Sections du site en Octobre 2009 :  Ajouts successifs d’articles -- Sujets d’articles à traiter – Pour publier --  Post-Polio -- L'aide à domicile -- Internet et Handicap -- Informatique jusqu’à 100 ans – Etre en lien -- L’animal de compagnie --  Histoires de vie  --  Donner sens à sa vie – A 85 ans aller de l’avant -- Tous chercheurs -- Liens –

 Le  webmestre.

 

RETOUR A LAPAGE D’ACCUEIL : CLIC            AUTEURS, TITRES DE TOUS  LES  ARTICLES : CLIC         SYNTHESE GENERALE: CLIC

 

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Septembre 2009

                        LA THEMATIQUE  DE L’INTERGENERATION

 

                                               Serge GUERIN

 

Extrait de L’invention des seniors , Ed Hachette Littératures, 2007

 

 

         Cet article est extrait de la partie finale de la Préface à la nouvelle édition de « l’invention des seniors » paru chez Hachette Littératures en 2007.

 

         Cette thématique intergénérationnelle est porteuse en termes de signes, de message communicationnel qu’il s’agisse d’appeler à l’intergénération,  à la coopération intergénérationnelle ou à la solidarité entre les générations,  les personnalités publiques jouent très largement sur ce registre fédérateur. Dans ces discours incantatoires, les politiques s’efforcent de nier les oppositions et de gommer les aspérités. Or, il convient sans doute de produire un discours plus audible et plus recevable parce que proche du vécu, par le plus grand nombre.

 

         La peur de se trouver relégué, mis à l’écart de la société, placé sous une forme ou sous une autre dans un ghetto, rend les seniors perméables au discours sur l’intergénération. Le thème de l’intergénération est d’abord reçu par les seniors comme un signe indiquant que le reste du corps social ne cherche pas à les placer sur le côté. Sans qu’il y ait pour autant une attente systématique ni un désir de pratiquer à tout instant la « communion intergénérationnelle », ce qui est en jeu c’est simplement de savoir que cette possibilité existe.

 

         En effet, si les seniors sont très réceptifs au discours, ils se montrent plus réservés dans les faits. Ouvrir le champ des possibles, montrer à tous que les plus âgés ne sont pas cantonnés dans un monde à part, c’est offrir surtout des espaces et des moments intergénérationnels permettant à ceux qui le désirent de les investir. Il ne s’agit pas d’obliger mais de permettre. Et aussi d’ouvrir les perspectives pour éviter que le seul débouché à l’intergénération soit la rencontre entre très âgés et enfants en bas âge, qui est souvent l’unique perspective proposée. Les expériences de rencontres, voire de vie presque commune, entre résidents de maisons de retraite ou de foyers et enfants placés en crèche ont été très largement médiatisées. Elles renvoient cependant aux seniors une image qui n’est pas nécessairement valorisante, ni désirée. La mesure apparaît souvent comme un gadget, un artifice de communication, voire une façon d’associer fin de vie et début de vie. Comme si les uns allaient prendre le relais des autres.

 

         Il est bon d’interroger le sens de ces images : le mélange de l’enfance, réputée vierge de toute appréhension normative et de tout regard porteur de jugement, et de la personne très âgée associe deux publics sans grande autonomie (et pour l’une déclinante). L’enfant qui n’est pas en situation de choisir , de décider de sa vie, renvoie une image miroir à la personne très âgée à laquelle on n’accorde pas plus la capacité d’exercer son libre arbitre. En ne proposant que l’échange entre les plus vieux et les plus jeunes, on dénie aux premiers le droit à l’autonomie. La valorisation de cette seule forme de pratique de l’intergénération traduit aussi les pré-requis des médias et des journalistes. Ceux-ci, y compris lorsqu’ils sont eux-mêmes dans la tranche d’âge des seniors, fonctionnent en large partie sur le mode du déni en récusant le plus souvent d’autres images des seniors que celles des très âgés. Comme si le dialogue avec les plus âgés relevait de l’impossible et ne pouvait se réaliser qu’à travers des émotions sans verbalisation.

