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           NOVEMBRE 2008

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LIMITER LES CONSEQUENCES DE LA VIEILLESSE ET DE LA DEPENDANCE. AGIR SUR L’HABITAT ET L’ENVIRONNEMENT.

Pascal DREYER, Chargé de mission Leroy Merlin Source, www.leroymerlinsource.fr 

Cet article est paru initialement dans la Revue « Gérontologie et société », n° 125, Prévenir les maladies et promouvoir la santé, Fondation nationale de gérontologie, 2008. Pascal Dreyer, qui suit l’évolution de ce site, nous a aimablement proposé d’y inclure son article. Nous l’en remercions. 

Une courte biographie de Pascal Dreyer :

 

Pascal Dreyer  a travaillé pour Handicap International de 1991 à 2004, notamment comme directeur adjoint. Il y a créé Déclic, le magazine de la famille et du handicap.Il intervient aujourd’hui auprès d’entreprises et d’associations sur les questions de handicap, de vieillissement et de dépendance. Editeur et conseiller éditorial, il a dirigé la collection « Handicaps » chez Desclée de Brouwer et supervisé de nombreux ouvrages. Il est l’auteur d’une biographie de Etty Hillesum, Une voix bouleversante (DDB, 1997), de Etre bénévole aujourd’hui (Marabout, 2006)  et, avec Bernard Ennuyer, de Quand nos parents vieillissent (Autrement, 2007).

 

Contacts : E-mail : pascal.dreyer@9online.fr 

 

L’article :

LIMITER LES CONSÉQUENCES DE LA VIEILLESSE ET DE LA DÉPENDANCE

AGIR SUR L’HABITAT ET L’ENVIRONNEMENT

PASCAL DREYER - CHARGÉ DE MISSION LEROY MERLIN SOURCE

CO-AUTEUR DE « QUAND NOS PARENTS VIEILLISSENT. PRENDRE SOIN D’UN PARENT ÂGÉ ».

PARIS - ÉDITIONS AUTREMENT

Dans les sociétés occidentales, l’allongement de la durée de la vie confronte les seniors en activité ou en retraite à des problématiques nouvelles. Situés au coeur des lignes générationnelles, ils prennent en charge, accompagnent ou soutiennent leurs ascendants et leurs descendants. Le constat de l’inadéquation du système de santé aux nouvelles pathologies des âges les plus avancés peut être fait dans d’autres domaines.

Ainsi, bien que les conceptions et formes de l’habitat des Français aient évoluées au cours des quarante dernières années, celles-ci restent inadaptées pour répondre aux enjeux du maintien à domicile dans le grand âge. A côté des professionnels du handicap, longtemps seuls dépositaires d’un savoir spécifique sur l’aménagement du domicile, des acteurs grand public, spécialistes de l’habitat, diffusent désormais auprès du grand public un savoir qui répond à de nouvelles attentes en termes de confort et d’ergonomie. En présentant les résultats d’une enquête réalisée à Paris en 2006 auprès de personnes âgées vivant chez elles et en décrivant des propositions d’aménagements anticipant, sans stigmatiser, des situations de handicap ou de dépendance, il s’agit d’ouvrir un chantier de réflexion partagée entre les acteurs grand public et spécialisés de l’habitat, à tous les âges de la vie.

LIMITING THE CONSEQUENCES OF OLD AGE AND DEPENDENCE: ACTING ON HABITAT AND ENVIRONMENT

In the western world, longer life span means that active or retired seniors are faced with new problems. Placed at the midst of the various generations they take charge of, accompany or support their ascendants and descendants. The inadequacy of the health system in the face of new pathologies in old age can be demonstrated in other fields.

Thus, although the conception and shape of the French habitat have evolved over the last forty years they are still not adequate for older people remaining at home. Alongside disability specialists, who were, for many years, the only specialists in home planning for older people, well known housing appliance suppliers for the general public now offer their expertise, which responds to the latest expectations in comfort and ergonomics. By presenting the results of a survey carried out on older people living at home in Paris in 2006 and by describing anticipatory home planning proposals without stigmatising disability or dependence situations, a think tank should be set up between general public actors and home planning specialists for all age groups.

Le recours aux aides humaines est important, celui concernant les aides techniques est beaucoup plus réduit. Voir sur ce point : Aides techniques et aménagements du logement : usages et besoins des personnes âgées vivant à domicile, Drees, n° 262, septembre 2003.

LIMITER LES CONSÉQUENCES DE LA VIEILLESSE ET DE LA DÉPENDANCE

Posséder un logement qui soit aussi un chez-soi est une nécessité vitale irremplaçable pour tout homme (Le chez-soi ne peut être réduit au domicile et au logement. Certaines personnes, dans l’incapacité physique ou psychique d’investir le lieu de leur domicile, investissent des objets avec lesquels elles entretiennent un lien d’intimité important. Ce peut-être le cas du fauteuil roulant pour les personnes handicapées physiques ou du portefeuille pour les réfugiés. ) ce « chez soi » peut accueillir, voire se substituer parfois au monde, c’est en raison des sentiments d’identité et de sécurité qu’il procure. Mais son apparente évidence et permanence nous fait oublier de quelle construction fragile il s’agit. Le temps du vieillir, en raison de l’exceptionnel allongement de la vie, est l’une des situations de vulnérabilité au cours de laquelle le chez soi, tout en gardant son caractère essentiel, peut perdre son caractère d’évidence pour devenir problématique (Le temps du vieillir recouvre ici une période de trente ans et plus (à partir de 60 ans) qui comprend le temps du mourir. Cette période de la vie humaine qui suit l’interruption du travail, se découpe en plusieurs « sous périodes » dont la durée va s’amenuisant de même que les capacités physiques et/ou psychiques de l’individu. L’extrême pointe du temps du vieillir est donc le temps du mourir, temps pour lequel ni les individus ni la société ne sont suffisamment disponibles et prêts. La prise en charge des personnes est alors en grande partie déléguée aux établissements spécialisés et à l’hôpital.)

