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Juillet 2012
QU’EST-CE QUI FAVORISE LA REUSSITE DE
L’ENTREE DANS LA RETRAITE ?
Sous la direction de Dominique THIERRY
Article extrait de l’ouvrage : L’entrée dans la
retraite ; un nouveau départ, une mort sociale ? Les enjeux
individuels et collectifs, Editions Liaisons 2006
INTRODUCTION, POINT DE VUE par
L’entrée en
retraite professionnelle est une étape importante de
Dans des publications déjà anciennes,
nous visualisons les adultes jeunes comme les agents de production de nos
services et biens, et les adultes dissociés du milieu de travail, comme les
éléments clé de la production du lien social dans notre société ; voir
notamment CLIC.
Pour des réflexions récentes, voir en particulier l’entretien CLIC
Cette sorte de répartition des tâches dans la vie, est grandement facilitée par l’accès tout
récent à l’informatique couplée Internet. Il n’existe plus de barrière physique,
à ce que nos concitoyens puissent mettre en partage leur capacité d’expression.
Ceci,jusqu’à des degrés
particulièrement élevés de handicap physique, en situation de handicap social
aussi, dans une certaine mesure enfin, en état de handicap mental.
La mise en place et le faire vivre de
ce site internet visent à la promotion de la mise en profit de l’internet pour
l’insertion sociale active de tout un chacun, sans exceptions. Ne sommes-nous
pas potentiellement« tous chercheurs », à partir de nos parcours dans
la vie ? C’était déjà le sens de notre message entré sur le Net le 1er
janvier 2001 CLIC ;
pour un entretien très récent voir CLIC
EXTRAITS DE L’OUVRAGE par Henri Charcosset
Introduction
L’entrée dans la retraite est un
tournant dans la vie du nouveau retraité, un passage, un réaménagement parfois
radical des conditions de son existence. Isabelle B. interviewée dans le cadre
du groupe de recherche de Développement
et Emploi en tant qu’experte, pose la question centrale : comment faire que ce passage soit bien vécu
et fécond ?
Plusieurs facteurs jouent positivement
ou négativement. Certains sont plus environnementaux, et s’imposent, de
l’extérieur, au retraité. D’autres dépendent plus de ses choix et de sa volonté
propre :
La
transition est plus facile quand la
retraite est voulue comme un vrai projet de vie et anticipée, que la
succession est prévue et que la personne concernée est impliquée dans le
processus de succession : « le
sentiment du boulot bien fini »
A
contrario, la transition est plus difficile quand la retraite est une simple opportunité (ex : des
avantages financiers attractifs) ou une nécessité (ex : problèmes de
santé).
Elle
est extrêmement difficile quand elle est
une obligation, même acceptée, surtout dans le cadre de départs anticipés,
toujours perçus comme un licenciement, quelles que soient les conditions
financières de départ. Dans ce dernier cas de figure, c’est bien le sentiment
d’inutilité, donc de négation identitaire, qui l’emporte (cf. entretien avec
Françoise Aguttes qui a mené des actions de
préparation à la retraite pendant trente ans).
Dans les cas extrêmes, la violence institutionnelle du départ empêche toute
reconstruction, car le deuil de la vie professionnelle ne peut pas être fait.
Sans qu’on puisse faire actuellement de corrélations scientifiques certaines
entre ces traumatismes profonds, et probablement irréversibles, et des
problèmes de santé ou une moindre espérance de vie, on ne peut pas s’empêcher
de constater des « recoupements ». On se trouve bien, dans ces
situations, sur des approches qui relèvent du harcèlement moral, plus diffuses
mais aux effets identiques.
Ainsi, les préretraités qui sont partis dans des conditions financières
avantageuses se vivent souvent comme dans un no man’s land. Certains se sentent incapables de bâtir un nouveau
projet de vie tant qu’ils ne sont pas juridiquement en retraite. Ils perçoivent
leurs indemnités comme de l’argent illégitime, au contraire de la
« pension », résultat du pacte social intergénérationnel et
contrepartie du travail accompli.
A fortiori ceux qui ont des revenus faibles ou insuffisants sont
avant tout des demandeurs d’emploi… qui savent qu’ils n’en trouveront pas.
Toute projection vers la retraite, au sens d’un nouveau projet de vie, est
alors totalement impossible. Enfin, ce qui précède concerne prioritairement
« les exclus du travail », mais on retrouve à peu prés les mêmes
effets psychologiques chez les « exclus dans le travail » (les
placardisés).
Transmission de savoirs
Le
problème de la transmission professionnelle est central (choix du successeur,
formation du successeur, transmission du savoir-faire…).
