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Septembre   2012

 

 

LA FOI AIDE-T-ELLE A GUERIR?

 

Jean DISEROI

 

Dossier les chemins de la guérison

                  

         Juillet-août 2012-Le monde des religions.

 

 

Selon certaines études scientifiques, la prière participerait à la rémission de bon nombre de malades. Si la foi n’a pas de rôle curatif avéré, elle leur permet de s’intégrer à une communauté de croyance et d’entretenir l’espoir d’une guérison.

 

 

« Une large part du corps scientifique considère que la religion a un impact positif sur la santé », explique dans le Time Magasine, le docteur Andrew Newberg, professeur de psychologie et d’études religieuses à l’université de Pennsylvanie. « La façon dont le cerveau fonctionne est tellement compatible avec la spiritualité qu’il va être compliqué de faire la part des choses avant longtemps. » Un sentiment partagé par Guy Jobin , théologien à l’université de Laval au Québec  et l’un des auteurs du pouvoir de guérir, numéro spécial de la revue d’éthique et de théologie morale consacrée au lien entre médecine et religion . A son sens , médecine et « expérience religieuse et spirituelle , en temps de maladie , partagent la même caractéristique agonistique : ce sont deux formes de sursaut contre la fatalité », celle d’une impossible guérison.

 

Cerveau et «  zone de Dieu »

 

Grâce aux nouvelles technologies disponibles en imagerie médicale, le docteur Newberg et son équipe sont aujourd’hui capables d’identifier les parties du cerveau qui interviennent lors d’expériences religieuses comme la  prière et la méditation. S’il vous est arrivé un jour de prier tellement fort que vous avez perdu le sens de l’espace , ou de méditer si profondément que vous aviez l’impression que votre corps avait disparu, c’est simplement dû à l’activité dans le lobe temporal ( longtemps considéré comme la « zone de Dieu »), à la diminution d’activité dans le lobe pariétal  ( impliqué dans l’orientation dans l’espace et l’évaluation des distances ) ou encore à l’augmentation de l’activité dans  le système limbique ( liée aux émotions au sentiment de bien-être ). L’expérience religieuse -qu’elle soit méditative , extatique ou même visionnaire - est désormais perceptible hors du religieux et de ceux qui l’administrent . Le peu de recherches françaises sur le sujet - sans doute imputable à l’absence des puissantes fondations religieuses qui les financent aux Etats-Unis  (comme la fondation Templeton ), mais aussi à une approche différente de la laïcité-oblige à se tourner vers une situation américaine.

 

 

Une plus grande résilience

 

 

En 2001, un article de l’université d’Oxford synthétisait plus de 1 200 études sur la question . Il en ressortait que croire , prier, pratiquer une religion amène à une meilleure résilience aux maladies mentales comme la schizophrénie , et a une action positive sur la pression artérielle et les fonctions immunitaires . Consommation d’alcool, de drogues , tabagisme dépression , suicide ….Autant  de dysfonctionnements  et de pathologies qui ne résisteraient pas à un engagement religieux , à montré Sian Cotton, psychologue de l’Ohio , dans une étude sur les comportements des adolescents.

 

Médecine et « expérience religieuse et spirituelle en temps de maladie , ont la même caractéristique : ce sont deux formes de sursaut contre la faillite »

 

Ces corrélations statistiques ne font pas de la prière un médicament .

Croire permettrait surtout de mieux supporter la maladie, favorisant le traitement, comme l’établissent les travaux du docteur Gail Ironson, professeur de psychiatrie et de psychologie à l’université de Miami, qui étudie le lien entre VIH et croyance religieuse: « Même en tenant compte des médicaments , la spiritualité apporte un meilleur contrôle de la maladie. » Si les études peinent à isoler les causes de la guérison ( sociologues , psychologues ou scientifiquement inexplicables ), croire semble faire un sens pour beaucoup de malades. Dans un article du Los  Angeles Times, qui publiait un sondage selon  lequel , en 2004, 43% des Américains priaient pour leur santé et 24% pour celles des autres , le docteur Mitchell Krucoff , explique :  « J’ai vu de nombreux patients proches de la mort , et ce qui détermine leur survie dépasse souvent la technologie et la médecine. Que vous appeliez cela la foi, l’énergie divine ou l’effet placebo , ce facteur fait une différence. »