L’allongement de la durée de la vie se traduit par une santé plus fragile et une dépendance accrue aux aides humaines et techniques aux âges (En quelques décennies, la santé des Français qui se caractérisait par des maladies aiguës de courte durée et au pronostic souvent fatal, a évolué en états chroniques se muant eux-mêmes, en états chroniques invalidants aux âges les plus élevés. Voir sur ce point, Colvez Alain (2008), La santé des Français, Leroy Merlin Source, à paraître en ligne sur www.leroymerlinsource.fr.) less élevés. Mais ni le système de santé ni l’habitat n’ont pris la mesure de cette évolution sans précédent. Les usages de l’habitat et les besoins des personnes vieillissantes sont enfermés dans des clichés que professionnels et proches peinent à modifier.

Les évolutions les plus significatives en termes d’adaptation, d’aménagement et d’accessibilité du logement ont été réalisées pour les personnes handicapées, et singulièrement pour celles circulant en fauteuil roulant ou aveugles. Il a fallu attendre la loi du 11 février 2005 pour que le concept d’accessibilité intègre tous les types de handicaps, y compris psychiques et mentaux. Et si un consensus social affirme aujourd’hui qu’une accessibilité bien pensée sert toute la population, à toutes les étapes de sa vie, architectes, constructeurs et urbanistes font encore preuve de fortes résistances dans l’invention et la mise en oeuvre d’une accessibilité qui tienne compte des besoins de tous. Ces résistances ne sont pas seulement celles de milieux professionnels qui se trouveraient éloignés des problématiques sociales et de santé. Elles sont le reflet des résistances de la société toute entière qui ne perçoit que de manière confuse la nouveauté de sa situation et les enjeux de changements pour s’y adapter.

LA SITUATION NOUVELLE DES SENIORS

Les seniors 55/65 ans vivent aujourd’hui des relations intergénérationnelles inédites. Ils aident financièrement leurs enfants. Ils s’occupent de leurs petits-enfants. Leur(s) lieu(x) de vie – résidence principale, résidence secondaire, lieux de vacances – peuvent accueillir trois ou quatre générations aux besoins de confort et de sécurité à la fois différents et convergents. Ils accompagnent aussi de manière concrète leurs propres parents âgés. Coordonnant les interventions des professionnels du domicile, les seniors sont mis en demeure de décider des aménagements à réaliser et de l’introduction d’aides techniques. Ils acquièrent ainsi, sous la contrainte de situations techniquement et psychologiquement complexes, un savoir qui peut, à terme, leur être très utile. Mais ce savoir se trouve en complète contradiction avec les représentations que leur renvoie la société. Les seniors n’ont rien de commun avec leurs parents âgés : ni les valeurs, ni les références, ni les attentes en termes de vie quotidienne et de fin de vie. Peut-on croire alors, comme l’affirment certains professionnels (C’est notamment le cas des ergothérapeutes.) qu'ils peuvent, à travers l’accompagnement de leurs parents, se projeter dans leur propre vieillissement et le préparer, notamment en termes d’habitat et d’acceptation des aides techniques et autres solutions facilitantes que leurs parents jugent aujourd’hui « stigmatisantes » et dévalorisantes ?

DE NOUVELLES ATTENTES ET UN CADRE NOUVEAU POUR L’ACCESSIBILITÉ

Il semble que, outre l’acquisition d’un savoir nouveau de l’habitat par les seniors, trois facteurs peuvent contribuer à un changement d’attitude de la population toute entière vis-à-vis de l’adaptation du logement aux différents âges de la vie et plus singulièrement au grand âge.

Le premier facteur concerne l’évolution des normes de confort et la sortie du domaine spécialisé de « solutions » pour vivre chez soi plus confortablement tout au long de la vie. De grandes enseignes offrent de plus en plus de produits et de conseils facilitant l’accessibilité et plus ergonomiques. Les principales propositions de produits concernent la salle de bains (douche à siphon de sol, carrelage antidérapant, espace optimisé entre wc et douche), la cuisine ainsi que les rangements. Mais de manière plus raffinée, le conseil se déploie également dans le domaine de la circulation intérieure / extérieure en prenant en compte les aides techniques légères (cannes, déambulateur).

Le second facteur concerne la place des tiers au domicile. L’intervention des auxiliaires de vie et des professionnels du maintien à domicile transforment en effet le logement des personnes en « salle des pas perdus ». (Yves Lacroix, quadraplégique et infirme moteur cérébral, a rappelé dans de nombreux articles qu’il avait accueilli chez lui, en 27 ans de vie à domicile, 350 auxiliaires de vie. Il en éprouvait une grande lassitude mais il y voyait aussi le prix à payer pour une vie autonome. On imagine sans peine la difficulté pour une personne âgée d’accueillir chez elle – où elle ne recevait plus que des proches, voire personne – une personne étrangère). Les seniors qui ont accompagné des parents âgés savent que s’ils veulent conserver leur autonomie le plus longtemps possible et recevoir toute l’aide dont ils auront besoin au moment opportun, il leur appartient de repenser leur habitat dans une triple perspective : sa modularité, la préservation des espaces de la vie privée et de l’intimité, la place (ponctuelle ou durable) des aidants à redéfinir (La place des aidants est souvent envisagée dans l’ordre de la relation, avec ses principales répercussions et enjeux psychologiques. Un chantier doit être ouvert avec des architectes sur la question sensible de la place des aidants familiaux au domicile de leurs parents âgés.). Le dernier facteur est en relation avec l’évolution des conceptions du cadre bâti de l’accessibilité des professionnels du secteur de la construction avec la mise en oeuvre de la loi de 2005 d’ici 2015. Les logements accessibles devraient se généraliser et par là même se banaliser (car ne se limitant plus aux logements en rez-dechaussée).

