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Juillet 2012
POURQUOI UN MECREANT S'INTERESSERAIT-IL AUX RELIGIONS?
ALAIN
DE BOTTON
Le
Monde des Religions -mai-juin 2012
Alain de Botton ,auteur du Petit guide
des religions à l'usage des mécréants, Flammarion,336p.,21,90€.
«
Pour un athée, les religions restent une source de sagesse extraordinaire »
Parce qu'elles sont une
source de sagesse extraordinaire.
Beaucoup
d'athées rejettent tout au motif qu'ils
ne croient pas. C'est aussi déplorable que d'adhérer aux dogmes sans chercher à
les comprendre. C'est précisément quand on cesse de penser que les religions
sont complètement stupides, ou bien qu'elles nous ont été envoyées du ciel, que
les choses deviennent intéressantes. On peut être indifférent aux doctrines de
la Trinité chrétienne ou des huit voies de la sagesse bouddhiste, et étudier la
manière dont les religions prônent la morale, engendrent un esprit de
communauté et forment les esprits. C'est d'ailleurs une partie considérable de
notre histoire. Il me paraît difficile de comprendre le monde d'aujourd'hui
sans étudier les croyances et les pratiques des hommes.
D'autres disciplines apportent des réponses : l'histoire,
la philosophie, la science...
Bien sûr ! Mais je vous retourne la question:
pourquoi lire Shakespeare si on peut se contenter de Racine ? Il faut
s'intéresser à tout. L'enseignement profane transmet certes une culture
essentielle, mais il nous laisse dans le vague quant à l'utilisation pratique
de ce savoir. Les religions nous offrent quelque chose de plus : des conseils
bien structurés sur la façon de vivre notre vie.
Comment affronter la souffrance et la mort ? Puis-je contrôler mes
pulsions,résister à la
tentation ? L'université dédaigne ces questions directes, tandis que les
religions les exacerbent. Elles en font tout un sermon, une musique,un monument... Elles ont mieux compris l'importance
des rites et des symboles en matière d'éducation. Trop souvent, les
intellectuels laïcs s'imaginent qu'il suffit d'avoir de bonnes idées pour peser
sur le cours des choses. Ils négligent la question du pouvoir de se faire
entendre.
Qui déciderait, entre toutes les religions, de
ce qui est juste ?
Cette question m'est
souvent posée, comme s'il n'existait pas de valeurs universelles. Je crois, au
risque de heurter toute une philosophie sceptique et relativiste, que les
hommes s'accordent sur l'essentiel:
vivre uniquement pour soi est mauvais, l'altruisme est le socle de toute
morale. Le désir d'aider l'autre et de penser pour le groupe se retrouve dans
toutes les religions, et pour une large part dans la philosophie politique et
morale. Je ne crois pas à l'idée moderne d'égoïsme rationnel, d'après laquelle
le bien serait la somme des intérêts particuliers. Nous avons besoin d'être
rassemblés autour de valeurs communes, à mon avis tapies en chacun de nous, et
les religions ont imaginé des structures idéales pour cela : une messe
chrétienne nous extrait de l'égocentrisme accoutumé et ravive un sentiment
communautaire; le jour du grand pardon, chez les Juifs, est l'occasion
d'évoquer les vexations avec celui qui en a été responsable ou victime... Ces
pratiques valent au-delà des querelles de chapelles, nous ne devons pas avoir
peur de nous en inspirer.
Comment introduire davantage de religiosité
dans l'espace public sans nuire aux libertés individuelles ?
Nous devons en finir avec le
scepticisme ambiant vis à vis de toute morale. Loin d'être neutre l'espace
public est parsemé de publicités qui nous incitent au consumérisme et au
carriérisme. Nous pourrions diffuser des incitations à une vie meilleure à la
place, par exemple un aphorisme sur la sagesse, une allégorie de la justice...
Les religions n'ont jamais craint d'utiliser tous les ressorts de l'art et de
la communication pour instaurer une atmosphère morale. Les fresques du peintre
florentin Gioto dépeignent les vertus cardinales de
l'homme. La figure bouddhiste de Guan-Yin,
compatissante et compréhensive,
remémore une tendresse
maternelle. L'architecture monumentale de certains temples nous fait douter de
notre importance dans l'univers... Cela n'a rien de contraignant et vaut bien
un jingle sur les mérites d'un nettoyant ménager ! Dans mon livre, j'ai utilisé
des illustrations pour montrer à quoi pourraient ressembler nos rues si on
jouait le jeu.
Et Dieu dans tout ça ?
Peu importe qu'il existe ou
non. À titre personnel, je ne le crois pas. Mais cette question est sans
intérêt en définitive. Ce qui compte, c'est de se demander comment mener sa vie
de la meilleure façon. Le grand enseignement des religions est l'imperfection
inhérente à la condition humaine: nos problèmes ne se résoudront jamais, nous
devons apprendre à vivre avec nos fragilités et nos faiblesses. C'est une
vision certes pessimiste, mais réaliste. Inutile de mettre tous nos espoirs dans l'argent, les progrès
de la science ou des hôtels spas supposément ésotériques. En nous inspirant des
concepts et des rites religieux, nous pouvons mieux accepter notre condition,
composer avec et réinventer un sentiment communautaire emprunt de spiritualité.
Peut-être, par exemple, que nous cesserions de demander aux inconnus « ce
qu'ils font dans la vie » pour nous tourner vers des questions plus
essentielles : que regrettez-vous ? Qu'espérez-vous ?
Propos recueillis par Fabien Trécourt.