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Juillet
2011
LA
MALTRAITANCE CONTRE LES PERSONNES AGEES PREND DE L’AMPLEUR
Une violence
qui n’est pas seulement physique mais aussi financière
Jacques SOUBEYRAND
Chef du service de médecine à l’hôpital
Sainte-Marguerite de Marseille
Le Monde, Samedi 24 octobre 2009
Introduction
, par Henri Charcosset
Cet
article interpelle et appelle à réflexion, comme quand l’auteur dit :
« La maltraitance est une maladie
sociale non infectieuse, mais contagieuse et transmissible ».
A l’encontre de cette maladie, déjà et avant
tout essayer de la prévenir. Prévenir
vaut mieux que guérir, d’autant plus
que fatiguée par le déroulement de sa vie, la personne âgée n’a plus trop la
force de se défendre.
Alors, c’est depuis ses 50 à 60 ans, qu’il
faut anticiper, et se préparer soi-même
une réelle possibilité de choix de lieu et d’autres conditions, pour sa fin de
vie.
Autant que faire se peut, d’accord. Mais en
tout cas ne pas fuir devant cette
perspective inéluctable de nos vies, qu’est le véritable vieillissement… Sauf à
mourir jeune bien sûr, ce que personne ne souhaite !
A
l’heure d’aujourd’hui, le maitre mot est autonomie,
y compris financière bien entendu. S’assurer
une pension de retraite intéressante quitte pour cela, à devoir se séparer
d’une partie de ses avoirs mobiliers ou/et immobiliers, semble être est
une bonne assurance à l’encontre des violences financières dont traite le
Professeur Jacques Soubeyrand.
Plus
on s’avance vers son grand âge, moins on reste effectivement libre de pouvoir mener à bien ce type d’action, pour
des raisons tenant à la fois à soi-même (Perte de vitalité, inhibition contre
les changements) et à son entourage (Avec ses propres intérêts).
La situation n’est déjà pas si rare d’une
Maman de plus de 80 ans qui aurait besoin d’arrondir ses mensualités, en
puisant dans ses réserves. Et dont la fille qui l’accompagne, n’a pas elle-même une pension suffisante pour
se garantir des vieux jours un peu tranquilles. L’intérêt objectif de cette
dernière sera de toucher le moins possible au « patrimoine familial»!; il y a divergence
manifeste d’intérêt matériel personnel entre les deux ! Et puis
etc. .
L’approche que nous cherchons à promouvoir
sur ce site, à savoir rester socialement engagé jusque dans
des conditions de vie très rudes, en
mettant à profit le Net, peut
contribuer à la lutte contre les violences faites aux personnes âgées ou /est
handicapées, vieillissantes. Notre force de dépassement de nos propres limites,
se trouve fortifiée, et il en est grand besoin en ces temps de promotion de l’autonomie ! H.C., né en 1936, handicapé moteur.
Texte du Professeur Jacques Soubeyrand
I1 est une actualité qui fait débat : celle des prisons.
A l’inadaptation et à la vétusté des locaux, à la surpopulation carcérale, à l’augmentation
des suicides, au malaise de l’administration pénitentiaire, on peut ajouter la
situation de ces vieux prisonniers
qui ont purgé leur peine et qui restent en prison car on ne sait où les mettre.
Il y en aurait environ 500 pour lesquels la prison sert de maison retraite, d’Etablissement d’hébergement
pour prisonniers âgés dépendants (EHPAD). De maltraitants à une époque de leur
vie, ils sont devenus maltraités, alimentant un peu plus le champ déjà bien
rempli de la maltraitance.
Parallèlement à la maltraitance des
enfants, celle des âgés apparaît de plus en plus émergente. Surtout dans sa
fréquence. Son risque d’augmentation, parallèle à celle des personnes âgées,
est une réalité. Ainsi, en 2015, il est prévu, dans notre pays, plus de 2 millions de personnes âgées de plus de
85 ans. L’indigence des chiffres officiels n’a d’équivalent que leur caractère
on ne peut plus flou. Les seuls chiffres dont on dispose sont issus des
données d’Allô maltraitance des personnes âgées (ALMA) recueillies en 2001 !
On relève notamment que les cas de maltraitance sont plus
fréquents au domicile : 67%, contre
29% en établissement d’hébergement. A ceci près que l’enquête se garde bien
de préciser que sur les 2,1 millions
de personnes de 80 ans recensées à la même époque, seules 20% étaient hébergées en institutions. De
même, en 2000, on retrouve une enquête départementale réalisée par une équipe
hospitalière de Lille et, en 2005, une enquête qualitative nationale réalisée
par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des
statistiques (Dress) et, depuis, plus rien.
Etonnant domaine que celui de la
maltraitance en général et des personnes âgées en particulier. On peut ainsi
distinguer deux grands types de
maltraitance :
- une macro maltraitance, celle de la
violence, pas uniquement physique, qui demande plus à être reconnue que
discutée,
- et une micro maltraitance. Celle-ci est
bien plus insidieuse, quotidienne, d’une certaine façon perverse, car souvent
inconsciente, mais toujours plus grave que la précédente, car quotidienne et
tout aussi mortelle. Elle correspond à l’addition de multiples
dysfonctionnements qui, pris isolément, paraissent anodins mais qui,
additionnés, se révèlent délétères. Et, de toute façon, grevés d’un pronostic
vital bien plus désastreux qu’une canicule sévère.
