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SEPTEMBRE 2011
FACEBOOK,
NOUVEL ELIXIR DE JOUVENCE
Laure BELOT
Le
Monde du 28 février 2011
En
multipliant les échanges, les réseaux sociaux contribuent au dynamisme
intellectuel des seniors.
Psychologie
Paul
Thielen est belge, possède un humour très british et attire des amis du monde
entier sur Facebook. « J’en ai entre 800 et 900 », dit-il,
ajoutant avec coquetterie que la plupart de ces membres sont venus le chercher.
Chaque matin, avec quelques copains du réseau, ce neurobiologiste de 72 ans
participe au même rituel. Un premier ami, vers 6 h 30, envoie un message
immuable : « Je bois mon café dans une jolie tasse de Limoges. »
Un autre répond par un poème. Un troisième, Jacques Mercier, animateur célèbre
en Belgique, assène alors sa maxime du jour. Paul Thielen y va parfois de sa
petite phrase.
Un
jeu de rôle qui réjouit le septuagénaire, incapable de chiffrer ses heures sur
le réseau social. « Je dors cinq heures par nuit, allume mon ordinateur
à 6 heures, et il reste ouvert jusqu'à minuit, explique-t-il. Ma
génération a été gâtée. Elle est celle de l’ADN, de la télévision, de
l’accompagnement de la naissance des animaux, et ¼ des réseaux sociaux. » Cette
dernière révolution lui a permis « de retrouver d’anciens étudiants
devenus partenaires, amis et parfois maîtres à penser. ». Il suit ainsi
avec passion l’agenda d’une jeune députée qui envoie sur le réseau des comptes
rendus détaillés de ses missions internationales. Facebook lui permet
d’échanger également des moments d’émotion, « comme pour la mort de
Jean Ferrat », événement qui a créé, au sein de son réseau d’amis,
« une véritable ferveur ».
Le
réseau social mondial comme élixir de jouvence ? Pourquoi pas,
répond le psychiatre Roland Jouvent, auteur du livre Le cerveau magicien
(éd. Odile Jacob, 2009). Le recours au réseau social « peut être une
clef pour éviter l ‘appauvrissement, le rétrécissement des échanges qui
fait vieillir très vite après le départ à la retraite »,
explique-t-il. Selon ce spécialiste des nouvelles technologies, dirigeant le
centre émotion à la Pitié-Salpêtriere à Paris, « l’échange entre les individus est
beaucoup plus stimulant d’un point de vue neuronal que l’activité solitaire,
fût-elle intellectuelle, comme la lecture ou les mots
croisés. Et ce, même par technologie interposée, note-t-il. Les réseaux sociaux
non seulement soutiennent l’éveil, mais enrichissent sur le plan de la
métacognition, qui consiste à savoir prendre en compte plusieurs référentiels à
la fois. On est obligé de se mettre à la place de l’autre. »
Facebook,
comme les autres communautés virtuelles, présente un autre avantage de taille. Il permet de
nouer des liens sans à avoir à se déplacer, une action bien plus compliquée
avec le grand âge. « Facebook ne dénonce pas la perte de
mobilité, la lenteur d’écriture. Il se fait complice de l’image jeune préservée
sur le profil », ajoute, tel un aveu, Paul Thielen.
Le
docteur Galit Nimrod, chargée de recherche au centre multidisciplinaire de
Beer-Shiva, en Israël, souligne, elle aussi, les bienfaits des échanges sur
le Net. Cette scientifique a suivi pendant un an l’activité de 14 des plus
importantes communautés en ligne et a publié ses résultats dans la revue
britannique The Gerontologist, en novembre 2009. Il en ressort que ces
communautés « peuvent apporter un soutien social, contribuer à l’auto-préservation et
servir à la découverte de soi et de sa propre évolution »,
contribuant ainsi « au bien-être des personnes âgées ».
Une
conclusion scientifique que ne renierait pas Nicole Baudet qui porte haut ses
72 ans et demi. Cheveux teints en rouge, cette professeur de slam auprès
d’enfants de CP à Saint-Denis est « accro à Facebook » depuis
juillet 2010, au point d’y passer entre 3 et 5 heures par jour, « souvent
jusqu'à une heure du matin », précise-t-elle. Son mari se dit dépassé.
Dans cet espace devenu « un véritable lieu de vie », elle
raconte ses joies, ses peines et ses souvenirs. « J’ai mis les photos
de ma mère, de mon père qui fut prisonnier de guerre et de mes quatre enfants ».
Une façon d’ancrer les fondamentaux familiaux et de les faire partager à ses
descendants. « Ce sont mes petits-enfants qui m’ont poussé à aller sur
le réseau », avoue-t-elle.
Combien
sont-ils, ces septuagénaires qui se sont emparés d’un réseau qui n’avait pas
été imaginé pour eux ? Difficile d’obtenir des informations par Facebook,
aussi peu communiquant que Google à ses débuts. Tout juste sait-on, selon
Richard Allan, directeur des affaires publiques pour l’Europe, que les plus de
35 ans « représentent la catégorie qui connaît la plus grande
croissance » . Selon l’observatoire des usages Internet de
Médiamétrie, 6,5% des plus de 65 ans en France (soit 700 000 personnes) avaient
un compte Facebook en décembre 2010, une proportion qui a doublé en un an.
Cette tendance se retrouve aux Etats-Unis où 4% des plus de 74 ans étaient
membre d’un réseau social en 2008. Cette proportion a quadruplé en 2010.
A
l’heure des foyers éclatés ou recomposés,
ces retraités branchés reprennent par Facebook une
place dans un jeu familial parfois complexe, sans avoir la pesante
impression d’imposer un coup de fil. « Cela me permet de rester en
contact avec mes neuf petits-enfants, qui ne me téléphonent jamais, de
connaître leur amis, de voir les photos de leurs sorties sans m’immiscer dans
leur vie », reconnaît Monique Litvinoff, 73 ans.
Mais
la présence familiale de ces seniors n’est pas seulement passive. Danielle
Bertrand,70 ans, admet que « Facebook [lui] permet de tenir un
rôle qu’il n’est plus trop possible de jouer avec l’éloignement ».
Cette agrégée d’histoire basée à Nîmes, qui ne voit que rarement ses
petits-enfants et neveux, a ainsi des contacts quasi hebdomadaires « par
l’intermédiaire de leurs murs [les pages personnelles sur Facebook]. J’ai
l’impression de mieux les comprendre ». Ces échanges peuvent être
aussi l’occasion de distiller en douceur des conseils d’aînés. « Mon
petit-fils affichait sans limite sa vie personnelle, son amour pour une fille,
puis sa rupture. Je lui ai dit que cela ne se faisait pas. Il a arrêté depuis. »
Un rôle d’autant plus intéressant que ce petit-fils a invité sa grand-mère à le
rejoindre sur Facebook... mais pas sa mère, qui n’a donc pas accès à cette part
d’intimité.