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Mars
2011
POURQUOI ET
COMMENT VIEILLIT-ON ?
Ô CORPS
SUSPENS TON VOL !
Nicole
PENICAUT et Eve ROGER
et
COMMENT
JOUER AVEC LE TEMPS
Muriel
FLIS-TREVES
Propos recueillis par Nicole PENICAUT et Eve ROGER
Introduction par Henri Charcosset
Cet article est une reproduction
partielle du dossier : Rester jeune, paru dans « Le Nouvel
Observateur », n° 2400, du 4 au 10 novembre 2010.
« Ô temps suspend ton
vol ! » traite successivement de : La peau ; Les yeux ; Les oreilles ; La voix ; Les
muscles ; Les os et les articulations.
« Comment jouer avec le
temps » a pour auteur une psychiatre et psychanalyste indiquant que
« le divan et la psychologie sont parfois plus efficaces qu’un coup de
bistouri »
Tandis que la première partie du
dossier : « Rester jeune » est une enquête auprès de chercheurs
qui travaillent à faire reculer les frontières du vieillissement. Les travaux les
plus récents du Professeur Baulieu sont cités : protéine MAP 4343 qui
pourrait réparer les cellules atteintes après un traumatisme crânien ou un
accident de la moelle épinière, et protéine FKBP52 qui serait peut-être active
contre la maladie d’Alzheimer.
Et tandis que le « B.A.-B.A. du Bien-Vieillir » fait apparaître que le meilleur pour le cerveau, c’est
l’exercice physique. Quatre activités particulièrement efficaces pour
prévenir la maladie d’Alzheimer : jardiner,
tricoter, voyager, bricoler. Leur point commun ? « Nécessité d’élaborer un plan avant de le
mettre à exécution »
POURQUOI
ET COMMENT VIEILLIT-ON ?
Ô
CORPS SUSPENS TON VOL !
La science fait ce qu’elle peut pour
ralentir l’inéluctable. N’empêche, avant qu’elle ne soit bonne pour la casse,
il faut entretenir la machine. Revue de détail de quelques rouages essentiels,
avec les meilleurs spécialistes.
LA PEAU
Ce n’est pas une certitude, mais on
pense qu’elle est programmée pour vivre cent cinquante
ans. Mine de rien, on ne meurt jamais du vieillissement de la peau. C’est un
organe hyper résistant. Pourtant, le temps ne lui fait pas de cadeau. Le
programme est même, hélas, assez prévisible. Il se met en route subrepticement dès l’âge de 30 ans. Rides d’expression et
pattes d’oie débarquent une décennie plus tard. La cinquantaine venue, le
double menton pointe son nez, des plis se creusent autour de la bouche. En
s’affinant de plus en plus, la peau perd de sa fermeté et voici, autour de 60
ans, les paupières qui s’affaissent, le teint qui se brouille... Voilà pour les
mauvaises nouvelles. Car il y en a de bonnes ! Ces vingt dernières années, les chercheurs ont sacrement progressé. Et, en
travaillant avec eux, la cosmétique commence, elle
aussi, aussi à « offrir » certains produits à l’efficacité prouvée.
Bonnes filles, les cellules de notre
peau se renouvellent constamment. Cependant, avec l’âge, elles peinent à suivre
le rythme accéléré de leur destruction. Beaucoup d’espoirs résident
donc dans les cellules souches et
leur capacité de prolifération illimitée. Une fois
identifiées, elles pourraient remplacer les cellules
usées. En attendant, Patricia Rousselle et son équipe de l’Institut de Biologie
et de Chimie des Protéines de Lyon (CNRS) travaillent
sur d’autres pistes prometteuses. Avec de premiers résultats dont M. et Mme
Tout-le-Monde peuvent déjà profiter. L’idée est la suivante : au cours du
vieillissement, l’adhérence de la cellule au corps
devient plus hasardeuse. Moins bien accrochée à son support,
elle capte mal les signaux lui indiquant une blessure à réparer. C’est pourquoi
les personnes âgées ont tellement de mal à
cicatriser. Mais « nous avons trouvé un
actif, une protéine,
qui permet de rétablir les connexions ». Les laboratoires d’Anjou en ont
fait une crème de soin qui, dixit Patricia Rousselle, agit sur la régénération
de la peau.
Les grandes marques s’offrent aussi
désormais les services de biochimistes réputés comme Paolo Giacomoni,
directeur de recherche chez Clinique (Estée Lauder).
