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Septembre
2010
LA FOI SUR LA TOILE
Benoît MERLIN
Mars-Avril 2009,
Le Monde des Religions
Retraites et
prières en ligne, cyber-prêtres, imams ou rabbins, Eglises virtuelles: Dieu est
désormais omniprésent sur Internet.
Se « connecter » à
Dieu. Ni plus, ni moins. Quand il s'agit de spiritualité, le vocabulaire du Net
prend une tournure particulière. Pourtant avec plus de 35 millions de résultats
en cherchant « Dieu » sur Google, la quête s'annonce
laborieuse....Les missionnaires du Net, eux, n'ont pas perdu de temps.
C'est
en 1983, sur l'Arpanet, l'ancêtre du Web, qu'apparaissent les premiers forums
où l'on parle de religion, « les Usenet News ».
A
l'époque, les religions institutionnelles sont prudentes à l'égard de ce nouvel
outil, comme elles l'ont été avec les révolutions technologiques précédentes,
telles la radio et la télévision. Il faut attendre le milieu des années 1990
pour qu'elles se lancent dans l'aventure. L'Eglise catholique romaine fait les
premiers pas: dès 1989 le pape Jean-Paul II incite ses fidèles à s'intéresser
aux ordinateurs. L'instrument intrigue le Vatican, qui se demande quels sont
les avantages à en tirer.
Le
Saint-Siège lance son site (www.vatican.va) en 1997 et en 2002, le
conseil pontifical publie deux rapports, « Eglise et Internet » et
« Ethique en Internet », qui dressent les possibilités du Net.
Bizarrement,
ce site administré par une certaine « sister Web » ne propose pas de
liens, comme s'il vivait en autarcie.
Les
autres confessions ne sont pas en reste: en 1993, les juifs lancent H-Judaic (http://www.h-net.org/~judaic/ ), les bouddhistes créent BuddhaNet (www.buddhanet.net),
des musulmans pakistanais mettent en ligne en 1994 leur premier webzine Renaissance:
a monthly islamic journal (www.monthly-renaissance.com).
Aujourd'hui
Dieu est omniprésent sur Internet. En 2007, selon une étude du Pew Internet Project, « Qui est
Dieu ?, » a été la question la plus posée sur Internet aux
Etats-Unis. Chaque jour, Google enregistre environ 5 millions de recherches
avec un mot-clef relatif à la spiritualité.
Détricoter
la toile: il y a d'abord les sites institutionnels des religions monothéistes,
qui voient en Internet un formidable moyen de relayer la bonne parole.
Rapidement, ces sites se sont transformés en portails, avec moult renvois et
liens vers les différents diocèses et sites locaux, sortes de complément du
bulletin paroissial. En France, en septembre 1996, le site de la Conférence des
évêques de France est mis en ligne (www.eglise.catholique.fr); les
chrétiens se réunissent sur la plate-forme Eklesia.net (www.eklesia.net); les
protestants se retrouvent sur Protestants.org (www.protestants.org); les
évangélistes sur le portail Top Chrétien (www.topchretien.com); les Juifs sur
Communauté Online, la voix de la communauté juive hexagonale(www.col.fr ??), et les musulmans sur Oumma.com (http://oumma.com),
qui revendique 6 millions de connexions par mois.
Au
hit parade des connexions, les fameuses
« FAQ », les foires aux questions, ces rubriques où les visiteurs
peuvent soumettre leurs interrogations, des plus légitimes aux plus farfelues.
Abbayes, monastères et couvents ont également ouvert leurs portes au
cyber-espace, afin d'informer le public sur la vie des moines, mais aussi pour
recruter.
Si,
pour les groupes religieux institutionnels, Internet est une clé de leur
stratégie de communication interne et externe, pas question pour autant d'évoquer une « cyber-religion »;
les outils évoluent mais le message ne change pas.
Diocèse
virtuel et blogs personnels Que
viennent chercher les internautes? « L'accès à l'information
instantanée. Internet, c'est un sentiment de liberté, la possibilité de
s'émanciper, l'expansion des possibilités », énumère David Blampain,
chercheur belge en sciences des religions. Et d'ajouter: « Le point
positif, c'est qu'un ouvrier peut envoyer une question à un professeur de
lettres via un mail! C'est possible,
alors qu'avant les mélanges étaient difficiles. Certains cardinaux ont
même leurs blogs et répondent à Monsieur ou Madame Tout le monde... »
Certains évêques aussi... Le 13 janvier
1995, Jean-Paul II retirait à Jacques Gaillot la charge du diocèse d'Evreux et
le nommait à Partenia, un siège épiscopal enseveli sous les sables du Sahara
depuis le Vè siècle. Cela n'effraie pas l'ancien évêque qui se réfugie sur http://www.partenia.org/ , son diocèse virtuel.
