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LES MESSAGES
PUBLICITAIRES SE COMPLAISENT
DANS LE DISCOURS
ANTI-VIEUX
Olivier RAZEMON
Le Monde, samedi 15 janvier 2005.
UN
PETIT garçon
à l’allure de sale gosse affirme d’un air boudeur : « La mamie que je
préfère, elle est dans le Frigidaire ». L’affiche, vantant les mérites des
yaourts Mamie Nova, est déjà ancienne. Elle était diffusée il y a une bonne
dizaine d’années, bien avant la canicule de l’été 2003.
Déclinant
le thème alors cher à la marque (« Mamie Nova, les mamies ne lui disent
pas merci »), elle était censée faire rire pour provoquer l’achat. Peine
perdue : conséquence ou pas de son humour douteux, la marque a été
rachetée par le groupe Andros quelques années plus tard.
Les publicitaires ont manifestement un problème avec la représentation des seniors. Ils caricaturent cette tranche d’âge sans prendre beaucoup de précautions. Jean-Paul Tréguer, publicitaire, fondateur de l’agence spécialisée Senioragency, collectionne les affiches et les spots qui présentent les seniors de manière négative.
«C’est
un phénomène mondial : les seniors sont un punching-ball pour les
publicitaires. Ils sont décrits comme méchants, incapables, stupides, moches,
etc. », assure Jean-Paul Tréguer, qui ajoute :
« On n’oserait jamais faire la même chose avec les gays ou les minorités
ethniques».
La caricature se manifeste volontiers
gratuitement. Pour promouvoir des produits destinés au grand public, les
annonceurs n’hésitent pas à mettre en scène des vieillards amoindris,
invariablement dotés d’un dentier et dont les handicaps se veulent source
d’humour.
Le
fournisseur d’accès Internet AOL diffuse ainsi l’image d’une vieille dame qui
regarde son écran d’ordinateur en soulevant verticalement la souris. Le slogan
frappe comme une gifle : « A quoi ça sert d’avoir Internet si on ne
sait pas s’en servir ? »
Une
page publicitaire du fabricant de produits antimoustiques Baygon utilise un
registre plus vulgaire. A gauche de la photo d’une sexagénaire figure la
mention : « Ca fait longtemps qu’ils ne me touchent plus la
nuit ». Puis, à droite, en plus petit : « Les moustiques, du
moins ». Et l’on trouve dans le musée des horreurs de Jean-Paul Treguer
des spots bien plus blessants, injurieux, voire orduriers.
Curieusement, lorsque les annonceurs
cherchent à cibler les plus de 50 ans, ils ne manifestent pas toujours plus de
finesse. Ainsi ils oublient souvent que leur clientèle potentielle porte des
lunettes. De nombreuses pages sont rédigées en petits caractères ou utilisent
des couleurs qui se distinguent mal entre elles.
Surtout,
les annonceurs semblent décidés à ridiculiser leur cible. Un bandeau de la
banque Egg représentait ainsi, il y a quelques années, une hypothétique cliente
sous le jour d’une femme grotesque, portant gants, chapeau et lunettes d’un
autre âge.
Un
spot diffusé actuellement par l’assureur AGF illustre le manque de tact des
agences de publicité et des annonceurs. Une petite fille, accompagnée de ses
parents, pénètrent dans une maison qui semble à l’abandon. Le courrier
s’entasse, les volets sont fermés. La petite fille s’inquiète, appelle
« Mamie ». Les parents se regardent d’un air consterné, et la maman
explique doucement que la grand’mère est « partie pour un long
voyage ».
L’image
suivante montre une jeune sexagénaire, radieuse, sur une île paradisiaque. Le
spot laisse un goût amer. Il a pourtant été conçu afin d’inciter les
quinquagénaires à bien préparer leur retraite. « C’est une erreur
colossale. L’annonceur utilise un code de mort et de tristesse pour parler de
la pleine vie », commente Martial Ducroux, président de CIME, une agence
de conseil en marketing. Il analyse : « L’humour est généralement
difficile à manier. Il fonctionne à partir d’un décalage. Concernant les
seniors, lorsqu’on crée un décalage, on joue sur l’âge, et l’on risque de
choquer.
Jean-Paul Treguer accuse sa propre
profession. « Les publicitaires sont jeunes et fiers de l’être : si
l’on croise dans une agence un type de 40 ans, il doit s’agir d’un visiteur ou
du président de l’agence », assure-t-il. La profession se caractérise en
outre par sa tendance à « être dans l’air du temps, à s’autovaloriser, à
se tenir au courant des dernières modes de sa tribu élitiste parisienne ou
new-yorkaise ».
A son
avis, la création d’un spot anti-vieux est même « une des plus sûres
manières de revenir avec un Lion d’or du Festival international de publicité de
Cannes », qui a lieu tous les ans au mois de juin.
Le
milieu de la publicité ne fait que refléter de manière paroxystique « un
monde hystériquement jeuniste, une société qui refuse de voir son propre vieillissement
et où celui-ci est assimilé à la déchéance et à la mort ». Il
rappelle, en outre, que la notion de « ménagère de moins de 50 ans »,
encore utilisée dans le milieu, a été introduite en… 1951 !
Les
publicitaires ont tort de négliger les sexagénaires, tout simplement parce
qu’ils constituent, dans tous les pays occidentaux, le segment de population le
plus fortuné. Dotés de bonnes retraites, souvent propriétaires, ils savent
consommer et apprécient la qualité des produits de marque. « A 50 ans, conclut
Martial Ducroux, les seniors entrent dans un cycle ; si une marque les fidélise,
ils peuvent rester clients pendant longtemps ».