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Juillet 2014
UN
NOUVEAU REGARD SUR LES MALADIES MENTALES
Katia
VILARASAU
Valeurs mutualistes mai-juin 2014
OÙ SE TROUVE LA FRONTIÈRE
ENTRE LA TRISTESSE ET LA DÉPRESSION, LA TIMIDITÉ ET UNE ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE ? LES
PATHOLOGIES MENTALES SONT-ELLES EN AUGMENTATION OU EST-CE NOTRE CONCEPTION DE
LA « NORMALITÉ » QUI A CHANGÉ ?
Dossier réalisé
par Katia Vilarasau
Assistons-nous à une
épidémie de troubles de la bipolarité ? Les enfants sont-ils réellement de plus
en plus touchés par l'hyperactivité ? Pour le Pr Bruno Falissard,
psychiatre et épidémiologiste à l'Inserm, si les manifestations des plaintes changent, le paysage de la santé
mentale a peu évolué dans son ensemble depuis une vingtaine d'années. « L' incidence de
la schizophrénie a tendance à diminuer un peu, du fait, sans doute, d'une plus
grande surveillance des grossesses et d'une meilleure protection contre les
virus due à la vaccination. L'anorexie mentale est en légère hausse selon les données épidémiologiques, mais sans
que ce syndrome explose comme on peut l'entendre. »
Les vraies modifications tiennent plutôt à la définition des
maladies et à la façon de les conceptualiser. Ainsi, note le chercheur, si
l'autisme a considérablement augmenté, c'est en partie dû au fait que son
concept a été élargi à d'autres manifestations, rattachées aux « troubles du spectre autistique ». Longtemps
considéré à tort comme un trouble de la relation affective, l'autisme est aujourd'hui reconnu comme
un handicap neuro-développemental, grâce aux progrès
des neurosciences. Tandis que le trouble
bipolaire est aujourd'hui mieux diagnostiqué, après avoir été longtemps
sous-évalué. Autre avancée, la perception sociale de ces maladies a changé : « Elles sont devenues moins taboues. »
Même si la plupart restent difficiles à quantifier.
Les maladies mentales sont mieux acceptées .
Les failles des outils de mesure
« Les maladies mentales se classeraient au
troisième rang des pathologies les plus fréquentes en France, mais il n'existe
pas d'études qui le corroborent précisément », note
de son côté le Dr Rachid Bennegadi, psychiatre
anthropologue au Centre Françoise Minkowska* à Paris.
En cause le défaut de fiabilité des instruments
qui mesurent leur fréquence. « Les
enquêtes par téléphone , utilisées couramment en
épidémiologie, ne sont pas satisfaisantes pour définir les besoins de soins, souligne
Bruno Falissard. Elles
devraient comporter un volet clinique permettant de déterminer l'impact de la
maladie sur la vie du sujet. Mais ce type d'études coûte très cher, et en
fonction des seuils utilisés, les prévalences peuvent varier du simple au
double.»
Le diktat de la performance
En effet,
qu'est-ce qui est pathologique et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Les maladies
mentales ne manquent pas de nous interroger sur notre société, qui nous demande
d'être toujours plus performants et adaptables. «On estime, même s'il n'existe pas pour l'instant d'enquêtes
épidémiologiques pour le valider, qu'il y a une augmentation importante des
troubles psychiatriques chez les enfants et les adolescents, avec une
problématique de suicides de plus en plus forte chez les jeunes, souligne
Rachid Bennegadi. Chez
les adolescents , beaucoup d'équivalents d'états
dépressifs peuvent aussi être cachés par des problèmes d'addictions.» Le
psychiatre constate également une augmentation des troubles liés à la précarité
et à l'exclusion. « Beaucoup de
personnes laissées pour compte peuvent développer une souffrance psychique dans
un premier temps, des désordres psychologiques ensuite, puis éventuellement des
troubles psychiatriques.»
