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Mai 2010
MON AMOUR, C'EST LA CRISE.....
ET
SI ON DIVORÇAIT?
Jacqueline
REMY
Introduction, Résumé par Henri Charcosset
Cet article est une version
condensée de l'article bien documenté, publié par le magazine Marianne! Les messages forts indiqués en rouge dans
l‘article sont:
- On se jette dans le divorce comme
s'il y allait de notre honneur, de notre santé, de notre équilibre mental.
- L'exemple vient d'en haut: même le
chef de l'Etat passe d'une épouse à l'autre en plein mandat!
- Le droit de la famille n'est plus
conçu comme un droit de couple mais comme celui de l'individu.
- Deux catégories de couples se mettent
à exploser: les plus jeunes, et un gros contingent de 50 ans et plus.
- Merci la crise immobilère! On claque
la porte et, une fois dehors, on revient vite fait squatter le canapé.
- Le divorce paupérise: il faut
multiplier par deux le loyer, les charges, les impôts, la voiture....
- Bien qu'elles soient les premières à
en pâtir,les femmes sont à l'origine de 68% des requêtes.
Nous ferons nôtre, en
tous cas j'espère, couples de tous âges, le message en final de l'article:
« On n'est pas obligé d'avoir une conception sacrificielle du mariage,
mais, sans effort, la vie à deux est impossible! ».
Texte de l‘article
Contrairement aux
Anglo-Saxons, qui diffèrent leur rupture pour cause de récession, les Français
divorcent de plus en plus. Rien ne les freine. Et surtout pas l'incertitude
économique qui les attend.
La rumeur a couru toute l'année. Depuis
le début de la crise économique, les Américains, de même que les Britanniques,
auraient rengainé leurs projets de divorce ou les remettraient à plus tard. Et
les Français ne seraient pas en reste. Pas question de diviser ses biens par
deux quand la dépression financière a déjà fait le travail. Stupeur et
ricanements: l'insécurité bancaire au secours de la sécurité des familles,
quelle ironie de l'histoire!
En fait, hors quelques témoignages
désamorcés par d'autres, aucun chiffre sérieux ne vient étayer l'hypothèse de
cette passionnante mutation. Il est trop tôt pour mesurer les effets de la
crise économique sur les ruptures conjugales et les statistiques à venir seront
en partie brouillées par les effets de la réforme de la loi qui, depuis 2005, a considérablement simplifié les
procédures et assoupli les conditions du divorce. Paradoxalement, les
professionnels du droit de la famille ont un sujet inverse d'étonnement: malgré
la crise, malgré le coût des procédures, malgré l'incertitude sociale, malgré
les précautions dont, désormais, chacun s'entoure avant de se marier, les Français se jettent dans le divorce
comme s'il y allait de leur honneur, de leur santé, de leur équilibre mental,
parfois de leur statut social, bref, de leur existence .
« Pourtant, étant
donné la conjoncture, certains courent tout droit vers un scénario catastrophe,
surtout s' ils ont un bien immobilier » s'exclame la notaire Nathalie
Couzigou-Suhas. Mais toute autre porte de sortie, en cas de crise conjugale,
passe aujourd'hui aux yeux de beaucoup pour une lâcheté, un compromis, une
médiocrité. Si rien ne va plus et qu'on
ne divorce pas, c'est avec soi-même qu'on triche. Tout se passe comme si,
désormais, dans l'échelle crue des erreurs contemporaines, il était plus grave
de se trahir soi-même que de trahir l'autre.
Friabilité conjugale
Les couples au long cours ne font plus
qu'a moitié rêver : « Mes copines divorcées me suspectent de me contenter
de peu », grogne Anne, 55 ans, dont trente de vie maritale. Et, sur le
divan des thérapeutes, les patients sont pris de vertiges constate le
psychanalyste Jacques Sedat. « Certains, évoquant les divorces de leurs
amis, finissent pas s'angoisser: Et pourquoi pas moi? A quoi tient mon
couple? Comme si l'exemple de leur
entourage autorisait à se poser la question. »
De fait, la friabilité conjugale est
devenue statistiquement impressionnante.