Ces dysfonctionnements sont multiples : il vont de la perte de la prothèse dentaire,
d’une toilette faite à la va-vite, de médicaments laissés sur la tablette,
l’initiative de leur prise étant laissée au patient, en passant par une
macération dans des draps souillés par des urines ou des matières fécales, une
camisole chimique, des décalages horaires dans les soins d’hygiène,
l’administration de médicaments, des repas et autres. La liste est longue... La
synthèse de tous ces dysfonctionnements peut se résumer ainsi : ce sont des
personnes qui sont prises en charge comme des « non-personnes ».
Un type de maltraitance particulier est également à relever car prenant de plus
en plus d’importance, et grave par ses conséquences létales : la maltraitance
financière.
On estime ainsi que, dans les années à
venir, une personne de plus de 65 ans sur cinq ou six en sera victime, les
femmes et les sujets en perte d’autonomie en priorité. Aux Etats-Unis, on
évalue à plus de 5 millions le nombre des victimes, chiffre à l’évidence
sous-évalué dans la mesure où nombre d’entre elles se taisent soit par honte
d’avoir été dupées, soit surtout par inconscience du préjudice. L’ampleur du
phénomène a même conduit à faire passer la maltraitance financière du domaine
du droit civil dans le champ du droit pénal. Il devient, par suite, légitime de
se demander quelle peut être la signification d’une démarche dont a priori on
peut avoir des difficultés à comprendre le sens dans la mesure où elle s’inscrit en contradiction avec une volonté affichée de
prolonger la vie et le confort des individus.
Il n’est alors pas sans intérêt de faire référence aux travaux psycho-comportementaux
menés dans les années 1960, à
l’université de Yale, par Stanley Milgram.
On connaît la célèbre expérience
au cours de laquelle un sujet initialement réticent
à envoyer, sur ordre, des impulsions électriques douloureuses (en fait il
s’agit de pseudo-impulsions, mais le sujet ne le sait pas) à un autre sujet
finit par véritablement prendre goût à l’envoi des impulsions et à la souffrance ainsi induite. Cette présentation
certes résumée de l’expérience rappelle, néanmoins, la propension de l’être humain à être
maltraitant pour ses semblables.
C’est dans ce sens que l’on peut dire
que la maltraitance est une maladie
sociale non infectieuse, mais contagieuse et transmissible. Qu’il est
possible d’être inconsciemment maltraitant, ne
serait-ce que par maladresse, mais que l’on peut aussi y prendre du plaisir.
Qu’un ordre donné émanant d’une personne ayant
autorité peut obérer tout sens moral et représenter un excellent alibi
d’exécution. Une formation spécifique à la prise en charge des personnes âgées devient donc indispensable, un
simple bénévolat étant appréciable mais bien insuffisant.
Or, quel que soit l’endroit de la
planète, on s’aperçoit que les comportements de
maltraitance sont ubiquitaires. L’instauration d’un contre-feu devient donc nécessaire. Son efficacité sera en grande partie dépendante de ses acteurs. Ces derniers peuvent
être issus d’horizons professionnels variés. Toutefois, de par leur formation, leur territoire
d’exercice, leur contact permanent et quotidien avec
la population, avec sa souffrance, les médecins ont et doivent y occuper une place privilégiée.
Ce n’est pas forcément le cas
actuellement. Mal préparés par des études inadaptées à une réalité sociale sans
cesse en évolution, nombre de médecins se sentent désemparés devant les
situations de maltraitance. Une pédagogie de diagnostic et de soins est certes
nécessaire, mais elle n’est qu’une formation incomplète si elle ne s’accompagne
pas de l’apprentissage des mesures permettant la resocialisation des patients.
Il n’en demeure pas moins que les
médecins possèdent de par leur exercice l’avantage d’un pré requis
socioprofessionnel. Le devoir de signalement ne doit pas être vécu comme un
acte de délation, mais comme la première étape d’une démarche thérapeutique efficace.
Un certificat médical adressé au Centre communal d’action sociale (CCAS)
de la mairie de secteur, structure qui dispose d’un espace service aînés,
permet le déclenchement d’une enquête sociale.
Complémentaire de cette démarche une
stratégie d’information va s’avérer intéressante.
Elle s’inscrit dans la relation
médecin-patient. Elle a pour but de développer avec les familles une
communication par laquelle il devient
possible d’expliquer l’importance d’une osmose intergénérationnelle, par
exemple. On a trop eu tendance à oublier ce rôle de lien social que la médecine
a vocation à assumer. Il est temps qu’elle retrouve cette dimension humaine que
l’essor technologique a eu tendance à lui faire oublier.
A quoi sert-il de soigner des personnes
âgées si elles continuent à être confinées dans des conditions de maltraitance
qui auront pour effet des rechutes, des récidives et, à terme, une évolution
fatale dans la douleur et l’indignité ? Mourir, oui ; crever, non. Entre ces deux états certes
identiques par le résultat, il existe une différence essentielle, celle d’une
dimension éthique indispensable à la bonne santé d’une société.
La meilleure arme contre la maltraitance
réside dans l’avènement de comportements adaptés, de l’éclosion d’une culture,
notamment gériatrique, en se gardant d’oublier cette pensée d’André
Malraux : « La culture, ça ne
s’hérite pas, ça se conquiert. » Cette conquête ne peut que renforcer
le lien social et donner tout son sens à cette réflexion de ce vieux sage
africain, Hamadou Ampate
Bâ : « La qualité d’une société
se reconnaît à la façon dont elle traite ses vieux. » Et peut-être
aussi ses vieux prisonniers.