 

Aussi, pour l’avenir, nous pouvons penser que les seniors sont porteurs d’un changement d’attitude à travers l’acquisition et la transmission d’un savoir nouveau de l’habitat qui devrait conduire à une conception évolutive du chez soi, centrée sur une lecture positive des potentiels restants (plutôt que sur les pertes).

UN HABITAT ET DES USAGES NOUVEAUX : DES FRONTIÈRES PLUS IMMATÉRIELLES ENTRE ESPACES PRIVÉS ET ESPACES PUBLICS

Au cours des dernières décennies, nos conceptions et vécus de l’habitat ont largement évolué. A une organisation rigoureuse des pièces, dévolues à des fonctions précises, a succédé l’invention par chacun d’un habitat multifonctionnel aux frontières intérieures immatérielles. Pour les générations les plus âgées, l’espace du chez-soi est constitué d’espaces publics et privés nettement délimités : pièces de réception, pièces réservées à la vie quotidienne de la famille et pièces réservées à la vie intime du couple. Chez les plus jeunes, les frontières se brouillent, les espaces s’ouvrent. La cuisine est autant le lieu de préparation des repas qu’un espace de convivialité où l’on prend ses repas et où l’on reçoit si la pièce est suffisamment grande. La cuisine à l’américaine, ouverte sur le séjour, devient même, en raison des contraintes d’espace, la règle dans les appartements adaptés. La salle à manger et le salon, d’abord simplement réunis, ont fini par fusionner pour devenir la « pièce à vivre » qui accueille les activités de chaque membre de la famille et les activités réalisées ensemble. Les chambres, même si elles restent le lieu de l’intime (affectif et sexuel), se sont ouvertes sur le monde : la télévision et l’ordinateur y ont leur place. Elles peuvent aussi, là encore pour des raisons de place, être le lieu d’activités professionnelles avec l’installation d’un bureau ou par un double usage de l’ordinateur.

UN HABITAT QUI DOIT S’ADAPTER AUX MUTATIONS QUI AFFECTENT LA PERSONNE, LE COUPLE ET LA FAMILLE

L’habitat doit aussi répondre aux nouvelles organisations de vie de l’individu et de la famille : du célibataire à la famille recomposée dont certains des enfants voyagent entre deux « chez eux », en passant par la famille monoparentale et la famille « classique ». Il doit s’adapter aussi à chacune des crises naturelles de la vie. Le passage à la retraite, par exemple, inaugure une nouvelle et longue période de vie pour le couple. La « nouvelle » rencontre des conjoints qui se sont surtout « côtoyés » dans l’espace du domicile est rarement simple. Les négociations entre époux sur les usages des différentes pièces du logement à partager et à occuper de nouvelle manière peuvent révéler ce que le chez soi avait jusqu’alors dissimulé : qui est chez soi de l’époux ou de l’épouse dans la maison commune ?

Enfin, le logement doit s’adapter aux personnes dont les capacités physiques ou psychiques (maladies invalidantes, désorientation, maladie d’Alzheimer, démence) se modifient brutalement ou au fil du temps. Il doit leur offrir la possibilité de continuer à vivre normalement et participer à la prévention des risques, qu’il s’agisse de ceux courus par la personne elle-même et par ses proches et les professionnels (Pour les proches comme pour les professionnels, il y a la fatigue physique et l’usure. Pour les aidants familiaux, on évoquera ici le burn-out ou burden ainsi que les pathologies propres à l’aide (stress chronique, pathologies cardio-vasculaires, etc.). Elisabeth (2007), Les risques d’épuisement pour les aidants familiaux et professionnels, in Réadaptation, n° 537, février 2007). Le logement doit être facilitant pour les intervenants qui vont s’y user tout en conservant son rôle identitaire pour l’individu.

L’HABITAT EN FIN DE VIE : QUI EST CHEZ QUI ?

Les états chroniques se transformant en états chroniques invalidants suscitent trois types d’interventions chez les personnes âgées qui en ont le besoin :

– l’intervention plus ou moins importante et régulière des proches et des professionnels (la femme de ménage, les auxiliaires de vie, l’infirmière en libéral, etc. ;

– la mise en place d’aides techniques, depuis la canne et le déambulateur jusqu’au lit médicalisé, mise en place qui se situe presque toujours à l’intersection des besoins de la personne âgée (sécurité et confort quand il y a confinement au lit par exemple) et des aidants (les soulager physiquement lors des manipulations de la toilette et des soins, les rassurer la nuit grâce aux barres) ;

– l’aménagement et / ou l’adaptation des pièces plus utilisées par la personne pour le maintien de ses activités personnelles ou pour les besoins des aidants dans leurs activités d’accompagnement (dont repos, toilette, etc.). La superposition de ces trois types d’interventions dans l’espace même du domicile en brouille la perception pour la personne qui y vit. Notamment lorsque la salle à manger, au rez-de-chaussée de la maison et à laquelle on apportait tant de soins pour recevoir, devient une chambre à coucher, une salle de réunion pour la famille et les intervenants extérieurs, ou le lieu de remisage des aides techniques non utilisées. L’espace psychique du domicile est profondément altéré de même que l’organisation psychique (à la fois intellectuelle et émotionnelle) de la personne qui a perdu ses repères.

