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Avril 2015
COMMENT FAIRE DURER L’AMOUR ?
Franck CHARTRON, Stéphanie
HAHUSSEAU, Marlène DURETZ et Catherine ROLLOT
Le Monde, Dimanche15-Lundi
16 Février 2015
FRANCK CHARTRON
Dans
les cours du soir, les ouvrages de développement personnel ou sur Internet, la
question préoccupe toujours autant les Français
|
L’amour dure-t-il trois ans ? Sept ans ? Toute une vie ?
À vous de découvrir comment le faire durer. » À cette invitation de la School
of Life Paris, créée en avril 2014, franchise de son aînée londonienne fondée
en 2008 par le philosophe Alain de Botton, vingt-sept personnes ont répondu
présent, ce jeudi soir, avant-veille de la Saint-Valentin. Dans l’assistance,
une majorité de femmes, de célibataires, peu de divorcés, venus majoritairement
seuls ou entre amis, plus rarement des couples, la trentaine en moyenne. Tous
ont franchi le pas pour « explorer ce qui se passe lorsque la lune de
miel prend fin ». Ce cours du soir atypique cherche à approfondir le
rapport à l’amour et promet implicitement de donner quelques ficelles pour
qu’il rime avec toujours ».
« L’expérience partagée peut atténuer le sentiment d’étrangeté face à ses propres émotions » STÉPHANIE HAHUSSEAU
psychiatre-psychothérapeute |
En fil
rouge, tout au long de la soirée, une question complexe et banale qui semble
devoir éternellement préoccuper les amoureux : nos rêves de bonheur
peuvent-ils cohabiter sur le long terme avec la réalité de la vie en
couple ? Elle capte, ce soir-là, toute l’attention des participants, la
plupart égarés, écorchés ou en rémission. La charismatique animatrice, Patricia
Louisor-Brosset, au
parcours hétéroclite, anime cet échange pendant plus de deux heures, dispense
des pistes utiles tout en invitant chacun à confronter et à partager ses
intimes convictions, expériences et pensées avec de bienveillants inconnus d’un
soir.
« Les quatre cours du soir hebdomadaires ne
désemplissent pas », explique
Fanny Auger, directrice de The School of Life Paris
et dont la mission est de « développer l’intelligence émotionnelle de
ses élèves volontaires pour une approche holistique. On y aborde les grandes
questions de la vie, et ce que l’école traditionnelle n’apprend pas forcément,
comme améliorer la confiance en soi, réaliser son potentiel, accroître sa
créativité ou nourrir ses amitiés ».
Près de 4 000 adultes ont assisté aux cours parisiens depuis
l’ouverture de « L’École de la vie ». Parmi eux, Cécile Tailbot n’a manqué aucune session : « Je suis
curieuse par nature, justifie l’inconditionnelle. Ces cours en lien avec
ma vie et mes préoccupations m’apportent plusieurs réponses, et ne constituent
qu’une introduction qu’il m’est donné d’approfondir à ma guise à travers des
ressources littéraires, artistiques ou sociologiques. C’est une parenthèse agréable
pendant laquelle on se donne le temps de réfléchir sur soi. » Partager
son expérience avec d’autres, « c’est courageux », juge la
quadragénaire qui reconnaît relativiser davantage en situation de groupe. Et
puis, « ce n’est pas la même démarche que celle d’aller consulter un
psychanalyste, c’est une méthode complémentaire. Il ne faut pas s’enfermer dans
une seule vision ».
« L’expérience
partagée peut atténuer le sentiment d’étrangeté face à ses propres
émotions », confirme Stéphanie Hahusseau. La psychiatre-psychothérapeute, spécialiste des
émotions, estime préférable, dans un pays qu’elle juge « en difficulté
par rapport aux émotions, qui oscille entre diarrhée et constipation
émotionnelle », de se tourner vers du conseil qui en appelle à la
reconnaissance des émotions et à leur acceptation.
Lire des ouvrages de développement personnel, ou « aller dans
un lieu ‒ The School of Life Paris ou
Internet ‒ où l’on n’est pas connu, c’est souvent plus facile que d’en
parler à ses proches ». Parce que « les amis, finalement, on
sait ce qu’ils vont répondre… », souligne Cécile Tailbot pour qui « The School
of Life Paris est plus objective et universelle ». Réseaux sociaux,
forums de discussion, sites de coaching et de rencontres, applis et SMS, sont
donc devenus le théâtre du conseil amoureux. « On manque peut-être
d’oreilles dans un contexte social qui valorise l’action efficace et autonome
et fait peu de place aux attitudes de plaintes », constate le docteur
en sociologie Nicolas Marquis.