Le dossier du Time magasine recensant les études sur le lien entre la santé et religion relatait le cas d’un patient atteint d’un cancer , décrit par le docteur Newberg, dont la tumeur avait diminué lorsqu’il avait reçu un médicament expérimental. Pourtant , après qu’il eut appris que le médicament était inefficace chez d’autres , la tumeur avait recommencé  à grossir. En somme, la foi dans le traitement est aussi importante -pour un certain type de maladie où  le psychosomatisme est évident -que le traitement lui-même .  Grâce à la vulgarisation de nombreux travaux sur l’effet placebo, on comprend désormais assez aisément que croyance  et confiance peuvent se rapporter de manière  toute impertinente à Dieu autant qu’à un traitement. Il ne faudrait pourtant pas réduire la croyance à sa dimension psychologique.

C’est surtout à propos de la longévité que les études sont les plus impressionnantes . Si la croyance en un traitement peut-être puissante , les travaux de Robert Hummer , démographe de l’université du Texas et de Nel Krause , sociologue à l’université du Michigan , sont éloquents : ceux qui n’ont jamais participé aux services religieux ont deux fois plus de risque de mourir sur une période de huit ans que les gens qui les fréquentent chaque semaine. Pour Robert Hummer , les facteurs explicatifs sont avant tout sociaux, « les gens intégrés dans les communautés religieuses  ( étant) plus susceptibles de compter les uns sur les autres »; surmontant , selon Nel Krause , mieux que d’autres, ralentissements économiques et problème de santé.

Dans une étude, Nel Krause esquissait également de nouvelles variables, montrant que les personnes croyant que « leur vie à un sens »vivaient plus longtemps que celles qui pensaient le contraire. Croire en un Dieu d’amour permet d’ailleurs de mieux supporter le diagnostic d’une maladie incurable, que lorsque l’on  croit en un Dieu punitif. C’est  ce que montrent le docteur Harold G. Koening , psychiatre en Caroline du Sud et le docteur Kenneth I. Pargament, professeur de psychologie dans l’Ohio. Les patients qui se disent « mal aimé de Dieu » ou qui « attribuent leur maladie au diable » ont un risque accru de mourir dans les deux ans . Pour le docteur Koening , « les malades ont  besoin qu’on évalue leurs attitudes spirituelles pour anticiper leurs possibles effets négatifs ».

 

 

L’hégémonie biomédicale

 

Ces études postulent que la prière , ou la foi en tant qu’acte (et non l’action d’une divinité ), est impliquée dans la guérison. Et que n’importe quelle adhésion inspirée pourrait reproduire ce qui se joue dans les expériences mystiques les plus profondes . Se pose pourtant une question plus large : celle de la prise en charge des malades et de leurs croyances  au sein du processus de soins. Dans une étude menée par Jean Kristelle, professeur de psychologie de l’université d’Indiana , 90% des patients interrogés , atteints d’un cancer , n’ont pas été offensés que leur médecin leur demande leur croyance  ( dans le cadre de l’expérience) et 75% ont considéré que cela pouvait les aider. Si science et religion font rarement ménage , il ne s’agit pas ici de faire le procès de la médecine .

A partir de la seconde Guerre Mondiale , les systèmes de soins se sont développés sur la base d’une technologie très poussée des institutions sanitaires- amenant à une amélioration sans précédent du pouvoir biomédical.

 

 

La cure des âmes

 

De nombreuses critiques, venues des médecins eux-mêmes , ont très tôt cherché  à nuancer cette hégémonie .Georges Engel, dans un article célèbre (1) , proposait par exemple de prendre en compte le patient de manière plus complexe : une approche  « bio-psychosociale » qui , explique le théologien Guy Jobin, a eu un impact sur les pratiques au sein des équipes médicales , amenant à une approche plus vaste des patients et de leur maladie. « Il ne peut plus être question d’une division du travail entre cure des corps et cure des âmes . Dans plusieurs secteurs du soin-en gériatrie , en soins de longue durée , en soins palliatifs -, l’accompagnateur spirituel ou l’aumônier fait maintenant partie prenante de l’équipe de soins . Il est considéré comme un professionnel au même titre que les membres de l’équipe. »

Parallèlement aux chirurgiens cardiaques et autres spécialistes de la médecine moderne, guérisseurs et thérapeutes alternatifs en tous genres, utilisant plantes , magnétisme ou simplement le langage , voient leur chiffre d’affaires exploser, au cœur d’uns société occidentale que l’on dit désenchantée . « Que vont chercher ailleurs ces patients dont pourtant la pathologie est prise en charge de manière efficace par les thérapeutiques contemporaines ?interroge Jean-Marie Gueulette ,théologien lyonnais . 

