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Janvier  2015

 

LES AIDANTS ENFIN RECONNUS

 

JEAN-CHRISTOPHE MARTINEAU

Notre Temps Mai 2014

 

Longtemps ignorés et isolés, les proches aidant une personne fragile font désormais l’objet de l’attention des pouvoirs publics. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs attentes ? Portraits et témoignages.

 

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C

onjoints, enfants, parents, amis, voisins… Vous êtes aujourd’hui plus de
8 millions à prendre soin d’un proche malade, en perte d’autonomie ou handicapé. Parmi vous, 4,3 millions s’occupent de personnes âgées. Un phénomène massif et inédit, expliqué en premier lieu par l’allongement de la durée de la vie. « Et en particulier, de la vie avec incapacité. Actuellement, l’espérance de vie après un diagnostic Alzheimer est de dix ans, contre trois ans auparavant… Des personnes atteintes de trisomie 21 vivent jusqu’à 70 ans. C’était inconcevable il y a une trentaine d’années. En terme numérique,
la situation est explosive ! » pointe Florence Leduc, présidente de l’Association française des aidants, qui anime un réseau d’une cinquantaine de Cafés des aidants. Des lieux d’écoute, d’information et d’échange.

Qui sont ces aidants que le Premier ministre a qualifiés de « pivots du soutien à domicile » lors du lancement de la loi d’adaptation de la société au vieillissement (ou « loi autonomie ») ? Trois chiffres clés les caractérisent : 57 % ont plus de 50 ans, 60 % sont des femmes, 46 % travaillent (enquête BVA-fondation Novartis). Comment vivent-ils leur situation ? Selon l’Association française des aidants, 70 % déclarent avoir peu ou pas de temps libre ; autant ressentent un manque d’information de la part des services compétents ; près de la moitié des aidants encore en activité ont l’impression que leur employeur ne prend pas en compte leur situation ; près de 8 sur 10 expriment un besoin de reconnaissance par la société ; la moitié souhaitent que leur entourage les relaie de temps à autre. Des chiffres qui traduisent particulièrement leur désarroi et leur isolement.

Pour les soulager, il existe sur le territoire plus de 9 300 places d’hébergement temporaire en maisons de retraite et 12 500 places en accueil de jour, et 150 plates-formes d’accompagnement et de répit sont en cours de création, financées par les collectivités d’accompagnement et de répit sont en cours de création, financées par les collectivités locales et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). C’est ainsi le cas à  Nantes, où la Maison des aidants a épaulé 500 personnes l’an dernier. « Des professionnels s'y occupent de la personne malade. Tandis que l’aidant peut participer à des activités (musicothérapie, groupes de parole, sorties), trouver de l’information et du soutien, explique Élisabeth Lefranc, vice-présidente du centre d’action sociale. Les aidants doivent pouvoir vivre aussi  pour eux, cela leur permet de mieux aider. » Fin novembre 2013, Jean-Marc Ayrault a annoncé à leur intention l’instauration d’un droit au répit. À partir de 2015, une aide de 500 € par an leur permettra de financer un hébergement temporaire ou un séjour dans un accueil de jour de la personne aidée. Le temps pour l’aidant de souffler.

Dans l’attente du nouveau plan d’Alzheimer, annoncé pour ce printemps, Marie-Odile Desana, présidente de l’association France Alzheimer, pointe, elle, le manque de structures de répit. « Le nombre d’hébergements temporaires n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux, alors que 900 000 personnes sont atteintes d’Alzheimer. Chez moi, à Aix-en-Provence, les places se comptent sur les doigts des deux mains… pour 5000 malades ! déplore-t-elle. Il faut un plan ambitieux, développer les structures d’accueil, réduire le reste à charge, supprimer les inégalités territoriales. »

Appuyé par la CNSA, le monde associatif (France Alzheimer, France Parkinson, l’Unafam, Générations mouvement…) se mobilise pour former les aidants : connaître les effets des maladies neurodégénératives, apprendre les bonnes postures pour déplacer une personne alitée… Les caisses de retraites complémentaires sont également impliquées et ont soutenu 39 400 aidants en 2012. Parmi les orientations prioritaires de l’Agirc-Arrco pour 2014-2018 figure l ‘assistance psychologique pendant et après une situation d’aide. Autant d’initiatives qui vont dans le bon sens.

