’on ne
pensait. Il y a trente ans, on croyait que de nombreuses pathologies étaient
déclenchées par le mauvais fonctionnement d’un seul gène. On sait aujourd’hui
qu’il n’en est rien. Hormis les maladies à proprement parler héréditaires (dans
lesquelles un seul gène est impliqué), qui sont très rares, les affections
humaines les plus courantes ont une composante génétique complexe, à laquelle
s’ajoute une composante environnementale. De plus, chacun des gènes
susceptibles d’intervenir dans une maladie commande la fabrication non pas
d’une seule protéine, mais de plusieurs. Et chacune de ces protéines n’a
elle-même non pas une seule fonction, mais plusieurs !
Si l’on
ajoute qu’une maladie résulte de l’effet combiné de centaines de protéines, on
comprend qu'il est illusoire d’espérer trouver un unique principe actif capable
de la soigner. De fait, sur 100 médicaments qui franchissent le stade des
essais sur l’homme, trois seulement vont être mis sur le marché. Les autres se
révéleront toxiques ou inefficaces. Peut-être parce que toutes les
« bonnes » cibles sur lesquelles un médicament peut exercer un effet
ont déjà été trouvées. Ce qui suggère que pour faire de nouveaux médicaments,
il faut revenir aux anciens.
Les
recherches menées sur le génome humain n’ont donc pas tenu leurs
promesses ?
Si, mais il
est encore trop tôt pour en recueillir les fruits. Pour étudier la composition
génétique des maladies humaines, il suffit de la chercher là où elle se
trouve : dans l’ADN. Grâce au séquençage du génome humain (dont le gros
œuvre a été terminé aux alentours de l’an 2000), on peut désormais scanner très
rapidement l’ensemble de nos gènes. De même, il est devenu facile de
« lire », dans ce génome, les endroits qui diffèrent entre vous et
moi. Autrement dit de repérer, en comparant les génomes de sujets malades et de
sujets sains, les 100, voire les 1000 gènes impliqués dans une pathologie.
Mille
gènes !… Quelle stratégie thérapeutique peut-on imaginer face à une telle
complexité ?
Une stratégie
que tous les grands industriels de la pharmacie sont en train d’adopter :
celle du drug repositionning –
c’est-à-dire l’extension d’indication des principes actifs déjà existants.
Pourquoi ceux-ci donnent-ils de bons résultats, alors qu’on ne parvient pas à
en fabriquer de nouveaux ? Tout simplement parce qu’une protéine cible
d’un médicament peut intervenir dans plusieurs maladies différentes. Et c’est
précisément ce constat qui permet d’entrevoir des nouvelles solutions.
Prenez notre
pharmacopée moderne. Elle contient déjà de nombreuses substances qui ont été
inventées pour une pathologie donnée, et qu’on administre aujourd’hui pour une
autre. Le Viagra, par exemple, a été mis au point pour lutter contre l’insuffisance
cardiaque, avant que l’on s’aperçoive que la protéine sur laquelle il agit
intervient également sur les canaux sanguins du pénis. Mais, jusqu’à présent,
ce déplacement de prescription se faisait de façon empirique. Avec les avancées
de la génomique, les industriels peuvent investir plus largement dans cette
voie. Leur objectif : réutiliser leurs propres médicaments –si possible
avant qu’ils ne soient devenus génériques-, et leur donner une seconde
jeunesse. D’une part, en étendant leurs indications actuelles, d’autre part, en
combinant entre eux différents principes actifs.
Selon
vous, l’avenir de cette stratégie passe par l’étude des maladies orphelines.
Ces affections rares et souvent graves, pour lesquelles il n’existe que peu de
traitements, pourraient donc devenir un enjeu pour la recherche ?
Pour élargir
les indications des médicaments déjà sur le marché, il ne faut pas partir des
médicaments eux-mêmes mais plutôt, me semble-t-il, des pathologies que l’on
cherche à soigner. Or les maladies orphelines représentent presque toujours des
modèles simples de maladies communes plus complexes. Les étudier aujourd’hui,
c’est donc non seulement pouvoir les soigner demain, mais aussi, grâce à elles,
guérir les maladies les plus fréquentes. C’est sur cette conviction qu’a été
créée cette année la société de biotech Pharnext, qui se donne pour but de
reformuler les principes actifs déjà existants en se concentrant sur la
biologie des maladies orphelines.
Avec
déjà des résultats ?
Suffisamment
pour confirmer que cette voie de recherche est très prometteuse. Notre premier
modèle a été la maladie de Charcot-Marie Tooth, une affection neuromusculaire
très invalidante, qui touche une personne sur 30000 et qui implique environ 30
gènes. Partant de ces 30 gènes, nous avons recensé les protéines dont ils
dirigent la synthèse, puis les partenaires de ces protéines. Nous en avons
trouvé environ 1000, parmi lesquels 50, impliqués dans d’autres pathologies,
servent déjà de cibles à des médicaments. Nous avons ensuite testé ces
médicaments, un à un, en milieu cellulaire, pour savoir s’ils pouvaient agir
sur la maladie de Charcot-Marie Tooth. Notre taux de succès a été de 30 %, ce
qui signifie qu’une quinzaine de médicaments déjà existants ont une action
potentielle sur cette pathologie. Et la plupart ont également un effet sur les
neuropathies plus communes que sont les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson.
Bien sûr, il
ne s’agit que d’un début. Mais si l’on suit cette piste, on peut espérer, d’ici
vingt ou trente ans, guérir la plupart des maladies avec quelques centaines de
médicaments de base. Y compris, peut-être, avec ceux que la médecine chinoise
utilise depuis des millénaires.
Ce
serait la fin de la rupture entre médecine occidentale et médecine
traditionnelle ?
Aujourd’hui encore, celle-ci se fonde sur de très vieilles
molécules naturelles, dont l’efficacité est bien plus grande lorsqu’elles sont
associées entre elles. Des sociétés chinoises exportent désormais ces mélanges
en Occident pour traiter l’hypertension, le cancer, l’attaque cérébrale, et des
recherches très poussées sont menées pour déterminer quels sont les principes
actifs à l’œuvre dans ces mélanges. Le temps est peut-être venu où nous devrons
douter de nos certitudes péremptoires et cesser de mépriser les médecines qui
ne sont pas occidentales. Des médicaments qui sont toujours prescrits après
cinq mille ans d’histoire ont forcément quelque chose à nous apprendre.
GENOME HUMAIN
La séquence de notre patrimoine héréditaire aujourd’hui
accessible dans les bases de données représente 2,9 milliards de nucléotides,
soit 90 % des 3,2 milliards de nucléotides de l’ensemble du génome humain.
MALADIES ORPHELINES
On appelle ainsi les maladies qui touchent moins de 1 personne
sur 2000, soit pour la France moins de 30000 personnes pour une maladie donnée.
On en connaît plus de 6000 ; elles sont pour la plupart graves, chroniques
ou évolutives. Longtemps ignorées des médecins et des chercheurs, elles sont
désormais prises en compte dans les politiques de santé européenne et
américaine.
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