Cette superposition prive aussi le domicile de son épaisseur temporelle propre. Les interventions les plus longues, celles des proches, se « frottent » (parfois jusqu’à faire des étincelles) à celles, définies et ponctuelles, des intervenants professionnels. La personne âgée ne vit plus à son rythme mais à celui, heurté, parfois contradictoire, bruyant, des aidants.

La déstructuration de l’espace/temps du chez-soi désoriente la personne qui, ne se reconnaissant plus chez elle, ne se (re)connaît plus elle-même (. Il va de soi que cette déstructuration de l’habitat des personnes âgées se fait au nom de leur autonomie et de leur maintien à domicile. Ni les proches ni les intervenants professionnels ne souhaitent détruire volontairement l’espace/ temps fragile du logement où ils interviennent. Bien au contraire. C’est là le paradoxe des adaptations proposées. Il n’est pas indifférent de constater que souvent les conjoints plus autonomes résistent à tout changement, et pas seulement par conservatisme : ils protègent l’essence même d’une longue existence, préférant perdre sur un plan matériel et physique plutôt que psychique. C’est au moment de la disparition du conjoint « garde-fou » que les proches et les professionnels interviennent sur le logement. ). Les effets de cette déstructuration sur la capacité de liens et de projet de vie de la personne âgée révèlent, comme un négatif photographique, les dimensions psychiques, aussi invisibles que puissantes, de l’habitat. Des dimensions dont il faut tenir compte lors de la mise en oeuvre d’un projet d’aménagement ou de réaménagement.

Ces interventions objectives et visibles posent la question : qui est chez qui ? A qui sont destinées les aides techniques et la sécurité mise ne place ? Quel est le but des adaptations ? Les proches et les professionnels ont-ils été capables de placer la personne au coeur du projet et de la considérer comme un interlocuteur digne de confiance dont la parole est respectée, y compris lorsqu’elle refuse ce qui serait bien pour elle ?

PENSER UN HABITAT ÉVOLUTIF POUR LA DERNIÈRE PARTIE DE LA VIE

L’évolutivité et l’adaptation du logement aux besoins de ses habitants peuvent permettre de repousser plus loin voire définitivement le « spectre » de la maison de retraite et favoriser le retour à domicile lors des épisodes hospitaliers qui ne manquent pas de survenir dans la fin de vie. A condition que la personne qui y vit en soit l’actrice et accepte les changements qui lui seront proposés. Et ces aménagements ne remplaceront jamais le besoin d’aides humaines et le besoin de relations.

Anticiper le moment où l’on aura besoin de certaines adaptations est impossible. On peut ne jamais avoir besoin de barres de relèvement par exemple. Mais lors de la dernière rénovation de son lieu de vie, chacun doit s’assurer que, dans la salle de bains, la baignoire pourra être adaptée – ou permettre le passage du lève-personne – ou transformée en douche, que les plans de travail dans cette pièce et dans la cuisine sont à la bonne hauteur, tout comme le wc suspendu, que la circulation entre les pièces est fluide (largeurs de porte, ressauts des seuils, accès des balcons et des terrasses). Autant de détails qui sont encore de peu d’importance à 65 ans mais deviennent cruciaux à partir de 80 ans. Il ne s’agit donc pas d’anticiper le pire mais de parvenir à concevoir une nouvelle norme de confort qui intègre le moment où l’on aura peut-être besoin d’équiper son lieu de vie au regard de ses nouvelles capacités. De ce point de vue, architectes, architectes d’intérieur et maîtres d’ouvrage doivent combler un important retard dans leurs savoirs et dans la relation à leurs clients. Certains n’hésitent pas à dire que leur métier n’est pas « de transformer le domicile de leurs clients en hôpital » ou « la cité en ville pour handicapés » ! Ce faisant ils refusent de répondre aux besoins réels des seniors et de leurs clients les plus âgés.

L’EXEMPLE DE L’HABITAT PARISIEN AU-DELÀ DE 80 ANS

Dans le cadre d’une étude menée en 2006 par l’Atelier parisien de santé publique pour ILC-France, l’entreprise Leroy Merlin a souhaité mieux connaître la qualité de vie des habitants les plus âgés de Paris vivant dans leur logement (Vieillissement, qualité de vie et santé selon l’environnement social urbain, Rapport Leroy Merlin, ILC-France, décembre 2006. Ce rapport est disponible sur le site de Leroy Merlin Source : www. leroymerlinsource.com. ). Un questionnaire conçu avec l’entreprise et administré en face à face a permis de recueillir le vécu du logement, les projets de travaux, les interactions avec autrui et les accidents et risques de chute de personnes âgées de 80 ans et plus. Il n’est pas indifférent de savoir qu’au moment de l’enquête les personnes interrogées vivaient en moyenne depuis 34,2 ans dans leur logement, soit une période couvrant plus d’un tiers de la vie humaine.

Plus d’un tiers des personnes interrogées a déclaré être en excellent ou bon état de santé physique, et plus particulièrement celles de moins de 80 ans, et plutôt les hommes que les femmes. Les deux tiers des personnes interrogées ont déclaré être autonomes, c’est-à-dire pouvant réaliser sans difficulté « quatre activités de la vie courante comme utiliser le téléphone, les transports, prendre des médicaments et gérer son argent. Le tiers restant a déclaré réaliser avec un peu ou beaucoup de difficulté et même ne pas pouvoir réaliser au moins une de ces quatre activités » (Opus cité).