 

         Dans le monde ouvrier, des personnes de différentes générations peuvent s’apporter mutuellement une compétence théorique pour les uns, une expérience du métier et de la relation pour les autres. Le monde associatif permet là aussi souvent des échanges, y compris entre générations de seniors. Les clubs sportifs, pour leur part, voient le plus souvent des jeunes et très jeunes pratiquer une activité  tandis que les plus âgés, parfois en activité, parfois retraités,  s’occupent bénévolement de la gestion de l’association et de l’organisation des compétitions.

 

         Mais bien d’autres situations peuvent favoriser la rencontre et l’échange. Permettre la fréquentation du restaurant de la maison de retraite ou de l’école municipale par les enfants des uns et les parents des autres, mais aussi par l’ensemble des habitants et usagers de la ville apparaît comme une piste à développer. De plus en plus, d’ailleurs, des projets et des réalisations de ce type se multiplient. Ici, c’est l’idée d’ouvrir la médiathèque-centre de documentation et d’information scolaire aux habitants du quartier. Ailleurs, c’est l’idée de prévoir dans une maison de retraite des salles de cours pour la formation de travailleurs sociaux. Bien évidemment de telles actions nécessitent un effort d’accompagnement et d’explication auprès des différents publics… Et aussi d’insister sur la qualité de la nourriture proposée.

 

         Les formules autour de l’habitat groupé ou de l’habitat solidaire expérimentées en particulier en Belgique, par exemple à Namur,  permettent à chaque personne de vivre chez soi et avec les autres. Il s’agit de ne pas imposer le collectif tout en assurant la possibilité de créer et d’enrichir le lien entre des personnes, qu’elles soient de même génération ou non (1).

Plus largement, répétons combien la question de l’isolement est centrale. Certes, certains peuvent choisir la solitude, mais la société se doit de permettre à tous, et en particulier aux plus âgés qui en sont les premières victimes, d’éviter l’isolement. La solitude est choisie, l’isolement est subi.

         En outre, la mise en avant d’une seule approche de la rencontre des générations contribue à évacuer d’autres problématiques. Or, la question de l’intergénération interroge directement les façons de vivre ensemble et les relations entre groupes, aussi bien le monde de la ville et du loisir que celui de l’entreprise,  qui sont les lieux par excellence de rencontre entre les acteurs sociaux.

         D’un point de vue symbolique et pour marquer un peu plus les esprits et le réel, pourquoi ne pas créer un Ministère de l’Intergénération et de la Solidarité quitte à supprimer le secrétariat d’Etat aux personnes âgées et le ministère de la Jeunesse.

         Dans cette perspective, le nouveau contrat social entre les générations nécessite de remettre à plat certaines situations acquises qui s’exercent au détriment de l’avenir. Il faut faire acte de lucidité subversive et se donner enfin les moyens de transformer l’allongement de la vie, cette chance individuelle qui nous concerne presque tous, en une opportunité collective. Un objectif tout de même plus motivant que de conjuguer vivre plus longtemps et se plaindre plus fortement !

Le droit d’inventer, la possibilité de laisser les uns et les autres expérimenter des formes inédites de coopération et d’échange, l’ouverture au risque de se tromper, la chance laissée à des personnes différentes d’agir ensemble sur un thème donné sans pour autant s’engager en totalité… sont autant de pistes à ouvrir.

L’allongement de la vie est une bonne nouvelle et ouvre de multiples opportunités. La révolution grise ouvre le champ des possibles. C’est une chance exceptionnelle offerte à ceux qui veulent la prendre. Détournons la magnifique formule de Bernanos, L’espérance est un risque à prendre : oui, l’espérance de vie est un risque à prendre. 

                                                                                             

Mai 2007

        

 

 

(1) Valentine Charlot et Caroline Guffens, Fondation Roi Baudouin, coauteur de Où vivre mieux ? Le choix de l’habitat groupé pour personnes âgées. Les Editions Namuroises, 2006.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Adresse du site, démarré le 05.09.2005 :   http://bien.vieillir.perso.neuf.fr ; Contacts à :  bienvieillir@sfr.fr   

Sections du site en 07.2009 :  Ajouts d’articles -- Sujets d’articles à traiterPour publier --  Post-Polio -- L'aide à domicile -- Internet et Handicap -- Etre en lienService gériatrie et lien social – L’animal de compagnie--  Histoires de vie  --  AUTEURS ET TITRES des articles -- SynthèseDonner sens à sa vieTous chercheurs -- Liens