Et les crèmes de soin anti-âge deviennent
biologiquement plus sophistiquées. Aujourd’hui, les protéines de la peau sont
identifiées et le rôle de chacune (hydratation, élasticité...) est bien connu.
« Là où il y a cinq ou six ans, elles
étaient juste bonnes d’hydrater ; elles apportent aujourd’hui des constituants
réellement actifs », remarque Patricia Rousselle. Résultat, elles entrent
en concurrence avec la médecine
esthétique. Le « Repairwear Laser Focus » de chez
Clinique permettrait à la femme (ou à l’homme) d’économiser quelques séances de
laser. Avec presque le même résultat (63%), le côté abrasif en moins. « Vingt ans de travail dans nos labos nous ont
permis de breveter trois enzymes de réparation de l’ADN », dit Paolo Giacomoni en référence à son nouveau « sérum ». Le mot porte en lui une connotation
médicale. Toutes les grandes marques en jouent : dernièrement, c’est
Givenchy et son « Vax’in for Youth
» dit «vaccin à effet anti-âge ». Vacciner
contre l’âge ? Ce n’est pas sûr. En atténuer les blessures ? Oui ça vient !
La prévention. Fuir le
soleil. Comparé aux UV, l’âge est à peine responsable du vieillissement
de notre peau. Sachez-le « Le bronzage
est signe que la peau est stressée », explique Paolo Giacomoni.
Il faut aussi exfolier la peau de temps à autre pour
aider les vieilles cellules à se carapater. Diverses crèmes contenant des
acides de fruits ou autres plantes actives y
contribuent plus ou moins. Il faut aussi hy-dra-ter. Une kyrielle de crèmes se sont assignées cette
mission avec certains résultats au moins sur la couche cornée.
Il faut aussi se nourrir « antioxydant » (fruits, légumes...). Car pour le
moment l’efficacité de crèmes dotées de vitamines
reste aléatoire. Ça marche pour la C et la A (le rétinol),
pas trop pour la E.
LES YEUX
Presbytie et cataracte sont les plus
fidèles compagnes des quinquas et plus. Et pas encombrantes
avec ça : elles se corrigent sans peine avec des lunettes ou des lentilles
pour la première, et une banale intervention chirurgicale
pour la seconde. Une opération est même en cours de développement pour la
presbytie... Plus embêtante, la dégénérescence maculaire
liée à l’âge (DMLA). Tout dépend à
quel stade on la prend. Une pigmentation de la macula, la zone centrale de la
rétine, est un premier signe, mais « il
ne faut pas s’affoler, ce n’est pas la maladie »,
explique José-Alain Sahel, chef de service à
l’hôpital des Quinze-Vingts et directeur de
l’institut de la Vision (Inserm, université Pierre-et-Marie-Curie). C’est le
moment de porter des lunettes protectrices
et de prendre un cocktail antioxydant. On peut ainsi ralentir son évolution de
20%. Ensuite, ça se corse : la DMLA peut prendre une forme « humide » qui commence par une déformation de l’image, puis
la vue baisse en quelques jours. Le deuxième oeil
suit en général dans les cinq ans. « Il
existe maintenant un traitement qui marche très bien, explique José-Alain
Sahel. Dans 90% des cas, il stabilise la
vision, et elle s ‘améliore même légèrement pour un
tiers d’entre eux. » En revanche, pour la seconde forme, dite « sèche », «
il n’y a toujours pas de traitement même
si des médicaments sont testés. Il ne faut pas désespérer : seule la
vision centrale est touchée, reste la vision
périphérique. On peut lire des gros caractères, s’aider de systèmes agrandisseurs et se déplacer mais pas forcément reconnaître ses amis dans la rue ».
La prévention. « A partir de 45 ans, il est normal d’aller chez
l’ophtalmo tous les deux ou trois ans »,
insiste José-Alain Sahel. Le dépistage
précoce est capital dans la dégénérescence maculaire, qui
touche 1% des personnes de 55 ans, mais 10% des 65
ans, 25% des 75 ans et 60% des 90 ans. Il est recommandé
aussi de protéger ses yeux de la lumière et cela dès
l’enfance « car l’oeil
avant 10 ans ne filtre pas les ultraviolets, qui sont un accélérateur de la
maladie ». Ensuite, ne pas fumer : «
Le tabac augmente le risque même si deux personnes sur trois sont génétiquement prédisposées. »
Prendre également soin de son alimentation. Au menu poisson, fruits et légumes.
