https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/518tS80LO4L._SX343_BO1,204,203,200_.jpg

°°°

Article entré sur site en mai 2016

 

LE GRAND LIVRE DE LA SAGESSE, AVEC Mathieu RICARD, Alexandre JOLLIEN, Christophe ANDRE

 

Thomas MAHLER ET Olivia RECASENS

 

Le Point 7 janvier 2016

 

 

          Matthieu Ricard               Alexandre Jollien                        Christophe André

        Moine bouddhiste                Philosophe zen.                             Psy altruiste

                                             Comme il vit en Corée du Sud           (ici, à son domicile en région

                                                assure la liaison par Skype                 parisienne)

 

 

Sésame. Matthieu Ricard, Christophe André et Alexandre Jollien publient un guide pour mieux vivre. Leurs méthodes.

 

 

C

est la troïka de la sagesse. Le G3 de la bienveillance. Une affiche qui a tout du blockbuster de librairie, rayon psychologie et développement personnel. Publié par l’Iconoclaste et les éditions Allary, « Trois amis en quête de sagesse » (I) réunit Matthieu Ricard, Christophe André et Alexandre Jollien. Le sous-titre a des airs de conte édifiant : le moine, le psychiatre et le philosophe. Tous des abonnés aux best-sellers, prophètes du bonheur ou de la joie dans une époque qui a fait de la félicité son idéal suprême. Des approches différentes, mais aux nombreux points communs : méditation, spiritualités…

L’aîné, Matthieu Ricard, est vu par ses compères comme le « grand frère généreux et solide ». Bientôt septuagénaire, mais physique robuste, le fils de l’académicien Jean-François Revel a, dans les années 70, abandonné son laboratoire de biologie génétique ─ il est docteur en génétique cellulaire ─ pour gagner l’Himalaya et étudier le bouddhisme. Devenu le traducteur du dalaï-lama, l’homme quitte régulièrement son ermitage népalais pour prêcher l’altruisme. Prosélyte de l’empathie, mais aussi cobaye pour des recherches en neurosciences sur la méditation, le volubile Matthieu Ricard mêle allègrement dans ses conversations enseignements bouddhiques et études scientifiques qui prouveraient que l’homme est plutôt bon. A la suite d’un quiproquo journalistique, il a acquis le titre officieux d’« homme le plus heureux du monde ».

Entourés des temples bouddhiques de Chanteloube, ils ont échangé au coin du feu durant neuf

jours sur l’ego, la souffrance, la compassion…

 

Son cadet, Christophe André, se voit défini comme « frère du milieu, tranquille, soucieux d’aider », mais aussi, de nature introvertie, comme « le plus solitaire de la bande ». Voix apaisante, gentillesse contagieuse, ce Toulousain qui pratique à l’hôpital Sainte-Anne à Paris est un psy star, fer de lance des thérapies comportementalistes et cognitives, qui ont trouvé une place entre divan freudien et psychotropes tranquillisants. Un psychiatre humaniste qui dope l’estime de soi des anxieux et rappelle de « ne pas oublier d’être heureux ».

Le benjamin, Alexandre Jollien, est le « jeune frère, joyeux et affectueux ». Grâce à Socrate, ce lutin rieur a échappé au déterminisme social du handicap. Infirme moteur cérébral suite à un étranglement du cordon ombilical, il est resté dix-sept ans en institut spécialisé avant que la découverte des Anciens ne lui ouvre la porte des études tout en l’aidant à accepter un corps récalcitrant. Pour fuir les sollicitations médiatiques et les incessantes conférences, le philosophe aux gestes abrupts mais à la pensée sautillante a choisi l’exil en Corée du Sud avec femme et enfants. Là-bas, ce chrétien pratique la méditation auprès du père Bernard, prêtre jésuite canadien féru de zen.

