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MAI 2008
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Laurence BERNABEU
Soutenues par l’outil Internet, les initiatives pour recueillir la mémoire des anciens sont en plein boom. Lien social, transmission de savoirs et savoir-faire mais aussi restauration de l’estime de soi : les bénéfices sont nombreux.
« Un vieillard qui meurt, c’est comme une bibliothèque qui
brûle » dit un proverbe africain.
Prouvant, s’il en est besoin, que la mémoire est un bien précieux.
Main blanche sur main
tannée, Tristan guide son vieil élève sur la « toile ». C’est la
première fois qu’il travaille avec Jean, 78 ans. La concentration est à son
maximum jusqu’à ce qu’ils tombent sur des images du quartier de Brest où Jean
vivait avant la guerre. « Ce n’était
pas drôle, tu sais, quand la sirène se mettait à hurler… » De retour
vers le collège, Tristan, pensif, confiera à sa professeure, Monique Argoualch, restée en retrait pendant toute la séance :
« Il a les doigts durs. Il n’a pas
de chance ». Tristan, qui a été exclu à deux reprises des collèges
environnants, a intégré cette année le dispositif Relais de Kerbonne(1).
Dans le cadre d’un programme intitulé « Intergénér@tion » et après une formation de formateur multimedia d’une dizaine d’heures, il rejoint une à deux
fois par semaine, avec son enseignante et quelques camarades, la maison de
retraite Louise Le Roux. Objectif : permettre aux anciens d’appréhender
les ressources du web et recueillir des anecdotes. Après avoir fait
connaissance autour de l’écran de l’ordinateur, chaque binôme – un jeune élève,
un résidant de la maison de retraite – explore les plis de la mémoire autour du
thème de l’année, « Se soigner avant 1950 ». D’ici deux mois, les
binômes mettront en ligne les récits sur le site local collaboratif
« Wiki-Brest »(2). « Les
anciens sont alors très utiles pour rappeler quelques règles orthographiques,
tandis que les jeunes ont la maîtrise technique », explique Monique Argoualch. Une réciprocité de service que constate aussi
Sylviane Anselme, la directrice de la maison Louise le Roux. « Les grands-parents sont aujourd’hui
très jeunes ou la famille s’est dispersée. Permettre aux plus vieux de
rencontrer les plus jeunes autour d’un projet, c’est leur offrir la chance de
rester ouverts sur l’extérieur et de reconquérir l’estime de soi. Mais ça ne
marche que si chacun peut s’enrichir ».
C’est
aussi ce qui intéresse Annaigt Daoughers,
chargée de mission à la mairie de Brest pour le projet « Quêteurs et
passeurs de mémoire ». Financé par le Conseil général du Finistère, ce
programme vise à redonner vie au patrimoine linguistique oral – le breton est
utilisé dans toutes les activités- et à favoriser le lien social, en mettant en
relation les écoles bilingues et les retraités. 17 écoles primaires, 15
collèges et 4 lycées y ont participé en 2006-2007. « La vie des goémoniers
en 1960 », « les fontaines dans le pays de Quimper »,
« l’usage du cheval après guerre », etc. : les thèmes sont
choisis par les équipes pédagogiques au gré des rencontres avec les retraités,
souvent réunis en communautés professionnelles ou géographiques. « L’échange est la clé de voûte de ce
dispositif. D’ailleurs, il n’est guère de projet qui ne se conclut par une
fête, souvent riche en émotions », explique Annaig
Daoughers.
Marie-Dulce Moguien, aide médico-psychologique
à la maison de retraite de Saint-Pol de Léon (29),
pourrait parler des heures du plaisir qu’éprouvent jeunes et anciens à être
ensemble. Voilà plusieurs années qu’elle organise, avec l’école municipale, des
rencontres entre des classes de primaire et ses résidents. Vu l’âge des
enfants, l’ordre du jour s’articule autour de séances de cuisine (confiture, soupe,
crêpes), de jardinage, de jeux de dominos. « Certains viennent ici depuis la maternelle, explique-t-elle. Les petits adorent rencontrer des gens qui
ont du temps… et, quand une femme apprend à plusieurs petits à faire la soupe
comme elle l’a appris de sa propre mère, c’est aussi très important pour
elle ».