LES OREILLES
On
compte en France environ 5 millions de sourds... Entendons-nous bien :
ces personnes de plus de 60 ans sont victimes de
pertes auditives plus ou moins importantes mais gênantes dans leur vie
quotidienne. La cause ? Des neurones abîmés et des cellules sensorielles à ce
point « secouées », qu’elles finissent par se casser. Pis, elles ont du mal à se
régénérer car elles sont peu nombreuses 10 000 dans chaque oreille (contre 100 millions dans la rétine !). « Les sons intenses sont probablement responsables de la moitié des
pertes auditives », indique Paul Avan, professeur de biophysique à l’université de
Clermont-Ferrand. Et pour l’autre moitié ? De méchants gènes que les
scientifiques cherchent à identifier et de vilaines
molécules croisées dans notre environnement. La perte est irréversible, mais
les prothèses sont aussi de plus en plus performantes.
La prévention. Une étude
dans les années 1950 a montré que des personnes de
plus de 80 ans pouvaient avoir une audition parfaite..,
à condition de vivre dans des contrées reculées. Il n’est pas question de
proposer ici une retraite sur le plateau du Larzac ou dans un couvent, mais il
est suggéré de ménager ses écoutilles. « Et
cela, dès le plus jeune âge, prévient Paul Avan, on paie le prix d’une exposition
au bruit parfois très longtemps après. » Des normes professionnelles ont
été fixées à 80 décibels par jour pendant huit heures, mais un banal casque sur
les oreilles atteint sans peine la barre fatidique. Le gras sous toutes ses formes n’aime pas l’oreille interne. « Il a
tendance à boucher les petits vaisseaux sanguins qui
l’alimentent. » Attention aux produits toxiques dans certaines peintures industrielles « Les molécules qu’elles contiennent sont solubles dans la graisse et
elles peuvent rester longtemps dans le corps.» Dernier conseil ne pas
rechigner à s’appareiller, comme notre ancien
président de la République. « Plus on
tarde, plus on perd l’habitude d’avoir une écoute normale et la vie sociale qui
va avec.»
LA VOIX
Avec l’âge, tout se détraque chez la
femme, la voix devient plus grave; chez l’homme, la voilà plus aigue ! Le
timbre devient plus rauque et l’intensité diminue.
Les coupables ? Les deux cordes vocales. Quand tout va bien, elles se touchent.
Mais comme ce sont des muscles, elles ont tendance avec le temps à « fondre ». Résultat une « voix soufflée », un tremblement et parfois le fameux
chevrotement... La ménopause aussi a son mot à dire. Avec la chute des oestrogènes, les cordes vocales sont moins lubrifiées, les
vibrations de moins bonne qualité. « Mais
ce n’est pas obligatoire : on connaît des chanteurs
qui ont encore une voix parfaite à 90 ans ! », tient à préciser
Pierre-Olivier Védrine, médecin ORL et chirurgien des pathologies
de la voix à l’hôpital de Cannes. Ceux qui n’ont pas la chance d’être musicien
peuvent avoir recours à la... chirurgie esthétique ! « On
peut mettre du collagène dans les cordes vocales pour leur redonner du volume
et qu’elles s‘accolent mieux, explique Pierre-Olivier Védrine. Ou faire un lifting pour celles gonflées par
un oedéme dû au tabac C’est assez simple : on
incise, on enlève l’oedéme, on aspire, on redrape, on referme. » Mais la mécanique ne fait pas
tout, l’environnement social et culturel joue aussi son rôle : « La voix des femmes d’aujourd’hui se
modifie moins avec le temps qu’il y a trente ou quarante
ans, car elles sont plus actives et ont une vie sociale plus intense. »
Effet de mode, la tonalité générale de ces dames a
aussi baissé d’un ton : « Une voix
grave aujourd’hui est associée à plus de sensualité. Aucune femme aujourd’hui
ne supporterait d’avoir la voix aiguê d’Arletty ! »
La prévention. C’est
simple, pour entretenir son organe, il faut donc
parler, parler... (et tant pis pour la tranquillité de
l’entourage), entretenir sa capacité respiratoire avec de l’exercice physique,
et sa capacité pulmonaire avec du chant ou du théâtre (utile pour faire vibrer
les cordes vocales). Faire appel à un orthophoniste
pour la rééducation, et ne pas négliger son dentiste
! «Le son résonne dans la bouche et c’est
sa forme qui donne la couleur définitive à la voix », explique
Pierre-Olivier Védrine. Moralité : mieux vaut prendre soin de ses dents.
