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Mai 2012
DIEU ET LA SCIENCE
Christophe DORE
Le Figaro
Magazine – 19 février 2011
« Y a-t-il
un grand architecte dans l’Univers ? Non, répond le célèbre astrophysicien Stephen Hawking
dans un livre événement paru aux
éditions Odile Jacob . Une théorie très
contestée. Scientifiques, philosophes et croyants lui répondent.
« Pourquoi
y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » La question du
philosophe et mathématicien Gottfried Wilhelm Leibniz fera l’actualité dès
jeudi prochain avec la sortie en France du dernier livre de l’astrophysicien
Stephen Hawking, « Y a-t-il un grand architecte dans
l’Univers ? » (Odile Jacob).
Ce retour sur le devant de la scène
d’une interrogation métaphysique remontant au XVIIe siècle peut paraître
surprenant. Au-delà d’élever le débat face à nos tracasseries quotidiennes, la
fin des soldes ou le casting de la saison 2 de « Masterchef » (TF1),
la question s’inscrit dans une tendance qui se fait jour dans la communauté
scientifique.
Stephen Hawking a aujourd’hui une double conviction. Les
chercheurs doivent non seulement répondre à la question « Comment
l’Univers évolue ? » mais aussi à celle-ci : « Pourquoi il
y a un Univers ? » Il n’est pas le seul à penser ainsi.
Le pacte qui voulait que les sciences
répondent au « comment », laissant les religions régler le problème
du « pourquoi », n’aurait plus de raison d’être tant la recherche se
frotte aujourd’hui à l’essence même de notre monde.
La frontière longtemps respectée est en train
de céder en laissant sur le bas-côté les philosophes.
Dès le deuxième paragraphe de son
introduction, Stephen Hawking leur règle leur compte : « La philosophie est morte, faute d’avoir
réussi à suivre les développements de la science moderne, en particulier de la
physique »
« Donc… ça c’est fait ! » diraient les
ados. Mais le célèbre astrophysicien britannique qui occupe à Cambridge la
chaire historique d’Isaac Newton n’en reste pas là. « C’est à la question ultime de la vie, de l’Univers et de Tout, à
laquelle nous essaierons de répondre dans cet ouvrage » résume-t-il.
On se doutait qu’Hawking n’avait pas
pris la plume pour expliciter l’art difficile de trier son linge avant lavage,
mais l’entreprise est pour le moins ambitieuse.
Lors de sa parution dans sa version
anglaise « The Grand Design », l’ouvrage a provoqué une levée de
boucliers impressionnante. Archevêques anglicans et grands rabbins, évêques
catholiques ou imams, mais aussi athées intègres lui sont tombés dessus à
propos raccourcis. « La physique ne
peut pas répondre à elle seule à la question « Pourquoi il y a
quelque chose plutôt que rien » », reprochent certains au
cosmologiste cloué par une maladie dégénérative dans un fauteuil roulant depuis
ses années universitaires. « Le
discours métaphysique vers lequel glisse Hawking n’est pas sérieusement
étayé », critiquent d’autres.
Ses collègues astrophysiciens ne
l’épargnent pas non plus. Selon eux, Hawking n’apporte pas de choses nouvelles
par rapport à l’un des plus grands succès de la littérature scientifique, Une
brève histoire du temps, ouvrage de vulgarisation qu’il a publié en
1989. Voire, il se contredit.
Il n’empêche, en donnant une réponse
intellectuellement séduisante à la création du monde, le livre de Stephen
Hawking trouve une résonnance toute particulière sur cette éternelle question
qui oppose Dieu et les sciences. Selon lui, l’Univers – ou plutôt les Univers –
n’ont pas besoin de créateur puisque les lois de la gravitation et celles de la
physique quantique fournissent un modèle d’Univers qui se créent eux-mêmes.
Cette théorie, appelée M-théorie, présente tout de même un défaut majeur :
elle reste à prouver, ce que reconnaît Stephen Hawking.
Autre nuance : elle n’est pas la seule
théorie aujourd’hui défendue par les cosmologistes sérieux. Dans son Discours
sur l’origine de l’Univers (Flammarion), le physicien Etienne Klein
rappelle que, à bien les examiner, « les
perspectives que nous offre la cosmologie contemporaine sont plus vertigineuses
que ce que nous avons imaginé ».