Le webmestre

 °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Septembre 2009

VERS UNE HUMANITE RECIPROQUE A L’HOPITAL

 

Marie de HENNEZEL

 

Article extrait des pages 187 à 208 de son ouvrage « Le souci de l’autre » Ed° Robert Laffont 2004

 

Un nouveau modèle de relation entre ceux qui détiennent le savoir et le pouvoir médical et ceux qui, dans leur vulnérabilité, s’adressent à ce savoir et à ce pouvoir est en train de se mettre en place. Signe d’une maturité nouvelle, les malades demandent plus de partage et d’information dans la conduite de leur traitement.

L’ancien modèle, il faut bien le reconnaître, les maintenait dans une sorte d’infantilisation, cantonnés qu’ils étaient dans une dépendance au médecin doté d’un pouvoir divin. Celui-ci se devait d’être bienveillant en échange de la confiance absolue que lui faisait son malade…

Il faut se réjouir de la maturité dont font preuve les malades d’aujourd’hui. Même si certains préfèrent encore la passivité, la mutation est faite. Les malades sont devenus des adultes, sujets de leur santé et de leur corps.

On comprend qu’un tel changement bouscule les habitudes. Mais on ne peut pas se plaindre d’une évolution qui implique davantage de conscience, un partage des connaissances et des responsabilités, une exigence de respect réciproque.

 

 

La confiance est-elle en péril ?

 

Les malades sont mieux informés, moins passifs, moins dociles et plus exigeants. Ils ne font plus une confiance aveugle aux médecins et leur demandent des comptes. Ils veulent être des partenaires et des acteurs à part entière de leur traitement.

Cette exigence c’est la force des techniques et des savoirs médicaux qui la suscite. La médecine, jusqu’à maintenant avait une obligation de moyens ; sa puissance actuelle fait qu’elle a une obligation de résultats. Il s’est produit, dans les esprits, un renversement de la charge de la preuve. Désormais le principe dit de précaution et l’obsession du risque zéro obligent le médecin à prendre toutes les garanties. La perspective d’un contentieux judiciaire rend ainsi difficile le discernement entre la décision qui protège le médecin et celle qui serait la mieux adaptée au malade.

On assiste ainsi à une défiance mutuelle. Face aux nouveaux comportements de ses malades, le médecin se barricade derrière des positions défensives et peut être tenté d’abandonner ses responsabilités. Il a tendance à se couvrir, à prescrire plus qu’il ne faudrait. Il se sent moins libre. En outre, l’exigence consumériste des malades transforme le médecin généraliste en « machine » à prescrire……. On sent bien que sans confiance et sans dialogue, la relation médecin-malade risque de  perdre toute l’humanité.

 

Les médecins se plaignent de perdre la confiance de leurs patients. Mais ont-ils envisagé celle qu’ils pourraient à leur tour leur accorder ? S’ils s’intéressent davantage à la personne du malade, s’ils faisaient appel à ses ressources, s’ils pouvaient s’asseoir auprès de lui et laisser venir ses questions, cette attitude serait un véritable cadeau pour le malade. Le patient pourrait évoluer d’une confiance aveugle vers une confiance adulte et partagée.

 

… Si les médecins écoutaient davantage leurs patients, ils découvriraient que ce que ceux-ci attendent d’eux n’est pas si démesuré qu’ils le croient. Même si la tendance à projeter sur le médecin une omnipotence et une omniscience illusoires perdure, les malades savent bien, en leur for intérieur, que la médecine n’est pas toute puissante, qu’elle a ses limites. Cependant il faut que le médecin assume cette part d’impuissance dans la vérité et l’humilité. Alors, comme nous venons de le voir, le patient peut retrouver une forme de confiance, qui n’est pas une confiance aveugle, mais une confiance adulte……

 

Le médecin, au lieu de faire confiance à son patient en dialoguant avec lui, en lui expliquant ce qu’il peut faire et ne pas faire pour le soigner, ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas, en se risquant dans une relation authentique avec son patient, se barricade derrière des positions défensives et abandonne ses responsabilités….