La santé des aidants souvent mise à mal

Ces soutiens constituent une nécessité pour Claude Van Leeuwen, fondatrice d’Avec nos proches, un service gratuit d’écoute. Sa particularité : les bénévoles au bout du fil sont tous d’anciens aidants. « Être conseillé par des personnes qui ont traversé cette expérience, cela change tout », explique-t-elle. Elle-même a accompagné son père atteint d’un cancer avant de créer l’association en 2012. « Pour un aidant, penser à soi est trop souvent perçu comme un indécence, une culpabilité, témoigne-t-elle. Or l’isolement, l’épuisement ont de lourdes conséquences sur la santé : troubles musculaires, consommation de psychotropes, maltraitance par exaspération… Et il ne faut oublier que dans le cas de la maladie d’Alzheimer, 30 % des conjoints aidants meurent avant la personne aidée ! »

À l’Association française des aidants, Florence Leduc confirme : « La santé d’un tiers des aidants est dégradée. Les autres sont plus anxieux, plus fatigués. Ils éprouvent plus de difficultés dans leurs engagements professionnels, moins de plaisirs dans la vie. Il faut mettre en place un programme de santé en leur direction, sensibiliser les médecins traitants pour qu’ils se préoccupent aussi de la santé de l’aidant. Mais la loi autonomie en préparation doit d’abord fournir des moyens adaptés à une prise en charge de qualité des personnes fragiles, avertit-elle, les proches ne doivent pas se substituer aux professionnels. »

Même s’il reste encore beaucoup à faire pour soutenir ces piliers de l’aide que sont les proches, la mobilisation des collectivités locales, des professionnels et des pouvoirs publics est réelle. Ce mouvement général — naissant — est jugé encourageant par les associations d’aidants. Il témoigne de la prise de conscience par la société du rôle central de l’entourage dans l’accompagnement des plus faibles. Être aidant familial, finalement, nous concerne tous. ■

QUE PRÉVOIT LA LOI

Le congé de soutien familial pour s’occuper d’un proche handicapé ou souffrant de perte d’autonomie. D’une durée de trois mois, renouvelable au maximum trois fois, il n’est pas rémunéré (sauf accord particulier).

Il est à demander à son employeur.

Le congé de solidarité familial pour accompagner une fin de vie. D’une durée de trois mois, renouvelable une fois, il peut être indemnisé pendant 21 jours par l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (54 € par jour). Il est à demander à son employeur.

La réforme des retraites 2013 instaure une majoration de la durée d’assurance en cas de prise en charge d’un adulte handicapé
(1 trimestre pour 30 mois de prise en charge dans la limite de
8 trimestres). Les aidants familiaux qui arrêtent de travailler ou réduisent leur activité bénéficient de l’affiliation automatique et gratuite à l’Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

           

LES ENTREPRISES PEUVENT SOUTENIR LEURS SALARIÉS

Les entreprises commencent à prendre la mesure de l’impact de l’aide sur le travail de leurs salariés. « 15 % du temps de travail des aidants serait consacré à régler des problèmes liés au soutien de leur proche », note Jean-Renaud D’Elissagaray, cofondateur de Responsage (www.responsage.com). Cette société, créée en partenariat avec Danone et le groupe Bayard (éditeur de Notre Temps), innove depuis la mi-2013 en proposant aux entreprises d’épauler leurs salariés confrontés à une situation urgente (trouver une maison de retraite…).

Agevillage (www.agevillage.com). Ce site Internet pionnier de l’information gérontologique, soutenu par la Caisse des dépôts, a élaboré pour les entreprises une application Web de ses services : MonAgeVillage.com

Le groupe Casino a conclu en 2012 un accord avec les syndicats, instituant un fonds commun de jours de congés supplémentaires alimenté par l’entreprise et les salariés. Ceux-ci peuvent céder des jours de congés ou de RTT au bénéfice de leurs collègues aidants.

Le laboratoire Novartis Pharma offre, depuis deux ans, à ses collaborateurs aidants la possibilité de transformer tout ou partie de leur 13e mois en jours de congés supplémentaires.

 

ALAIN PHILIPPE, 66 ANS, PRÉSIDENT
DES ACCORDERIES

IL MUTUALISE LES COMPÉTENCES

« J’ai découvert le principe des Accorderies au Québec, et j’ai tout de suite voulu l’implanter en France, raconte Alain Philippe, président du réseau des Accorderies.
Ce système permet à des personnes d’un même quartier de vendre et d’acheter des services avec une monnaie en unités de temps et non en euros*. Nous avons tous des compétences, autant ne pas les gaspiller ! » La ressemblance avec les SEL (systèmes d’échanges locaux) n’est pas fortuite, mais les Accorderies, elles, s’adossent aux collectivités locales pour gagner en pérennité. C’est par le biais de la Fondation Macif, qu’il a dirigée pendant vingt-et-un ans, qu’Alain Philippe a importé ce système en France : « Le mouvement mutualiste est pour moi une philosophie de vie. Je suis heureux de contribuer à une société où nous vivons mieux ensemble : nous avons tous besoin du bonheur qu’apporte la certitude d’être compétent et utile. »

www.accorderie.fr

* Chaque heure de service rendu vaut une heure de service reçu.

 

 

 

 

 

@  POUR EN SAVOIR PLUS

● SUR notretemps.com/famille

Le guide des aidants en vidéo, La minute des aidants, une série de conseils produite par France Télévision. Les financements (APA, aides communales…).

