Article entré sur site en février
2016
POSITIVER LE HANDICAP EN VUE DE CONTRER LA DERIVE DE NOTRE SOCIETE. ARTICLE TEMOIGNAGE
Jean-Marie GROS, jm-gros@orange.fr , Participant au forum « Positiver le
handicap » CLIC
Avant-propos de Henri Charcosset
Jean-Marie Gros a son parcours dans la
vie résumé dans une série
d’articles :
Gros Jean-Marie (2011), Né pour devenir
paralysé, mais en existant. I. De ma naissance à ma mise en invalidité, à 47
ans, en 1995. Témoignage
Gros Jean-Marie (2012), Né pour devenir paralysé, mais en existant. II. Mon engagement
associatif depuis mes 47 ans en 1995, jusqu’en 2010. Témoignage
Gros Jean-Marie (2012),
Le zandiland : de l’humour et handicap, ou bien
plus encore ?
Gros
Jean-Marie (2013), Illustrations du Zandiland avec sa
minorité de Personnes Non en Fauteuil roulant PNF
Deux de ces
illustrations sont reproduites ci-dessous, avec explications.
A CHACUN SON ESPACE
AU ZANDIBAR
Ces
gens « debout », 2 à 3% de la population, n'ont pas la chance de
se déplacer en fauteuil comme tout le monde et se retrouvent du coup en
situation de handicap. Les plafonds sont d’une hauteur normale (c'est à
dire bas) dans ce pays peuplé de fauteuils et ils sont obligés de se voûter
continuellement. Ils ont en permanence mal aux reins dans ce monde où tout est
toujours trop bas pour les gens comme eux.
On a l'habitude, faut bien faire avec ! N’a
pas l'choix...
Et pourtant des lois existent: les lieux
publics et assimilés devraient être équipés de plafonds escamotables où ils
pourraient se déplier à fond.
La loi est
passée il y a 10 ans,
mais là- bas aussi, la conjoncture impose
l’austérité…
Par contre les Zandis
disposent chacun de plusieurs fauteuils haut de gamme, tous les bâtiments sont
de plain-pied, il y a des ascenseurs (bas) partout, des pistes roulables jouxtent les vieux trottoirs délabrés et non
entretenus...
A Zandiland toute
la population est concernée.
Les décideurs aussi. Ça change tout !
Ils
disent : se retrouver « debout », ça n’arrive qu’aux autres.
Introduction et Point de vue, par Jean-Marie Gros
Je dénonce au travers de mon témoignage une façon d’apparence anodine de
générer de la SOLITUDE. En ce début d’année, souhaitons un petit peu moins
d’égoïsme et la terre tournera beaucoup plus rond.
Je me présente : une moitié de vie valide, puis l’autre,
handicapé en fauteuil. Paradoxalement ma seconde moitié de vie s’avère être la
plus riche et la plus pertinente. Elle m’a permis de développer ma qualité
d’écoute, d’observation et d’analyse. Je m’aperçois avec stupéfaction que mes
proches voisins ont régressé dans ces domaines. Beaucoup préfèrent cultiver
l’art de la bêtise ou de la méchanceté gratuite. L’immense majorité fait
semblant d’ignorer et de ne pas voir, tandis que les autres sont animés par le
goût de nuire. À mon humble avis, beaucoup de nos concitoyens sont dans l’un de
ces cas. Implicitement ces comportements aboutissent au même résultat.
Egoïsme ? Désœuvrement, manque de courage, chez les uns ? Stress,
soucis personnels chez les autres ? Dérive inéluctable de la
société ? Je n’ai pas la réponse. Peu importe. Concrètement c’est
chacun son caca.
http://blog.doctissimo.fr/zandiland
Je dénonce au travers de mon témoignage une
façon d’apparence anodine de générer de la SOLITUDE. En ce début d’année,
souhaitons un petit peu moins d’égoïsme et la terre tournera beaucoup plus
rond.
Mon cheminement pour obtenir
l’adaptation d’un portail d’accès à mon immeuble
Marié, deux grands enfants qui font dorénavant leur vie loin de chez nous
et trois petits enfants. Vingt années de fauteuil derrière moi, vous l’avez
compris, je cumule handicap et âge. Copropriétaire depuis une trentaine
d’années au sein d’une importante résidence dans un quartier sans incidents
majeurs du centre ville. Je vous conte mes
tribulations.
