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Janvier 2014
Octobre 2013 — Psychologies
Magazine
[ ÉTATS D’ÂME ] |
C’est la plainte
existentielle de l’époque. Elle agite les forums sur le Net, alimente les
conversations, conduit chez le psy. Et si derrière la réussite |
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apparente, affective et matérielle, ce mal-être
était en réalité un
signe de maturité intellectuelle ?
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J’ai un mari, des enfants en
bonne santé, un travail, une maison confortable, assez d’argent. Pourtant ma
vie est un fardeau. Je me sens inapte au bonheur », avoue une internaute
sur notre site Psychologies.com.
Plus philosophe, une autre s’interroge :
« Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à être heureuse ? Est-ce à cause d’une
existence finalement trop monotone ? d’un idéal
de vie trop élevé ? N’est-ce pas parce que l’on voudrait toujours
plus ?
Ou encore cette mère de famille débordée, qui
se gâche vraisemblablement la vie en raison d’un sentiment de culpabilité la
poussant à s’interdire l’accès au plaisir de vivre. C’est d’ailleurs la
principale cause d’inaptitude au bonheur.
Chaque
histoire, chaque existence est singulière, naturellement ; pourtant nous
constatons souvent que, presque toujours, cette culpabilité qui empêche le
bonheur date de la petite enfance.
Elle est
particulièrement fréquente chez les enfants non désirés ou ceux qui sont élevés
par des parents hyper exigeants. Dès leurs premières années, se sentant en
trop, manquant d’estime en soi, ils se sont efforcés de satisfaire
prioritairement les besoins de leur entourage, sans jamais s’autoriser à penser
à leur propre bien-être. Dans l’espoir d’être aimés, ils se sont en quelque
sorte conditionnés à s’oublier, à vivre pour les autres. Comment pourraient-ils
être heureux, même dans le plus beau château de l’univers ?
L’inaptitude
au bonheur est fréquente également chez les enfants de parents dépressifs. Ils
grandissent dans une atmosphère pesante, morose, entre un père et une mère qui
voient le monde à travers des lunettes noires et leur transmettent cette vision
de l’existence, sans relief ni couleurs. Ils se sentent coupables de leurs
élans de joie, car ils ont la pénible sensation de jouer les troubles fête dans
cette ambiance de silence et de grisaille. Et peu à peu s’éteignent.
Le phénomène est amplifié si,
de surcroît, les parents manifestent des tendances superstitieuses : « Ne
te réjouis pas trop vite, dissimule ta joie, sinon le malheur te guette. » La
maison est toujours susceptible de brûler, la voiture d’être accidentée, l’être
cher de mourir, etc.
La culture
chrétienne culpabilisante dans laquelle nous baignons est loin de nous aider à
nous réparer après une enfance toute grise. Le bonheur, nous y avons droit,
c’est même un devoir, lit-on un peu partout. Pourtant, en dépit de ces
exhortations, le toucher du doigt reste pour beaucoup source de confit :
« J’ai un boulot intéressant,
pas de soucis financiers, un toit, un compagnon qui tente tout pour me rendre
heureuse. Je n’y arrive pas, car il y a trop de gens dans la misère », confie
Sophia, secrétaire médicale de 32 ans. Elle se sent d’autant plus coupable que,
sur cette planète, les personnes qui dorment dehors et ne mangent pas leur faim
sont légion. Comme si s’interdire d’être heureux allait donner un toit aux SDF ou
du pain aux affamés ! D’autant que ce ressenti peut aussi être le signe
avant-coureur d’une dépression ou d’une bonne déprime. Surtout si la personne
éprouve un vide intérieur, l’envie de rien, si sa pensée, ses gestes sont
ralentis, si elle souffre d’insomnie. Nous avons tendance à considérer que
l’inaptitude au bonheur, la culpabilité et la déprime sont forcément des
symptômes pathologiques à éliminer au plus vite. La plainte qu’elles véhiculent
mérite pourtant d’être écoutée. En effet, selon Marithé
Couchevellou, psychothérapeute et sophrothérapeute,
se lamenter sur le mode « j’ai tout pour être heureux, mais je ne le suis pas »
marque l’amorce d’un questionnement plus lucide, plus mature sur soi : «
Qui suis-je ? Que me faut-il réellement ? »
« Nous avons
hérité des idéaux consuméristes, des croyances au progrès chers à la société
d’après-guerre, explique-t-elle. Le monde actuel a été bâti par des adultes
qui, dans leur jeunesse, ont connu les privations, la faim, la peur. Donc,
naturellement, ils se sont efforcés de les épargner à leurs enfants et
petits-enfants, avec comme mots d’ordre : développement matériel, avoir,
consommation. »
C’est ainsi
que la famille harmonieuse qui ne manque de rien, la belle maison, la grosse
voiture, le bon job sont devenus dans nos esprits les
symboles de la félicité. « Si j’ai la liste complète, j’ai tout pour être
heureux ! » sommes-nous incités à penser. Or, ce sont justement ces
clichés qu’il s’agit d’interroger pour réaliser que l’essentiel ne s’achète
pas.