 

La plainte  est une épreuve. Qu’il s’agisse d’une simple lettre ou d’une action en justice, cette expérience touche profondément le médecin qui la subit. Au-delà des conséquences matérielles, son honneur et sa réputation peuvent être atteints, et l’impact affectif et psychologique d’une telle expérience est plus profond qu’on ne l’imagine, surtout lorsque sa compétence n’est finalement pas en cause. Alors il aura tendance à se couvrir, à prescrire plus qu’il ne faudrait où, au contraire, à ne pas oser des thérapeutiques plus efficaces mais aussi plus risquées. La défiance mutuelle entre patient et médecin a pour conséquence de déresponsabiliser ce dernier…

 

Praticiens comme établissements de soins sont mis devant l’obligation de changer de culture : le dossier médical ne leur appartient pas ! Il appartient d’abord à la personne malade. En d’autres termes, le secret médical est là pou protéger le malade et plus pour protéger le médecin.

Pourtant, derrière la menace que perçoivent les professionnels de la santé, c’est bien le problème de l’information du patient qui est posé. Or l’information fonde la relation de confiance qui doit s’établir entre le patient et son médecin. Transmettre des informations demande un effort de précision et d’explication qui a un résultat positif : s’ils comprennent mieux, les patient adhèreront plus facilement aux propositions thérapeutiques qui leur sont faites. Ils courront moins d’un médecin à l’autre pour chercher un avis supplémentaire, ils seront moins tentés de déposer plainte.

 

Communiquer des informations médicales n’a pas seulement un caractère technique. L’acte a une dimension psychologique que les médecins ont sans doute du mal à maîtriser. Nous l’avons vu plus haut, les malades veulent être informés, mais pas n’importe comment, pas n’importe quand, pas n’importe où. Ils demandent à ce que l’information leur soit délivrée avec respect et délicatesse. Ils ne sont pas idiots, ils savent bien que la médecine n’est pas sans risque, et que presque tous les traitements comportent une marge d’incertitude. Ce qu’ils veulent ce n’est pas « tout savoir », c’est trouver une écoute et une disponibilité adaptées à leur cas. Ils veulent pouvoir s’adapter à leur rythme à ce qu’on leur apprend sur leur état de santé. Que signifierait pour eux une information « balancée » sans aucun ménagement, sans aucun accompagnement ?

 

… La reconnaissance du droit de savoir suppose aussi celle du droit de ne pas savoir. Nombre de patients et de familles ne sont pas toujours en mesure d’entendre des vérités trop fortes, ou de les entendre très tôt. Pour avoir travaillé des années auprès de personnes en phase terminale  d’une grave maladie, j’ai pu constater que beaucoup préféraient « ne pas savoir », ne posant jamais de questions. Ce refus d’être informé doit être respecté au titre du respect de l’autonomie et de la dignité de la personne.

 

On voit bien que cette question de l’information du malade s’inscrit à l’intérieur d’une relation de soin. Bien souvent, ce n’est pas tant l’information qui fait défaut qu’une certaine qualité de communication. Il serait vraiment regrettable que l’information se réduise à des dispositifs strictement procéduriers. Cela pervertirait cette relation humaine unique en son genre, qui lie un être vulnérable, malade, souffrant, et celui qui a fait profession de le soigner, de le soutenir et de l’accompagner…

On aimerait que les médecins fassent alliance avec la force intérieure du malade, qu’ils y croient, qu’ils la soutiennent.  On aimerait les entendre dire : « Je vais vous aider à être fort, à construire vos défenses. »….

 

Le règne de la confiance aveugle entre le médecin et le malade est donc quasiment terminé. Cela ne veut pas dire qu’aucune confiance n’est plus possible, mais, on l’a compris, qu’elle doit se construire, ou venir de surcroît, dans une relation de partenariat, où l’information est partagée, les décisions prises en commun, et les responsabilités assumées ensemble.

 

De la plainte à la conciliation

 

         Les malades et leurs familles ont moins peur désormais de pointer ce qui n’est pas acceptable à leurs yeux. Je crois qu’ils font évoluer les choses, que plus ils oseront manifester leur réprobation lorsqu’on les maltraite ou qu’on porte atteinte à leur dignité humaine, plus ils contribueront au réveil des consciences. Les conciliateurs des hôpitaux ont conscience du rôle que les « usagers » de la santé peuvent jouer pour faire évoluer les attitudes.