Début 2012, la résolution de sécuriser la résidence a été décidée. Je
reprends le terme ’sécurisé’ utilisé à l’époque bien qu’il me semble cependant
considérablement inapproprié. Je ne suis en effet pas convaincu du bien- fondé
de ce projet puisque chaque entrée de hall est déjà équipée d’une platine
d’interphone qui permet de filtrer les entrées. Lors de l’Assemblée Générale,
l’une des rares voix s’étant élevée contre le projet, fut la mienne. Démocratie
oblige, je me suis incliné.
Aux dires des résidents, cela devenait urgentissime. Sans perdre de temps,
les travaux désormais indispensables ont été effectués. Notons que ce nouveau
portail à fonctionnement manuel demeure l’unique passage accessible aux
fauteuils roulants permettant de sortir de la copropriété. Cet espace
auparavant en libre accès ne comportait pas de porte. La première année après
son installation, je pouvais l’ouvrir. La manœuvre était laborieuse depuis mon
fauteuil roulant, mais demeurait malgré tout plausible. Jusqu’au jour où je ne
puis plus. Il aurait fallu que je sois accompagné à chaque fois que je devais
sortir de chez moi.
Pourquoi ne le pouvais-je plus ? Je supputais un durcissement du
réglage ferme porte bloom ou un échange du mécanisme par un système plus
puissant car certaines personnes se plaignaient du délai de fermeture de
celle-ci. Il aurait en effet pu permettre l’intrusion furtive d’une personne
étrangère de la résidence ou de son animal de compagnie. Des membres du conseil
m’affirment que ce n’est pas le cas. Qu’il avait été changé à l’identique
et que j’avais tout simplement perdu des forces musculaires à cause de ma
maladie… Ce qui j’en conviens aurait pu être possible. À l’époque où mes
voisins me posaient la question rituelle (curiosité malsaine) : que vous
est-il arrivé pour vous retrouver comme ça ? Je regrette aujourd’hui de
leur avoir révélé le nom et les symptômes probables (mais pas certains) de l’affection
neurologique dont je suis atteint. Et surtout de leur avoir spécifié qu'elle
pouvait s'avérer évolutive et devenir éventuellement invalidante.
La résidence étant constituée de quatre blocs distincts, il m’est
impossible de me déplacer physiquement au domicile des membres du conseil pour
causes d’inaccessibilité notoire au niveau des halls d’entrée puis des
ascenseurs. Pendant trois mois je les ai donc informés via
courriels (une quinzaine de personnes) et courriers postaux au régisseur. Aucun
n’a daigné donner suite. Ni rappel téléphonique, ni mèl, ni visite de
voisinage.
Pas le moindre frémissement constructif.
Des bruits malveillants courent dans la copropriété « pourquoi
ne déménageriez-vous pas ? » « À quoi bon engager des frais
pour ce Monsieur, il ne sort jamais ! ». Décodage : sortir
dans la cour de l’immeuble et m’apercevoir que je ne peux pas ouvrir la porte,
puis rentrer chez moi. Une autre réplique téléphonique adressée
directement : « L’intérêt général prévaut sur l’intérêt individuel »
Mon interlocuteur faisait fi de la nuance entre les mots ‘intérêt’ et
‘liberté’. Liberté d’aller et venir. Puis la société de maintenance m’a enfin
envoyé un mèl laconique : « La seule solution serait de motoriser
le portillon ».
J’ai donc fait établir deux devis (coût des travaux: douze euros pour
chacun des copropriétaires). Malheureusement, il était trop tard pour les
présenter officiellement à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale. Ma
gesticulation inutile m’avait fait perdre trop de temps. J’ai tout de même
signalé mon problème dans le cadre des questions diverses de l’AG.
Argument : ça ne marchera jamais. Le système que vous proposez
n’est pas fiable. Nous allons étudier la question lors de la prochaine réunion
du conseil.
Les dites réunions se déroulent à neuf heures le matin, à l’extérieur, dans
la cour et sans ordre du jour. Le représentant de la régie et
quelques conseillers se promènent autour de l’immeuble, dans les parties
communes, vont visiter les caves, les espaces verts, se rendent chez le
gardien… Moi, à cette heure-là, mon auxiliaire de vie me fait prendre ma
douche. Et pour ce faire, je me lève à six heures tous les matins. Je ne suis
dignement opérationnel qu’en fin de matinée. On appelle cela la dépendance.
Je n’ai donc pas pu assister à la soi-disant étude.
Le verdict tombe via un courriel de la régie : « pour sortir de
chez vous, passez par le sous-sol et empruntez avec votre fauteuil à traction
manuelle la rampe de sortie voitures puis la porte basculante ».