Il raconte aussi cette anecdote selon laquelle
le pape Jean-Paul II, en recevant Stephen Hawking au Vatican, lui aurait
déclaré « Nous sommes bien d’accord,
monsieur l’astrophysicien. Ce qu’il y a après le big bang c’est pour vous, et
ce qu’il y a avant, c’est pour nous. »
C’était sans doute oublier que la curiosité
des hommes est sans limite. Dieu n’est dorénavant plus tabou chez les
scientifiques, qu’il s’agisse de l’effacer des possibles ou de prouver son
existence.
Jean Staune est un grand défenseur de ce
débat. Ce catholique, professeur et directeur de la collection « Science
et religion » des Presses de la Renaissance, a le sens du slogan et
affirme que « Dieu revient très fort ! »
Loin de tuer l’idée d’un dieu, les sciences
modernes et les questions qu’elles soulèvent se confrontent de plus en plus à
l’hypothèse d’un grand créateur, affirme-t-il. S’il n’adhère pas aux
conclusions de Stephen Hawking, il respecte la démarche du savant.
Les frères Bogdanov, auteurs du
best-seller Le Visage de Dieu, surfent aussi sur cette thématique. Le titre
de leur ouvrage, inspiré d’un mot de l’astrophysicien George Smoot (prix Nobel)
lorsqu’il découvrit les premières images du fond de l’Univers, est explicite.
Ces croyants affirment déceler, dans le
rayonnement cosmique et le réglage fin de l’Univers, l’existence d’un créateur.
Pour son second volet, cette théorie est en partie empruntée à l’astrophysicien
américain Trinh Xuan Thuan. Bouddhiste, il défend l’idée d’un principe créateur
se manifestant dans les lois physiques de la nature.
Cette vision panthéiste est proche de
celle de Spinoza ou d’Einstein. « Je
crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l’ordre harmonieux de ce qui
existe, et non en un dieu qui se préoccupe du sort et des actions des êtres
humains » écrivait ce dernier en avril 1929 au rabbin Herbert
Goldstein de New York.
Dans les propos, nous voilà bien loin
des principes du père du déterminisme scientifique, Laplace. Celui-ci répondit
à Napoléon qui l’interrogeait sur la question de Dieu et de
l’Univers : « Sire, je
n’ai pas besoin de cette hypothèse. »
S’interdisant de s’interdire, des
scientifiques du XXIe siècle lui répondent aujourd’hui : une hypothèse
plutôt que rien. Stephen Hawking en fait partie.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Jean STAUNE [1]
« L’hypothèse d’un créateur est scientifique »
Jean
Staune est philosophe des sciences. Secrétaire général de l’université
interdisciplinaire de Paris (UIP), ayant
dirigé des ouvrages auxquels de nombreuses personnalités scientifiques (dont 11
prix Nobel) ont contribué, ce catholique milite pour un dialogue entre sciences
et religions. Pour lui, la science pose ouvertement la question du sens.
La théorie de Stephen Hawking vous paraît-elle crédible ?
J’ai envie de vous répondre par une
histoire. Vous êtes devant un peloton d’exécution et vous devez logiquement
mourir. M ais vous êtes toujours vivant
après les détonations. Quelle est votre première réaction ? Vous vous
dites que vous avez eu un coup de chance extraordinaire. Dans le peloton,
un des tireurs a été piqué par une
mouche, un autre a oublié ses lunettes, ils ont tous tiré à côté ! Puis
s’impose à vous l’idée qu’une telle chance n’est pas possible – sauf s’il y
avait des milliards de pelotons d’exécution, auquel cas, l’un d’entre eux
pourrait rater sa cible. Il a dû y avoir un complot. Le parti de la résistance
auquel vous appartenez à soudoyé les tireurs pour tirer à côté. Dernière
possibilité : un ami s’est glissé dans l’armurerie, il a échangé les
balles contre des balles à blanc. Avec cette histoire, vous avez un bon résumé
des hypothèses sur la création de l’Univers.
C’est assez obscur pour l’instant…
Vous trouvez ? Tout commence avec
un principe appelé anthropique (d’anthropos,
l’« homme » en grec).
Les scientifiques se sont rendu compte que si
l’on change quoi que ce soit dans les constantes fondamentales de l’Univers,
aucune forme de vie et encore moins de conscience ne peut s’y développer.
Face à cette découverte, que personne ne
conteste, il n’y a que trois solutions que je vous ai décrites avec mon
histoire.
Première solution, il existe des milliards
d’univers parallèles et statistiquement l’un d’entre eux a pu « gagner au
loto », créer la vie en ayant juste la bonne vitesse d’expansion, la bonne
gravitation, la bonne masse du proton, etc.