A l'échelle d'un pays, c'est une guerre civile perlée. « La
génération des couples mariés dans les années 90 va dépasser les 40% de taux de
divorce. » affirme France Prioux de l'Institut national d'études
démographiques (Ined). On divorce de plus en plus tôt. Le pic s'observe vers
cinq ans de mariage. Mais à toutes les saisons du couple, le danger rôde. Le
nombre des divorces a augmenté de 12% en onze ans, passant de 120 000 en 1996 à
134 000 en 2007, alors qu'on s'unit de moins en moins devant M. le Maire: 267
000 mariages seulement ont été célébrés en 2007, soit, cette année-là, deux
mariages pour un divorce. Et la proportion est plus lourde encore dans les
grandes villes. Les couples pacsés - 95 000 unions hétéros scellées en 2007- ne
font pas mieux: on casse au moins autant, et encore plus vite. Quand aux unions
libres, très nombreuses, elles échappent
aux statistiques: « Mais je vois de plus en plus arriver des concubins qui
se séparent alors que Madame est enceinte ou que le bébé vient de
naître, » constate une juge aux affaires familiales. Ils ont à peine eu le
temps d'avoir une vie commune. »
Divorce à la tronçonneuse
Un demi-siècle a passé. Plus personne
ou presque ne déplore ou ne stigmatise le divorce. Sauf ceux qui le subissent
et le refusent, comme ce père de famille des Ardennes, qui, en août
dernier, a pris au mot sa femme qui
demandait un partage de leurs biens, et a coupé en deux, à la tronçonneuse le
canapé du salon, la table de la salle à manger et l'ordinateur domestique. Pas
toujours facile de recoller les morceaux... Mais au moins, les enfants de
divorcés ne sont-ils plus montrés du doigt. La procédure par consentement
mutuel a été votée en 1975, et bien améliorée en 2004
La notion de
« faute » est de moins en moins souvent retenue (15% des cas). Au bout de deux ans de séparation de fait,
et non plus six, comme avant, le divorce devient une formalité, un droit auquel
l'autre ne peut plus s'opposer. Et sur lequel on n'a plus à se
justifier. « Aujourd'hui, on peut engager une procédure sans
avoir à indiquer ses griefs, se
félicite la juge Dominique Salvary, vice-présidente des affaires familiales au
tribunal de Paris. La nouvelle loi est plus respectueuse du droit au silence
des époux ». Le juge désormais, n'intervient que sur l'aménagement des
conséquences du divorce. Plus sur son principe. Chacun vit, rompt, revit avec
qui il veut. Même aux yeux des catholiques pratiquants -13% de divorces parmi
eux, contre 17% pour l'ensemble des français -, la rupture d'un lien conjugal
"indissoluble" n'est plus un péché digne de ce nom: 85% d'entre eux,
selon un sondage TNS-Sofres pour le pèlerin ne comprennent plus que le
Vatican s'entête à priver de communion ses ouailles saisies par le désamour et
à assimiler le remariage à un adultère.
Le consensus semble total. Dédramatisé,
banalisé, allégé, le divorce perd sa
charge culpabilisatrice au profit d'un discours lénifiant exaltant la vérité
des sentiments et prônant le droit pour chacun à une vie meilleure, donc
désaliénée. Au point que le traditionnel Salon du Mariage et du Pacs, qui se
tient chaque année début Novembre porte Champerret, à Paris, vient d'être cette
année suivi pour la première fois, d'un.... Salon du divorce, de la séparation et du veuvage sous-titré
"Nouveau départ".
Or comme le martèlent
les maîtres en vogue du développement personnel, devenir soi-même constitue l'alpha et l'oméga d'une vie réussie.
Bref, le divorce est réhabilité en épreuve initiatique. Utile, sinon
nécessaire.
On peut même le fêter. Une société
lyonnaise, Wedding Out Factory (WOF), organise des "divorces parties " où l'on déterre symboliquement sa vie de
jeune fille. Traité comme une victoire sur l'aveuglement, dépouillé des
archaïsmes et des tabous d'antan, le nouveau modèle social de la rupture
conjugale s'organise autour de valeurs positives: le droit de se tromper et de recommencer, le droit à la liberté, le
droit à plusieurs existences amoureuses successives puisque l'espérance de vie
ne cesse d'augmenter et atteint aujourd'hui 78 ans pour les hommes et 85 ans
pour les femmes. Tant pis si l'on s'apprête parfois, en repartant de zéro, à
retomber dans les mêmes ornières: tout attendre de l'autre jusqu'à l'absurde.
