Sections du site en Octobre 2009 :  Ajouts successifs d’articles -- Sujets d’articles à traiter – Pour publier --  Post-Polio -- L'aide à domicile -- Internet et Handicap -- Informatique jusqu’à 100 ans – Etre en lien -- L’animal de compagnie --  Histoires de vie  --  Donner sens à sa vie – A 85 ans aller de l’avant -- Tous chercheurs -- Liens –  Le  webmestre.

 

RETOUR A LAPAGE D’ACCUEIL : CLIC            AUTEURS, TITRES DE TOUS  LES  ARTICLES : CLIC         SYNTHESE GENERALE: CLIC

 

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Juillet  2012

QU’EST-CE QUI FAVORISE LA REUSSITE DE L’ENTREE DANS LA RETRAITE ?

 

Sous la direction de Dominique THIERRY

 

Article extrait de l’ouvrage : L’entrée dans la retraite ; un nouveau départ, une mort sociale ? Les enjeux individuels et collectifs, Editions Liaisons 2006

 

 

INTRODUCTION, POINT DE VUE par Henri Charcosset, webmestre, henri.charcosset@neuf.fr

 

 L’entrée en retraite professionnelle est une étape importante de la vie. L’individu se trouve face à lui-même, avec ses capacités et ses limites. Rappelons-nous que nos ascendants de temps pas si lointains, travaillaient jusqu’à leur mort. Au plan des idées cela n’avait pas que du contre, si l’on considère que l’individu s’identifie pour une part importante, par ce qu’il fait, reflet de ce qu’il est.

         Dans des publications déjà anciennes, nous visualisons les adultes jeunes comme les agents de production de nos services et biens, et les adultes dissociés du milieu de travail, comme les éléments clé de la production du lien social dans notre société ; voir notamment CLIC. Pour des réflexions récentes, voir en particulier l’entretien CLIC

          Cette sorte  de  répartition des tâches dans la vie,  est grandement facilitée par l’accès tout récent à l’informatique couplée Internet. Il n’existe plus de barrière physique, à ce que nos concitoyens puissent mettre en partage leur capacité d’expression. Ceci,jusqu’à des degrés particulièrement élevés de handicap physique, en situation de handicap social aussi, dans une certaine mesure enfin, en état de handicap mental.

         La mise en place et le faire vivre de ce site internet visent à la promotion de la mise en profit de l’internet pour l’insertion sociale active de tout un chacun, sans exceptions. Ne sommes-nous pas potentiellement« tous chercheurs », à partir de nos parcours dans la vie ? C’était déjà le sens de notre message entré sur le Net le 1er janvier 2001 CLIC ; pour un entretien très récent voir CLIC

 

 

EXTRAITS DE L’OUVRAGE par Henri Charcosset

 

Introduction

 

         L’entrée dans la retraite est un tournant dans la vie du nouveau retraité, un passage, un réaménagement parfois radical des conditions de son existence. Isabelle B. interviewée dans le cadre du groupe  de recherche de Développement et Emploi en tant qu’experte, pose la question centrale : comment faire que ce passage soit bien vécu et fécond ?

 

         Plusieurs facteurs jouent positivement ou négativement. Certains sont plus environnementaux, et s’imposent, de l’extérieur, au retraité. D’autres dépendent plus de ses choix et de sa volonté propre :

La transition est plus facile quand la retraite est voulue comme un vrai projet de vie et anticipée, que la succession est prévue et que la personne concernée est impliquée dans le processus de succession : « le sentiment du boulot bien fini »

A contrario, la transition est plus difficile quand la retraite est une simple opportunité (ex : des avantages financiers attractifs) ou une nécessité (ex : problèmes de santé).