La deuxième solution, c’est celle du complot
où l’on a payé un à un les tireurs pour qu’ils ratent leur cible : un
principe créateur a effectué un réglage fin de toutes les constantes
fondamentales de notre Univers pour qu’il soit ce qu’il est. Enfin, la
troisième solution, c’est qu’il existe une théorie d’unification expliquant la
valeur de toutes les constantes fondamentales de l’Univers (ce qui correspond à
l’hypothèse des balles à blanc : il y a une cause commune à l’échec des
tireurs)… Stephen Hawking défend les première et troisième options.
Et qu’est-ce qui vous gêne dans cette dernière option ?
Dans Une
brève histoire du temps, Stephen Hawking reconnaissait que s’il existait une
théorie du Tout, le problème se poserait de savoir « ce qui a insufflé le feu aux équations », c’est-à-dire qui a
mis les balles à blanc dans l’armurerie ? L’existence éventuelle d’une
théorie de grande unification ne suffit pas à éliminer la question d’un
créateur.
Par contre, s’il y a une infinité
d’univers parallèles, alors oui, l’hypothèse d’un créateur n’est plus utile.
Il y a une autre contradiction chez
Hawking : il dit qu’une théorie scientifique doit être confrontée à la
réalité, or, l’existence d’univers parallèles, qu’il soutient, ne peut jamais
être testée puisque nous ne voyons, par définition, que notre univers.
Stephen Hawking évoque une création
spontanée de ces univers. Mais sans en apporter la moindre preuve
. De plus, la théorie d’unification
qu’il défend (la M-Théorie) est très, très loin d’être vérifiée.
Lee Smolin a écrit un livre à ce sujet, Rien
ne va plus en physique ! (Editions Dunod). Pour lui, la M-Théorie
n’existe pas encore vraiment. Et si elle existe un jour, rien ne dit que nous
pourrons la tester.
Ces réponses sont donc à la fois contradictoires
et insuffisantes. C’est la science elle-même et non la théologie qui pose la
question de l’existence d’un créateur. Comme elle n’impose aucune des trois
réponses que nous avons décrites ici, il est antiscientifique d’affirmer que la
science permet de se passer d’un créateur.
Etienne KLEIN
« Dieu
n’est pas réfutable par la science »
Le directeur du laboratoire de recherche sur les sciences de la
matière du CEA s’interroge sur l’idée d’une théorie pouvant synthétiser la
création de l’Univers.
Il y a quelques années, Stephen Hawking
nous expliquait que nous pourrions bientôt connaître « la pensée de Dieu » (Une brève histoire du temps, Flammarion,
1989) grâce aux progrès de la physique. La pensée de Dieu ? Bigre !
comme s’il allait de soi que Dieu « pense », et qu’une équation
pourrait révéler sa pensée ! Qui peut honnêtement promettre que la
physique nous mènera aussi loin ?
Dans The
grand design, Stephen Hawking rompt avec ses positions précédentes : « L’Univers n’a pas eu besoin de
créateur, conclut-il. En raison de la
loi de la gravité, l’Univers peut se créer de lui-même, à partir de
rien. » Faut-il comprendre que dans le « rien » dont il est
ici question se trouvait déjà la loi de la gravitation, de sorte que –si les
mots ont un sens – ce rien n’était pas tout à fait rien ? Mais pourquoi ne
pas dire alors que c’est la loi de la gravitation qui fait office de Dieu
créateur ? Une bonne chute dans les escaliers deviendrait du coup une
expérience authentiquement transcendantale, une sorte d’action de grâce…
L’incohérence du propos vient également
d’ailleurs : Hawking s’appuie sur la théorie des supercordes, dont les
principes permettent de prédire l’existence de la gravitation sans la postuler
dès le départ. Mais alors, comment la gravitation peut-elle lui apparaître
comme première par rapport à l’Univers (c’est elle qui le crée), alors même que
le statut de cette force au sein de la théorie à laquelle il se réfère n’est
que secondaire (au sens où elle est dérivable de principes plus fondamentaux qu’elle-même…) ?
La croyance en Dieu n’est pas réfutable
par la science (ni d’ailleurs démontrable). Car pour démontrer l’existence que
Dieu n’existe pas, il faudrait savoir très précisément qui Il est, dire quels
sont les attributs de cet être dont on dit qu’il n’a pas de réalité. Or,
comment connaître Dieu s’Il n’existe pas ?
[1]
Notre
existence a-t-elle un sens ?
Presses de la Renaissance 2007
La science en otage Presses de la Renaissance 2010