L’enquête ayant été réalisée à Paris, la majorité des répondants (97,6 %) vivait en appartement en immeuble ; 76,5 % des personnes dans un immeuble avec ascenseur ; 65,5 % d’entre elles bénéficiant des services d’un concierge. La taille des appartements variait de 16 m2 à 340 m2 (Le lecteur trouvera dans le rapport l’ensemble des informations sociodémographiques concernant l’échantillon des personnes interrogées ainsi que leur statut vis-à-vis du logement : propriétaire, locataire, hébergement à titre gratuit.).

LE VÉCU DU LOGEMENT

Contrairement à l’image qui en est souvent donnée et qui a succédé dans l’imaginaire collectif à celle de la grand-mère tricotant au coin du feu ou assise dans sa cuisine, les personnes âgées ne vivent pas confinées dans leur chambre. La pièce où elles passent le plus de temps est la pièce à vivre (salle à manger, séjour, salon) pour 71% d’entre elles – contre 18,6 % pour la chambre, 4,7 % le bureau et surtout 3,4 % la cuisine. Alors que leur univers s’est beaucoup rétréci à la fois géographiquement et relationnellement (notamment à cause de l’éloignement des proches et le décès des amis de la même génération), elles continuent d’investir la pièce qui marque la relation au monde, la pièce où l’on reçoit. Et l’on comprend alors qu’elles n’acceptent qu’avec de très grandes réticences de voir cette pièce « publique » se transformer en chambre pour des raisons de commodités. C’est comme de se retrouver dehors en pyjama !

Contrairement à un second cliché, les personnes âgées – sauf celles vivant en studio – utilisent toutes les pièces de leur logement tous les jours : chambre, pièce à vivre, cuisine, salle de bains. Le confort, la sécurité et l’accessibilité des pièces est jugé bon et très bon. De manière significative, c’est dans la salle de bains et la cuisine que les critères de sécurité et de confort sont les moins bons, même si c’est à la marge. Et c’est dans la chambre puis dans la cuisine que l’accessibilité aux rangements est jugée la plus mauvaise. L’enquête manifeste ainsi sans le dire le différentiel d’appréciation qui existe toujours entre personnes âgées, proches et professionnels sur les questions de sécurité personnelles et collectives. Même si proches et professionnels n’ont pas été interrogés, il y a fort à parier que pour un certain nombre d’appartements, ils auraient jugé très différemment chaque pièce en matière de confort et de sécurité.

Enfin, une majorité de personnes se déplace très facilement ou facilement dans son logement. Celles qui se déplacent plus difficilement utilisent une aide technique (canne, déambulateur) ou des points d’appui (meubles).

Ces résultats concernant les usages du logement confortent l’expérience des familles. Les personnes âgées se déplacent fréquemment dans leur maison, « utilisant » toutes les pièces autant comme un « palais de mémoire » (Frances A. Yates, L’art de la mémoire, Bibliothèque des histoires, Gallimard, 1975 (nouvelle édition 1987). Les personnes âgées évoquent spontanément le classement de leurs souvenirs selon les pièces de la maison : « j’ai remisé mes souvenirs au grenier (ou à la cave) faute d’amis ou de proches avec qui les partager ou pour les comprendre », les souvenirs sont bien rangés et ainsi faciles à retrouver) de leur vie passée et présente que comme des lieux d’activité proprement dit. Elles y retrouvent en effet des souvenirs qu’elles peuvent mobiliser à leur gré. Ce sont ces dimensions de mémoire que les proches ne perçoivent plus lorsqu’ils décident de rénover, d’adapter ou d’aménager le logement de leurs parents ou proches les plus âgés.

TRAVAUX ET PRÉVISIONS DE TRAVAUX AUTOUR DE 80 ANS ET PLUS

Dans les dix dernières années, 62,6 % des personnes ayant répondu au questionnaire avaient fait réalisé des travaux pour adapter le logement à leurs nouvelles capacités physiques : des « petits travaux » (adaptation de l’existant) pour 67,7 % d’entre elles et/ou des « gros travaux » pour 46,2 % d’entre elles. Ce chiffre est cohérent avec l’expérience des centres de conseils et d’information sur les aides techniques comme des familles. La réticence des personnes âgées au changement de leur lieu de vie, la crainte de

l’intervention de personnes inconnues, le refus de la saleté des travaux comme celui d’être hébergées ailleurs au cours de cette période expliquent certainement le choix d’adaptation légères ne touchant pas au bâti et permettant malgré tout de rester chez soi. Par ailleurs, la peur de voir se déprécier ce qui sera transmis aux enfants par l’adjonction d’aides techniques stigmatisantes et négatives est réelle et souvent avancée comme raison du refus.

Des travaux futurs (dans l’année) ne sont envisagés que par une personne sur 5 (soit 19,9 % des personnes interrogées) et seulement par les personnes âgées ayant des revenus suffisants. Ces travaux concernent en général la pièce à vivre, puis la cuisine, la salle de bains et enfin la chambre. Les types de travaux, par ordre d’importance, sont : peinture et rafraîchissement (plus de la moitié des personnes), et, loin derrière, les réparations consécutives à un dégât des eaux. Refaire sa salle de bains, changer la baignoire pour une douche, réaliser des travaux d’agrandissements, changer le système de chauffage, refaire la plomberie ou l’électricité, faire installer un matériel spécifique (1 personne sur 59) n’apparaissent pas comme des priorités. La crainte de tomber, la prévention des risques ainsi que l’amélioration de son confort non plus bien que les personnes interrogées aient plus de 80 ans. Au-delà des craintes évoquées plus haut, la méconnaissance des outils et solutions semble importante.