Décomposons la scène : ils me demandent de
descendre au sous- sol, de passer par les garages, de longer les caves et le
local à poubelles puis cheminer dans ce labyrinthe sous-éclairé et ensuite
gravir une rampe pentue (en principe réservée aux voitures) au risque de
croiser un véhicule en sens inverse. C’est juste inacceptable et d’ailleurs
impossible. Même avec une aide à la propulsion je ne peux pas monter cette
pente avec mes petits bras musclés. J’ai donc décidé de taper fort. Que
pouvais-je faire d’autre ?
Ils mettaient d’autorité à mon affaire un point final qu’ils supposaient
définitif.
J’y suis allé crescendo et j’ai étalé mes actions durant trois mois
en espérant qu’ils changent d’avis : j’ai fait distribuer une pétition
dans les 250 boîtes à lettres : seriez- vous favorable pour dépenser
12 € afin d’électrifier la porte ? Notons que le syndic s’est empressé
d’afficher une info dans chacune des allées.« En
aucun cas nous n’avons été informés de cette initiative personnelle. Seule l’AG
est compétente pour… »
Ma pétition n’a suscité qu’une trentaine de réactions.
Puis avec l’aide d’une association, nous avons lancé un communiqué de
presse. Et un blog en ligne. Aucune réaction. Ensuite j’ai consulté le
défenseur des droits afin de dénoncer la discrimination. Il a envoyé un
courrier à la régie. Aucune réaction non plus. Le régisseur me dira ne pas
l’avoir reçu ! Puis je me suis tourné vers les médias. Article dans le
quotidien le plus vendu de la région qui a consacré une page à ma problématique.
Une seule réaction : une longue lettre ANONYME plutôt que de prendre la
peine de m’écouter, de me comprendre, de me téléphoner ou de venir me voir au 5ème étage,
tout simplement. Oui, vous avez bien lu, une fallacieuse lettre anonyme envoyée
avant la publication du fameux journal.
Aux dires de cette longue lettre dont je reprends les termes, « mes
propos seraient diffamatoires et je prendrais les copropriétaires en otage. On
m’explique que seule une diminution de mes forces physiques ne me permet
tout simplement plus d’ouvrir ce portail. Le corbeau me reproche
d’évoquer une rénovation par un groom beaucoup plus puissant qu’avant, alors
qu’il ne s’agit d’après lui que d’une simple réparation de
malveillance1.Quant à ma proposition : la lenteur de
l’ouverture et de la fermeture fera que les utilisateurs forceront sur le
mécanisme pour ouvrir plus vite, d’où une dégradation rapide de la fiabilité de
ce dispositif et la négation de la sécurisation de notre résidence. Et
il ajoute que j’ai parfaitement les moyens de faire l’acquisition d’un
fauteuil électrique et que cet achat sera de toute façon une obligation pour
moi dans peu de temps… » Là, c’est DUR ! Signature : un copropriétaire.
1Ultérieurement j’ai eu la confirmation que la simple réparation
suite à une malveillance, était en réalité un échange pur et simple par
un mécanisme plus puissant !
Ils le savaient mais me maintenaient que ma force musculaire avait
faibli !
Ce courageux courrier anonyme m’a tout de même servi de tremplin et je l'en
remercie. J’ai rebondi en provoquant un conseil restreint du syndic autour
d’une table, un après midi dans le bureau du
gestionnaire de la régie.
J’ai enfin été entendu et ma requête a été prise en
considération. OUF !
Curieusement après ce remue-ménage, le réglage mécanique demandé
initialement est devenu possible. Un petit tour de vis afin de modifier la
puissance du ferme porte effectué par le PDG de la société de maintenance
chargée d’assurer l'entretien du portail en présence de trois membres du
conseil, du gestionnaire de la régie et de moi pour les essais. Eh oui, tout ça
pour ça !
Qui est le plus handicapé ? Moi avec mon fauteuil ou les
copropriétaires dits normaux ? Chacun son handicap, moi, ce sont mes
jambes...
Rappelons que le sens habituel donné au mot ‘valide’, vient
arbitrairement des seuls valides eux-mêmes.
Une pensée aux trop nombreuses personnes handicapées, âgées,
vulnérables, qui sont bloquées chez elles, coincées à perpétuité, oubliées de
tous, complètement isolées, à cause d’un petit détail qui pourrait être résolu
facilement pourvu que quelqu’un veuille s’en donner la peine et prendre leur
problème en considération.
Les documents (la pétition, l’affichage du syndic, le blog avec ses
pertinents commentaires, les autres différents liens, le communiqué de presse,
l’article de journal, lettre anonyme… et autres renseignements) sont à
votre disposition sur simple demande.
JM GROS pseudo SORG MJ