En janvier 2015, le trio s’est retrouvé en Dordogne, sur les hauteurs de la côte de Jor, qui domine la vallée boisée de la Vézère. Une colline inspirée sur laquelle on croise des bonzes au volant et où réside la mère nonagénaire de Matthieu Ricard. Entourés de temples et stupas de la communauté bouddhiste de Chanteloube, les trois ont studieusement échangé au coin du feu durant neuf jours sur l’ego, la souffrance, la compassion, l’écoute…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                        

               Bienveillance. Matthieu Ricard et Christophe André, le 9 décembre.

 

« C’est quand on est dans la béchamel qu’on voit qui répond aux mails et qui est là. Ces deux gaillards m’aident à vivre. » Alexandre Jollien

 

Première séance de travail de 9 heures à midi. Repas végétarien. « On ne voulait pas que cette occasion soit une cause supplémentaire de souffrance », explique le bouddhiste Ricard, militant de la cause animale. « Je suis végétarien, mais non pratiquant, précise Alexandre Jollien. Manger un steak, c’est décider qu’un quart d’heure dans mon assiette vaut la peine de tuer un animal. C’est indéfendable. Mon ami Bernard Campan a vraiment été converti grâce à Matthieu. Moi, je tends déjà à diminuer ma consommation. Ce qui est en soi absurde, comme si je disais : je tue des êtres humains, mais je diminue les rations. » Après une promenade dans les bois, deuxième séance de 15 h 30 à 18 heures. Avant chaque session, un moment de silence pour, disent-ils, dégonfler la baudruche des ego. Une coquetterie de sage ? « Cet instant de silence servait à vérifier notre motivation. On voulait voir si on faisait ça pour se faire mousser, ou si on pensait vraiment que ce livre allait apporter un bien à autrui. Ça permet de maintenir un esprit intègre », assure Matthieu Ricard.

Rires. Décembre 2015, changement de décor. En avant-première du livre, mais aussi en conclusion d’une année qui fut très peu sage, le Point a retrouvé ces trois-là au domicile de Christophe André, près du bois de Vincennes. Deux sont présents physiquement face à nous. L’hôte, affaibli par une récente opération, a plus que jamais l’air, avec son cardigan, d’un janséniste du bonheur. Matthieu Ricard, drapé de sa traditionnelle robe bordeaux et safran, est toujours aussi intarissable en avocat de la bonté. Le troisième, Alexandre Jollien, nous parle sur Skype de Séoul et fait rire ses comparses avec ses trouvailles poétiques. Nous assistons au spectacle insolite de deux sages sur leur Macbook conversant avec un troisième à 9 000 kilomètres de là. On peut être chantre de la décroissance et croquer dans la Pomme…

Mais puisque l’époque est au cynisme, nous nous devons de mettre les pieds dans le plat : sont-ils vraiment « amis » ou ne serait-ce pas là un coup de marketing pour multiplier par trois leurs chiffres de ventes ? Soupirs face à ces peu bienveillantes « questions de journaliste » et railleries devant le manque de confiance de notre corporation. « Il y a un an, pour un portrait qu’on me consacrait, une journaliste a interviewé des confrères, des infirmières et des patients. A la fin, elle a conclu qu’il était impossible de trouver quelqu’un disant du mal de moi. Elle avait l’air déçue », s’amuse Christophe André. « Elle a dû penser que j’avais une machine de relations publiques parfaitement organisée », pouffe Matthieu Ricard. Et le trio de se remémorer les anecdotes de leur amitié vieille de quinze ans. Alexandre et Christophe ont rendu visite à Matthieu dans ses hauteurs bouddhiques au Népal et le moine a initié le psy au zen.