Enfin, il était plus largement demandé aux personnes interrogées de préciser leurs souhaits en matière d’amélioration de leur logement, hors toute perspective de travaux. Nous retrouvons dans les souhaits formulés le rafraîchissement ou les peintures, signe que les personnes âgées attachent une grande importance à la conservation de leur lieu de vie et à leur qualité de vie quotidienne. Viennent ensuite trois types de souhaits :

– l’installation ou le changement de meubles et de l’électroménager (installation de grands placards de rangement, machine à laver, fauteuil, micro-ondes, lave-vaisselle, sèche-linge, lit, téléalarme) ;

– l’adaptation de la salle de bains (installation d’une douche, aménagement de la salle de bains et des wc) ;

– la lutte contre les nuisances sonores par l’installation d’un double vitrage.

Les personnes qui n’ont pas de souhaits particuliers pour l’amélioration de leur logement (54,9 % d’entre elles) invoquent comme principale raison le fait de ne pas avoir de besoins spécifiques. Un déménagement à brève échéance, le statut de locataire, l’état de santé ou penser mourir chez soi ne sont que des raisons marginales à ce refus d’amélioration.

COMMENT ACCUEILLIR CHEZ SOI LES PROCHES ET LES AIDANTS ?

L’isolement des personnes âgées dans les grandes villes est une réalité qui sera peut-être augmentée à l’avenir par les grands écarts intergénérationnels (Il ne s’agit pas ici de stigmatiser les familles, massivement présentes encore aujourd’hui auprès des proches âgés mais de noter que cette présence est rendue difficile à certaines périodes de l’année (vacances) et par l’éloignement géographique progressif ou la moindre disponibilité des membres d’une même famille, notamment pour des raisons professionnelles. ). Cet isolement est un facteur de risque important tant en termes de santé psychique, physique que sociale (Collectif « Combattre la solitude », Enquête isolement et vie relationnelle, synthèse du rapport général par Anne-Carole Bensadon (octobre 2006). «La proportion de personnes habitant seules est trois fois plus forte qu’en 1962 du fait de la diminution des cohabitation intergénérationnelles. (…) L’isolement résidentiel constitue ainsi le mode de vie le plus courant chez les personnes de plus de 60 ans mais l’isolement social ne coïncide pas forcément avec cet isolement résidentiel et les résultats de l’enquête corroborent les données de la littérature sur l’accroissement de l’isolement social avec notamment l’avancée en âge, un niveau socio-économique faible et des problèmes de santé ou de handicaps». Cette synthèse est consultable sur le site des partenaires de l’enquête dont la Croix-Rouge et l’Unaf. ). Il vient en effet aggraver les pathologies sociales et de santé liées à l’âge.

L’étude a mis en lumière deux résultats importants. Aux âges élevés de la vie, peu de personnes louent une pièce de leur appartement à un étranger : seulement treize personnes sur le panel de l’enquête. Les raisons invoquées pour ouvrir sa porte à un « étranger » sont essentiellement des raisons financières, le fait de ne pas être seul(e) et rendre service à un(e) étudiant(e). La décision de louer une pièce avait été majoritairement prise par la personne elle-même.

Plus intéressants sont les résultats concernant la place des aidants familiaux et professionnels dans le logement. Plus de la moitié des personnes interrogées (58,3 %) ont ainsi déclaré qu’une personne de leur entourage ou un professionnel passait occasionnellement la nuit chez elles. Dans ce cas, les personnes accueillies dorment et séjournent dans une chambre (65,2 % des cas), dans le séjour/ salon (26,1 %), dans une autre pièce - bureau, dressing, entrée ou studio attenant – (8,7 %). Outre le fait que ces résultats rappellent la corrélation moyens financiers et aide reçue (ce sont les personnes âgées dont l’appartement possède au moins deux chambres qui bénéficient le plus de l’aide occasionnelle la nuit d’un proche ou d’un professionnel), on doit s’interroger sur la place laissée aux aidants réguliers dans un lieu de vie qui n’est pas ou plus le leur, selon leurs liens avec la personne aidée. Le retentissement psychologique de l’accompagnement et de la dépendance sont indissociables du respect des aidants envers le logement de la personne dépendante mais aussi et surtout de la place qui leur est laissée, place qui doit leur permettre d’apporter leur aide sans porter atteinte à l’intégrité du chez soi de la personne aidée. Cet équilibre délicat à trouver lorsqu’aucun lieu précis ne peut être dédié à l’aidant doit faire l’objet d’un dialogue permanent. Et il appartient aux architectes et concepteurs de logements travaillant à partir de la loi de 2005 d’intégrer, au-delà de la situation de handicap elle-même, la place des aidants (Lacroix Yves (2008). Accompagner les personnes handicapées à domicile, une vie négociée, La chronique sociale. ).

