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                                                        MAI 2007

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LE GOUT DE L’AVENIR

 

Jean-Claude GUILLEBAUD


Editions du Seuil 2003

 

 

Extraits de la seule partie finale, chapitre 10 et 11, par Henri Charcosset

 

Chapitre 10 : Repenser le religieux, page 297-326

 

Page 306-308

Très vite l’expansion de l’islam, nouvelle religion, prendra l’allure d’une chevauchée guerrière. Elle permettra aux musulmans de conquérir en vingt années un immense empire allant d’un bout à l’autre de la Méditerranée… Militarisation et conquêtes s’appuieront sur une ré-interprétation du concept de jihad, qui à l’origine, n’avait pas forcément de signification agressive… L’interminable conflit d’interprétation du jihad est à nouveau au-devant de la scène, mais cette fois sur fond de terrorisme et de crimes. A bien y réfléchir, il est même au cœur des relations entre les pays musulmans et le reste du monde. C’est par ce conflit de nature théologique que passera – ou ne passera pas – la possible conciliation entre une foi musulmane rénovée et une modernité démocratique conséquente avec elle-même, c’est à dire opposée à l’agression.

 

Page 308-309

Il reste à imaginer quelle sorte de cohabitation peut s’établir entre le religieux et la démocratie moderne. Pour être juste, cette quête est déjà en cours… Elle n’est pas l’apanage d’une confession en particulier mais les concerne toutes. Ce débat touche évidemment l’islam, qui « cherche sa voie entre modération et retour aux ancêtres. »

 

Page 314

Promesses et risques mêlés, le retour vers les sources s’impose à quiconque tente de repenser le religieux. Un tel réexamen n’est-il pas un détour préalable qui permet d’ouvrir un chemin vers la liberté, c’est à dire vers l’avenir ? L’alternative nous est offerte aujourd’hui plus que jamais.

 

Page 314-315

Repenser le religieux ? Au sujet du judéo-christianisme, dans une large mesure, la modernité elle-même est un phénomène post-judéo-chrétien. Cela signifie que la plupart des valeurs démocratiques (égalité, solidarité, individualisme, idée de progrès, etc.) ont partie liée avec l’héritage juif et chrétien, laïcisé à l’époque des lumières. Dans une telle perspective, le christianisme contemporain connaît un destin étrange : il est en crise alors même que ses valeurs triomphent… A la limite, la croyance en devenant sans objet, en arrive à se défaire. Le messager devient inutile dès lors que le message est reçu.

 

 

Page 316

Paradoxalement, ce « passage de relais » entre les valeurs judéo-chrétiennes et la modernité s’est souvent effectué contre les institutions ecclésiales ou synagodales. En d’autres termes, la transmission du message a été souvent le fait des dissidents, des marginaux ou des proscrits.

 

Page 317

Ni le judaïsme ni le christianisme ne sauraient pourtant être ramenés à une amiable philanthropie, globalement identique à l’humanisme contemporain…

 

Page 318

On comprend bien le rôle ambivalent que l’état moderne souhaite assigner aux diverses confessions religieuses, ou aux « communautés » comme on dit. Elles figureraient et figurent déjà, des instances productrices de croyances, des organismes consultatifs et quasi techniques, chargés de surveiller, de façon pluraliste, à la conformité des valeurs collectives. Le religieux dans son ensemble devient ainsi une sorte d’extension du conseil constitutionnel. La religion (mise au pluriel), n’est plus combattue par l’Etat laïc, mais sollicitée par lui avec de plus en plus d’insistance, afin de fournir à la modernité ce qu’elle ne sait pas produire : le sens.

 

Page 319-320

Dans le discours dominant, le credo chrétien est souvent désigné comme une « croyance » archaïque, une superstition, une « fable ». En revanche, la personne même de Jésus et le contenu de son enseignement recueillent très majoritairement l’adhésion.

 

Page 321

Si la foi est désormais à distinguer de la religion, il faut comprendre ce que cela signifie.

 

Page 322

La foi est précisément ce qui reste, la trace indélébile, indicible, mais qui demeure contre vents et marrée, attestant du sens. Le reste est la parcelle qui demeure intacte, en dépit de tout, la lueur qui témoigne sans imposer. Ce reste fait fond sur la seule puissance du message. Ni le judaïsme, ni surtout le catholicisme ne peuvent plus apparaître comme des instances organisatrices des institutions régnant sur l’âme collective de nos sociétés, des autorités légiférantes chargées de dispenser une dogmatique disciplinaire.

 

Page 323

Il est clair que repenser le religieux n’équivaut pas, surtout pas, à restaurer la religion.

 

 

 

Page 325

Le monolithisme confessionnel appartient au passé. Cela veut dire que la cohabitation est de toute façon, la seule hypothèse imaginable pour l’avenir. Des croyances raffermies dialoguent plus aisément entre elles que des « religions » inquiètes, la foi s’ouvre d’autant plus naturellement à l’autre qu’elle est vivante, non routinière et mieux assurée d’elle même… Le fameux échange interreligieux rend alors imaginable, non point la simple cohabitation mais l’enrichissement réciproque, grâce à (et non pas malgré) une différence clairement affichée.

 

Page 326

Un dialogue de qualité s’instaure aujourd’hui non seulement avec l’islam, mais aussi avec les religions orientales qu’il s’agisse du bouddhisme ou de l’hindouisme. Or dans tous ces échanges, et même si cela peut sembler surprenant, le bénéfice est toujours réciproque. Les croyances se rencontrent d’autant mieux qu’elles sont claires et fortes… L’irréductible différence du vis à vis m’est bien plus que « supportable », puisque en définitive, elle me permet d’exister. Il devient ainsi tout simplement logique de se réjouir que l’autre existe.

 

 

Chapitre 11 : Le principe espérance

 

Page 335-336

Hier encore ….nous étions surtout habités par la mémoire et non par le projet… Or cette représentation n’est plus pertinente…... Le présent a pris toute la place. Ainsi notre image du temps ne ressemble-t-elle plus à un sablier mais à un œuf, renflé en son milieu, étroit à ses deux extrémités, celle du passé et celle du futur… Le passé c’est à dire la mémoire humaine, n’a plus la même emprise, au point que nos sociétés sont livrées à la versatilité de l’opinion, à l’émotion changeante, à l’urgence, toutes trois instantanées… Symétriquement, la part du futur, c’est à dire du projet, est réduite à peu de choses, pour ne pas dire à rien.

 

Page 354-357

Contre la prétendue « fin de l’histoire » et contre la soumission désenchantée aux processus techno-scientifiques et financiers, c’est notre rapport au temps qui est à reconstruire. Il nous faut imaginer une nouvelle dialectique qui nous permette de ré-enchanter le présent en y réintroduisant l’avenir

Au-delà des théologies, des idéologies et des discours paresseux, l’attente n’est pas un « choix » parmi d’autres. Elle est une dimension de la conscience. C’est elle qui nous fait ressentir ce que Sartre appelait la caractère originairement déficitaire du présent. Ainsi n’est-il point de conscience ni de perception du temps sans l’attente, cette énergie disponible qui nous constitue comme sujet humain. L’homme ne sait vivre et penser qu’en avant de lui-même. Une secrète et précieuse inquiétude le déloge sans relâche du présent. C’est ainsi. Là est sa dignité… En dernière analyse, les mots d’attente, de désir, d’inquiétude, d’espérance et surtout de volonté définissent tous la même chose : notre humanité. Le propre de l’homme est là. L’homme est un animal qui attend et qui veut.