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COMMENT AIDER LE CERVEAU A MIEUX MAITRISER SON ATTENTION ?

Sylvie MONTARON

          Le Progrès - Dimanche 27 septembre 2015

 

Lyon . chercheur en neurosciences , Jean-Philippe Lachaux livre quelques trucs dans «  Le cerveau funambule . Comprendre et apprivoiser son attention grâce aux neurosciences», 2015.

 

P our être concentré , faut-il suer sang et eau ?  Être attentif , cela demande-t-il forcément un effort ?

«  Non! Il faut changer notre façon de voir » , affirme Jean-Philippe Lachaux , chercheur au Centre de neurosciences de Lyon , pour qui l’attention est «  affaire de détente , de légèreté et de réactivité » ! Il ne faut pas voir l’attention comme quelque chose de statique , explique-t-il dans «  le cerveau funambule » (1) . C’est dans la nature d’être tiraillé entre plusieurs activités , et l’univers connecté dans lequel nous baignons, décuple ce phénomène . Mails ,tweets, textos et alertes « push »excitent notre circuit de la récompense qui résiste difficilement à l’attrait de nouveauté . Dès lors , comment un cours , une conférence ou une réunion peuvent-ils faire le poids en face à la tentation d’une info croustillante ou des nouvelles d’un ami ? Pourtant , quelques trucs permettent de mieux maîtriser son attention .

 

Définir des mini-missions

 

«  Rester attentif , c’est comme traverser une poutre d’un bout à l’autre sans tomber » , explique le neuroscientifique . Mais avant d’atteindre cet objectif lointain , il faut se fixer in objectif immédiat : savoir où l’on pose les pieds c’est-à dire ce que l’on veut faire . Se définir des mini-missions de quelques minutes aide à rester attentif . Pour les enfants , la mini-mission peut s’accompagner  d’un jeu : avoir fini avant que le sablier ne soit vidé , imaginer qu’une caméra filme la scène quand on range sa chambre…

 

Bannir le multi-tâches

 

Notre vie mentale est rythmée par un «  combat » entre deux systèmes : un système d’habitudes ( un stimulus déclenche une réponse automatique) et un système exécutif qui va choisir une action au milieu de plusieurs autres possibles , selon notre intention du moment . Des intentions mal définies ou multiples perturbent ce processus de sélection. Il faut donc essayer de minimiser les conflits entre ces deux systèmes .

Chaque activité doit s’accompagner d’un programme attentionnel « spécifique et unique » .  « On est d’autant mieux concentré que l’on agit avec une intention claire , concrète et à court terme (…) Le secret d’une attention maîtrisée réside dans la faculté à suivre ses automatismes quand ceux-ci sont efficaces et à s’en détacher quand ce n’est plus le cas » , précise le spécialiste du cerveau . Il est donc impératif de « fuir le multi-tâches comme la peste », souligne Jean -Philippe Lachaux . Les enseignants doivent y être vigilants : un élève soumis à plusieurs consignes à la fois, va très vite décrocher .

 

Capter les signes corporels

 

Les « pertes d’équilibre attentionnel » peuvent survenir à tout moment . Cependant , on peut les repérer de manière précoce car ces distractions internes sont précédées de manifestations corporelles : les yeux , la tête , le buste se dirigent vers l’objet de distraction . Ainsi , «  lorsque la fin du cours approche , les élèves ont souvent tendance à se pencher du côté de la porte , comme s’ils se préparaient déjà à sortir » , raconte Jean-Philippe Lachaux . D’ailleurs , le mot distraire vient du latin « distahere » «  étirer » . Il suffit de repérer ces signes et de décider : soit on se laisse faire par le téléphone ou l’écran , soit on se re stabilise » , explique le chercheur pour qui «  il ne faut pas s’attendre à ce que notre cerveau s’adapte structurellement » aux nouveaux objets . «  Il est donc urgent de prévoir un accompagnement surtout chez les jeunes , présentant clairement l’attention et ses limites et les contraintes que font subir les nouvelles technologies avec comme question centrale:

‘’ Qui décide vraiment de nos actions? »

                   

Sylvie Montaron

 

La génération Z , connectée et émotive

 

Nés après 2000 , ces enfants sont souvent plus dans l’émotion que la réflexion , explique le Pr Revol.

 

Ils se promènent avec deux voire trois  écrans , envoient des centaines de SMS , ne quittent pas leur casque …Au point que la génération Z -les enfants nés après 2000-a été rebaptisée génération C comme communication et connexion . « C’est une génération surinformée . Elle n’est pas avec internet comme la génération Y , mais dans internet . Pour la première fois , cette génération apprend des choses à ses parents . Elle ne demande pas à ses pères mais à pairs » explique le Pr Olivier Revol , pédopsychiatre à l’hôpital Femme Mère Enfant de Bron.

Si ce bain numérique peut favoriser l’attention visuelle sélective et la prise de décision , c’est parfois au détriment de la réflexion . Comme ils savent où chercher l’info et qu’elle sera toujours disponible , les jeunes de la génération Z ne comprennent pas pourquoi il faut apprendre .

« Tout fonctionne plus vite avec ces écrans mais au détriment de la réflexion . Cela passe moins par le cortex frontal qui inhibe l’impulsivité » , explique le Pr Revol.

 

 

Il n’y a pas davantage d’enfants à haut potentiel

 

Les parents de ces enfants surdoués dans le monde numérique , ont l’impression qu’ils sont intelligents . Cependant ; il n’ y aurait pas davantage d’enfants à haut potentiel dans cette génération que dans les précédentes .  Ils sont simplement mieux repérés car leurs profils sont mieux connus : ce ne sont pas forcément les premiers de la classe, mais des enfants avec des goûts décalés, s’intéressant davantage au mystère de l’ Atlantide qu’à la Nouvelle Star . D’une « grande sensibilité », ils ont des difficultés avec l’autorité et veulent « tout maîtriser ». Leur vie est peut-être un peu compliquée aujourd’hui car « dans la génération précédente , il y avait moins d’inquiétude parentale vis-à-vis des enfants à haut potentiel. Là , je vois des parents qui ont du mal à les laisser » , explique Olivier Revol (1) . Plus dans l’émotion que leurs aînés , ces jeunes connaissent aussi la crise de l’adolescence mais ils sont « moins » dans l’affrontement . Ils ne prennent pas les parents frontalement . Du coup , ils nous embrouillent mieux et finissent par avoir ce qu’ils veulent » , sourit ce père de grands et de jeunes enfants . Plus optimiste et solidaire , cette génération C  a aussi pour maîtres mots «  collaboration » et créativité . Le monde , qui n’a plus de frontières  , est à eux et , selon le pédopsychiatre , ces pros de la com’ seront mieux armés que les précédents contre les dérives des réseaux sociaux et le cyber harcèlement

                             S .M.

 

« Mieux maîtriser son attention , c’est se donner la possibilité de reprendre le contrôle de sa vie mentale pour accorder son énergie à ce qui est précieux. »

 

          Jean-Philippe Lachaux , chercheur au Centre de neurosciences de Lyon

 

          À lire

 

Jean-Philippe Lachaux ,  « Le cerveau funambule , comprendre et  apprivoiser son attention grâce aux neurosciences », Odile Jacob , 23. 90 euros .

Le Pr Revol a écrit « 100 idées pour accompagner les enfants à haut potentiel »  avec R.Poulin et D.Perrodin . Tom Pousse,2015