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Janvier  2015

 

BIEN VIEILLIR . ILS INVENTENT POUR LES PLUS AGES

 

Jean-Christophe MARTINEAU

 

Notre Temps Juin 2014

 

De g. à dr. Rodolphe Hasselvander, l’un des pères du robot Buddy (Blue Frog Robotics), Laurent Levasseur, spécialiste des bracelets géolocalisables (Bluelinea), Caroline Blochet et le pilulier Medipac (Medissimo), Christophe Boscher et la tablette Tooti Family (Tikeasy), et Rodolphe Gelin avec le robot Nao (Aldebaran Robotics) La filière Silver économie dispose désormais du logo ci-contre.

 

Dans les bureaux d’études, ingénieurs et chercheurs élaborent les dispositifs et les produits qui vont permettre de vieillir chez soi confortablement et en toute sécurité. Tour d’horizon de cette « silver économie » innovante, au service des personnes âgées.

JEAN-CHRISTOPHE MARTINEAU

 

M

obilisation générale pour la silver économie. Depuis un an, cette « économie argentée », ainsi appelée en référence aux tempes des seniors, est devenue le leitmotiv des décideurs politiques et économiques. De quoi s’agit-il ? De l’ensemble des produits et services bénéficiant aux âgés : des services à la personne à la domotique, et passant par la robotique et les produits de haute technologie qui facilitent ou vont faciliter leur quotidien : bracelets d’alarme géolocalisables, détecteurs de fumée ou de présence, parcours lumineux pour éviter les chutes nocturnes, téléphones mobiles et ordinateurs simplifiés… L’enjeu est de taille. La silver économie pourrait, à terme, créer 300 000 emplois… Le gouvernement a lancé la filière nationale au printemps 2013 et encourage la création de « silver régions »  regroupant les chercheurs, les entreprises de pointe et les prestataires de services liés à l’avancée en âge. L’Île-de-France, avec sa Silver Valley, la Normandie, l’Aquitaine et Midi-Pyrénées ont déjà franchi le pas, rejointes prochainement par le Limousin (lire encadré à la fin). La future loi autonomie a prévu 140 millions d’euros pour faciliter l’accès des personnes âgées modestes aux aides techniques.

Dans les bureaux d’études et les laboratoires, ingénieurs et chercheurs — dont bon nombre ne dépassent pas la quarantaine — conçoivent les dispositifs et les objets qui vont permettre de vivre chez soi dans de bonnes conditions. À l’image de Benjamin Zimmer, directeur, à 30 ans, de la Silver Valley installée à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Ce jeune docteur en génie industriel de l’École centrale de Paris ambitionne de faire de ce pôle de haute technologie l’équivalent de la Silicon Valley, l’eldorado californien de l’informatique. « Tous les jeunes n’ont pas envie de partir à l’étranger travailler dans la finance internationale, ironise-t-il. D’ici à cinq ans, 300 sociétés devraient s’être implantées sur le site d’Ivry. La silver économie va permettre de créer des emplois non délocalisables, poursuit-il. En élaborant des produits et des services utiles aujourd’hui à nos grands-parents — et demain à nous mêmes —, nous bâtissons notre société future. »

 

La téléassistance de nouvelle génération

La téléassistance avancée est la prestation de la silver économie qui est le plus à la portée des seniors. Il s’agit d’un système d’alarme sophistiqué intégrant des capteurs de chute et de présence ainsi que de la domotique, l’ensemble relié à une plateforme d’écoute proposant l’appui de services à domicile, le soutien de psychologues et l’assistance de travailleurs sociaux. « La téléassistance multiservice est la porte d’entrée de toutes les nouvelles technologies du domicile. Elle doit être fiable, peu intrusive, aider la personne à être mobile et à rester en contact avec son environnement », explique Christophe Boutineau, président de l’Association française de téléassistance (Afrata) et directeur général de Filassistance, une filiale de CNP Assurances. « Il faut associer la technologie et l’humain, poursuit-il. Le robot seul au domicile, ce pourrait être un cauchemar ! Mais le robot connecté à une plateforme d’accompagnement, c’est une bonne solution d’avenir ! »

 