Le témoignage le plus émouvant vient du benjamin philosophe. « Pour dissiper s’il y avait l’ombre d’un doute, sachez qu’il y a eu un moment de ma vie où j’étais bien plus anxieux que maintenant. Il y a dix ans, j’avais une phobie délirante du sida. Je ne pouvais pas marcher dans la rue tant j’avais peur de tomber sur un rasoir. Je ne l’ai jamais raconté, mais dans ma folie, je suis allé jusqu’à commencer une trithérapie… Ce soir là, je dormais chez Christophe et son épouse. Vu que je venais de m’insuffler une dose de cheval, je me suis endormi. Bernard Campan, qui était là aussi, m’a raconté comment Christophe se levait pendant le repas pour s’assurer que tout allait bien. Vivre un amour aussi inconditionnel, c’est énorme. Cet événement a été fondateur, il m’a transmis de la confiance dans la vie, alors que c’était loin d’être mon truc. Combien de fois ensuite ai-je appelé Christophe pour avoir une écoute inconditionnelle et sans jugement ? Sur cette amitié s’est greffée celle de Matthieu. Et je peux vous dire que c’est quand on est dans la béchamel qu’on voit qui répond aux mails et qui est là. Ces deux gaillards m’aident à vivre. »

Au final, ces trois-là nous livrent un « traité » de sagesse qui apporte de vraies réponses aux questions que tout le monde se pose : comment surmonter les épreuves, retrouver l’estime de soi, en finir avec la culpabilité, devenir plus libre… Rien de moins qu’un mode d’emploi pour mieux vivre. Alors, suivons le(s) guide(s), en espérant que 2016 s’inspire aussi de leur ouvrage !

 

(I) 528 p., 22,90 €. Sortie : 13 janvier.

Christophe André

le psy

12 juin 1956 Naissance à Montpellier (Hérault).

1980 Thèse de doctorat en médecine à Toulouse.

1982 Mémoire de psychiatrie.

Depuis 1992 Exerce à l’hôpital Sainte-Anne à Paris au sein du service hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique. Introduit la méditation en psychothérapie. Egalement chargé d’enseignement à l’université Paris X.

1995 Publie son premier livre, « La peur des autres : trac, timidité et phobie sociale », avec Patrick Légeron (Odile Jacob). Une vingtaine d’autres suivront.

2011 Publie « Méditer jour après jour, 25 leçons pour vivre en pleine conscience » (L’Iconoclaste).

2014 Publie « Et n’oublie pas d’être heureux : abécédaire de psychologie positive » (Odile Jacob).

Alexandre Jollien

le philosophe

26 novembre 1975 Naissance à Sierre (Suisse), infirme moteur cérébral.

1979-1995 Vit dans une institution spécialisée pour handicapés physiques.

1998-2002 Etudie la philosophie et le grec ancien à l’université de Fribourg, puis au Trinity College de Dublin.

1999 Sort son premier livre, « Eloge de la faiblesse » (Cerf), prix Mottart de l’Académie française.

2002 Publie « Le métier d’homme » (Seuil).

2004 Licence de philosophie. Mariage. Naissance de sa première fille.

2006 « La construction de soi » (Seuil).

2010 « Le Philosophe nu » (Seuil).

2012 « Petit traité de l’abandon » (Seuil).

2013 Part vivre en Corée du Sud, où il a trouvé un maître zen qui est également un prêtre catholique.

2015 « Vivre sans pourquoi » (L’Iconoclaste/Seuil).

Matthieu Ricard

le moine bouddhiste

15 février 1946 Naissance à Aix-les-Bains (Savoie)

1967 Premier voyage en Inde, où il rencontre son maître spirituel tibétain, Kangyour Rinpoché.

1972 Termine son doctorat en génétique cellulaire à l’Institut Pasteur sous la direction du professeur François Jacob. Décide de s’établir dans l’Himalaya.

1979 Devient moine.

1980 Rencontre le dalaï-lama, dont il devient l’interprète français à partir de 1989.

1997 « Le moine et le philosophe », avec Jean-François Revel, son père (NiL).

2000 « L’infini dans la paume de la main », avec l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan.

Depuis 2000 Fait partie du Mind and Life Institute, qui facilite les rencontres entre la science et le bouddhisme.

2003 « Plaidoyer pour le bonheur » (NiL).

2013 « Plaidoyer pour l’altruisme » (NiL).

2014 « Plaidoyer pour les animaux » (Allary).

2015 « Visage de paix, terres de sérénité » (La Martinière).