Elle est extrêmement difficile quand elle est une obligation, même acceptée, surtout dans le cadre de départs anticipés, toujours perçus comme un licenciement, quelles que soient les conditions financières de départ. Dans ce dernier cas de figure, c’est bien le sentiment d’inutilité, donc de négation identitaire, qui l’emporte (cf. entretien avec Françoise Aguttes qui a mené des actions de préparation à la retraite pendant trente ans).

Dans les cas extrêmes, la violence institutionnelle du départ empêche toute reconstruction, car le deuil de la vie professionnelle ne peut pas être fait. Sans qu’on puisse faire actuellement de corrélations scientifiques certaines entre ces traumatismes profonds, et probablement irréversibles, et des problèmes de santé ou une moindre espérance de vie, on ne peut pas s’empêcher de constater des « recoupements ». On se trouve bien, dans ces situations, sur des approches qui relèvent du harcèlement moral, plus diffuses mais aux effets identiques.

 

         Ainsi, les préretraités qui sont partis dans des conditions financières avantageuses se vivent souvent comme dans un no man’s land. Certains se sentent incapables de bâtir un nouveau projet de vie tant qu’ils ne sont pas juridiquement en retraite. Ils perçoivent leurs indemnités comme de l’argent illégitime, au contraire de la « pension », résultat du pacte social intergénérationnel et contrepartie du travail accompli.

A fortiori ceux qui ont des revenus faibles ou insuffisants sont avant tout des demandeurs d’emploi… qui savent qu’ils n’en trouveront pas. Toute projection vers la retraite, au sens d’un nouveau projet de vie, est alors totalement impossible. Enfin, ce qui précède concerne prioritairement « les exclus du travail », mais on retrouve à peu prés les mêmes effets psychologiques chez les « exclus dans le travail » (les placardisés).

 

Transmission de savoirs

        

Le problème de la transmission professionnelle est central (choix du successeur, formation du successeur, transmission du savoir-faire…).

A contrario, la suppression du poste ou de l’activité du nouveau retraité au moment de la cessation d’activité est vécue par lui comme une destruction identitaire.

 Toutefois, la question de la transmission ne se réduit pas à la transmission professionnelle. Elle est centrale dans la transition et la reconstruction identitaire et peut trouver d’autres supports ou des formes de substitution.

C’est bien « l’œuvre et la trace » qui sont importantes ; par exemple, l’installation industrielle qu’on peut montrer et dont on est fier, la machine qui fonctionne toujours, les ouvrages qu’on a écrits, les jeunes qu’on a formés, l’écriture de chroniques pour ses petits-enfants, l’écriture de son histoire de vie, le transfert de son savoir-faire dans de nouvelles activités.

Dans des cas extrêmes où l’identité par le travail était faible et où il y a peu à transmettre, il semble que la Culture d’une mémoire prenne une place considérable. Ainsi, beaucoup d’anciens OS immigrés de Renault à Billancourt ont refusé de retourner au pays, même quand il n’y avait pas eu précédemment de regroupement familial. Très progressivement et longtemps après la fermeture de l’usine, des associations d’anciens ouvriers se sont développées et sont actuellement très actives au sein même de Boulogne (autour de la Place Nationale). C’est comme si ce lieu commun (anciens de Billancourt) constituait le principal facteur de socialisation et de reconnaissance (pour eux et entre eux).

 

Influence des conditions de départ

 

Les conditions de départ prennent souvent une importance considérable. « Le pot de départ » est parfois très préparé, toujours raconté comme un souvenir important de la vie. C’est toute la reconnaissance sociale du travail et de la carrière qui se joue dans cette cérémonie symbolique. Parfois, c’est même la première fois que cette reconnaissance est clairement exprimée. A contrario, le refus de faire un pot » ou de participer à une cérémonie hypocrite, ou encore le choix spécifique d’organiser une réunion plus intime avec uniquement les « vrais copains » constituent un signe très fort de souffrances endurées et une façon de quitter le travail « en secouant la poussière de ses sandales ». Quand cela se passe bien, cette cérémonie est évidemment une première étape qui va faciliter le travail de séparation.