Le blog des aidants d’Annie de Vivie, fondatrice d’Agevillage.com

● SUR D’AUTRES SITES

www.aidants.fr   www.francealzheimer.org

www.avecnosproches.com   www.agevillage.com

www.aidonslesnotres.fr   www.aidantattitude.fr

www.lacompagniedesaidants.org   www.aveclesaidants.fr

www.prochedemalade.com   www.generation-proches.com

 

 

NICOLE : « LES AIDANTS FORMÉS AUX GESTES DE BASE ESSENTIELS »

Cela fait trente mois que Nicole porte le deuil de Roger, son compagnon. Nicole a 79 ans. Roger avait 82 ans à sa mort, onze ans après avoir été diagnostiqué Alzheimer. Tous deux étaient agronomes dans un institut technique agricole. « C’est lui qui m’avait embauchée, dit-elle en souriant. C’était un passionné de peinture et de musique et, du jour au lendemain, il ne connaissait plus un peintre ni un compositeur. Voir sa compréhension des choses et du monde s’effilocher, c’était très dur à accepter. Au début, les médicaments ont stabilisé la maladie. Je pouvais m’absenter deux heures dans la journée, cela faisait du bien ! » poursuit-elle.

Au fil de la progression de la maladie, laisser Roger seul est devenu impossible. Les services de soins à domiciles et les auxiliaires de vie se sont succédé quotidiennement dans leur appartement. « Organiser le quotidien : les repas, le passage des infirmiers, des aides à domicile, c’est éreintant. Je me disais :
Et s’ils ne viennent pas ? Et s’il m’arrive

quelque chose ? Quand il a fallu que je subisse une intervention chirurgicale, cela a été  vraiment angoissant, se souvient-elle. Les groupes de paroles, le psychologue de l’hôpital où il était suivi, ma famille et mes amis m'ont beaucoup aidée , ainsi que les séjours de répit organisés par France Alzheimer. C’est à cette occasion que j’ai appris les bons gestes pour le lever et le coucher. Il faut absolument que les aidants soient formés à ces gestes de base. »

 

 

 

 

JEAN-LOUIS : « PERMETTRE AUX SALARIÉS D’AMÉNAGER LEUR TEMPS DE TRAVAIL »

« La vie a basculé en quelques secondes. Françoise est tombée dans mes bras. C’était un lundi après-midi, il y a huit ans.
«  Assis dans le salon cosy de leur maison du Val-de-Marne, Jean-Louis Bertrand, 61 ans, raconte le bouleversement complet de leur existence provoqué par l’accident vasculaire cérébral de son épouse. Paysagiste, il a dû mettre entre parenthèses son entreprise pour se consacrer totalement au soutien de Françoise, devenue mutique

pendant de longs mois et handicapée par son hémiplégie. « Il faudrait un numéro vert par département qui puisse orienter les aidants, les conseiller, et puis donner la possibilité aux salariés d’aménager leur temps de travail, constate Jean-Louis. Moi, j’avais la chance d’être indépendant. Sinon, je ne sais pas comment j’aurais fait. »
À force de soins et de volonté, Françoise, 58 ans, aujourd’hui, a récupéré une partie de ses capacités. Pas assez cependant pour reprendre son activité de pharmacienne. » « C’est dur à accepter », reconnaît-elle. Heureusement, il y a les petites et grandes victoires : monter de nouveau l’escalier, reparler et, trois ans après l’AVC, repasser le permis de conduire. « C’est un combat de tous les jours, mais au fur et à mesure que Françoise regagne de l’autonomie, j’en retrouve également, admet Jean-Louis. »

 

VALÉRIE : « J’AI DÉCOUVERT
LA SOLIDARITÉ FAMILIALE »

« Devenir le parent de sa mère, ce n’est pas évident. J’ai l’impression d’avoir vieilli d’un coup ! » Depuis plus de deux ans, Valérie et sa sœur Martine, la quarantaine toutes les deux, s’occupent de leur mère Denise, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Denise a 67 ans et vit dans un foyer non médicalisé, dans la région toulousaine. « Elle ne pouvait pas rester chez elle, mais son état ne nécessite pas, pour l’instant, le placement dans un établissement spécialisé. » Les sœurs se sont réparti les tâches. Martine, épaulée par ses tantes, assure le soutien de proximité :
le médecin, les infirmiers, les assistantes de vie. Valérie, qui vit à Paris, assume la partie administrative et les relations — complexes — avec le juge des tutelles. « Toutes les cinq semaines environ, je descends à Toulouse pour rester ancrée dans la mémoire de ma mère et faire le point. Cela a un coût, bien entendu, mais c’est surtout fatiguant », reconnaît-elle. « Les entreprises accordent des jours enfants malades, mais rien pour s’occuper de ses parents. Cette épreuve m’a fait découvrir la solidarité familiale, et cela fait du bien ! »