A contrario, la suppression du poste ou de l’activité du nouveau
retraité au moment de la cessation d’activité est vécue par lui comme une
destruction identitaire.
Toutefois, la question de la transmission ne
se réduit pas à la transmission professionnelle. Elle est centrale dans la
transition et la reconstruction identitaire et peut trouver d’autres supports
ou des formes de substitution.
C’est bien « l’œuvre et la
trace » qui sont importantes ;
par exemple, l’installation industrielle qu’on peut montrer et dont on est
fier, la machine qui fonctionne toujours, les ouvrages qu’on a écrits, les
jeunes qu’on a formés, l’écriture de chroniques pour ses petits-enfants,
l’écriture de son histoire de vie, le transfert de son savoir-faire dans de
nouvelles activités.
Dans
des cas extrêmes où l’identité par le travail était faible et où il y a peu à
transmettre, il semble que la Culture
d’une mémoire prenne une place considérable.
Ainsi, beaucoup d’anciens OS immigrés de Renault à Billancourt ont refusé de
retourner au pays, même quand il n’y avait pas eu précédemment de regroupement
familial. Très progressivement et longtemps après la fermeture de l’usine, des
associations d’anciens ouvriers se sont développées et sont actuellement très
actives au sein même de Boulogne (autour de
Influence des conditions
de départ
Les
conditions de départ prennent souvent une importance considérable. « Le
pot de départ » est parfois très préparé, toujours raconté comme un
souvenir important de
La
transition est plus facile quand le déploiement d’activités nouvelles est en
continuité avec les activités anciennes et permet de mobiliser des compétences
jugées utiles et reconnues socialement. Sur ce registre, il peut y avoir des
processus de compensations reconnues : ainsi l’exemple de Bernard G.,
ingénieur de haut niveau, qui fait des maquettes avec ses petits-enfants en les gérant comme des projets industriels… !
Dans
tous les cas de figure, le passage d’un temps imposé et sous contraintes à un
temps choisi, mais plus morcelé, est un véritable apprentissage… qui
demande du temps. A l’évidence, et sauf exceptions, ce nouvel apprentissage est
plus facile pour les femmes que pour les hommes, car les femmes ont appris, par
nécessité, à gérer des temps sociaux plus diversifiés.
L’apport des proches
Les
proches, et tout particulièrement le conjoint, seront des appuis ou des
obstacles à ce remaniement identitaire du retraité. Dans les interviews on sent
parfois que c’est un sujet sensible dont la personne interviewée ne veut pas
parler. Il arrive que son refus d’envisager la retraite soit lié à la crainte
de perdre la reconnaissance du conjoint et des enfants (surtout si ces derniers
sont des jeunes pour des couples reconstitués).
Au moment du passage à la retraite, dans certains cas,
le nouveau retraité est amené à se réapproprier de haute lutte un espace
géographique dans la maison, pour pouvoir se consacrer à un
« hobby », perçu parfois comme un concurrent du conjoint… !
Si les activités externes sont différentes, il faut
retrouver de nouvelles concordances de temps avec le conjoint, souvent moins
rythmées par les horaires journaliers du travail. S’il y a deux lieux de vie,
une résidence principale et une résidence secondaire, il faut rendre
compatibles les choix individuels du couple avec ceux plus ou moins imposés par
les solidarités familiales, d’où le stéréotype des retraités sur-occupés.
D’autres fois, la retraite est l’occasion pour les
époux de penser ou de réaliser un projet commun. Pour d’autres, c’est enfin
avoir du temps pour se redécouvrir.
Se prendre en main, dans sa
nouvelle vie
Enfin, la transition est grandement facilitée lorsque
le jeune retraité prend en main le nouveau cours de sa vie, à travers un
processus conscient …..
Ainsi, en conclusion de cette analyse du processus de
transition, on peut dire que cette période de transition, de transformations,
de remaniements identitaires ne se fait pas aisément. On parle communément de
crises associées aux différents âges de la vie à chaque fois que le sujet est
confronté à des grands changements tant sur les plans biologique, intellectuel,
psychique, que social ; c’est ainsi que l’on parle de crise de
l’adolescence, de crise de milieu de vie, de crise conjugale : il se
produit alors des bouleversements profonds dans ce qui faisait repère et
continuité jusqu’alors et qui provoquent une crise de l’image de soi, de
l’amour de soi et de la représentation que l’individu a de lui-même.
Du fait des
choix qui vont s’imposer ou s’offrir au sujet et qui vont entraîner des changements désorganisant ou réorganisant
dans sa vie, son environnement, ses relations…, il est amené à réinterroger son
parcours, ses choix de vie et le sens qu’ils ont pu ou peuvent encore donner à
sa vie.