Le tabac, on le sait, n’est pas bon camarade. Limiter la cigarette est une
bonne idée, sauf si la voix de Jeanne Moreau vous chavire...
LES MUSCLES
Bonne nouvelle : nos 600 et
quelques muscles - la moitié de la masse corporelle
- produisent force et mouvement, mais pas seulement.
Ils servent aussi à produire des hormones, celles qui justement diminuent avec
l’âge, et permettent le maintien général de l’organisme. Mauvaise
nouvelle : ils commencent à vieillir tôt. Très
tôt. « Dès 30 ans, on perd en masse
musculaire et en force », confirme Vincent Mouly,
directeur de recherche au CNRS et chercheur à
l’Institut de Myologie. Cette triste perspective vaut pour tous. Mais
jusque-là, rien de grave. Le vieillissement accéléré
des muscles, lui, est une maladie : la sarcopénie.
Dans la tranche 50-60 ans, l’exercice physique peut redresser la barre, mais
au-delà, entre 70 et 80 ans, il est quasiment impossible de récupérer. « Les recherches actuelles portent sur une association entre l’exercice physique et les médicaments de la famille des facteurs de croissance, explique
Vincent Mouly. Ce
cocktail pourrait avoir des effets spectaculaires.
On le voit déjà sur les athlètes dopés, leur masse musculaire est fantastique !
» Problème : ces substances miraculeuses
sont en vente libre sur Internet. « C’est
un danger évident, prévient le chercheur. Il faut savoir les doser et avec quels types d’exercices elles sont
compatibles, connaître leurs effets à long terme... » Dans l’avenir, les
chercheurs espèrent ainsi remuscler les malades atteints de myopathie ou les
personnes âgées, immobilisées après une opération « Vous imaginez
l’extraordinaire gain de temps de récupération, et donc celui en termes de coût
pour la société! »
La prévention. C’est
d’une banalité à pleurer, mais on ne le répétera jamais assez : il est
in-dis-pen-sable de pratiquer un exercice régulier et
modéré. Et cela dès 30 ans...
LES OS ET LES ARTICULATIONS
Cela n’étonnera personne : avec
l’âge os, et cartilages perdent progressivement leurs qualités
et s’amenuisent, surtout après la ménopause chez les
femmes, un peu plus tard chez les hommes. L’arthrose, elle, est une véritable
maladie du cartilage : les articulations vieillissent
en vitesse accélérée. Heureusement, il existe des prothèses, du genou, de la
hanche ou de l’épaule. L’ostéoporose,
elle, est le signe d’une dégradation excessive des os qui se fracturent plus
vite. « On ne se casse pas par le simple
fait de tomber, mais parce qu’on tombe sur un os fragile », insiste
Christian Roux, professeur de rhumatologie à l’hôpital Cochin. 40% des femmes ménopausées
sont exposées au risque, et 1 homme pour 3 à 4 femmes. Contrairement à
l’arthrose, il existe un traitement médical, mais « il ne suffit pas de donner des médicaments, il faut aussi faire attention aux risques de chute, en particulier dans la maison :
flaques d’eau, tapis, fils électriques
qui traînent »...
La prévention. « Si votre état de santé général
est bon, pas la peine de vous en préoccuper avant 50
ans », lance Christian Roux. En revanche, une maladie chronique peut
fragiliser les os. Pas bon signe non plus, « un antécédent parental de fracture
ostéoporotique ». En clair, avoir une mère qui s’est cassé le col du
fémur. Après 50 ans, on peut agir sur certains facteurs de risque comme un « état de maigreur et des comportements
anorexiques », « une intoxication tabagique en cours, ou alcoolique, chez
l’homme », égrène le médecin. « De
nombreuses études épidémiologiques montrent l’effet toxique du tabac sur l’os.
» Evidemment, on ne coupera pas à l’exercice physique. Il est bon de
pratiquer des sports où le squelette supporte la charge du corps - plutôt du
tennis ou de la course que de la natation ou de la bicyclette.
LES
CONSEILS D’UNE PSY
JOUER
AVEC LE TEMPS
Le divan et
la psychologie sont parfois plus efficaces qu’un coup de bistouri
Muriel Flis-Trèves,
psychiatre et psychanalyste, est la coorganisatrice du colloque Gypsy : « L’irrésistible course du temps » à
la faculté de médecine 45, rue des Saints-Pères à Paris (6), qui a eu lieu les
3 et 4 décembre 2010. Www.jpecho/congres-gypsy
Le
Nouvel Observateur. - Avec l’âge, le temps semble s’accélérer.