« Parce
qu’elles démocratisent la parole, ces collectes de mémoire redonnent de
l’importance à chaque personne. Une anecdote, la première crème glacée, le mariage
de la tante Ninette, etc…, sont néanmoins autant
d’historiettes qui éclairent sur le quotidien d’hier, la façon de se nourrir,
de se soigner ou de travailler », analyse Michel Briand, adjoint au maire de Brest,
chargé de la démocratie locale, de la citoyenneté et des NTIC. Mais, comment
favoriser la participation du plus grand nombre autour de telles démarches qui,
touchant à nos racines, concernent chacun ? Pour répondre à cette
question, Julien Bellenger, directeur de l’association Ping, a créé pour la
ville de Rézé (44) la plate-forme web « Mémocité ». Ce site collaboratif permet à des
associations ou des personnes de saisir des témoignages audio, visuels ou
écrits qu’elles ont pu recueillir ou dont elles sont les auteures. « Dans les quartiers, on assiste à un
bouillonnement d’initiatives qui font preuve de l’envie de partager, de
transmettre des expériences et des savoir-faire, rapporte-t-il. Internet est particulièrement adapté pour
recueillir, stocker et restituer des mémoires sans jamais clore le sujet. A la
différence de l’édition, chacun peut intervenir, compléter ou enrichir une
matière première en déposant son propre témoignage ». Souhaiter
conserver des mémoires, ne serait donc en aucun cas vouloir les figer dans le
marbre. C’est sans doute tout le sens de ces échanges intergénérationnels en
plein développement.
Laurence Bernabeu
(1) Des enfants de moins de 16
ans, en phase de déscolarisation et issus des collèges voisins, sont accueillis
trois demi-journées par semaine dans le cadre de ce dispositif.
(2) Wiki-Brest exploite le
logiciel libre « Wiki » inventé en 1995 par Ward Cunningham pour
faciliter l’écriture collaborative
avec un minimum de contraintes.
Trois questions à Yves
Jeanneret, professeur des sciences de l’information et de la communication à
l’Université d’Avignon et des pays de Vaucluse.
« LES MEDIATEURS
DE MEMOIRES SE
REDEFINISSENT »
Pourquoi Internet prend-il
une place croissante dans les pratiques culturelles ? Quelles en sont les
conséquences ?
Pour
une communauté, créer un site est moins onéreux et plus facile que d’ouvrir une
maison d’édition ou que de créer un journal. Les médias informatisés donnent
une plus grande visibilité aux expériences, sont collaboratifs et évolutifs.
Résultat : les médiateurs de mémoires se redéfinissent et s’étendent
au-delà des médiateurs officiels (enseignants, éditeurs, journalistes).
Quelles limites voyez-vous
dans ce recours à l’Internet ?
Tout
pionnier a tendance à croire qu’il n’y a pas de salut en dehors de sa
découverte… Il est pourtant important de garder à l’esprit que ce média
n’existe qu’à partir de ce qui a lieu « en vrai », au travers de
rencontres, de dialogues, de passions partagées pour un même objet. Autre point
de vigilance : le « clic » qui permet de mettre en ligne une
parole peut donner le sentiment que le geste est simple, alors qu’il nécessite,
autant que dans l’édition, une attitude responsable par rapport à la parole
collectée, transcrite et publiée.
Propos
recueillis par Laurence Bernabeu
En s@voir +
-
Quêteurs et passeurs de
mémoire en Finistère : www.queteurs.cg29.fr
-
Projets d’écritures
collaboratives brestoises : www.a-brest.net
-
Programme « Intergener@tion » :
intergenerations.infini.fr
-
Plateforme « Mémocité » : www.memocite.net et www.pingbase.net