Pas question de soupirer comme Céline, 45 ans; "Henri n'est pas l'homme
idéal, mais j'ai compris que l'homme idéal n'existait pas." Hier, on
l'aurait jugée pleine de sagesse. Aujourd'hui on plaint sa résignation.
L'essentiel est de s'oxygéner, c'est parfois une libération.
Nettoyé de toute pénalisation
Le bonheur aujourdh'ui, c'est l'amour,
critère absolu. Pascal Bruckner, dans son livre, raconte brillamment à quel
point, dans notre culture occidentale, on demande trop à l'amour, "qu'il
nous ravisse, nous ravage, nous rachète" tout en concluant qu'il
demeure " cette part de l'existence que nous ne maîtrisons pas, rétive
aux embrigadements, réfractaire aux idéologies." Ce paradoxe voue
l'institution conjugale au périssable, puisqu'elle se fonde sur le seul culte
du sentiment fort, transparent et authentique. Une exigence amoureuse, cruelle
et entière, qui bien qu'elle fragilise, suscite désormais l'indulgence
collective. La
société bénit les désunions de ceux qui ne s'aiment plus, au nom de la vérité
des sentiments présents et pour donner une chance à ceux de demain.
"Le droit de la famille est de
moins en moins conçu comme un droit du couple et de plus en plus comme un droit
de l'individu," observe le juriste Hubert Fulchiron, patron du Cebtre
du droit de la famille à Lyon. " Par exemple, hier, le nom de famille,
c'était le symbole du clan. Aujourd'hui c'est celui qu'on choisit, explique
Christine Bidaud-Garon, autre juriste lyonnais. La volonté individuelle a
supplanté l'intérêt du groupe." En 1975, la réforme du divorce avait
fait l'objet d'une bataille homérique, rappelle-t-elle. Trente ans après, on a
voté sans susciter de vagues un divorce nettoyé de toute pénalisation. Celui
qui impose une séparation à l'autre n'est plus obligé d'en endosser les
conséquences. La prestation compensatoire éventuellement versée au conjoint est
dissociée de toute idée de faute. On a allégé les procédures. On les a
raccourcies. Et tout misé sur le consentement
mutuel.
Outil a double tranchant
1. Tous les couples ne correspondent pas au modèle en vogue et, pour ceux qui vont perdre le fragile équilibre conquis en se serrant l'un contre l'autre, le divorce est un outil de liberté à double tranchant. Ce sont les plus diplômés, les plus aisés, les plus urbains, qui bénéficient majoritairement de la procédure courtoise du consentement mutuel: 77% des divorces à Paris et 69% à Lyon, selon une récente étude du ministère de la Justice, pour 55% dans l'ensemble de la France. Un signe: un candidat au divorce sur quatre obtient l'aide juridictionnelle, les plus modestes evidemment. Or, on retrouve les traces de cette assistance financière de l'Etat en priorité dans les divorces contentieux (les deux tiers) et dans les trois quarts des divorces pour faute. Le divorce light, c'est pour les nantis.
"Le tableau idyllique qu'on
nous a vendu, je le vois une fois sur 10, constate Nathalie Couzigou-Suhas,
notaire experte en matière familiale. Le divorce, c'est toujours une
douleur, une fragilisation et une baisse de revenus". Dans son
cabinet, "balcon du désordre familial", selon son expression
M° Weiss-Gout soupire:"Tout l'effort de la société a tendu à
déculpabiliser les gens qui veulent divorcer. On dit qu'il faut aller vite, on
ne veut plus qu'ils soient malheureux. Mais mon expérience de cabinet, ce n'est
pas ça. Le vécu réel des gens, qu'ils soient à l'initiative de la rupture ou
qu'ils la subissent, c'est de la souffrance. Ils brûlent d'aller vite pour se
débarrasser de cette souffrance."
