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Myarka : Mon amie (78 ans) a subi depuis 3 ans : la perte
de son mari qu'elle aimait, un procès sans fin avec ses beaux-fils qui
contestent l'héritage, trois déménagements, etc. Ces derniers temps, elle
est très souvent malade : troubles intestinaux, angine, bronchite. Elle
mange très peu, ne dort pas sans somnifère et se sent constamment fatiguée.
J'essaie de la convaincre de voir un neuro-psy. Elle refuse catégoriquement
sous prétexte que tous ses maux ne sont que physiques. Pourtant mes amies
lui trouvent l'air triste et j'ai l'impression qu'elle baisse les bras
devant les nombreux avatars auxquels elle doit faire face. Comment l'aider
?
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Pr Piette : Votre amie présente un ensemble de symptômes qui
peuvent effectivement correspondre à un état dépressif. Le mot de
psychiatre fait encore peur à tort à beaucoup de gens. Mais la prise en
charge des états dépressifs du sujet âgé, notamment les consultations et
hôpitaux de jour de gériatrie sont tout à fait à même de réaliser cette
prise en charge. Ils comportent le plus souvent dans leurs effectifs un
psychiatre spécialisé en gériatrie, ce qu’on appelle un géronto- psychiatre
ou un psychogériatre ! L’avantage d’un hôpital de jour gériatrique est de
permettre en un seul jour le bilan des maladies somatiques et l’approche
psychologique. Le traitement d’un état dépressif éventuel est sauf
exception effectué au domicile.
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BABARD : La semaine passée, France2 déclarait que 70% des
vieux vivent actuellement seuls et abandonnés, le résultat d'une société de
plus en plus individualiste. D'autre part, la dépression n'est pas
seulement liée à une cause d'abandon ou de solitude... ou d'âge ! Un bon
antidépresseur et "voilà, le problème est réglé" vous dit-on !
Car le milieu médical n'a plus cette écoute du patient ! Où sont passés les
"médecins de famille" de notre jeunesse ? On essaie de soigner
mais on ne cherche pas la cause, que ce soit pour une dépression ou une
toute autre maladie. Ne parlons pas de cette remarque : "votre
problème, c'est psychologique", et le tour est joué, la solution
trouvée.... pour le médecin. Quant au patient, il repart de cette
"consultation", culpabilisé ! Comme le déclarait un Professeur de
Faculté de Médecine à ses internes : "SI VOUS NE CHERCHEZ PAS VOUS NE
RISQUEZ PAS DE TROUVER". Evident mais il faut encore le vouloir et
PRENDRE SON TEMPS ! Qu'en pensez-vous docteur ?
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Pr Piette : Le nombre de médecins a augmenté mais les
demandes des patients ont augmenté aussi. En outre chez les jeunes
médecins, la motivation pour travailler 15 heures par jour et plus, comme
"le médecin de famille" d’autrefois, s’est un peu estompée. Donc,
vous avez raison les médecins ont souvent moins de temps qu’avant pour
chaque consultation. A mon avis l’expression "votre problème c’est
psychologique" n’est pas une conclusion, c’est une ouverture car le
vrai challenge c’est de débarrasser le patient "du problème".
Ça ne passe pas systématiquement par un médicament mais parfois par de la
gymnastique, du yoga et autres méthodes de ce type, une psychothérapie etc…
Malgré tout, les antidépresseurs ne doivent pas être trop mis à l’index car
beaucoup de sujets âgés se suicident parce qu’on n’a pas reconnu leur
dépression.
tikileon : Bonjour, le suicide me travaille de plus en plus
car étant actuellement demandeur d'emploi de plus de 50 ans les portes se
referment à la vitesse grand V; donc l'accumulation des retours de
courriers avec des réponses négatives. La vision de l'avenir que nous
offre notre pays mis en péril pour le bien être de certains, la vision de
finir ma vie dans la rue m'oppressent. La dépression est à ma porte, je
n'en dors presque plus. Le suicide me semble parfois être une solution.
Le seul lien actuel qui m'empêche de passer à l'acte pour l'instant est
que mon épouse se retrouverait sans ressources. Mais combien de temps
vais-je encore tenir ?
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Pr Piette : Bien que spécialisé en gériatrie, donc
concerné par les patients de plus de 75 ans, je ne peux qu’être sensible
à votre détresse. En plus de la situation financière de votre épouse vous
devez penser à tous ceux qui sont peut-être encore vivants, vos enfants,
vos amis. Vous devez aussi donner de vous-même, sans doute allez-vous me
dire que vous attendez plutôt qu’on vous donne un emploi, une aide, etc. Mais
s’occuper y compris bénévolement dans une association ou dans un lieu de
culte, c’est une façon de dépasser votre détresse. Ceci étant dit, vous
devez aussi consulter car votre cas relève peut-être de médicament et ou
de psychothérapie.
