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Juillet 2013

 

 

BONHEUR TRANQUILLE. VIVRE AVEC L’ESPRIT DE MODERATION

         

                   Anne CHATE

 

                             Édition Payot et Rivages , 2009

 

Introduction par Henri Charcosset

 

Ci-après une sélection d’extraits de cet ouvrage:

1/ Des rêves à notre mesure

2/ Ma part dans une modération sentimentale

3/ Je veux garder un œil émerveillé comme aux premiers jours.

4/ La modération, une clé de mon bonheur?

5 / Bilan.

 

Page 7-8

 

DES REVES A NOTRE MESURE

 

Quelle vie voulons nous ? Qu’est-ce qu’une vie réussie - à nos yeux? Tous, nous sommes confrontés un jour ou l’autre, sous une forme ou une autre , à ce questionnement . Certes , nous pouvons l’ignorer un temps, tout simplement parce que notre vie est rêvée par les autres: nos proches et les médias nous indiquent ce qui est désirable. Mais il arrive fatalement un moment où la question ne peut être éludée. Alors , nous nous interrogeons : au fait, c’est quoi le bonheur ?  C’est où , le bonheur?

 

Pour les uns, le bonheur vient de la capacité à étaler des signes extérieurs de richesse et de puissance sociale. Ainsi Jacques Séguéla déclare-t-il en févier 2009: « Si à cinquante ans on n’a pas une Rolex , on a quand même raté sa vie(1) ! »  Ce publicitaire , connu pour avoir conçu les campagnes de plusieurs hommes politiques, en particulier celle de François Mitterrand en 1981, s’attira alors des critiques  dont l’ampleur et la diversité montrent que cette approche purement matérialiste n’est absolument pas consensuelle  aujourd’hui .

 

Pour d’autres , le bonheur ne repose pas sur une accumulation de possessions , mais de sensations: il suppose alors une vie trépidante, pleine d’aventures enchainées à un rythme effréné.

 

À l’opposé  de ces deux approches, il y a le bonheur tranquille. Là , il ne  s’agit plus de rechercher la quantité, le «  toujours plus » de possessions ou de sensations, mais la qualité.

Sur les partisans de ce bonheur tranquille souffle l’esprit de modération . Mais qu’est-ce exactement que la modération ? Qui la pratique? Sous quelles formes concrètes? Se pourrai-til même que nous la pratiquons déjà sans le savoir ? Et quels sont ses effets? Enfin , quels sont les textes incontournables à lire sur la modération ?

En répondant à ces questions , nous verrons que la modération n’a rien de triste , d’étriqué ou de terne comme certains préjugés  voudraient que cela suppose.

Elle ne se limite pas à consommer mieux , mais touche à tous les domaines de notre vie, aussi bien familial , professionnel qu’amoureux.

La modération , c’est avoir des rêves , mais des rêves à sa mesure, et ainsi écarter inquiétude et frustration; c’est choisir dans la profusion qui s’offre, et ainsi retrouver le plaisir et l’authenticité.

 

Page 35-36

 

MA PART DANS UNE MODERATION SENTIMENTALE

 

Tenir compte des leçons du passé et, en particulier, des déceptions antérieures ne se fait pas sans intervention  sur ses propres rêves et attentes . Jean-Claude Kauffmann décrit très bien la façon dont aujourd’hui nous intervenons sur nos vies. Il oppose la société d’autrefois, holiste , c’est-à-dire faiblement individualiste , à la société actuelle. Dans la société d’autrefois , «  l’individu est une simple partie de la totalité qui l’englobe : l’avenir est un destin fixé d’avance , la vérité et la morale sont imposées collectivement , l’identité personnelle elle-même est définie par la place occupée dans le groupe ».

 

Aujourd’hui , la situation de l’individu est bien différente. «  Notre société ouvre une autre perspective , totalement inverse: un centrage sur l’individu , incité à s’auto définir , sommé de choisir , choisir , et choisir encore , à chaque instant , dans tous les domaines. Choisir sa vérité( …). Choisir sa morale (…). Choisir ses liens sociaux (…). Imaginer son futur, et intervenir selon des scénarios et projets, rendant ainsi caduque l’idée de destin (21) ».

 

Dit autrement, nous devons aujourd’hui constamment réécrire les scénarios qui nous projettent dans l’avenir. Peut-être l’image du capitaine permet-elle de mesurer que l’individu reste toujours le coauteur de ses rêves , même quand il les revoit à la baisse avec le temps . Sur l’océan , le capitaine de navire ou bien le navigateur en solitaire a un objectif d’arrivée, en fonction des évènements il peut être amené à revoir sa route, à faire une pause dans un port. Qu’il compose avec la météo ou avec la carte de la piraterie ne signifie pourtant aucunement qu’il se laisse porter par les évènements. Un navire sans capitaine n’aurait pas la même trajectoire . Et d’un capitaine à l’autre, la route et la durée du voyage peuvent être différentes! De même, dans nos vies, nous nous adaptons aux signaux que nous recevons, nous composons avec eux. Cela ne signifie pas que nous nous laissons complètement ballotter par les évènements. Modérer ses rêves en matière d’amour reste une action de l’individu.

 

 

Page 43-45

 

JE VEUX GARDER UN ŒIL EMERVEILLE COMME AUX PREMIERS JOURS.

 

Savourer les petits bonheurs tant qu’ils sont la relève d’une démarche volontaire: c’est le souhait de garder la capacité d’émerveillement de l’enfant, pour lequel tout est neuf, tout est nouveau, à commencer par le regard qu’il pose sur le monde. La compagnie des enfants peut d’ailleurs aider à garder cette fraîcheur.