LES RISQUES DE CHUTE

L’étude confirme la littérature sur le même sujet : le risque de chute croit avec l’avancée en âge. 62,3 % des personnes interrogées ont déjà fait une chute à leur domicile. Plusieurs facteurs concourent à la chute : l’état de santé, les pathologies du vieillissement, le contexte psychologique de la personne et son environnement. Contrairement à une opinion répandue, ce n’est pas la nuit que les personnes chutent le plus souvent. Les perceptions kinesthésiques et les habitudes profondes de l’habitat concourent à de bons repères, même dans un demi-sommeil. En revanche, le sol glissant des pièces humides (salle de bains, cuisine) et les obstacles créés par les petits meubles déplacés par l’auxiliaire de vie ou le proche alors qu’ils servent de points d’appui favorisent la chute. A lire ces résultats, on perçoit combien l’aménagement de l’habitat est nécessaire pour favoriser l’autonomie maximale de la personne chez elle mais aussi combien il faudra savoir jouer avec des paradoxes et des contradictions pour élaborer la meilleure des solutions. Une solution toutefois toujours temporaire car en relation étroite avec l’évolution de l’état de santé, des capacités et des besoins et attentes des personnes âgées elles-mêmes.

UN EXEMPLE D’AMÉNAGEMENT GRAND PUBLIC NON STIGMATISANT : LA SALLE DE BAINS

Quel que soit son âge, l’aménagement ou le réaménagement de la salle de bains a pour objectif de permettre à la personne de faire sa toilette, seul(e) ou avec une aide, en respectant et en préservant son intimité. Si la qualité de la relation est essentielle à ce moment, une bonne organisation du lieu pour la personne aidée et pour l’aidant est fondamentale. Les seniors mènent le dernier grand chantier de réaménagement de leur domicile entre 55 et 70 ans. Ces travaux permettent de se réapproprier son chez soi après la vie professionnelle et de l’adapter à une vie nouvelle et à de nouvelles relations de couples et familiales. Ils sont l’occasion de le penser évolutif à la fois pour les personnes qu’il va accueillir et pour soi-même. La salle de bains est le lieu emblématique de toutes ces évolutions : c’est dans son espace que se concentre la plupart des difficultés lorsque surviennent la diminution de sa mobilité, de sa force et les accidents de santé.

La salle de bains présentée ici a été conçue pour des seniors (Elle était proposée par Leroy Merlin dans le catalogue salles de bains 2007. Cette proposition indique qu’un savoir, jusqu’à présent détenu par les professionnels (ergothérapeutes pour l’essentiel, architectes), se diffuse plus largement. L’un des chantiers professionnels à ouvrir est celui de l’articulation entre conseil grand public et conseil spécialisé. De nombreux acteurs vont se positionner dans les années à venir sur le terrain du domicile (de la grande distribution aux mutuelles en passant par les acteurs institutionnels). Si elle propose le maximum de solutions facilitantes, il faut l’imaginer être équipée progressivement de tout ou partie seulement des équipements proposés. Elle montre bien qu’à partir d’une accessibilité globale et confortable sans être stigmatisante, il est possible d’y intégrer des aides techniques en fonction des besoins, sans la transformer en salle de bains hospitalière et toucher aux repères acquis. Ce projet permet de gérer des ajouts et non des suppressions de repères.

LES SOLS

Les sols doivent être non glissants et sans seuils ou ressauts. Il existe aujourd’hui une grande variété de carrelages antidérapants qui n’ont plus l’aspect de ceux des cuisines industrielles. La meilleure façon de réaliser un sol antidérapant est de multiplier les surfaces de joint entre les carreaux. Les carreaux 5 x 5, type émaux de Briare, qui existent dans de nombreuses couleurs permettent de réaliser de nombreuses combinaisons, dont les sols de douche dite à l’italienne (siphon de sol).

LES CHEMINEMENTS

Les murs doivent avoir été conçus pour supporter la pose de barres de cheminement aussi souvent qu’il est nécessaire. Ces cheminements présentés ici dans la cabine de douche et l’espace de séchage peuvent être articulés avec des points d’appui fixes (meubles, plans de travail).

LE WC ET DOUCHE

Un espace commun réuni le wc et la douche afin d’optimiser une petite surface. En enlevant la paroi de douche, un déambulateur (ou un fauteuil roulant) peut aisément se placer pour permettre le transfert autonome ou non de la personne.

Le wc a été suspendu afin d’être à la bonne hauteur pour la personne. Attention aux personnes qui ne suivent pas les chantiers : le choix du wc suspendu sera inutile si le plombier le règle à sa taille ! Cela arrive beaucoup plus souvent qu’on ne l’imagine.

La cabine de douche est de grande taille : elle peut permettre soit l’installation d’un siège de douche relevable (utile aux personnes fatigables ou ayant des troubles de l’équilibre durant leur toilette), soit l’installation d’un fauteuil de douche. Elle se poursuit dans une zone de séchage équipée d’un petit banc maçonné.

La paroi de douche peut être sérigraphiée afin de préserver l’intimité de la personne durant sa toilette. En cas de besoin d’aide important, il existe, comme indiqué dans l'illustration ci-contre, des demi parois articulées qui permettent à un aidant de doucher la personne sans se mouiller ni entrer dans l’espace de douche.

L’ESPACE LAVABO

La mise en place de la vasque doit anticiper une possible toilette en position assise. Le meuble supportant la vasque est équipé de portes battantes et d’étagère plutôt que de tiroirs afin de pouvoir les retirer et libérer l’espace afin de permettre à la personne d’y glisser confortablement les genoux. Les équipements de plomberie sous vasque sont calorifugés pour éviter les brûlures en cas d’insensibilité des jambes. La vasque est peu profonde pour permettre la saisie des objets de toilette. Le miroir au-dessus de la vasque sera incliné afin de permettre à la personne de se voir confortablement. Lorsqu’un miroir de ce type ne peut pas être installé, le choix pourra se porter sur les miroirs extensibles (lumineux ou non). La robinetterie sera choisie en fonction des capacités de préhension de la personne au moment opportun.