Francine, la modératrice du site: « Nous aimerions faire toujours
partie « du corps du Christ », pour l'instant, nous sommes des
sans-papiers, les Parteniens de Partenia évêché perdu dans le désert de Jacques
Gaillot. »
Aujourd'hui
toutes les religions du Livre se sont
mises au langage HTML. Car Internet modifie la perception du temps et de
l'espace: les fidèles peuvent accéder à toutes les informations quand bon leur semble, où qu'ils soient. Selon
Jean-François Meyer, historien des religions et fondateur du site Religioscope
(www.religion.info),
« pour les groupes religieux institutionnels, Internet a été perçu
comme une clé dans une stratégie de communication, à la fois interne, (diffuser les informations de sa paroisse,
les derniers documents, les heures de la messe, etc..) et externe, c'est-à-dire
informer de la présence du groupe à l'extérieur) »..
Sur
la Toile, il est difficile de savoir à quelle chapelle se vouer. En marge des
sites officiels, les blogs, pages personnelles et sites de rencontres religieux
foisonnent. Le Net est un forum sans limite, dans lequel sites des grandes
institutions et pages délirantes cohabitent sur le même écran. Ainsi, le
diocèse de Besançon a lançé sa « Pretres Académy » (www.pretres-academy.com),
un pastiche du programme phare de TF1. Ici, pas de cours de chant, de danse,
pas de SMS ni de votes éliminatoires, mais seulement des vidéos sur le
quotidien de trois jeunes prêtres afin de susciter des vocations. Certains
sites sont militants, à l'image de ChristiCity (www.christicity.com), où
l'on s'affirme chrétien jusqu'au bout du mail: chacun peut personnaliser sa
messagerie « (perso)@christicity.com ».
Une
agora démesurée
Toutes ces initiatives personnelles ont
accouché de nouveaux réseaux, notamment depuis l'avènement du Web 2.0, la
nouvelle technologie développant des interfaces interactives. « Sur
Facebook, on crée des groupes d'intérêt par rapport à des thèmes communs, comme
ceux qui soutiennent la position de Benoît XVI sur la levée de
l'excommunication des quatre évêques intégristes », observe
Jean-François Mayer. L'anonymat libère la parole, on se dévoile, on prend
position. Cela n'est pas sans poser quelques problèmes pour les religions
institutionnelles, soucieuses du respect du droit canon. Comment gérer ce
brouhaha?? « Certains sont mal à l'aise face à ce phénomène. Par
exemple, les Témoins de Jéhovah ont fortement incité certains de leurs membres
à fermer leurs sites privés », poursuit-il.
Le Net brise les hiérarchies car, sur
la Toile, les groupes minoritaires disposent de la même tribune que les
« grandes » religions.
N'est-ce pas là un avantage? « Grâce
aux moteurs de recherche, l'internaute se trouve confronté à une pluralité de
points de vue, cela a une conséquence sur la
perception des religions, notamment pour les groupes religieux
minoritaires», explique Jean-François Mayer. Ainsi, pour les
musulmans, « Internet permet l'expression de toutes les
interprétations de l'islam, des plus orthodoxes aux plus minoritaires ou déviantes.
Un ingénieur progressiste peut y intervenir au même titre qu'un diplômé
puritain d'Al-Azhar ou de Médine, que des minorités sexuelles musulmanes
(homosexuels ou transsexuels) ou des courants syncrétiques soufis »
analyse Jocelyne Cesari, chercheuse spécialiste des minorités musulmanes en
Europe et aux Etats-Unis, dans un article publié sur le site du CNRS en 2005.
Cliquer à la bonne porte...Dans cette
agora démesurée qu'est Internet, les missionnaires higt-tech s'en donnent à
coeur joie et traquent les curieux, les indécis, les déçus, toutes les brebis
égarées. Les mouvements évangéliques ont été parmi les premiers à comprendre le
potentiel du Web en matière de recrutement. Ils sont les plus actifs; depuis
2005 le site Gospel.com (www.gospel.com) organise chaque année un
Internet Evangélism Day, afin d'expliquer à ses fidèles comment évangéliser
avec ce nouvel outil. On les appelle les « cyber-missionnaires » ou
les « e-evangelists ». Le site Cybermissions.org (http://cybermissions.org) a même établi
une liste de 43 pays à évangéliser.