 

Cette importance du regard est décisive et ce n’est pas un hasard si les mots de Paul Guimard l’évoquent: «  J’aurais dû , tout à l’heure sur la route, prendre le temps de regarder avec intensité l’eau et le vent, les arbres et cet enfant minuscule qui courait à la lisière d’un bois et les roses devant la ferme. L’inattention des vivants est confondante. En fait, on ne voit que ce qui s’inscrit dans le champ des œillères de nos préoccupations du moment. (…) Tant de merveilles prodiguées vainement devant des yeux à demi clos (30)! »

 

Hélas, l’habitude a tôt fait d’endormir la vigilance. C’est pourquoi lutter contre elle exige une certaine volonté. Se donner le but de garder un œil émerveillé ne garantit pas que l’on réussisse. Il ne s’agit pas d’une parole magique, le verbe n’a pas voulu un pouvoir illimité. Mais se fixer cet objectif augmente grandement les chances du succès: vouloir lutter contre la banalisation du quotidien, c’est se donner certains moyens de ne pas devenir blasé. Mesurer la fragilité des choses, savourer les petits bonheurs, vouloir garder un œil émerveillé comme aux premiers jours, toutes ces attitudes sont reprises dans le témoignage suivant de Bernard Giraudeau. Évoquant son expérience d’un cancer du rein diagnostiqué neuf ans plutôt, l’acteur l’affirme : «  Aujourd’hui, j’écris un autre chapitre de ma vie. »

 

J’ai choisi d’éternisér le temps

La soixantaine m’apparaît ainsi plutôt belle. Je la vis comme une renaissance. Regardons la vie autrement si on peut encore en profiter. Rien n’est trop tard pour vivre le présent. Nul ne sait le temps qu’il lui reste.(…)

 

J’écris un autre chapitre de ma vie dans une simplicité qui en fait toute la difficulté. J’ai choisi d’éterniser l’instant avec un œil beaucoup plus amoureux de l’existence, plus paisible, plus attentif aux autres, plus enthousiasmé, pourrait-on dire. Si la maladie permet cela, elle est une chance (31). Ce qui compte, ce n’est pas tant  ce qu’on vit que la manière dont le vit. L’intention de la vie vient moins des événements vécus que notre propre intensité à les vivre.

 

Page 55-56

 

LA MODERATION , UNE CLE DE MON BONHEUR?

 

Le comportement de modération a de bonnes raisons d’être : il s’accompagne de très nombreux avantages. La  littérature, les autobiographies, les chansons, les proverbes fournissent quantité d’exemples  utiles pour identifier ces avantages (1). Mais pour expliquer les mécanismes par lesquels la modération peut contribuer au bonheur , il faut se tourner vers la science. En effet, les recherches sur le bonheur se sont développées depuis les années 1950. Aujourd’hui, elles sont le fait d’économies, de psychologues, et de sociologues  et de médecins.

Leurs résultats confortent parfois des intuitions anciennes  mais en leur donnant un statut nouveau: il existe désormais un « corpus important de connaissances » alors qu’auparavant «  la compréhension du bonheur demeurait spéculative et incertaine (2) » .

 

Les petits rêves me portent

 

Il est un premier avantage de la modération : les petits rêves donnent des ailes, et ce, pour deux raisons. Tout d’abord, comme tous les rêves, ils donnent un élan vital. Ensuite, étant modestes, ils permettent  l’  «  expérience optimale ». Or cette expérience optimale, définie par des caractéristiques  bien précises, s’identifie au bonheur profond.

 

L’ancrage dans un projet

 

Rêver petit, c’est rêver  déjà. Or, le rêve favorise un ancrage de l’homme dans un projet, dans une temporalité et, au-delà, dans l’existence qui permet d’éviter le flottement - ce que les sociologues appellent l’anomie (3) . Le facteur Cheval a exprimé cette idée avec des mots très justes : « Sans but, la vie est une chimère » a-t-il gravé au plafond d’une galerie de son palais idéal.

Et contrairement aux rêves démesurés, les petits rêves ont l’avantage d’empêcher la fuite dans l’imaginaire . La modération   permet d’éviter le flottement - ce que les sociologues appellent l’anomie(3). Le facteur Cheval a exprimé  cette idée avec des mots justes : « Sans but, la vie est une chimère », a-t-il gravé au plafond d’une des galeries de son palais idéal.

Et contrairement aux rêves démesurés, les petits rêves ont l’avantage d’empêcher la fuite dans l’imaginaire. La modération permet de rester dans  la société et de la société, de ne pas tomber dans l’évasion(4).  Celui qui rêve petit n’est point guetté par le risque de l’aboulie, cette incapacité à agir et à décider, ni par le risque de l’oblomovstchina, cette « grande apathie russe(5) ».

 Autrement dit, la modération permet d’échapper à l’égoïsme pur décrit par Emile Durkheim : rêver petit empêche que « la conscience se replie sur elle-même, se (prenne) elle-même comme son propre et unique objet et se donne pour principale tâche de s’observer et de s’analyser ».

 

Page 67-

 

BILAN

 

Les petits rêves font mon bonheur. La modération se décline selon les facettes très diverses : modération de la consommation, des ambitions professionnels , modération des ambitions sociales , modération de l’empreinte écologique . Mais nous pouvons maintenant affirmer que toutes ont en commun d’être favorables au bonheur puisque l’accessibilité des buts est-elle-même un facteur positif pour le bonheur