" Les maladies mentales ne manquent pas de nous interroger
sur notre société qui exige toujours
plus de performance et d'adaptation "
Une société hypernormée ?
Parfois encore, la
souffrance est anticipée. Ainsi, si les données épidémiologiques ne révèlent
pas d'augmentation majeure de la prévalence
de l'hyperactivité en France, Bruno Falissard
constate néanmoins une hausse des consultations la concernant. Effondrement de
l'autorité dans la famille et à l'école, exigence accrue des performances
aboutissent à des situations limites. «
Nous voyons arriver des demandes de prescription pour des enfants présentant
des déficits attentionnels sans souffrance manifeste, mais dont les résultats
scolaires pourraient être améliorés grâce aux traitements contre l' hyperactivité , déplore le chercheur. Mais ces enfants sont-ils vraiment des
patients au sens où ils ont besoin d'un traitement ? »
Est aussi pointée la
pression des laboratoires pharmaceutiques, qui se serviraient des outils de
classification des maladies mentales, comme le DSM
(
Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ) comme cheval
de Troie pour surmédicaliser le quotidien. «
On a reproché au DSM de classer des comportements habituellement considérés
comme réactionnels ( tristesse, colère, sautes
d'humeur …, avec le risque de stigmatiser
les patients, explique Rachid Bennegadi. Mais s'il est vrai que les firmes
pharmaceutiques incitent les médecins à prescrire leurs traitements, il y a peu
de risques qu'en France ou à l'étranger, un patient non schizophrène soit
diagnostiqué comme tel pour écouler des médicaments. Là où le bât blesse, c'est
que l'industrie pharmaceutique est parfois présente dans les milieux
universitaires et de recherches sans s'être clairement déclarée.»
Pensée unique
Un avis partagé par Bruno Falissard
pour lequel ce risque de surdiagnostic existe peu en
France, à la différence d'autres pays où les traitements sont remboursés
seulement si le trouble est inscrit dans le DSM.
« Le vrai problème dans notre pays est plutôt que les
psychothérapies, qui sont très efficaces, ne sont pas prises en charge en
libéral, alors qu'il nous est reproché de prescrire trop de médicaments », déplore
l'épidémiologiste, qui pointe un autre risque concernant l'usage du DSM
américain comme unique système de classification enseigné aux futurs médecins. « Il serait bien de montrer aux étudiants
d'autres classifications qui n'expriment pas la même chose, et qui permettent
de nous interroger sur ces outils. Avec une seule classification, les médecins
peuvent penser que les maladies sont vraies, alors qu'elles ne sont que des
constructions dont les contours changent sans arrêt.»
Le
poids des mots
« J'avais 31 ans lorsque le diagnostic m'est tombé sur la tête. À
l'époque, la maladie était nommée « psychose maniaco-dépressive », ce qui n'a pas du tout la même résonance que
le terme actuel de « trouble bipolaire ». Le mot «psychose» m'a semblé
effrayant, lourd d'implications, stigmatisant. Il m'empêchait de m'approprier
cette maladie. Je me suis dit « Je suis foutue ». Depuis qu'il a changé de nom, ce trouble me paraît davantage admis
socialement : les malades sont considérés comme faisant partir intégrante de la
société et capables de vivre normalement. Le fait de pouvoir en parler est
important même s'il existe un risque de galvaudage, de banalisation
,et donc de véhiculer des idées fausses. D'où l'importance de ne pas
employer le terme « bipolaire » à tort et à travers. Il ne s'agit pas d'un simple état d'exaltation qui
pourrait distinguer des êtres de manière positive. Cela reste une maladie, qui
rend la vie compliquée.»
Marie Alvery, auteure, avec Hélène Gabert,
de « J'ai choisi la vie »,Payot.
EN
CHIFFRES
La probabilité de développer une dépression au cours de
l'existence s'élève à 10% chez les hommes et 20% chez
les femmes.