Une maison de retraite… à domicile

Bluelinea, spécialiste des bracelets d’alerte géolocalisables, mais aussi des balances et tensiomètres connectés, entend bien devenir l’un de ces nouveaux opérateurs, mixant technologies de la santé et de la communication et services aux personnes. « Nous voulons contribuer à augmenter le nombre d’années d’autonomie des personnes pour repousser l’entrée en institution », argumente son directeur général Laurent Levasseur.  Quinquagénaire énergique, fan de technologie, il arbore au poignet un bracelet comptant le nombre de ses pas. « L'Organisation mondiale de la santé a établi qu'il fallait faire 10 000 pas par jour pour se maintenir en forme. Pour l'heure, je n'en ai fait que 5 682 aujourd'hui... Je vais rentrer à pied à la maison ! » L'entreprise a lancé fin 2013 une première plateforme locale, BlueHomeCare, à Saint-Quentin-en-Yvelines, et prévoit d'en ouvrir cinq autres en 2014 à Lyon, Dijon, Alençon, Nice et Lille. « Elles doivent assurer la coordination des intervenants au domicile, précise-t-il. Mais nous mettons également au point la maison de retraite à domicile, en associant les services des établissements et les technologies de mesures et d'alerte. »

 

Ordinateurs, téléphones mobiles, l'adaptation est en marche

Le marché des téléphones, des ordinateurs et des tablettes destinés aux personnes âgées est en plein développement. Ainsi, le groupe suédois Doro, leader mondial de la téléphonie fixe et mobile pour seniors avec cinq millions d'appareils commercialisés, dont un million en France, vient d'inaugurer une boutique à Paris. Tout un symbole. La marque se positionne aussi sur le créneau des ordinateurs adaptés et, bientôt, des tablettes numériques.

Sur ce dernier segment, la PME nantaise Tikeasy a ouvert la voie. Depuis 2012, elle a vendu 2000 tablettes Tooti Family (dont Notre Temps est l'un des partenaires), conçues pour les seniors. Christophe Boscher est le cofondateur de l'entreprise. À la quarantaine, il a quitté uns situation confortable dans une multinationale des télécoms pour se lancer dans l'aventure de cette start-up qui emploie huit salariés. « Concevoir de nouvelles technologies pour les personnes âgées est un défi passionnant. Nous voulons lever les freins qui les bloquent : la complexité d'usage des ordinateurs, la sécurité... Sur notre tablette, les fonctions mise à jour des contacts, classement des photos, etc.. sont gérables à distance par un proche. La sauvegarde des données est automatique, et l'assistance en ligne est comprise dans l'abonnement, énumère-t-il. La taille des boutons, la navigation sur la tablette sont le fruit de tests réalisés auprès d'une trentaine de retraités nantais. C'est en tenant compte de leurs remarques que nous avons remplacé le clavier azerty par un autre, qui respecte l'ordre alphabétique. »

 

Les robots compagnons, c'est pour bientôt

Ils s'appellent Buddy, Sami, Nao, Roméo, Kompaï, et d'ici à quelques mois — c'est du moins ce qu'assurent les chercheurs — ils vont entrer dans le quotidien des personnes âgées. Rodolphe Hasselvander, 35 ans, ingénieur en robotique venu de l'industrie, est l'un des pères de Buddy. Bardé de capteur, ce petit robot tout en rondeur est commercialisé par la société française Blue Frog Robotics. Autonome et mobile, Buddy est capable de détecter les chutes, la fumée, le gaz et d'alerter une plateforme d'assistance. Il peut aussi stimuler la personne en lui proposant des jeux, se connecter à Internet, rappeler les rendez-vous et les prises de médicaments. « Il va être testé dans les maisons de retraite et chez des personnes âgées cette année. La commercialisation à grande échelle devrait débuter au plus tard en 2016 », précise le roboticien. « Nous l'avons déjà mis en situation chez des personnes âgées, et si nous expliquons ses fonctions, il est plutôt bien accepté, complète-t-il. Quand ma grand-mère, qui est tombée une nuit chez elle, l'a vu, elle m'a dit : “Si je l'avais eu, je n'aurai pas attendu des heures avant que l'on vienne m'aider...” »