 

La transition est plus facile quand le déploiement d’activités nouvelles est en continuité avec les activités anciennes et permet de mobiliser des compétences jugées utiles et reconnues socialement. Sur ce registre, il peut y avoir des processus de compensations reconnues : ainsi l’exemple de Bernard G., ingénieur de haut niveau, qui fait des maquettes avec ses petits-enfants en les gérant comme des projets industriels… !

 

Dans tous les cas de figure, le passage d’un temps imposé et sous contraintes à un temps choisi, mais plus morcelé, est un véritable apprentissage… qui demande du temps. A l’évidence, et sauf exceptions, ce nouvel apprentissage est plus facile pour les femmes que pour les hommes, car les femmes ont appris, par nécessité, à gérer des temps sociaux plus diversifiés.

 

L’apport des proches

 

Les proches, et tout particulièrement le conjoint, seront des appuis ou des obstacles à ce remaniement identitaire du retraité. Dans les interviews on sent parfois que c’est un sujet sensible dont la personne interviewée ne veut pas parler. Il arrive que son refus d’envisager la retraite soit lié à la crainte de perdre la reconnaissance du conjoint et des enfants (surtout si ces derniers sont des jeunes pour des couples reconstitués).

Au moment du passage à la retraite, dans certains cas, le nouveau retraité est amené à se réapproprier de haute lutte un espace géographique dans la maison, pour pouvoir se consacrer à un « hobby », perçu parfois comme un concurrent du conjoint… !

Si les activités externes sont différentes, il faut retrouver de nouvelles concordances de temps avec le conjoint, souvent moins rythmées par les horaires journaliers du travail. S’il y a deux lieux de vie, une résidence principale et une résidence secondaire, il faut rendre compatibles les choix individuels du couple avec ceux plus ou moins imposés par les solidarités familiales, d’où le stéréotype des retraités sur-occupés.

D’autres fois, la retraite est l’occasion pour les époux de penser ou de réaliser un projet commun. Pour d’autres, c’est enfin avoir du temps pour se redécouvrir.

 

Se prendre en main, dans sa nouvelle vie

 

Enfin, la transition est grandement facilitée lorsque le jeune retraité prend en main le nouveau cours de sa vie, à travers un processus conscient …..

Ainsi, en conclusion de cette analyse du processus de transition, on peut dire que cette période de transition, de transformations, de remaniements identitaires ne se fait pas aisément. On parle communément de crises associées aux différents âges de la vie à chaque fois que le sujet est confronté à des grands changements tant sur les plans biologique, intellectuel, psychique, que social ; c’est ainsi que l’on parle de crise de l’adolescence, de crise de milieu de vie, de crise conjugale : il se produit alors des bouleversements profonds dans ce qui faisait repère et continuité jusqu’alors et qui provoquent une crise de l’image de soi, de l’amour de soi et de la représentation que l’individu a de lui-même.

 

Du fait des choix qui vont s’imposer ou s’offrir au sujet et qui vont entraîner des changements désorganisant ou réorganisant dans sa vie, son environnement, ses relations…, il est amené à réinterroger son parcours, ses choix de vie et le sens qu’ils ont pu ou peuvent encore donner à sa vie.

 

C’est aussi le moment où le sujet se trouve confronté à des pertes des supports d’identification qui ont fonctionné pour lui jusqu’alors ; le travail comme moyen de se réaliser, l’institution de travail et le collectif de travail comme moyen de se faire reconnaître. Perte donc des repères et des groupes d’appartenance qui l’ont accompagné, porté voire contenu jusqu’alors.