C’est aussi
le moment où le sujet se trouve confronté à des pertes des supports d’identification qui ont fonctionné pour
lui jusqu’alors ; le travail comme moyen de se réaliser, l’institution de
travail et le collectif de travail comme moyen de se faire reconnaître. Perte
donc des repères et des groupes d’appartenance qui l’ont accompagné, porté
voire contenu jusqu’alors.
Ces pertes vont impliquer de la renonciation, et ce
qu’on appelle couramment maintenant un travail de deuil qui devra, dans le
temps, s’articuler avec le travail psychique sur les gains qui viennent en
contrepartie. S’il y a des pertes et de la souffrance, il y a aussi des gains
que peuvent représenter le fait de mûrir, de se préserver, de jouir de la vie,
d’être libre… (la vieillesse comme acquisition,
progrès et sérénité). Ce qui est aussi à « maturer »,
à élaborer par le sujet au plan psychique et qui requiert du temps pour
s’élaborer.
Se former à la relation de
seul à seul avec soi
Enfin, dernier point, le sujet est obligé de se
redéfinir seul ; cette fois, ces mêmes supports
d’identification qui, par le travail, les solidarités, les groupes…, étaient
donnés ou étaient présents, dans la période de transition sont à réinventer.
Or cette relance des identifications se fait sur la
base de supports moins nombreux, insuffisants, voire absents qui sont alors à
construire (comme à l’adolescence).
C’est donc une période qui génère de l’angoisse :
la période de départ en retraite signe la fin de quelque chose, le passage vers
un autre temps de la vie, la perte de la jeunesse, et derrière tout cela se
profile la réévaluation par le moi de ses désirs et de ses propres limites et,
pour le dire autrement, la peur de la mort.
Ces
angoisses vont mobiliser grandement le psychisme dans :
-la capacité de faire le deuil, de faire
avec des pertes, de traverser sans
trop de souffrance l’épisode dépressif qui ne peut manquer d’accompagner toute
perte ;
-
accepter la fin
de certains attachements qui ont pu compter beaucoup,
-
accepter le
passage du « plein au vide »,
-
et surtout
accepter ce dernier tournant, la fin de ce rêve d’éternité qui nous anime
depuis l’enfance ;
-la capacité de convertir les intérêts
et investissements passés qui se
trouvent « libérés » du travail et de les redéployer en intérêts
nouveaux, capacité de « sublimer » dirait-on ; l’énergie qui n’a
plus à s’investir dans le travail sera dérivée vers d’autres cibles, vers
d’autres objets valorisés par le sujet ;
-
la réactivation des défenses contre la perte et les
séparations qui sont toujours là
prêtes à se déployer :
-
dans la fuite :
recommencer sa vie,
-
dans le
refoulement : chasser de la conscience et du moi conscient les
représentations intolérables,
-
dans la
dénégation : comme si le vieillissement n’existait pas, avec des risques
tels que les accidents somatiques ou les somatisations, la dépression, des
déstabilisations narcissiques : entre idéalisation (de la vie d’avant, de
l’époque d’avant…) et dévaluation (ne plus rien valoir, être un poids mort…)
avec les possibles régressions, passivités, replis qui l’accompagnent.
Conclusion
C’est
donc une période de transition qui demande du temps ; elle doit être
traversée : personne n’en fait l’économie, même si chacun s’arrange comme
il peut du fait de sa structure, de son histoire… mais avec du temps, car lui
seul va permettre le déploiement des processus psychiques et la sortie de la
crise avec au bout du plaisir et de la sérénité.
D’un point de vue plus opérationnel,
deux axes peuvent être envisagés :
-
Une voie objective, qui serait dans le cadre de la vie professionnelle le soutien à des
mobilités fonctionnelles ou géographiques, de manière à ce que les individus
dédramatisent les changements qu’ils affrontent au cours de leur trajectoire,
et les préparent à affronter la transition du passage en retraite.
-
Plus en amont,
des modes éducatifs qui entraînent les jeunes à affronter des situations
inconnues et à valoriser leur prise de responsabilité personnelle pourraient
être encouragés.
-
Une voie subjective, qui pèserait par le soutien des individus à dire leurs
peurs et leurs aspirations, au moment d’aborder une nouvelle étape de leur vie
et, de manière complémentaire, à les aider à formaliser les manières dont ils
ont déjà traité auparavant des situations de rupture, de séparation, afin
qu’ils expriment leurs propres repères et leur démarche. L’échange avec
d’autres (passant par l’exemple des autres, avec des cas de
« réussite », ou « d’échec ») favoriserait un travail de
projection des individus, pour mieux se situer et se préparer.