L'avocate Pascale Lalère suggère
parfois aux couples en crise de vivre séparément avant de prendre une décision
de divorce. Elle l'a dit, par exemple, à ce client qui veut retrouver sa
liberté car il ne supporte plus le désintérêt de sa femme, qui fait chambre à
part et file en vacances avec leur fils sans l'avertir. "Je ne suis pas
sûre qu'il saisisse à quelle solitude il va s'exposer en rompant." En
contrepoison, M° Weiss-Gout préconise de proposer aux futurs ex de commencer par
signer "un pacte de famille, " papier sans valeur juridique, par
lequel ils s'engagent à se donner un délai de réflexion – de six à neuf mois –
avant de passer à l'action. Un bon
divorce à l'amiable est un divorce solidement et longuement préparé, ce qui
n'est pas à la portée de toutes les bourses. Le consentement mutuel ne tombe
pas du ciel. "Dans 99% des situations, c'est une solution raisonnée, un
compromis travaillé dans le bureau des avocats, le fruit de notre
travail." assure M° Poyvet-Leclerc. Elle précise drôlement: "Quand
on a fait deux martyrs, on a réussi notre mission."
A nouveau divorce, clientèle nouvelle.
Deux catégories de couples se mettent à exploser: les jeunes, qui craquent
après quelques années de vie commune, et un
gros contingent de 50-58 ans, mais aussi de retraités récents, qui secouent
les dés avant qu'il ne soit trop tard. Récemment, un client de Nathalie
Couzigou-Suhas est arrivé dans son bureau suivi de son épouse en larmes. "C'était
prétendument un divorce par consentement mutuel!" s'indigne la notaire
parisienne.
Elle affirme qu'une partie de la
population est sacrifiée,"ces femmes de 50 ans qui n'ont pas d'activité
professionnelle, dont les gosses sont élevés, et qui se retrouvent sur le
carreau." La prestation compensatoire
n'est plus destinée, comme la pension alimentaire d'antan, à perpétuer un lien
de solidarité tout au long de la vie. Désormais versée sous la forme d'un
capital, en huit ans au maximum, elle est supposée aider le plus faible à
repartir d'un bon pied, et lisser les disparités du patrimoine. Une prestation
décrétée dans 17% des affaires à Lyon, où Aurélien Molière prépare sa thèse de
droit sur le sujet, et dont, dit-il, le montant très variable selon les
chambres est fixé au bon vouloir du juge, qui doit "jouer les
prophètes, anticiper sur l'avenir de l'un et de l'autre et leurs chances de
remariage." Autant dire au doigt mouillé.
Le
divorce est un sale moment à passer par temps de crise. Une fois la porte
claquée, on se retrouve dehors. Le marasme immobilier règne. Et l'on a pas de
solution sauf rentrer vite fait à la maison et camper sur un canapé. C'est ce
qui arrive à Bruno, 32 ans, un enfant, qui a fini par se marier au bout de cinq
ans de vie commune et qui, quinze jours après -un nouveau classique- a compris
son erreur et annoncé à sa femme qu'il voulait divorcer. C'était en juin.
Depuis, tous deux cohabitent, elle dans la chambre, lui dans le séjour. Il n'a
pas les moyens de payer un loyer de plus. Jérôme, lui, sait que la
cohabitation, bruissante de tensions s'éternisera jusqu'au prononcé du divorce
et la liquidation des biens. "Pour nous deux, c'est infernal,
admet-il. Pour les enfants, ce n'est pas si mal comme transition."