Comment lutter contre ce sentiment?
Muriel
Flis-Trèves. -
Ce n’est pas le temps qui s’accélère. Mais plus on vieillit, plus on a
conscience que la fin se rapproche. Et c’est cela qui crée l’angoisse. Mais il
est possible de penser sa vie autrement. De
l’imaginer, par exemple, comme un voyage : il y a ceux que la fin obsède
et qui ne profitent de rien et ceux qui, au contraire, goûtent au maximum
chaque instant. Dans la vie, c’est la même chose : la perspective de la finitude peut donner
sa consistance au temps qui reste.
N.O. - L’image
péjorative que notre société renvoie aux personnes âgées n’arrange rien...
M.
Flis-Trèves. -
La vieillesse a en effet perdu son aura. Avant, elle était signe de sagesse, de profondeur, d’expérience. Aujourd’hui,
elle est associée au manque, à la destruction, à la déchéance. C’est devenu
presque honteux, et c’est d’autant plus difficile à
vivre. Pourtant rien n’est fini. C’est là qu’un travail psychanalytique peut
aider. Dans l’inconscient règne une atemporalité, un temps non mesurable. Dans
son psychisme, chacun est capable de faire des va-et-vient dans le temps.
D’aller, par exemple, chercher des souvenirs d’enfance oubliés pour les relier
à certains épisodes du présent et reprendre confiance en soi. Grâce à ce
processus, on ne se sent plus aux prises avec cette flèche irréversible
du temps qui passe. L’être humain n’est
pas définitif, il est toujours en devenir et a la capacité de constamment se
refaire.
N.O. - Le temps pèse
quand même plus lourd sur les femmes que sur les hommes ?
M. Flis-Trèves. - La femme est naturellement
plus sensible à la perception des années qui passent. Son temps biologique est
ponctué par les règles, puis la maternité et enfin la ménopause.
De tout temps, elle a été habituée à être traitée en fonction de son âge. En
outre, dans nos sociétés, la féminité est associée à la beauté, elle-même liée
à la jeunesse. La preuve ? Au XVIIIème, cet interdit qui déjà sanctionnait le recours à « la coquetterie » pour les femmes âgées,
c’est-à-dire, à l’époque, autour de 30 ans.
N.O. - De nos jours heureusement, elles sont « vieilles » plus tard...
M. Flis-Trêves. - C’est vrai et elles le revendiquent.
De très belles femmes de 50 ou 60 ans comme les actrices Demi Moore ou Sharon
Stone s’exhibent haut et fort. Le message qu’elles
affichent est clairement celui-là : « Voyez il
n’y a pas de changement. » La médecine aussi est là
qui suspend le temps. Avec la congélation d’ovocytes, elle offrira bientôt à
celles qui ont dépassé l’âge des possibles la perspective de la maternité. Cela renforce l’idée que les femmes peuvent jouer avec le temps.
N.O. - La chirurgie esthétique est un autre
outil...
M. Flis-Trêves. — Faire disparaître ses rides donne l’illusion qu’on
est capable d’effacer les signes révélateurs des
années accumulées. On commence en effet à se sentir
vieux physiquement quand on ne parvient plus à gérer les indices qui apparaissent
sur le corps. Le Botox ou les injections de collagène
sont de bons moyens de tricher. Ce n’est pas un problème
si c’est pensé de manière lucide. Mais beaucoup s’y perdent, car ils en
attendent trop. Ils sont persuadés qu’un coup de bistouri
va transformer leur vie et leur faire par exemple rencontrer le grand amour.
N.O. - Chez les hommes, l’angoisse de l’âge se
traduit par le syndrome dit du « démon de midi » ?
M. Flis-Trêves. — L’exigence du désir fait parfois irruption chez l’homme
dans ce qu’on appelle la « crise du milieu de la vie ». Quand il regarde son couple, sa femme, il ne retrouve
plus sa jeunesse. Changer de vie, de compagne lui donne l’illusion qu’il va pouvoir tout recommencer. Et plus celle-ci sera jeune,
plus lui-même se sentira rajeuni, puisqu’elle est son miroir. C’est du narcissisme : il puise dans la jeunesse de l’autre sa
jeunesse à lui. Signe des temps, de plus en plus de femmes s’affichent aussi
avec des hommes plus jeunes !