Ils
ne sont pas les seuls. Les nouveaux mouvements religieux, tels les groupes
néopaïens, exploitent cet espace sans frontières pour créer des temples en ligne, dans lesquels ils se
réunissent, et profiter d'un effet boule de neige. En février 2007, le site
Witch's Voice répertoriait 9500 sites païens. Le phénomène est tel qu'il
recouvre aujourd'hui un nom, le « techno-paganisme »,
fourre-tout de toutes les mouvances néopaganistes qui ont fait de la Toile leur
nouveau sanctuaire. Après tout, cette technologie n'est-elle pas une forme de
magie?
Des
prédateurs spirituels à l'affût
Plus
dangereuses, les sectes se sont ruées à l'assaut du Web. Dès la moitié des
années 1990, les religions institutionnelles ont surveillé ces prédateurs
spirituels, qui trouvent là un terrain de jeu illimité. Du coup, les
cyber-prophètes pullulent. A l'image de l'Eglise de scientologie, dont
l'arsenal technologique impressionne : outre les sites officiels, les
scientologues inondent le Web de blogs, qui émanent directement de la secte,
sans que le visiteur ne s'en doute. Ils achètent également nombre de mots clés,
lancent des campagnes de spams contre les sites ennemis et utilisent
d'énigmatiques noms de domaine, comme 'transparencedugouvernement.org » ou
« mentalementvotre.net » qui redirigent l'internaute vers des
échoppes en ligne proposant la dianétique, la méthode d'éveil spirituel créée
par Ron Hubbard, le fondateur de la scientologie. Plus subtil: la secte fournit
à ses membres « blogueurs » un kit de construction de site comprenant
un programme de filtrage, nommé « Scieno Sitter », qui bloque les messages présentant des termes
jugés indésirables.
Prosélytisme
et guerre du Web
Mais
si les sectes disposent d'une nouvelle tribune, elles sont du même coup livrées
aux attaques en tout genre. A découvert. Or leurs opposants sont légion sur le
Net, Vigi-sectes.org (http://www.vigi-sectes.org/ ),
Antisectes.net (http://antisectes.net), etc. Le 19
janvier dernier, un groupe de pirates nommés les « Anonymous » a
attaqué les principaux portails scientologues, les assaillant de milliers de
requêtes afin de saturer leurs serveurs. Entre les adeptes de Ron Hubbard et
les « Anonymes », qui ont juré de les « détruire », la
guerre du Web fait rage.
Des
guerres d'un autre temps. Car plus qu'un simple moyen de communication et de
prosélytisme, le Net constitue avant tout un outil interactif. Créé en 1995,
Port Saint Nicolas (www.portstnicolas.org), la
première paroisse française sur le Web,
accueille les internautes par cette phrase: « Aujourd'hui
comme hier, Jésus invite ses disciples à s'aventurer sur tous les océans... y
compris celui du Web. »
Dans
ce port virtuel, ils pourront se retrouver au « Bar de la Marine »
pour leurs coups de gueule et les potins du sacristain, ou encore flâner sur le
« Port » pour un dialogue inter-religieux. Depuis 2000, Notre Dame du
Web (www.ndweb.org)
, « le premier centre spirituel
ignacien sur Internet », propose différents types de retraite en ligne
gratuites, qui peuvent s'échelonner de quelques jours à plusieurs semaines. Le
principe est simple: le retraitant reçoit à dates fixes des exercices
spirituels par courrier électronique. A chacun de les suivre selon un canevas
proposé, mais à son rythme. Enfin, un suivi est assuré par un forum de
discussion modéré dont l'accès est réservé aux personnes qui suivent la même
retraite. Lancée par un Jésuite et un religieuse du Cénacle, Notre Dame du Web
a accompagné l'année dernière 8 500 retraitants. Pour les animateurs du site, « vivre
une retraite par Internet ne porte pas les mêmes fruits qu'une retraite en
« milieu fermé ». Il ne faut
pas comparer. Le Net renouvelle la pratique religieuse, spécialement pour la
préparation des temps forts liturgiques de l'année, et aide les gens qui sont
en marge à trouver une relation plus juste avec l'Eglise ». A Lille,
les frères dominicains ont également lancé leur site Retraite dans la ville
pendant les quarante jours de carême (www.retraitedanslaville.org).
L'année dernière 16 000 participants ont suivi cette retraite spirituelle en
ligne.
Beaucoup
ont vu dans les « cyber-churches » un nouveau terrain de prédication.