« Que faut-il faire devant les réactions déroutantes  de ces patients venus d’une autre sphère culturelle  et dont les principes moraux, ou religieux, semblent plus importants que les impératifs d’une bonne pratique médicale ? »  Ces demandes sont trop souvent réduites dans le débat public à une question de laïcité –cristallisée autour de quelques refus de femmes (ou de conjoint) d’être examinées par un médecin homme. Ils sont autant d’appels à une réflexion plus large sur la guérison.

Guérir ne peut être résumé à la fin d’une pathologie, à une baisse de la température après une violente poussée de fièvre , ni même à la disparition de cellules cancéreuses . En sociologie, est pathologique ce qu’une société considère comme anormal. Cela peut être relatif aux comportements comme aux maladies , dont la médecine -par-delà son efficacité statistique-est une instance de normalisation , comme peuvent être différents rituels qui nous apparaissent exotiques , voir farfelus . Selon les cultures , guérir va « désigner aussi bien la disparition de symptômes que la fin de la maladie , le retour à la normale des valeurs biologiques ou des comportements sociaux »,explique Jean-Marie Gueulette , pour qui guérir peut signifier « obtenir réparation, libération », « sortir de l’absurde par élaboration d’un sens » .

Cette élaboration d’un sens peut impliquer médecins, chamanes , prêtres, guérisseurs , tout autant que les patients eux-mêmes , ainsi que différentes entités invisibles - défunts, ancêtres saints , dieux…- pour une guérison que l’on ne saurait penser hors de la relation . Comme le suggère la multiplicité des sujets que peut avoir le verbe «  guérir »: on dit aussi bien « Jai guéri de mon cancer » que « mon cancer est guéri » Le médecin ( Dieu ; mon ancêtre …) a guéri mon cancer ». Un pouvoir de guérir qui se partage.

 Dans l’histoire, chaque culture a doté certains individus ou lieux du pouvoir de guérir , tels les Asu et Asipu babyloniens ou les temples grecs où les soins étaient placés sous les auspices d’Asclépics, dieu de la médecine.  Avec Hippocrate , Galien ou encore Avicenne , la médecine s’est complexifiée , délaissant peu à peu l’interprétation et le traitement magico-religieux des pathologies . Les grandes traditions religieuses demeurent pas moins porteuses de réflexions riches sur la guérison ,de la réduction de la souffrance au cœur du bouddhisme , et de l’hindouisme à un Christ thaumaturge qui parcourt les Evangiles en guérissant toutes sortes de malades. Si on n’attend légitimement pas de ces vieux écrits des remèdes efficaces contre le cancer , cette longue histoire où religieux et médical sont liés a sans doute des choses à nous apprendre . Une approche plus holiste de l’homme? L’intégration dans la poursuite que l’on sait vaine de toujours rallonger la vie d’une réflexion plus radicale sur son sens?

 

Les patients qui se disent «  mal aimés par Dieu » ou qui «  attribuent leur maladie au Diable » ont un risque accru de mourir dans les deux ans

 

 

Figurines et Esprit saint

 

 

Au cœur de lieux catholiques comme Lourdes , qui continuent de drainer des milliers de pèlerins , dans ces petites chapelles orthodoxes où l’on trouve encore des figurines métalliques représentant les parties du corps guéries où au sein des rituels d’appel à l’Eprit saint, des mouvements charismatiques qui fleurissent en marge du protestantisme et aussi du catholicisme , il semble que la guérison soit une affaire de religion.

 

                                                        Jean Diseroi

 

 

(1) The Need for a New Médical Model:

A challenger for Biomédecine , sciences , 1977.

 

 

 

Pour aller plus loin

 

Jean -Marie Gueullette ( dir)

Le pouvoir de guérir, enjeux anthropologiques , théologiques  et éthiques  ( Cerf , 2011).

 

Sur ce site, on trouvera des références en complément, dans la section : Vieillir et mourir, Croire ou pas, à CLIC