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alima62 : Bonjour Docteur, je pense que la dépression
est une maladie délicate à repérer et à soigner surtout quand il s'agit
de nos aînés. Et je suis persuadé que le médecin de famille n'est pas
armé pour soigner ce genre de problème. Il peut diagnostiquer, et traiter
les symptômes (prescription d'anti dépresseur, par exemple)... pour
traiter le fond et la cause du problème, il me semble plus prudent de
faire appel à un spécialiste ! Attention, je ne pense pas que le corps
médical soit moins à l'écoute qu'avant comme en témoigne le récent
développement des soins palliatifs par exemple... mais face à cette
maladie et à des personnes d'un certain âge, l'accès à la maladie,
l'analyse du problème et le traitement demandent des connaissances
spécifiques. Mais comment faire quand le premier interlocuteur de ces
mêmes personnes âges - voire des familles - est justement ce médecin
généraliste souvent mal formé pour affronter ce genre de problème et être
une vraie aide pour le malade comme pour la famille.
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Pr Piette : Le médecin généraliste n’a pas dans beaucoup
de cas tous les torts que vous lui prêtez.
Beaucoup d’entre eux ont suivi des formations à la gériatrie. Il est
possible aussi que le médecin généraliste prenne en charge les patients
déprimés âgés en liaison avec une structure gériatrique comme un hôpital
de jour gériatrique qui dispose souvent dans ses effectifs d’un
psychiatre spécialisé pour les personnes âgées qu’on appelle un
gérontopsychiatre ou un psychogériatre. Il existe une disposition qui permet
à chacun de choisir son médecin traitant. Si quelqu’un est insatisfait de
son généraliste, tous ne sont pas parfaits !-notamment s’il n’accepte pas
cette idée de travailler en filière avec un autre spécialiste ou un
hôpital de jour- il reste la possibilité d’en changer !
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mamilou : Bonjour, mon père a 82 ans et il est encore
en bonne santé pour son âge même si les douleurs de l'âge sont bien là
(problème de prostate, de vue, douleurs articulaires...). Mais depuis
quelques années, il est de plus en plus dépressif. Un état qui s'accentue
avec les saisons : l'automne et l'hiver sont visiblement des périodes
très dures pour lui. Il me dit souvent que l'hiver sont des beaux jours
pour mourir. Il dit aussi que certains matins il n'a pas envie de se lever...
Il parle souvent de mourir. Il dit aussi que la mort ne lui fait pas peur
ou plus peur. Ma soeur et moi nous l'entourons beaucoup et notre maman
est toujours à ses côtés mais nous avons souvent l'impression que nous ne
l'aidons pas. Au mieux, nous l'agaçons mais nous ne semblons pas le
soulager et lui rendre une certaine joie de vivre. Seuls les mariages de
ses petits-enfants et la naissance de son premier arrière-petit-fils lui
a rendu une étincelle mais cette joie est vite retombée. Que peut-on faire
au quotidien pour l'aider ? Que peut faire notre médecin de famille ? Ce
dernier ne semble pas prendre les choses au sérieux. Il a vaguement parlé
d'anti-dépresseur mais sans conviction... Les années passant et la
situation se dégradant petit à petit, que peut-on faire ? Merci d'ouvrir
ces espaces d'interrogations.
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Pr Piette : Votre père a probablement une dépression
saisonnière. Il a besoin de soleil, de lumière et ses petits et arrières
petits-enfants sont ses soleils. Sans doute a-t-il réellement besoin de
médicament antidépresseur. Peut-être a-t-il aussi besoin de liberté, de «
prendre des risques », peut-être son environnement familial est-il trop
rationnel, trop sécuritaire, trop protecteur ? Quelqu’un (son médecin
traitant et ou son épouse par exemple..) s’est-il posé le problème de sa
sexualité ? A-t-elle disparu ? Ceci lui atteint-il le moral ? Les
hôpitaux de jour gériatriques sont là, si nécessaire, pour faire le bilan
de ses troubles somatiques et entreprendre les actions psychologiques
utiles (médicaments, psychothérapie etc.) Ceci étant dit quand tout a été
mis en œuvre, il reste un lot de patients qui veulent ne plus lutter et
dont il faut respecter la volonté. Mais j’ai l’impression que pour votre
père, tout n’a pas été mis en œuvre, loin de là !
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