Le couple durable est écolo
Certains retournent vivre chez papa-maman,
le temps de se refaire. D'autres, restés dans l'appartement conjugal, font
durer la procédure dans l'espoir de gagner quelques mois de confort."on
a des maisons gelées à cause de ça, témoigne France Bonfils, agent
imobilier dans le Vaucluse, Certains freinent les visites. Ce n'est jamais,
ni le jour, ni la bonne heure. On finit par se décourager. Mais il est vrai que
ce n'est pas facile de quitter une belle maison avec vue, pour se retrouver
seul(e), sans emploi avec trois enfants dans une HLM." Les divorces
représentent entre un quart et un tiers des portefeuilles des agences
immobilières et cette proportion tend à augmenter."Mais il est faux de
dire que les gens attendent pour vendre que la conjoncture soit meilleure, affirme
Philippe, agent immobilier dans le Sud-Ouest. On voit plutôt l'inverse. Les
gens finissent par brader à n'importe quel prix tant ils en ont marre de la
procédure de divorce. Ils veulent tout solder vite, leurs biens comme les
conflits." Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'acheteur. "J'ai
des dossiers dans lesquels le divorce a été prononcé, mais on n'arrive pas à
liquider le régime matrimonial faute d'avoir vendu, raconte une avocate
parisienne. Ils ont souvent acheté cher. Ils ont un emprunt sur le dos, pas
les moyens de racheter la part de l'autre." Comme Louise, la
cinquantaine, dont le mari l'a quittée pour sa secrétaire. Elle a eu un cancer
du sein, l'assurance lui refuse un prêt pour racheter sa part de l'appartement
conjugal qu'elle a dû quitter une fois le divorce prononcé. Parfois, on renonce
provisoirement à la vente de l'appartement commun: on s'arrange en attendant,
on bricole un accord. Encore faut-il s'entendre.Mais on ne renonce pas à
divorcer. Au grand jamais.
"Qu'on soit mariés ou concubins,
la décision de se séparer est indépendante de la question financière,
affirme la juge Dominique Salvary. Et la crise économique ne freine
personne. Au contraire, elle agit plutôt comme un accélérateur de désamour et
genère des séparations." Selon un sondage réalisé au début de 2009 à
la demande de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie
et de travail, 56% des européens pensent que la crise économique et financière
va affecter leur situation personnelle dans les cinq années qui viennent.
Alors, evidemment, stress professionnel, menaces de licenciement, chômage ou
endettement polluent l'atmosphère conjugale. Selon Anne Solaz, chercheuse à
l'Ined, "le couple pâtit de l'incertitude et de l'horizon de vie limité
par l'instabilité professionnelle d'un des conjoints." Un licenciement
survenant dans les premières années de vie commune fragilise le couple et
augmente le risque de rupture quand l'homme en est victime."Le chômage
des femmes, lui, n'est perturbateur
qu'une fois la phase de début de couple passée, et seulement pour les moins de
30 ans."
Fruit d'un déséquilibre, la séparation ne résoud rien
financièrement. C'est le contraire, toutes les études le démontrent. Outre les
dégâts psychologiques qu'il traduit ou provoque, le divorce est inéluctablement
sanctionné par un appauvrissement économique. C'est mathématique. Il faut tout
multiplier par deux, le loyer, les charges, les factures de gaz et
d'électricité, les impôts locaux, la voiture si on vit en banlieue, les heures de
nourrice ou de baby-sitting. Au point qu'un chercheur américain de l'université
du Michigan, Jianguo Liu, a analysé les données venues de 12 pays et a conclu
que pour les seuls Etats-Unis, les couples divorcés accroissent gravement leur
empreinte écologique puisqu'ils dépensent en moyenne 53% d'électricité et 42%
d'eau de plus que s'ils étaient restés mariés.. En résumé, seul le couple
durable est écolo.
"La rupture conjugale, c'est
l'éclatement d'une TPE, une très petite entreprise", observe l'avocate
Hélène Poyvet-Leclercq, spécialiste du droit de la famille. Soit Alain, qui
gagne 2500E par mois, et Aurélie qui en touche 1600. A eux deux, ils disposent
donc de 4100E. Une fois les 1200E de loyer payés, il leur reste 2900€ pour
vivre et élever leurs deux enfants. S'ils se séparent, il va verser une pension
de 400 à 800 E. Chacun vivra avec 2000E et devra se reloger."Financièrement,
c'est un sinistre, et c'est encore pire en cas de Pacs ou d'union libre car
rien n'est prévu pour protéger le plus faible."