Le trouble bipolaire concernerait 1 à 2% de
la population française.
Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) touchent environ 2% de
la population.
La schizophrénie est la
plus répandue des psychoses chez l'adulte. Sa prévalence se situe entre 0,5 et
2% de la population selon les pays. En France, 400 000 malades
environ sont concernés.
Selon l'OMS, une personne
sur quatre aura besoin de soins de santé mentale à un moment ou à un autre
de sa vie. Entre 76 et 85% des personnes atteintes de troubles mentaux graves ne reçoivent
aucun traitement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, contre 35 à 50% dans
les pays à revenu élevé.
« Des outils, et non des dogmes »
Sujettes à polémique, les classifications des maladies mentales
ont-elles une utilité ?
Réponses du Dr Rachid Bennegadi,
psychiatre anthropologue au Centre Françoise Minkowska
( Paris )
Quel est l'intérêt d'établir des classifications des maladies
mentales ?
Avec la mondialisation qui nous
met en situation d'échanger tous les jours avec des confrères et des chercheurs
de tous pays , et de confronter nos pratiques, est
apparue le nécessité d'identifier les pathologies autrement qu'à travers le
prisme de la société dans laquelle on vit. Mais, s'il n'est pas très difficile
de croiser les différents symptômes pour établir un diagnostic de
schizophrénie, plus on s'éloigne de la pathologie psychiatrique lourde, plus
les critères pour caractériser les maladies peuvent devenir flous. Cette catégorisation
des pathologies est donc nécessaire pour parler de la même chose partout dans
le monde.
Ne proposent-elles pas un cadre trop rigide ?
Les classifications, comme
le DSM et la CIM établie par l'OMS, sont des outils intéressants pour établir
des politiques de santé publique et mener des études épidémiologiques, et non
des dogmes. Il ne s'agit pas de ranger les patients dans des classifications !
En France, les praticiens travaillent en majorité avec la CIM-10, qui reprend en grande partie les
éléments du DSM, avec toutefois des contextes plus ouverts.
Les principales classifications
La CIM : Classification internationale des
maladies. Sa 6ème version, publiée en 1949, est le premier manuel contenant une
classification des troubles mentaux.
Le DSM : Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders
ou manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Publié le 18 mars
2013, la 5ème version ( DSM5 ) en vigueur à ce jour,
remplace la 4ème édition qui date de 1993. Apparu en 1952 aux États-Unis, il a
été profondément remanié en 1980 pour aboutir à un modèle exclusivement
syndromique des maladies mentales.
La Classification Française des troubles mentaux de l'enfant et
de l'adolescent (CFTMEA ), qui
s'inspire des théories psychanalytiques, est essentiellement utilisée en
clinique.
Le PDM ( Psychodynamic
Diagnostic Manual ), issu
de la collaboration de plusieurs associations psychanalytiques, reprend les
troubles du DSM.
Ces classifications sont-elles amenées à évoluer ?
Il existe actuellement un
débat dans le monde entier entre anthropologues, sociologues et le le monde psychiatrique concernant l'introduction dans la
nouvelle version de la CIM qui paraîtra en 2017, d'éléments contextuels, tels
les déterminants sociaux et culturels, dans l'approche diagnostique.
Ce nouveau concept de «
santé mentale globale » ( global mental health » ) , assez déboussolant pour les psychiatres, n'est pas
négatif : il les incite à prendre en compte plusieurs approches, à dépasser les
traditionnels affrontements entre les
tenants de l'approche neuropsychiatrique et ceux de l'approche psychanalytique,
et à s'interroger sur leurs pratiques, pour le bien des patients.
Des parcours thérapeutiques chaotiques
Difficile à diagnostiquer, la maladie mentale nécessite une
prise en charge pluridisciplinaire, compliquée pour le patient.