Aldebaran Robotics, autre entreprise tricolore de référence dans ce domaine, mise sur Nao, un robot humanoïde (dont la morphologie rappelle l'humain) de 60 cm de haut. Doué des mêmes fonctions que son concurrent, il a déjà été vendu à 5 000 exemplaires, pour l'instant essentiellement à des laboratoires de recherches. « Nous avons fait le choix des robots humanoïdes, car ils sont plus facilement acceptés. Lorsque le robot a une tête, les gens finissent par lui parler, remarque Rodolphe Gelin, directeur de la recherche d'Aldebaran. Nous l'avons constaté dans les maisons de retraite où nous avons proposé aux résidents de découvrir Nao. Une fois passé l'effet de surprise, ils le considèrent comme un jouet, un petit animal de compagnie et le trouvent plutôt drôle. Et rapidement, ils veulent savoir ce qu'il peut faire pour eux. »

 

La santé, un domaine de prédilection

Qu'il s'agisse des consultations à distance, de la surveillance des données médicales d'un patient, du traitement des maladies chroniques, du suivi des soins en structure médico-sociale ou en hospitalisation à domicile, la télémédecine est expérimentée par des hôpitaux à travers le territoire. En précurseur, la résidence service pour personnes âgées de Cluny, en Saône-et-Loire, s'est dotée en janvier d'une cabine de télésanté. Les résidents peuvent y contrôler leur tension, le taux d'oxygène dans leur sang... Autant de données transmises à leur médecin traitant. Une première dans l'Hexagone.

L'innovation made in France a d'ailleurs eu droit aux honneurs du jury du Salon mondial de l'électronique grand public de las Vegas en janvier 2014. Parmi les produits primés, le « pilulier intelligent » Medipac de la société Medissimo, fondée par la pharmacienne Caroline Blochet. Commercialisé à partir de septembre 2014, le pilulier sécurisé comprend 28 alvéoles dotées de capteurs et contenant chacune la dose pour une prise. Les médicaments y sont placés par un proche, par le pharmacien ou par le malade lui-même.  En cas d'erreur dans la prise des médicaments, les capteurs transmettent une alerte au médecin, au pharmacien ou à la famille. « Lorsque j'exerçais en officine, j'ai vu trop de personnes âgées gavées de médicaments. Deux millions d'entre elles en avalent plus de dix par jour. Deux fois plus qu'il ne faudrait, lâche l'ancienne pharmacienne des Yvelines. Ce qui multiplie le risque d'erreurs de la part des patients. Notre pilulier permet une meilleure observance des traitements et évite ainsi les hospitalisations qui en découlent : 130 000 chaque année ! » ■

 

 

La PME Tikeasy veut simplifier l'informatique. Sur sa tablette Tooti Family, les fonctions sont gérables à distance par l'ordinateur ou le téléphone portable d'un proche.

 

 

 

LE LIMOUSIN ET SON PACK AUTONOMIE

 

Région la plus âgée de ‒ 22 % de sa population dépasse 65 ans, contre 16 % pour la moyenne nationale ‒, le Limousin est à la pointe de la téléassistance de nouvelle génération. Le projet Icare, lancé en 2013, est en cours de déploiement dans 2000 foyers pour personnes âgées en Corrèze, Creuse, Haute-Vienne et Loir-et-Cher. L'équipementier Legrand est le chef de file de ce consortium qui réunit les conseils généraux des départements impliqués, la Caisse régionale de l'assurance vieillesse (Carsat), la Mutualité, Orange, le CHU de Limoges et Sirmad Téléassistance, une émanation de la Fondation Caisse d'épargne pour la solidarité, Icare propose un pack autonomie comprenant des équipements domotiques (détecteur de fumée, de gaz et de chute, capteur biométrique – poids, tension – pour le suivi des maladies chroniques, régulateur de température, chemin lumineux automatique) et un dispositif de téléassistance avancé mis en œuvre par Sirmad Téléassistance. En fonction des aides octroyées par les départements, le prix payé par les personnes équipées varie de 14 € à
27 € par mois. « Au-delà de la prise en charge des situations d'urgence, notre mission consiste à lutter contre la solitude des personnes âgées. Nous effectuons donc des appels de convivialité, notamment lorsque la personne traverse une épreuve. Des conseillères en économie sociale et familiale peuvent les épauler, explique Évelyne Sancier, responsable de Sirmad Téléassistance. Jusqu'à présent, la téléassistance était curative, elle devient préventive. »