LES RANGEMENTS

Dans la mesure du possible les rangements hauts sont à proscrire au profit de rangements bas à tiroirs ou étagères filaires à sortie totale. La personne peut ainsi voir entièrement leur contenu sans les fouiller à l’aveugle. Si des rangements hauts existent, leur usage doit être réservé aux objets peu utilisés.

L’ÉCLAIRAGE

La baisse de la vision concerne une majorité des seniors. Un éclairage global, diffus et indirect sans zones d’ombres et faux jours sécurise les déplacements et facilite la reconnaissance des objets. Pour les soins du visage et de précision, privilégier un éclairage froid. L’éclairage de l’intérieur des meubles qui se déclenche automatiquement permet de repérer plus facilement les produits et de ne pas se tromper, surtout quand il s’agit de médicaments.

Cette seconde proposition de salle de bains a été conçue par des proches pour une personne hémiplégique vivant en famille. Le choix a été fait de conserver la baignoire d’angle pour les membres de la famille pouvant l’utiliser. Une douche à siphon de sol (dite aussi douche à l’italienne) a été créée. Equipée de parois mobiles et pliantes à mi-corps, elle permet une douche accompagnée par un tiers.

Nous avons essayé de montrer, tout au long de cet article, le rôle de l’habitat dans la dernière partie de la vie. L’enjeu actuel est de prendre la mesure de ce que représente les trente dernières années de la vie humaine qui se caractérisent par la perte plus ou moins importante selon les individus de capacités physiques et psychiques et l’apparition de dépendances fonctionnelles et parfois d’une perte d’autonomie, « c’est-à-dire la perte de la capacité de la personne à se fixer ses propres lois » (Sur ce point voir Ennuyer Bernard (2005), Les malentendus de la dépendance, Dunod).

L’aménagement du logement et son adaptation à l’évolution des capacités de l’individu contribuent à la compensation et à la limitation des dépendances fonctionnelles et au maintien d’un niveau d’activité satisfaisant. Il contribue aussi à préserver les repères psychiques et affectifs de personnes désorientées lorsqu’il est pensé de manière cohérente et anticipatrice. Mais l’aménagement du lieu de vie d’une personne aux capacités changées ne pourra jamais se substituer au rôle des proches, essentiel pour la qualité de vie de la personne âgée.

Mais aménager le lieu de vie, le chez soi, ne doit pas avoir pour résultat de constituer une île accessible au milieu d’un océan d’obstacles. Les proches et les professionnels doivent veiller à la continuité de la chaîne de déplacement, au sein des parties communes de l’immeuble ou dans le jardin, mais aussi à l’extérieur du logement. On peut imaginer que la population vieillissante et âgée va bénéficier dans les années qui viennent de la mise en place de l’accessibilité telle qu’elle est conçue dans la loi de 2005.

Mais cette vision globale de la chaîne de déplacement de l’individu va rencontrer plusieurs types de difficultés. Les premières seront liées à la conception même de la chaîne de déplacement

– nous avons vu que tous les professionnels de l’habitat et de l’équipement sont loin de posséder toutes les clés pour mettre en oeuvre de manière cohérente et raisonnée les principes de la loi. Elle va également rencontrer des difficultés liées aux moyens alloués : dans un pays dont le patrimoine est important, mettre en conformité des habitats anciens va demander d’importants moyens et donc de véritables arbitrages (Serrus Jean-Pierre (2008). Les politiques publiques en matière d’accessibilité et d’urbanisme, in Quand l’habitant réinterroge son habitat, Leroy Merlin Source. Publié en ligne sur www. leroymerlinsource.com.). Enfin, on peut imaginer que certains territoires deviendront définitivement inaccessibles faute de pouvoir être rendus totalement accessibles. Pour autant, des personnes âgées, voire très âgées y vivent aujourd’hui. C’est ce que constatait Huguette Marchis-Foy-Mourens, médecin généraliste à Lyon, sur les pentes de la Croix-Rousse (Dreyer Pascal & Ennuyer Bernard (2007), Quand nos parents vieillissent, Autrement, p. 42 et suivantes.): il leur faut simplement le temps de la demi-journée pour faire ce que nous aurions fait en une demi-heure. Déraciner ces personnes très âgées au motif de leur offrir un rez-de-chaussée accessible dans un quartier qu’elles ne connaissent pas, où elles n’ont aucun souvenir, n’est-ce pas les faire mourir brutalement à elles-mêmes ? Politiques publiques, décisions locales et capacités individuelles, éthique de la décision publique doivent être articulées pour produire des décisions justes. Et humaines. La principale difficulté que l’on constate chez les seniors à penser l’aménagement de leur domicile, c’est le renvoi explicite de cette réflexion à la question de leur propre disparition. Si les Français souhaitent, dans leur immense majorité, mourir chez eux, cette seule pensée les terrifie. Pourtant vient inéluctablement, pour chacun de nous, le moment où les aides techniques et les aménagements ne sont plus d’aucun secours, le moment où la vie se termine. Mourir chez soi c’est, d’une certaine manière mourir sans voir ses souvenirs dégradés ou stigmatisés et l’ordre de la maison que l’on a construit avec le conjoint déjà disparu intact. C’est partir avec intégrité. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, quelques personnes très âgées souhaitent partir de chez elles après les aménagements et réaménagement réalisés par leurs proches. L’anticipation de l’aménagement du logement et du chez soi n’a donc de sens que s’il prend part au projet de vie de chacun, que nous y participons activement. Dans ce vaste chantier du rôle de l’habitat dans la dernière partie de la vie, la question de la place des aidants va devenir centrale. Tout le reste risque fort de n’être que replâtrage.