« Il
y a une méconnaissance autour du fonctionnement de base du sentiment, et
l’individu cherche des renseignements pour augmenter le sentiment de contrôle,
ce qui est légitime en soi », soutient Stéphanie Hahusseau. Les ouvrages
et le discours de développement personnel agissent comme « un
activateur de possibles qui donne des prises sur un monde », la
rejoint Nicolas Marquis. Mais on n’entre pas dans le développement personnel
par hasard, considère ce dernier pour qui on ne peut toutefois pas appliquer à
la vie humaine des « techniques » qui résoudraient tout : « Cette
démarche est liée à un accident dans la vie de l' individu,
et pour lequel il s’est trouvé suffisamment démuni pour s’ouvrir à des
ressources qu’il n’aurait jamais considérées dans d’autres
circonstances. » ■
The School of Life Paris, 28, rue Pétrelle, 75009 Paris. Cours collectif pour adulte. 39 € les trois heures.
Theschooloflife.com/paris
Un
homme, un vrai. Dissiper les malentendus émotionnels homme-femme, de Stéphanie Hahusseau
(Odile Jacob).
Du
bien-être au marché du malaise. La société du développement personnel, de Nicolas Marquis (PUF, 2004).
Un bon
filon éditorial
Les
rayons des ouvrages dévolus à la vie pratique, au bien-être, à la parentalité
et au développement personnel ne désemplissent pas. Si les ventes globales de
livres ont diminué en France de 3 % en 2013, celles des livres pratiques, qui
pèsent pour 13,3 % sur le marché de l’édition, ont progressé de 2 %. « Nous
pouvons noter la belle évolution des ouvrages de santé et de bien-être qui
témoignent d’un intérêt marqué des lecteurs pour ces sujets »,
observe le Syndicat national de l’édition dans son enquête annuelle
(« Le Livre en chiffres » 2013). Cette seule catégorie représente
11,84 millions d’exemplaires sur le marché français, soit un quart du secteur
loisirs/vie pratique, derrière les livres de cuisine (à 17,12 millions
d’exemplaires). |
CELUI QUI DRAGUAIT A LA PLACE
DES AUTRES
Avec
son gros gilet de laine, sa sacoche d’ordinateur et son large sourire, Adrien
Tumsonet ressemble à un trentenaire sympathique
comme il en existe des centaines. Pourtant, ce beau parleur consacre ses
journées à décrocher des rendez-vous sur les sites de rencontres pour le
compte de célibataires trop occupés ou en manque d’inspiration. Drôle
d’activité pour cet ingénieur de formation de 29 ans, aujourd’hui au chômage,
devenu depuis plus d’un an, un Cyrano numérique pour la société
NetDatingAssistant.com, créée en 2011. « Sur Internet, la séduction
suit les lois du marketing. Pour se démarquer parmi des milliers de profils,
il faut sortir du lot », explique-t-il. Comme un produit, le packaging est important. Exit
le selfie pris dans la salle de bains avec
reflet du flash dans le miroir, ou, dans un autre genre, le torse nu avec ou
sans biceps. Place au cliché chic avec visage souriant. À l’entendre, ses
clients ‒ des cadres dynamiques autour des 35 ans ‒
, bien démunis face à leur écran, n’hésitent pas à opter pour la
prestation complète à 385 euros (la moitié de la somme revient au dating assistant) qui garantirait entre une
et quatre rencontres par mois. « La légèreté est la base du succès. Beaucoup
trop d’hommes déclinent leur profil comme un curriculum vitae et se rendent à
un rendez-vous galant comme s’ils allaient passer un entretien
d’embauche », assure Adrien Tumsonet qui, Un brin de
psychologie
Parole
d’entremetteur, il y aurait des techniques d’entrée en matière qui marcheraient
presque à tous les coups. Ainsi « Quelque chose m’a interpellé dans
ton profil… », « Je ne sais pas si c’est la curiosité qui m’a
poussé à arrêter sur ton profil, mais ce que j’adore, c’est… »,
feraient leur petit effet. C’est
à la suite d’une rupture sentimentale qu’Adrien Tumsonet
s’est intéressé aux techniques de séduction. La fréquentation des forums et
des groupes de discussion de la communauté des Casanova qui théorisent sur
Internet lui ont servi de formation initiale. Un contact facile, une bonne
mémoire, un brin de psychologie ont transformé l’ingénieur en serial dragueur. Après avoir cerné les envies et les critères d’un
client et lui avoir présenté des cibles potentielles, reste pour Adrien Tumsonet à engager une courte phase de discussion,
pendant laquelle la « draguée » ne doit se douter de rien. Quatre
ou cinq échanges de mails suffiraient pour provoquer une rencontre et éviter
des erreurs comme confondre une Virginie avec une Carole, et prendre un rendez-vous
pour « joli cœur » à la place de « tout fou ». Une fois l’entremetteur évaporé, les Damien,
François et les autres devront se débrouiller seuls. S’ils ont bien suivi les
conseils de leur dating assistant, En cas de succès, il leur restera ensuite à assumer
une histoire d’amour commencée sur un mensonge. Un « détail » sur
lequel leur coach, étonnamment, ne les a pas briefés. ■ CATHERINE ROLLOT
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