Soucieux de renouveler ses modes d'expression, le diocèse anglican d'Oxford a
été le premier à lancer sa propre église virtuelle, i-church (www.i-church.org),
en 2003. En mai 2004, l'évêque de Londres, Richard Chartres donne le sermon
inaugural de l'Eglise des Fous (www.churchoffools.com), la
première église virtuelle en 3 D. Sous la forme d'un avatar de son choix, le
visiteur peut se déplacer dans l'église à l'aide de sa souris, mais aussi
prier, chanter, discuter avec d'autres avatars, et bien entendu, écouter les
sermons du pasteur. Signe de son succès, la même année, l'Eglise des Fous a
accueilli 41 000 visiteurs en 24 heures.
Bouleverser
les hiérarchies sacrées
Les églises en ligne proposent tout un
panel de services higt-tech; prières, retraite, aumônerie et même conversion en
ligne. Sur Onlinedarshan (www.onlinedarshan.com)
les fidèles hindous peuvent écouter des bhajans (chants dévotionnels),
faire virtuellement des pujas (rituels de vénération) en déposant par
exemple une fleur devant une image de Krishna, à l'aide de la souris. Offre de
services illimitée, à la carte et en libre-service, les fidèles se promènent de
site en site et pratiquent le butinage spirituel. Bien entendu, les marchands
du Temple ont également envahi le Web via des sites faussement informatifs,
dont les boutiques en ligne leur donne des sites de grande surface.
Plus que la panoplie de services
qu'elles proposent, les Eglises virtuelles attirent surtout pour leur dimension
communautaire. Saint Pixels (www.stpixels.com), une communauté
chrétienne anglaise, représente ce nouveau monde spirituel. Selon Mark Howe,
l'un des fondateurs de la communauté, « Saint Pixels comprend bon
nombre de déçus de la religion traditionnelle, mais aussi beaucoup de gens
impliqués dans une Eglise physique. Certains -dont moi- y trouvent une
complémentarité. Mais qui dit communauté virtuelle dit activisme. C'est presque
l'inverse du stéréotype de l'internaute passif ».Une communauté sans
clé, mais à clic, que l'on peut
rejoindre de jour comme de nuit. A tel point que certains avancent qu'elles
s'affranchiront à l'avenir des maisons mères. « On verra bien... Pour
l'instant, l'Eglise virtuelle reste en marge de la plupart des groupements
d'Eglises. Il y a quelques semaines, j'ai été convoqué au siège de l'église
anglicane pour une consultation sur leur stratégie d' Eglise virtuelle.
Mais je suis optimiste dans le sens où je vois une incompatibilité fondamentale
entre la démocratie anarchique de l'Internet et un quelconque dirigisme
ecclésiastique. Je pense que la culture Internet va finir par bouleverser nos
hiérarchies sacrées, tout comme elle a déjà changé la culture des entreprises
et des médias », constate Mark Howe. Nous n'en sommes pas là. Quant au
fantasme d'une cyber-religion, tranche
Jean-François Meyer, « pour l'instant, cela relève de
l'expérience sociologique, voire artistique, mais il s'agit là de tentatives de
cyber-communauté, non de cyber-religion. Certains mouvements évangéliques
américains l'ont tenté, mais cela reste anecdotique... En réalité, il s'agit
d'un décalque en ligne de la pratique existante. ». Les fidèles les
plus actifs sur le Net sont généralement très impliqués dans leur communauté
« hors ligne ».
Depuis plus de dix ans, tels des
explorateurs, les groupes religieux n'ont cessé de s'enfoncer dans la jungle
Internet, s'ouvrant de nouveaux espaces de communication et favorisant
l'émergence de nouveaux réseaux de la foi. « Cela nous montre comment
le monde des croyances s'adapte au monde moderne! », s'enthousiasme
Jean-François Meyer. Internet a fait bouger les lignes, déplacé la frontière
entre profane et sacré. Grâce à cet outil, le concept d'universalité n'a jamais
été aussi concret.
Benoît
Merlin
Pour
aller plus loin...
*Jean-François
Meyer, Internet et religion (Infolio,2008)
*Gary Bunt, Virtualy Islamic:
computer-mediated communication and cyber-islamic environments (University
of Wales Press, 2000)
*Jean-Nicolas
Bazin et Jérôme Cottin, Vers un christianisme virtuel? Enjeux et défis
d'Internet (Publications du COE, 2004)
Note :
Déjà paru sur ce site , de Christiane Bedouet: Pouvoir
vivre sa foi chrétienne guidé
par l’Internet (07.2008)