La
rupture précipite souvent les plus mal lotis dans la pauvreté. Les offices
HLM sont submergés de demandes émanant de familles monoparentales. Selon Anne
Solaz, les hommes qui se séparent de leur moitié multiplient par deux le risque
de tomber au chômage (4% au lieu de 2%). S'ils sont déjà sans emploi, ils ont
nettement plus de mal à en trouver un. Certains deviennent SDF. C'est un cercle
vicieux. Les femmes inactives, elles aussi, sont "très pénalisées",
surtout si elles ont des enfants. La moitié d'entre elles renonce à trouver un
emploi. Elles galèrent entre pensions alimentaires et prestations sociales.
Plus ou moins gravement, la baisse de
niveau de vie frappe tout le monde dans tous les milieux. Mais d'abord les
femmes. Une idée qui ne colle guère avec le modèle idéal du couple moderne
égalitaire. Pourtant, c'est un fait. Certes 65% des femmes travaillent (pour
74% des hommes), et même 82% des 25-49ans. Mais ce sont elles qui occupent 82%
des emplois à temps partiel, et elles constituent 80% des 3,2 millions de Français gagnant moins que le
Smic. A poste égal, elle gagnent en moyenne 27% de moins que les hommes. Et
quand elles ont des enfants petits,
elles ne sont plus que 62% à travailler. Conclusion: elles ont
généralement beaucoup plus à perdre que les hommes."D'autant que les
trois quarts assument l'essentiel de la garde des enfants, précise Anne
Solaz, et qu'elles ont plus de frais que les maris, même si les pensions
alimentaires sont censées compenser." Selon une étude du chercheur
néerlandais Wilfred Unnk, le revenu médian des françaises décroîtrait de 32%
après un divorce et cette baisse de revenus serait l'une des plus élevées
d'Europe, juste après le Royaume-Uni. Pour les hommes, au contraire, il n'y
aurait pas de dégradation. On observerait plutôt à long terme, en moyenne, une
hausse du niveau de vie!
Dégringolade à venir
Certaines femmes, d'ailleurs, hésitent
devant la dégringolade qui les attend. Comme Carole, 45 ans, deux enfants, qui
préfère garder son mari à qui elle ne parle plus depuis dix ans, dans son bel
appartement du vi° arrondissement de Paris, plutôt que de tout casser et perdre
un confort de vie qu'elle ne retrouvera pas. Mais beaucoup, dans le feu de la
passion n'anticipent pas un désamour futur lorsqu'elles décident de renoncer un
temps à leur carrière pour élever leurs petits. "Je suis terrorisée de
voir énormément de jeunes femmes de 32 à 40 ans s'arrêter de travailler pour
voir grandir leurs enfants ou pour suivre leur mari à l'étranger alors qu'elles
sont archidiplômées, soupire M° Poyvet-Leclerc. Quand le divorce
survient, elles ont perdu de huit à dix ans de points de retraite, et ont du
mal à se recaser avec deux ou trois enfants. En plus, ces gourdes se sont
laissé marier sous le régime de la séparation de biens alors que le régime de
la participation aux acquêts, plus égalitaire, devrait être automatique!"
Ainsi Patricia, qui sanglotait récemment dans son cabinet. "Elle a
occupé des postes très prestigieux à Paris, puis elle a tout lâché pour partir
en Asie avec son mari. Au retour, elle s'est retrouvée sans emploi, avec quatre
enfants, et un mari qui l'a plantée là."
Bien qu'elles aient rarement intérêt
financièrement à rompre un couple fondé sur la solidarité, dans le Pacs comme
dans le mariage, ce sont pourtant les femmes qui prennent l'initiative dans 68%
des requêtes unilatérales. "Et quand ce n'est pas l'épouse, c'est la
maîtresse qui accélère le processus", précise l'avocate Béatrice
Weiss-Gout, qui anime la commission de droit familial au Conseil des barreaux
européens. Les hommes, observe-t-elle,
s'accomodent plus facilement des situations peu claires. Quoi qu'il en
soit, selon les juges, les couples expliquent immanquablement leur explosion
par l'amour et la trahison. "Pourquoi
cette course frénétique au nirvana? s'exclame M° Lalère qui les défend pourtant. On n'est pas obligé
d'avoir une conception sacrificielle du mariage, mais, sans effort, la vie à
deux est impossible. On imagine qu'en changeant de conjoint on résoudra tout.
Faux: il y a toujours un vendredi." Même quand on se quitte un
samedi. J.R.