Il arrive souvent que les
personnes bipolaires soient diagnostiquées après de longues années, et des
hospitalisations à répétition. Un parcours du combattant qui tient à la difficulté
de déceler cette maladie, à la frontière du visible et de l'invisible. D'autant
plus que loin d'être une explosion soudaine, la crise maniaque peut évoluer sur
une période de plusieurs semaines. Si cette pathologie semble aujourd'hui mieux
connue et détectée par le corps médical, la difficulté à poser un diagnostic se
révèle accrue en santé mentale. En cause, le manque de formation et de temps
des médecins généralistes, qui constituent pourtant la première porte d'entrée
du système de soins. D'où par exemple, les difficultés à faire la différence
entre une période transitoire de mal-être et un épisode dépressif majeur, à
l'origine de dysfonctionnement dans la prescription d'antidépresseurs …
Résultat, bien que la dépression touche près de trois millions de personnes en
France, 40% d'entre elles ne seraient pas soignées, selon un rapport sur la
surveillance et la promotion du bon usage du médicament en France remis en 2013
au ministère de la Santé.
Pauvreté des moyens
« Avec toujours moins de moyens
alloués et de personnes qui s'impliquent dans la psychiatrie, la santé mentale
est encore le parent pauvre de la santé publique, observe
Rachid Bennegadi psychiatre anthropologue au centre
Françoise Minkowska de Paris. Celle-ci doit s'organiser pour garantir l'accès aux soins à toute
personne en situation de détresse psychologique ou sociale. En corollaire, il
est indispensable d'évaluer les pratiques professionnelles pour optimiser la
formation des professionnels de la santé mentale et permettre la généralisation
des bonnes pratiques, afin de proposer une offre de soins adaptée à chaque
problématique. »
Une vision du patient
trop fragmentée
Autre écueil, le défaut de
communication entre praticiens, au détriment d'une approche globale du patient
pourtant primordiale dans la prise en charge des pathologies. Différents plans
d'actions sont nécessaires pour soigner cette maladie qui ne se guérit pas mais
qui peut se stabiliser. La thérapie médicamenteuse, indispensable, mais qui ne
suffit pas, la psychothérapie, les thérapies comportementales et cognitives,
précieuses pour éviter les rechutes, la psycho-éducation
qui permet au patient de connaître sa maladie, d'en repérer les symptômes pour
essayer de parer la rechute et de mieux vivre au quotidien. Autant de
traitements « vitaux » et «
un gage d'avenir » pour Hélène Gabert,
diagnostiquée bipolaire à 31 ans et qui a choisi de témoigner pour exprimer sa « souffrance face à l'ignorance et à la
méconnaissance de son entourage » *. Et par là même, démystifier l'image de
personne atteinte de ce trouble. « Parce
que je ne suis pas réduite à une maladie et que ma vie n'est pas réduite à des
crises.»
* auteure avec Marie Alvery,de
«J'ai choisi la vie », Payot.
LES PRINCIPALES MALADIES
MENTALES
Chez
les adultes :
. la dépression, qui allie insomnie ou hypersomnie, manque
d'énergie, isolement, idées suicidaires …;
. le trouble bipolaire, qui se caractérise par une alternance
d'épisodes maniaques (exaltation de l'humeur et excitation psychique et
motrice) et dépressifs ;
. les troubles anxieux, qui rassemblent
l'anxiété généralisée, les troubles obsessionnels-compulsifs, les phobies ;
. les troubles psychotiques comme la
schizophrénie, dont les symptômes peuvent toucher la pensée, les perceptions,
le comportement social, la motricité ;
. les troubles de la personnalité
paranoïaque, borderline, narcissique … qui peuvent affecter la cognition,
l'affectivité, le fonctionnement relationnel et le contrôle des impulsions.
Chez les enfants :
.l'autisme, l'hyperactivité, les troubles obsessionnels
compulsifs (TOC ), les troubles anxieux, les problèmes
de comportement alimentaire ( anorexie et boulimie ).