Ces pertes vont impliquer de la renonciation, et ce qu’on appelle couramment maintenant un travail de deuil qui devra, dans le temps, s’articuler avec le travail psychique sur les gains qui viennent en contrepartie. S’il y a des pertes et de la souffrance, il y a aussi des gains que peuvent représenter le fait de mûrir, de se préserver, de jouir de la vie, d’être libre… (la vieillesse comme acquisition, progrès et sérénité). Ce qui est aussi à « maturer », à élaborer par le sujet au plan psychique et qui requiert du temps pour s’élaborer.

 

Se former à la relation de seul à seul avec soi

 

Enfin, dernier point, le sujet est obligé de se redéfinir seul ; cette fois, ces mêmes supports d’identification qui, par le travail, les solidarités, les groupes…, étaient donnés ou étaient présents, dans la période de transition sont à réinventer.

Or cette relance des identifications se fait sur la base de supports moins nombreux, insuffisants, voire absents qui sont alors à construire (comme à l’adolescence).

 

C’est donc une période qui génère de l’angoisse : la période de départ en retraite signe la fin de quelque chose, le passage vers un autre temps de la vie, la perte de la jeunesse, et derrière tout cela se profile la réévaluation par le moi de ses désirs et de ses propres limites et, pour le dire autrement, la peur de la mort.

 

Ces angoisses vont mobiliser grandement le psychisme dans :

-la capacité de faire le deuil, de faire avec des pertes, de traverser sans trop de souffrance l’épisode dépressif qui ne peut manquer d’accompagner toute perte ;

-         accepter la fin de certains attachements qui ont pu compter beaucoup,

-         accepter le passage du « plein au vide »,

-         et surtout accepter ce dernier tournant, la fin de ce rêve d’éternité qui nous anime depuis l’enfance ;

-la capacité de convertir les intérêts et investissements passés qui se trouvent « libérés » du travail et de les redéployer en intérêts nouveaux, capacité de « sublimer » dirait-on ; l’énergie qui n’a plus à s’investir dans le travail sera dérivée vers d’autres cibles, vers d’autres objets valorisés par le sujet ;

-         la réactivation des défenses contre la perte et les séparations qui sont toujours là prêtes à se déployer :

-         dans la fuite : recommencer sa vie,

-         dans le refoulement : chasser de la conscience et du moi conscient les représentations intolérables,

-         dans la dénégation : comme si le vieillissement n’existait pas, avec des risques tels que les accidents somatiques ou les somatisations, la dépression, des déstabilisations narcissiques : entre idéalisation (de la vie d’avant, de l’époque d’avant…) et dévaluation (ne plus rien valoir, être un poids mort…) avec les possibles régressions, passivités, replis qui l’accompagnent.

 

Conclusion

 

C’est donc une période de transition qui demande du temps ; elle doit être traversée : personne n’en fait l’économie, même si chacun s’arrange comme il peut du fait de sa structure, de son histoire… mais avec du temps, car lui seul va permettre le déploiement des processus psychiques et la sortie de la crise avec au bout du plaisir et de la sérénité.

 

         D’un point de vue plus opérationnel, deux axes peuvent être envisagés :

-         Une voie objective, qui serait dans le cadre de la vie professionnelle le soutien à des mobilités fonctionnelles ou géographiques, de manière à ce que les individus dédramatisent les changements qu’ils affrontent au cours de leur trajectoire, et les préparent à affronter la transition du passage en retraite.

-         Plus en amont, des modes éducatifs qui entraînent les jeunes à affronter des situations inconnues et à valoriser leur prise de responsabilité personnelle pourraient être encouragés.

-         Une voie subjective, qui pèserait par le soutien des individus à dire leurs peurs et leurs aspirations, au moment d’aborder une nouvelle étape de leur vie et, de manière complémentaire, à les aider à formaliser les manières dont ils ont déjà traité auparavant des situations de rupture, de séparation, afin qu’ils expriment leurs propres repères et leur démarche. L’échange avec d’autres (passant par l’exemple des autres, avec des cas de « réussite », ou « d’échec ») favoriserait un travail de projection des individus, pour mieux se situer et se préparer.