Marithé Couchevellou est
confiante : « Autrefois, seuls les sages s’interrogeaient sur le sens de
l’existence. Avec la crise économique, les nouveaux modes de vie, la
multiplication
des divorces, les remariages, la raréfaction du travail, nous avons plus
souvent à nous demander si nous avons posé le bon choix, quel est le sens de
notre action. » Laissons-nous aller à espérer, suggère-t-elle : «
Peut-être est-ce le début d’une réconciliation entre l’être et l’avoir, la
nature et la culture, la vie professionnelle et la vie privée. »
Plus
radicale, la psychanalyste Virginie Megglé1 estime que dire
que l’on a tout pour être heureux mais que l’on ne l’est pas constitue
une tentative de rébellion positive contre cette
« société du gavage ». C’est une façon de défier cette « big
mother » : tu n’es pas toute puissante, tu ne
réussis même pas à me combler.
« Nous vivons
sous le règne de l’excès jusqu’à la nausée. Tout finit par se confondre : le
chat, l’enfant, la voiture, la maison, le dernier Smartphone, les besoins
accessoires et ceux vitaux. Mais la profusion de biens ne saurait être en
elle-même source de contentement. Mes armoires peuvent être remplies de
vêtements sans que je sache comment m’habiller. Car ce savoir ne dépend pas du
nombre de mes tenues. Il appartient au domaine de la pulsion de vie, de
l’envie. Avoir un toit, manger à sa faim, être en sécurité sont les besoins de
base de l’être humain, le bonheur, lui, est une question d’élan intérieur. »
Pour ranimer l’envie, une priorité, prévient Virginie Megglé :
en finir avec l’illusion de « tout avoir ». « C’est un peu la croyance au Père
Noël version adulte. “Il a tout pour lui”, dit-on d’un bel enfant.
Mais ne nous y trompons pas. Pour les parents, c’est une façon de
déclarer : nous lui donnons absolument “tout” ce dont il a besoin, il n’a
aucune raison se plaindre. C’est-à-dire aucun droit de se plaindre. »
Intégrant ce discours, l’enfant
grandira avec l’idée qu’il a réellement « tout » pour être heureux, se sentira
coupable ou jugera anormal de se plaindre. Jusqu’au jour où il admettra qu’il a
peut-être quelques raisons de ne pas se contenter de ce qu’il a. Et qu’il
décidera de se pencher sur son être : ce qui faut à cet être-là donne sens
à sa vie… Seulement, personne ne lui indiquera le chemin.
Si nous
décidons de nous faire aider, de nous inscrire dans des stages, des ateliers de
développement personnel, ce ne sont que des pistes générales qui nous seront
toujours fournies. La philosophie, par exemple, nous enjoint de nous réjouir de
ce que nous avons.
Malheureusement, notre esprit
s’accoutume rapidement à ce qui, il y a peu, lui procurait un si vif plaisir –
un phénomène que les psychologues appellent « l’adaptation hédonique ». Nous nous habituons à avoir un toit, un
bon travail, un salaire régulier. Même le plaisir délicieux, excitant d’avoir
rencontré l’homme ou la femme de notre vie va s’émousser à plus ou moins long
terme. Nous ne sommes psychologiquement pas construits pour le bonheur éternel,
le bonheur une fois pour toutes.
Serait-il possible de lutter
contre « l’adaptation hédonique ». ? Les spécialistes de la psychologie
positive nous invitent à éviter la routine, la monotonie, à diversifier
nos activités. Ils nous incitent à nous souvenir que nous n’avons pas toujours
eu une maison agréable, un travail intéressant, etc. Et que nous pourrions les
perdre. Rien de très réjouissant.
Virginie Megglé
est sceptique : « Il n’existe pas de solution universelle pour être
heureux. Le verre que nous voyons à moitié vide, la psychologie positive nous
demande de le voir
à moitié plein. Or nous pouvons nous trouver mieux avec notre verre à moitié
vide – par souci d’être le plus lucides possible ou pour éviter d’être déçus si
nos espoirs s’effondrent. »
Nous gagnons
à nous inspirer des recettes proposées par les différentes techniques et écoles
de pensées, ou qui ont si bien marché pour d’autres. Mais nous ne serons jamais
heureux en les appliquant de façon mimétique, comme de bons élèves. « Si j’ai
un seul conseil à apporter, ce serait : “Tu peux rater dix fois ta
recette, l’important est que tu l’aies confectionnée toi-même” », résume la
psychanalyste.
1.
Virginie Megglé, auteure entre autres de La Projection, à chacun son film… (Eyrolles, 2009.
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Roland JOUVENT, Professeur
de psychiatrie |
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Il existe une
inégalité face à l’aptitude au bonheur » |
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Sommes-nous biologiquement égaux face
au bonheur ? Tout comme il existe une inégalité des histoires et des parcours de
vie, Que se passe-t-il dans un cerveau heureux ? Sur
le plan cérébral, c’est l’activation du « circuit de la récompense » Propos
recueillis par Christine BAUDRY Roland
JOUVENT, professeur de psychiatrie à l’université Paris-VI et directeur du
Centre émotion du CNRS à la Salpêtrière, est l’auteur du Cerveau magicien (Odile
Jacob, 2013). |
POUR ALLER PLUS LOIN
Sur
psychologies.com « Savez-vous vous rendre heureux ? Un
test proposé par le psychiatre Christophe André pour vous aider à développer votre aptitude au bonheur, rubrique « Test ». |