         La profession de conciliateur est relativement récente. Les premiers postes datent des années 1980. La loi impose maintenant aux établissements de santé d’avoir leur commission de conciliation.

Les plaintes viennent surtout des familles. Et presque toujours après l’hospitalisation ou le décès du patient. On n’ose pas se plaindre sur le moment, par crainte de représailles.

 

Vers une coresponsabilité de la relation

 

         …..    Si j’exige d’un médecin qu’il m’écoute et me respecte, qu’il m’informe et tienne compte de moi, je dois de mon côté lui accorder la même attention. Si je ne suis pas consciente de la réalité de celui qui me soigne, de ses difficultés, de sa vulnérabilité alors même que je l’investis d’une sorte de toute-puissance, si j’attends tout de lui sans me préoccuper un petit peu de lui, si j’exige une disponibilité absolue au mépris des autres patients, si je le rends responsable de tout ce qui ne va pas sans faire la part des choses, alors mon attitude est arrogante. Elle n’est pas humaine. Mon médecin sort peut-être d’une nuit de garde ou d’une réunion harassante avec la direction pour résoudre un problème crucial de personnel…

         Les médecins se plaignent souvent de l’égoïsme des malades…..

         La même réciprocité est valable à l’égard des infirmières. Celles-ci s’occupent de choses dont nous ne voulons pas entendre parler et que nous occultons : la vieillesse, la déchéance physique ou mentale, la misère, la folie, la mort.  Nous ne savons pas ce qu’elles vivent et nous sommes peu conscients de leurs conditions de travail…

 

         L’humanité des soins n’incombe pas seulement aux soignants. Soignants et soignés sont coresponsables de la relation de soin. Chacun doit savoir se mettre à la place de l’autre.

         La façon dont la plupart des malades s’abritent derrière leur statut de souffrant pour se plaindre, exiger, sans l’ombre d’un souci pour ceux qui les soignent, pour les difficultés qu’ils rencontrent, a quelque chose de choquant…

         Les soignants attendent une réciprocité des malades. Ils aimeraient qu’ils les reconnaissent comme des êtres sensibles, avec leurs valeurs, mais aussi leurs difficultés. Ils aimeraient qu’on ménage leur pudeur.

         Il faudrait évidemment commencer par abandonner un certain nombre de fantasmes que les uns nourrissent à l’égard des autres, au profit d’une reconnaissance mutuelle…..

         Les malades et leurs familles ne doivent pas oublier que les médecins et les soignants sont des êtres humains, avec leur histoire souvent parsemée de deuils et de chagrins, leurs blessures secrètes, des humains vulnérables comme les autres. Cette vulnérabilité. Ils la cachent. Ce n’est pourtant pas une raison pour ne pas la prendre en compte.

 

Ces malades qui soutiennent les soignants

 

         Au moment où je termine l’écriture de ce livre, mon amie, Christina Castermane vient de mourir. Depuis deux ans, elle se battait contre son cancer avec une énergie, une joie de vivre qui ont impressionné ceux qui la soignaient. Jacques, son mari, me raconte que les infirmières du service d’oncologie de l’Hôpital Sud de Lyon gardent un fort souvenir d’elle. Elles venaient s’asseoir sur le bord de son lit, parce qu’elle leur faisait du bien. Elles se confiaient souvent à elle. Pourquoi ? Tout simplement parce que cette femme, bien que gravement malade, s’ouvrait à elles, s’intéressaient à elles. Son chirurgien dit que lorsqu’il lui demandait comment elle allait, Christina répondait : « Et vous docteur ? » Aucun patient ne lui avait jamais fait cette réponse…

         Une infirmière auprès d’enfants cancéreux écrit : « Une maman, une nuit, qui veillait auprès de son enfant qui mourrait, m’a dit d’aller manger quelque chose, parce que je n’avais pas eu le temps de dîner. C’est une attention dont je me souviens encore. »……

        

Bien des malades, conscients de la charge de travail des soignants, aident leur voisin de chambre, parfois plus démuni qu’eux. C’est cette solidarité entre malades qu’il nous faut développer, puisque les soignants ne peuvent être sur tous les fronts.